Genome-wide et worldwide ?
On peut de nos jours analyser les variations dans des populations humaines sur l'ensemble de leur génome : Genome-wide et pour de nombreuses populations worldwide. Il y a sans doute un effet de mode et des titres impressionnants avec "des millions de ...".
"Une nouvelle étude se penche sur les changements dans les gènes et les migrations des populations sur tout le globe. Pour la première fois, toutes les populations ont été soigneusement étudiées, et plus d'un demi million de points de divergence sont couverts. Les résultats viennent renforcer la thèse d'une migration à partir de l'Afrique."
(
Source Questions-science.com (fr))
Une nouvelle technique , une nouvelle mode ?
Néanmoins chaque fois qu'une nouvelle technique rend possible de nouvelles expériences, on voit bien que notre manière de comprendre le domaine en ressort irréversiblement changée. Les énormes bases de données génomiques, notamment celles sur les différences inter-individuelles (DbSNP, HapMap, etc), la formidable accélération du séquençage, les outils de traitement informatique et statistique ont rendu possible un glissement d'une vision DU génome humain (comme si il était unique !) à la comparaison DES génomes de différents individus et finalement de populations.
La biologie change... avec les technologies ! La
BIST permet ici aussi des approches plus exhaustives et les publications abondent ! D'un côté il faut savoir prendre de la distance, laisser l'excitation retomber pour distinguer l'important de l'anecdotique. D'un autre côté il ne faut pas laisser passer l'occasion de susciter l'enthousiasme chez nos élèves !
Voici une petite sélection commentée spécialement pour vous avec les liens pour approfondir.
Beyond Out of Africa
Dans un article de Science (
Li et al. 2008) étudient la diversité humaine sur la base de 650'000 SNP séquencés chez 981 individus de 51 populations. Les données proviennent du
Human Genome Diversity Panel (HGDP-CEPH) Librement accessibles à partir d'ici
Leurs résultats confirment bien une origine africaine de l'espèce humaine et une gradation des différences entre les population le long de leurs migrations : la figure 1 évoque bien cette différence graduelle par cette sorte d'arc-en-ciel.
Un français s'y trouve ainsi presque à mi-chemin entre un Bushman (San) et un Papou. (N'en déplaise à certains qui classent les gens par la couleur de leur peau !).
Il est amusant de noter aussi que cette analyse distingue lees Orcadian, Français, et Italiens du nord des populations de Bergame et de Toscagne ou des Basques.
Individual ancestry and population dendrogram. (A) Regional ancestry inferred with the frappe program at K = 7 (13) and plotted with the Distruct program (31). Each individual is represented by a vertical line partitioned into colored segments whose lengths correspond to his/her ancestry coefficients in up to seven inferred ancestral groups. Population labels were added only after each individual's ancestry had been estimated; they were used to order the samples in plotting. (B) Maximum likelihood tree of 51 populations. Branches are colored according to continents/regions. * indicates the root of the tree, also where the chimpanzee branch is located. [View Larger Version of this
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Les africains plus riches et solides génétiquement ?
Kirk E. Lohmueller, et al.(2008) ont étudié le nombre de mutations défavorables sur 10'000 gènes dans des individus américains plus ou moins représentatifs de populations d'origine africaine et européenne et trouvé que la diversité génétique est plus grande chez ceux d'ascendance africaine (AA), et que les individus d'ascendance européenne (EA) ont plus de mutations défavorables dans leur génome que les AA. Cela s'expliquerait bien avec l'hypothèse d'une sortie d'Afrique par une population en petit nombre avec un effet d'étranglement qui limite la diversité. Les AA ont une diversité génétique plus élevée (EA :55.4%, AA : 47.0% ; ) Les SNP considérés comme défavorables probably damaging ( EA :15.9% ; AA : 12.1% ;).
Out of africa confirmé
Jakobsson et al. (2008) analysent 29 populations du
Human Genome Diversity Project. Après avoir genotypé plus de 500,000 marqueurs (SNP (cf
ici) et CNV Copy-Number Variants : des séquences dont le nombre varie) : leurs données confirment un déséquilibre de linkage à corréler à la distance géographique depuis l'Afrique. Le modèle multirégional perd encore du terrain.
582 gènes qui ont évolué récemment
Dans une news de Science, Gibbons, Ann. (2008)
décrit les résultats de l'équipe de Lluis Quintana-Murci, qui ont analysé 2.8 millions de SNP sur 210 individus du
International HapMap Project , ils se sont focalisés sur 15,259 mutations non synonymes, qui modifient donc la séquence d'acides aminés et donc la fonction du gène. Il ont recherché les mutations qui changent le plus comparées aux autres (donc probablement soumises à une sélection positive) et ont identifié 582 gènes dont 50 semblent être des adaptations à des maladies ou des changements d'alimentation. Il s'agit de la régulation de l'insuline, de la digestion des sucres et de l'amidon, du métabolisme de l'alcool, et le zinc, du transport des graisses, de la régulation du système immunitaire face aux agents pathogènes , et de la réparation et duplication de l'ADN.
Pour John Hawks de l'
University of Wisconsin, Madison, qui a participé au projet, les mutations qui protègent du diabète et de l'obésité ont probablement été sélectionnées pour s'adapter à des régimes issus de l'agriculture: par exemple une meilleure digestion de l'amidon est critique quand l'alimentation dépend fortement de quelques céréales seulement.
L'adaptation au lait... une évolution récente ?
Fig 3 : Dans les populations d'éleveurs la sélection pour garder l'activité de la lactase a du être très forte. Source Check, Erika (2006) Nature SVEN TORFINN/PANOS
On sait que le lactose est indigeste pour la plupart des adultes (les européens sont une exception notable), car le gène pour la lactase (qui coupe le lactose en galactose et glucose) n'est plus exprimé après le sevrage. Check nous dit que quand un adulte boit du lait, certaines bactéries intestinales s'en occupent et cela produit des désagréments (
Ballonnements, diarrhées, nausées, coliques et douleurs abdominales), qui font que la plupart des adultes cessent d'en boire.
La persistance de la lactase a été étudiée notamment par Tishkoff, S. A. et al. (2006): ils ont trouvé une mutation en amont du gène de la lactase qui le régulerait. Cette mutation se serait produite il y a 3000 à 7000 ans. On a ensuite trouvé une 2ème mutation différente - chez des personnes originaires de la région de la Tanzanie - qui a le même effet : un cas de convergence digne de figurer dans nos Campbell et autres Raven.
Il est mentionné dans la Recherche février 2007 (
intranet.jpg)
L'idée que la vitesse de l'évolution n'est pas constante - la théorie des équilibres ponctués chère à Eldredge et S .J. Gould - s'en trouve renforcée...
Sources
- Check Erika(2006) Human evolution How Africa learned to love the cow Nature 444, 994-996 (21 December 2006) | doi:10.1038/444994a; Published online 21 December 2006| Intranet.pdf
- Check, Erika (2007) Ancient DNA solves milk mystery News 26 February 2007 | Nature | doi:10.1038/news07022 | (intranet.pdf)
- Eldredge, N. and Gould, S. (1972) Punctuated Equilibria: An Alternative to Phyletic Gradualism, in T.J. Schopf (Ed.), Models in Paleobiology, 82-115, San Francisco: Freeman, Cooper & Co.
- Gibbons, Ann. (2008)
Team Uncovers New Evidence of Recent Human Evolution ScienceNOW Daily News 4 February 2008
- Gibbons, Ann. (2007) Human Evolution Is Speeding Up ScienceNOW Daily News 10 December 2007
- Hawks, John Weblog ( 2008)
Average diet versus extreme diet in robust australopithecines (consultée le 7 mai 08)
- Jakobsson, Mattias et al. (2008) Genotype, haplotype and copy-number variation in worldwide human populations. doi:10.1038/nature06742
- Li JZ, et Al. (2008).
Worldwide human relationships inferred from genome-wide patterns of variation. Science. 2008 Feb 22;319(5866):1100-4. Article. (intranet.pdf)
- Lohmueller, Kirk E. et al.(2008)
. Proportionally more deleterious genetic variation in European than in African populations. doi:10.1038/nature06611
- Tishkoff, S. A. et al.(2006). Nature Genet. doi:10.1038/ng1946 (2006).
- Thivent ,Viviane.(2007). Convergence chez les buveurs de lait. La Recherche février 2007 (intranet.jpg)
update : lien sur un article de la Recherche
8 mars : corrigé des liens sur des images et supprimé des images