jeudi 31 mars 2022

Qu’est-ce qui attire un savant dans la montagne ? Et pourquoi Siri parle avec une voix de femme ?

Qu'est-ce qui attire un savant dans l'univers particulier de la montagne ? (Expo au MHS)

Vernissage d'exposition au Muséee d'Histoire des Sciences  
La montagne, laboratoire des savants
mardi 5 avril à 18h

http://institutions.ville-geneve.ch/fileadmin/user_upload/mhn/images/votre_visite/agenda/980x301/montagne_980_copie.jpg
Qu'est-ce qui attire un savant dans l'univers particulier de la montagne ? Pourquoi tenter l'ascension des plus hauts sommets lorsqu'on est scientifique ? Quelles mesures et expériences y faire ?
Qu'est-ce qui attire un savant dans l'univers particulier de la montagne ? Pourquoi tenter l'ascension des plus hauts sommets lorsqu'on est scientifique ? Quelles mesures et expériences y faire ?

L'exposition explore le lien, tissé depuis le 18e siècle particulièrement depuis Genève, entre la montagne et l'humain, pour mieux appréhender et comprendre les mécanismes qui régissent notre monde.

Cet apprivoisement d'un monde hostile et dangereux s'est fait à partir d'observations, de récits de pionniers au 17e siècle déjà, mais c'est le Siècle des Lumières qui ouvre grandes les portes à l'exploration des « glaciaires » et de la haute altitude et plus particulièrement du sommet européen le plus élevé, le Mont-Blanc. L'univers des montagnes devient à la mode. Chacun s'attache à collectionner roches, cristaux et autres curiosités, voire à tenter de mettre ses pas dans ceux du savant Horace Bénédict de Saussure, oubliant parfois son propos scientifique pour se centrer sur l'exploit sportif. Les mesures effectuées s'installent comme des classiques des sciences et contribuent à proposer des modèles explicatifs de différents phénomènes, de l'étude du plissement des montagnes à la compréhension de la physique de l'atmosphère. Cette aventure vieille de plus de 2 siècles perdure aujourd'hui encore, l'écosystème alpin restant un précieux laboratoire pour appréhender les dérèglements climatiques.

Bilingue fr.-angl.
Gratuit et ouvert à tous

Informations pratiques MHS

Et pourquoi pas y aller avec les mouettes ?Le Musée d'histoire des sciences occupe l'exceptionnelle villa Bartholoni, joyau néo-classique de 1830, situé dans le cadre enchanteur du parc de la Perle du lac sur les rives du lac Léman.

Depuis le MHS on admire le magnifique cadre de la rade et... de splendides montagnes, du Salève au Mont Blanc, justement !
Et pourquoi pas y aller avec les bateaux  Mouettes M4 (arrêt Châteaubriand)

ADRESSE
Parc de La Perle du Lac, 128 rue de Lausanne,  CH-1202 Genève, Suisse

ACCÈS
bus 1-25 (arrêt Perle du Lac),  tram 15 (arrêts Butini & France), bus 11, 28 (arrêt Jardin botanique) train Léman Express L1, L2, L3, L4 (arrêt Genève-Sécheron), bateaux  Mouettes M4 (arrêt Châteaubriand)



Conférence Centre Jean Piaget.

«Dis Siri, pourquoi tu parles
avec une voix de femme?» 

Les biais de genre dans les applications numériques et dans l'IA

 

Conférence d'Isabelle Collet, professeure associée à la Faculté
de psychologie et des sciences de l'éducation

Le 30 mars 2022, à 18h15

 

 

Le constat est peu réjouissant: actuellement, les femmes ne représentent que 15% des étudiant-es et des professionnel-les de l'informatique. Cette quasi non-mixité du domaine a des conséquences non seulement sur l'égalité entre femmes et hommes face à l'emploi, mais aussi sur l'inclusivité des applications numériques. Conçues, programmées, installées et maintenues par une minorité d'hommes blancs issus de milieux socioprofessionnels favorisés, elles ne prennent pas en compte les besoins et caractéristiques des autres populations, en particulier des femmes.

 

Bien que les algorithmes d'intelligence artificielle (IA) soient alimentés par des milliards de données (voix, textes, images, vidéos), l'essentiel des corpus sont constitués automatiquement et reflètent une société inégalitaire dans laquelle les femmes sont soit sous-représentées, soit représentées dans des rôles traditionnels. Pour évoquer cette problématique, le Centre Jean Piaget, en collaboration avec l'Université de Genève (UNIGE), organise une conférence animée par Isabelle Collet, professeure associée à la Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation de l'UNIGE. Spécialiste de la question de l'inclusion des femmes dans le numérique, la chercheuse exposera les biais de genre de l'intelligence artificielle. Elle proposera également des pistes permettant d'imaginer une meilleure représentation de tous et toutes dans la transformation numérique. Retrouvez plus d'informations ici.

INFOS PRATIQUES

Mercredi 30 mars 2022, de 18h15 à 19h45.
Uni Mail, salle 1170.
Entrée libre.
Également disponible en ligne.


Cette conférence est organisée en partenariat avec le Centre Jean Piaget.

mardi 22 mars 2022

Comment le lézard sacrifie sa queue et échappe au prédateur

Le lézard qui abandonne sa queue au prédateur … pourquoi ? …

Dans une news de Science, Ghatak, A. (2022) ici introduit son texte ainsi (traduction)  "Parmi les nombreuses stratégies que les animaux ont développées pour échapper à la capture par leurs prédateurs, l'autotomie est une des principales, par laquelle un animal s'auto-ampute une partie du corps, comme une patte ou une queue (cf. fig 1), lui permettant d'échapper à son agresseur."
Fig 1: Les chercheurs ont montré que l'autotomie caudale chez les lézards, comme celle observée chez le scinque japonais à cinq lignes (Eumeces japonicus) illustré ici, est médiée par des emboitement de microstructures à plusieurs niveaux dans plan de fracture de leur queue.  [img]. Source :PHOTO: RYU UCHIYAMA/MINDEN PICTURES  
"Rien n'a de sens en biologie si ce n'est à la lumière de l'évolution" 
(Dobzhansky, 1973).

Cette réponse classique à la question du pourquoi la place dans une perspective finaliste (téléologique) - "permettant d'échapper à",  sous-entendant qu'un organisme dispose d'une fonction simplement parce qu'il en a besoin. Pourtant nous savons que le besoin ne crée pas la fonction.
Cette explication correspond si bien à la tendance naturelle à expliquer le monde vivant en termes téléologiques, anthropocentrés ("stratégies des animaux") (
Betz, et al.,2019) qu'elle ne choque personne, même dans la revue Science !
Les lecteurs sont supposés comprendre que ce raccourci de langage veut dire quelque chose comme "dans la diversité génétique des lézards, ceux chez lesquels on trouve ce mécanisme échappent plus souvent au prédateur,... et ont plus de descendants."

Ces conceptions finalistes et anthropocentrées, également fréquentes de la part du monde médical, font obstacle à la compréhension des mécanismes biologiques, de nombreuses recherches l'ont montré cf p. ex (Coley, et al., 2015). encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici
Le paradigme explicatif de la biologie, fondé sur des explications causales objectives et moléculaires, permet des explications bien plus puissantes.
Elles ont permis - par exemple - de comprendre SARS-Cov2 et produire des vaccins très efficaces très rapidement.

Pourtant ces explications spontanées finissent par reprendre le dessus dès qu'on n'y prend plus garde, même chez des spécialistes (Potvin, P. 2013) ici  et on voit très souvent des enseignants donner ces explications dans les classes du secondaire.  encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine ici

Sans y prêter garde, si on se laisse aller à ces raccourcis en physiologie, écologie, immunologie,… on renforce chez les élèves les explications naïves (créationnistes) qui rendront moins efficace l'enseignement de l'évolution.
Est-il si difficile de dire "Les lézards actuels descendent de ceux qui avaient ce mécanisme d'auto-amputation, voyons comment il se produit " .
Ghatak, A. (2022) complète son résumé en présentant un éventail de cas d'autotomie chez des animaux et des plantes qui pourrait intéresser de nombreux enseignants cf.à la fin de ce texte.

…ou comment ce détachement se produit-il ? 

Baban et al. (2022) sont plus prudents dans l'article source de la news par Ghatak (2022); la question qu'ils traitent est comment se fait-il qu'un membre ne se détache pas pendant l'activité normale de l'animal mais se détache facilement et rapidement lorsqu'il lutte pour échapper à l'emprise d'un prédateur ?

Par quel mécanisme cette autotomie se produit-elle - mais pas durant l'activité normale ?

Baban et al. (2022) montrent que l'auto-amputation de la queue se produit au niveau de segments séparés par plusieurs plans de fracture - des zones faibles.  Leurs expériences avec trois espèces de lézards différentes - Hemidactylus flaviviridis, Cyrtopodion scabrum et Acanthodactylus schmidti - montrent que ces plans ne sont pas lisses mais sont faits de 3 niveaux de structures microscopiques avec des tailles allant de centaines de micromètres à des dizaines de nanomètres. Ces structures constituent des formes s'emboîtant les unes dans les autres à des niveaux de plus en plus petits permettant une liaison solide en temps normal, mais un détachement rapide lorsque les surfaces sont écartées latéralement - un peu comme quand on pèle un velcro. Ces structures s'emboitant les unes dans les autres ("microstructure hiérarchique" disent les auteurs) sont d'abord coniques et s'emboitant dans des cavités de forme correspondantes, la surface de ces cônes est formée de des structures en piliers en forme de champignons mou s'emboîtant dans des cavités, elles-mêmes tapissées de nanopores et en face de structures correspondantes en billes (Cf Fig. 2).

Fig 2:  Image au microscope électronique à balayage (MEB) de l'interface autotomisée d'une queue de H. flaviviridis. (A) Emplacement de la queue autotomisée (barre d'échelle, 1,5 cm). La morphologie segmentée de la queue (barre d'échelle, 1 cm) montre la région P, représentant la partie proximale de la queue, et la région D, représentant la partie distale (barre d'échelle, 0,5 cm), dans un assemblage de type plug-and-socket (barre d'échelle , 1mm). (B) SEM de la partie distale (D) montrant les tissus en forme de coin avec des microstructures en forme de champignon très denses (barre d'échelle, 1 mm). La partie agrandie montre l'arrangement en micropiliers en forme de champignon (barre d'échelle, 100 μm) avec le sommet du champignon unique indiqué par MT (barre d'échelle, 10 μm) contenant les nanopores (NP) et les nanobilles (NB) (barre d'échelle, 1 μm) . SEM de la région P (barre d'échelle, 1 mm) montre les empreintes MT correspondantes indiquées comme MTI (barre d'échelle, 100 μm). Le MTI unique (barre d'échelle, 10 μm) montre une topologie plane (barre d'échelle, 1 μm). (C) Modèle hypothétique de l'interface de la queue de lézard entre deux segments complémentaires avant la fracture, consistant en des connexions supérieures nanoporeuses micropiliers au niveau des faces tissulaires en forme de coin. [img]. Source : Source Baban, (2022) traduit 
Baban et al. montrent par des études protéomiques et la microscopie électronique à balayage des plans que les "champignons" qui composent la surface clivée de la queue n'entrent pas dans un verrouillage mécanique ou une liaison covalente avec le corps principal de l'animal, mais forment plutôt des liaisons physiques par des forces adhésives. Ils montrent que cette adhérence est suffisamment forte pour que la queue ne se détache pas lors d'activités normales. En effet, une traction droite de la queue (fig 3 A) n'entraîne pas de défaillance. Par contre, lorsque la queue est tirée de côté (fig 3 B) à une petite distance d'un de ces plans de fracture (p.ex.si un prédateur s'en saisit), un mouvement de flexion de la queue initie une fissure d'un côté, qui se propage alors de manière catastrophique et conduit à une séparation complète de cette partie de la queue.
Fig. 3 Analyse à grande vitesse de l'autotomie de la queue. (A) Effort en traction,aucune initiation de fracture n'a été observée. (B) Mode de flexion, montrant l'initiation de la fracture. Une propagation catastrophique de la fracture a été observée après l'initiation de la fracture en mode flexion.[img] Source Baban, (2022)- traduit
Les auteurs proposent aussi  des vidéos dans les Supplementary Materials : movie S5 and S6.

Mise en perspective de l'autotomie et de ces structure dans le vivant

Ghatak, A. (2022) dans la news ici complète son résumé de cette recherche en présentant un éventail de cas d'autotomie chez des animaux et des plantes qui pourrait intéresser de nombreux enseignants. Bien qu'il persiste avec des explications téléologiques, ou anthropocentrées,  JTS se contente ici de proposer une traduction où sont repérées en vert ces raccourcis téléologiques, laissant libre le-la lecteur-trice. Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux                    articles plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans la news d'origine :  ici

" Les conclusions de Baban et al. pourraient s'appliquer à des caractéristiques hiérarchiques similaires présentes sur les pattes de nombreux animaux grimpant aux murs. Les geckos, les insectes et les grenouilles ont tous attiré l'attention des scientifiques pour leur capacité exceptionnelle à marcher ou à s'élancer sur une variété de surfaces dans leur habitat, souvent lorsqu'ils sont situés sur une surface verticale ou même complètement à l'envers. L'adhérence forte, mais réversible, à leurs pieds est dérivée de microstructures hiérarchiques qui se divisent en poils de plus en plus fins, qui se terminent par des coiffes en forme de spatule ou de champignon.
Des milliards de ces poils ou soies permettent non seulement à ces animaux de suivre les contours de la rugosité nano- à micro-scopique de la surface à laquelle ils s'accrochent, mais aident également à se détacher et à se rattacher grâce à de multiples arrêts de fissures et à la ré initiation au bord de chacun d'entre eux de l'adhésion.
Des effets en profondeur, comme la pression réglable dans les sacs remplis de liquide ou d'air et l'adhérence avec une hystérèse aux parois internes des vaisseaux, amplifient encore l'effet arrêt de propagation des fissures et la dissipation d'énergie qui en résulte. Dans certains cas, un liquide émerge de minuscules trous sur les poils pour former un pont capillaire avec la surface adhérente, ce qui entraîne une adhérence à la fois forte et réversible. Lorsque le pied de l'animal est tiré perpendiculairement à la surface, des centaines et des milliers de minuscules attaches répartissent la charge et aident à résister à la séparation. En revanche, lors de la flexion ou lorsqu'un bord du contact "pèle", les contrainte de traction se concentrent suffisamment sur le front de rupture pour que la fissure puisse vaincre la résistance à au détachement, un peu comme le mécanisme d'autotomie de la queue de lézard.
Ainsi les conclusions de Baban et al. ont une portée plus large : […] Il convient de noter que non seulement les lézards, mais aussi les salamandres, les crustacés, les araignées, les souris et les vers utilisent l'autotomie comme stratégie de défense, et il serait intéressant de déterminer si ces animaux utilisent l'adhérence comme mécanisme dominant pour maintenir leur membre détachable relié au torse principal.
L'autotomie n'est qu'une des stratégies que les organismes ont développées pour échapper à la capture par leurs prédateurs. Cependant, cela contraste fortement avec d'autres compétences de survie qui fonctionnent soit sur le principe du camouflage, soit sur le stratagème d'une frappe préventive, comme pulvériser des produits chimiques chauds et toxiques ou dégager une mauvaise odeur. Pourtant, une grande variété d'espèces du règne animal et même certaines espèces végétales utilisent l'autotomie pour survivre. Par exemple, des plantes comme Oxalis pes-caprae (ici) ont recours à l'autotomie pour se défendre d'être complètement déracinées lorsqu'elles sont tirées par des herbivores. Une encoche présente à la base de la tige des feuilles de ces plantes agit comme un maillon faible qui garantit que seule la feuille est arrachée, sauvant ainsi toute la plante. Ainsi, l'autotomie s'avère être un outil de survie efficace dans le monde naturel, et sa prévalence chez les plantes et les animaux donne l'assurance qu'elle peut être utile pour des applications scientifiques et techniques. En particulier dans la robotique, la technologie furtive et les prothèses et pour le fonctionnement en toute sécurité de nombreuses installations critiques, un lien optimisé similaire à celui présent à la queue du lézard peut contribuer grandement à protéger un composant ou un appareil coûteux contre un accident ou un accident imprévu. Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles              plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans la news d'origine :  ici

Références:

  • Baban, N. S., Orozaliev, A., Kirchhof, S., Stubbs, C. J., & Song, Y.-A. (2022). Biomimetic fracture model of lizard tail autotomy. Science, 375(6582), 770‑774. https://doi.org/10.1126/science.abh1614
  • Betz, N., Leffers, J. S., Thor, E. E. D., Fux, M., de Nesnera, K., Tanner, K. D., & Coley, J. D. (2019). Cognitive Construal-Consistent Instructor Language in the Undergraduate Biology Classroom. CBE—Life Sciences Education, 18(4), ar63. https://doi.org/10.1187/cbe.19-04-0076
  • Coley, J. D., & Tanner, K. (2015). Relations between Intuitive Biological Thinking and Biological Misconceptions in Biology Majors and Nonmajors. CBE-Life Sciences Education, 14(1), ar8. https://doi.org/10.1187/cbe.14-06-0094
  • Dobzhansky, T. (1973). Nothing in biology makes sense except in the light of evolution. American Biology Teacher, 35(3), 125‑129
  • Ghatak, A. (2022). How does a lizard shed its tail? Science, 375(6582), 721‑722. https://doi.org/10.1126/science.abn4949
  • Potvin, P. (2013). Proposition for improving the classical models of conceptual change based on neuroeducational evidence : Conceptual prevalence. Neuroeducation, 2(1), 16‑43. https://doi.org/10.24046/neuroed.20130201.16
  • Potvin, P. (2019). Faire apprendre les sciences et la technologie à l'école : Épistémologie, didactique, sciences cognitives et neurosciences au service de l'enseignant. Presses de l'université Laval.
  • Potvin, P. (2019). Faire apprendre les sciences et la technologie à l'école : Épistémologie, didactique, sciences cognitives et neurosciences au service de l'enseignant. Presses de l'université Laval. Extraits intranet.pdf
  • Potvin, P., Sauriol, É., & Riopel, M. (2015). Experimental evidence of the superiority of the prevalence model of conceptual change over the classical models and repetition. J Res Sci Teach, 52(8), 1082‑1108. https://doi.org/10.1002/tea.21235

mercredi 9 mars 2022

100 chercheuses sortent de l’ombre sur Youtube / L'image publique des sciences 16 mars / rappel biodiversité bouée de sauvetage et Productive failure 9mars


Cette publication JTS présente :
  • Une initiative du FNS #NCCRWomen : des role models pour que les filles (et autres) puissent plus facilement s'identifier à des scientifiques et oser exprimer leur potentiel en sciences. Ce serait dommage que la science perde des cerveaux juste parce qu'ils ne sont pas masculins
  • Une conférence des Archives Piaget, M. Dubois codirecteur de l'enquête "Les Français et la science 2021",  présente ces résultats le 16 mars
Un bref rappel de conférences le 9 mars
  • Conférence reportée : Bastiaan Ibelings:  La biodiversité notre bouée de sauvetage ->9 mars 20h au Collège de Saussure. Présentiel, entrée libre. Détails ici
  • "Productive failure" Webinar LS2 : Manu Kapur (ETH Zürich, Switzerland) Prof. Manu Kapur is a professor for "Learning Sciences and Higher Education" at the ETH Zürich (https://www.manukapur.com). His theory of productive failure (applied to cognition and learning) has attracted a lot of attention. He has travelled the world to advise teachers and education authorities, and has given talks and interviews through many channels (see for example his TED talk: https://www.ted.com/talks/manu_kapur_productive_failure)  17.30 par zoom


Pôles de recherche nationaux: une centaine de chercheuses sortent de l'ombre

Une campagne vidéo des Pôles de recherche nationaux du FNS a mis en lumière les importantes contributions des femmes dans tous les domaines de la recherche suisse. #NCCRWomen


nccrs-100-female-researchers-step-into-the-limelight Voir par ex.  Alba Grassi, mathematical physicist, CERN & UniGe sur Youtube

Le FNS présente #NCCRWomen

Une campagne vidéo des pôles de recherche nationaux du FNS a mis en valeur le rôle clé des femmes dans la recherche suisse.

Elles sont physiciennes, biologistes, ingénieures ou encore linguistes: actives dans les pôles de recherche nationaux (PRN), de nombreuses femmes font avancer la recherche sur des thèmes d'importance stratégique pour notre pays. En cette année de jubilé du suffrage féminin, les 22 PRN en cours se sont associés et ont mené #NCCRWomen, une campagne sur Youtube et Instagram qui a mis en valeur le rôle clé des femmes dans tous les domaines de la recherche suisse. L'objectif premier ayant été d'offrir des modèles aux jeunes femmes dans le secondaire II et en début d'études universitaires: «Les femmes sont encore sous-représentées dans la science, explique Elise Cahard, membre du comité qui a coordonné la campagne. Nous voulions montrer qu'elles aussi sont actives dans le domaine et illustrer la diversité des activités possibles.»

Près de 100'000 vues

Les PRN, lancés par le FNS sur mandat de la Confédération, se consacrent en effet non seulement à la recherche de pointe, mais également à l'égalité des genres et à la promotion de la relève. Du 8 mars 2021 (Journée internationale des droits des femmes) au 31 octobre 2021 (50e anniversaire du premier scrutin suisse ouvert aux femmes), une centaine de chercheuses se sont ainsi présentées au travers de brèves capsules vidéo partagées sur les réseaux sociaux. Elles ont expliqué qui elles étaient, ce qu'elles faisaient et pourquoi elles le faisaient. Les vidéos, partagées par les PRN, les hautes écoles, des initiatives en faveur de l'égalité et des partenaires médiatiques, ont généré au total près de 100'000 vues: un succès pour cette première collaboration entre l'ensemble des PRN.

D'autres initiatives envisagées

L'aventure ne s'arrête pas là. La campagne #NCCRWomen a permis de faire éclore une nouvelle initiative: avec «Une chercheuse dans ma classe», les professeur∙es du secondaire II ont désormais l'opportunité d'accueillir une chercheuse d'un PRN pour une présentation plus détaillée de son activité. D'autres projets encore pourraient voir le jour: «Les acteurs de la campagne sont intéressés à poursuivre la collaboration, indique Elise Cahard. Sous quelle forme, cela reste encore ouvert.»


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dimanche 6 mars 2022

Décarboner l'électricité en Suisse - sans nucléaire sans gaz la meilleure stratégie ?

Des données pour discuter en classe des choix énergétiques

Alors que la pression pour diminuer les émissions de gaz a effet de serre (GES) atteint les milieux politiques et que la dépendance aux énergies fossiles montre ses fragilités, vient de paraitre une étude qui explore les scénarios possibles pour produire l'électricité et leur impact sur la production des GES. Les données qu'ils fournissent pourront permettre des activités avec les élèves : leur permettre de constater eux-mêmes quelle combinaison a quel effet.

Et sans doute susciter des réflexions sur la conservation de l'énergie, et ce qu'on appelle production d’énergie électrique.

Sur les impacts de la production de l'électricité pour les voitures dites "propres" ou "zero-carbone" ... 

Sur les modes de calcul des chercheurs aussi... Certains élèves diront " sur la base de quoi vous dites ça" ?  Ils ont raison !

La discussion des méthodes est une démarche cruciale pour qu'une connaissance puisse être qualifiée de scientifique. Et pour mesurer la portée de ses conclusions. 

Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles
            plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l’article d’origine :  ici

Le solaire et l'éolien pour décarboner la Suisse

Une équipe de l’UNIGE et du Laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherche (EMPA) démontre qu’un mix photovoltaïque-éolien est optimal pour réduire l’empreinte carbone de la consommation électrique suisse.

solaire-eolien-J.jpg

Comment réduire l’empreinte carbone liée à la consommation d’électricité en Suisse?


L'augmentation des gaz à effet de serre dans l'atmosphère est le principal moteur du réchauffement climatique. Une part importante de ces gaz est causée par les centrales électriques à combustible fossile utilisées pour la production d'électricité. On estime que ces centrales génèrent un quart des émissions totales de GES en Europe. En Suisse, où l'électricité est principalement produite par des centrales nucléaires et hydroélectriques, cette production représente 2 % des émissions de gaz à effet de serre.

Pour répondre à ses besoins, notre pays s’appuie en effet sur des importations provenant de centrales à énergies fossiles, grosses émettrices de gaz à effet de serre. Une équipe de chercheurs/euses de l’Université de Genève et du Laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherche (EMPA) a étudié différents scénarios visant à réduire l’empreinte carbone du pays. Pour y parvenir tout en répondant aux besoins futurs d’électrification, elle recommande la mise en œuvre d’une production indigène mêlant éolien et photovoltaïque, complétée par de l’importation. Le tout sans faire appel à l’énergie nucléaire. Ce scénario permettrait de diminuer de 45% la participation de la Suisse à l’émission globale des gaz à effet de serre. Ces résultats sont à découvrir dans Energy Policy. (Rüdisüli & al., 2022) ici

Cependant, il est souvent économiquement intéressant de vendre et d'exporter une partie de l'énergie produite vers les pays voisins. La Suisse compte donc aussi sur les importations pour subvenir à ses besoins. Cela représente 11% de l'électricité consommée. L'électricité provient donc de centrales à forte «intensité carbonique ». Une équipe scientifique de l'UNIGE et de l'EMPA a élaboré différents scénarios énergétiques et défini la meilleure voie à suivre pour décarboner la Suisse. Cela signifie réduire la consommation du pays des sources d'énergie primaires qui émettent des gaz à effet de serre.

«Nous avons développé sept scénarios différents incluant à des degrés divers le solaire, l’éolien et l’hydraulique. Le tout avec et sans l’utilisation du nucléaire puisque la Confédération envisage une sortie progressive de ce mode de production d’ici 2050», explique Elliot Romano, adjoint scientifique au Département F.-A. Forel des Sciences de l’environnement et de l’eau de la Faculté des sciences de l’UNIGE. Les chercheurs/euses ont également pris en compte les possibilités d’approvisionnement depuis l’étranger, essentielles pour répondre à la demande, tout comme les besoins d’électrification (mobilité et chauffage) de la population.

Importations réduites

Après avoir examiné les différentes options, l'équipe de recherche a déterminé que le scénario optimal serait un mélange de production photovoltaïque et éolienne. «Ce mix est le moyen le plus efficace de réduire l'empreinte du pays, mais c'est aussi la meilleure alternative à l'énergie nucléaire», déclare Martin Rüdisüli, chercheur au Laboratoire des systèmes énergétiques urbains de l'Empa et premier auteur de l'étude. Le modèle est basé sur une grande production éolienne de 12 TWh et une production solaire de 25 TWh. A titre de comparaison, en Suisse, le solaire produira 2,72 TWh et l'éolien 0,13 TWh en 2021. Par rapport à une solution nucléaire, le mix de production proposé réduit le besoin d'importation de 16 TWh à 13,7 TWh.  (scénario 7 dans la figure 1 ci-dessous)

Fig. 13
Fig. 1 Émissions absolues de GES dans le système énergétique étudié dans cette étude : les émissions de GES dans le secteur de l'électricité sont indiquées pour les sources domestiques (vert) et importées (gris), tandis que les barres noires représentent les émissions de GES dans le secteur de la chaleur et des transports sans électrification. L'électricité importée est en outre divisée en sa part avec des intensités de GES supérieures (gris foncé) et inférieures (gris clair) à celles des turbines à gaz à cycle combiné (CCGT) (443 g CO2-eq/kWh). Les étiquettes rouges indiquent l'atténuation des GES par rapport au scénario de référence 1.img  high-res (776KB) full-size image  source Rüdisüli & al. (2022) ici

Légende

BEV=   Battery electric vehicles
CCGT=   Combined cycle gas turbine
CCS=   Carbon Capture and Storage
CHP=   Combined heat and power
COP=   Coefficient of performance
DAM=   Dam storage
DHW=   Domestic hot water
DSM=   Demand-side management
GHG=   Greenhouse gases
HP=   Heat pump
LCA=   Life cycle assessment
MWIP=   Municipal waste incineration plants
NPP=   Nuclear power plant
PHS=   Pumped-hydro storage
PV=   Photovoltaic
REF=   Reference
RET=   Renewable Energy Technology
RoR=   Run-of-river
SH=   Space heating
SNG=   Synthetic natural gas

En revanche, ce scénario - qui prend également en compte les futurs besoins en électricité liés à la mobilité électrique et les besoins thermiques des bâtiments - ferait passer l'empreinte carbone des consommations de 89g de CO2 par kWh (en 2018) à 131g de CO2 par kWh en l'avenir. Or, l'électrification de l'ensemble de ces besoins réduirait à terme de 45% la contribution de la Suisse aux émissions mondiales de gaz à effet de serre. Les chercheurs ont également montré que les installations de stockage actuelles ne pourraient gérer que partiellement les excédents électriques estivaux, qui résulteraient de la grande capacité des centrales photovoltaïques en fonctionnement à l'époque.

Des données d'une précision sans précédent

« Jusqu'à présent, les recherches sur l'empreinte de la production d'électricité reposaient sur des valeurs moyennes de consommation, notamment annuelles. La force de notre étude réside dans l'utilisation de valeurs horaires et donc beaucoup plus précises", explique Elliot Romano. L'empreinte directe mais aussi indirecte de cette production a également été intégrée. « Nous avons pris en compte l'empreinte générée, par exemple, par la production du béton utilisé dans la construction d'une centrale électrique. Cette méthode nous a donc permis de réaliser une analyse complète du cycle de vie de la production d'électricité ».

Cette méthode et les données d'une précision sans précédent fournissent des lignes directrices concrètes pour la stratégie énergétique 2050 de la Suisse. Elle ouvre également la voie à de nouvelles études scientifiques. communiqué de presse unige

Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles
            plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l’article d’origine :  ici

  • Rüdisüli, M., Romano, E., Eggimann, S., & Patel, M. K. (2022). Decarbonization strategies for Switzerland considering embedded greenhouse gas emissions in electricity imports. Energy Policy, 162, 112794. https://doi.org/10.1016/j.enpol.2022.112794

Quelques extraits traduits et figures de  l’article d’origineJump-To-Science : donner envie d'accéder aux
                articles plutot que vulgariser  :

Decarbonization strategies for Switzerland considering embedded greenhouse gas emissions in electricity imports

Points forts
• L'évaluation intégrale de la décarbonation nécessite des émissions marginales horaires de GES (gaz à effet de serre).
• La variabilité diurne et saisonnière des émissions de GES dans l'électricité est importante.
• Des portefeuilles diversifiés d'énergies renouvelables avec le PV et l'éolien atténuent davantage les émissions de GES.
• L'électrification de la chaleur et des transports entraîne généralement une atténuation globale des GES.
• Le stockage d'électricité à court terme ne permet de gérer que partiellement les surplus d'électricité.

Résumé

La décarbonation du système énergétique par l'électrification de la chaleur et des transports n'est efficace qu'en utilisant des sources d'électricité à faible émission de carbone. Étant donné que de nombreux pays comme la Suisse dépendent de l'électricité importée pour répondre à leur demande, la teneur en gaz à effet de serre (GES) des importations d'électricité doit être correctement prise en compte. En supposant une teneur moyenne en GES pour chaque quantité importée, les impacts de l'électricité requise en période de pointe sont sous-estimés car la demande supplémentaire (marginale) est principalement satisfaite par des centrales électriques à combustible fossile. Cette étude utilise un modèle pour capturer les teneurs marginales en GES de l'électricité importée d'un point de vue direct et indirect (cycle de vie) à une résolution horaire. Les implications sur les GES sont explorées pour divers scénarios de demande et d'approvisionnement en électricité, y compris l'électrification de la chaleur et des transports, l'expansion à grande échelle des énergies renouvelables et la sortie du nucléaire. Nous constatons que selon le scénario, l'intensité moyenne en GES de l'électricité consommée peut doubler, tandis que les variations diurnes et saisonnières sont encore plus importantes. Néanmoins, les résultats montrent une réduction substantielle des GES allant jusqu'à 45 % avec l'électrification en cas de déploiement d'un portefeuille de production d'électricité diversifié comprenant le photovoltaïque et l'éolien. Pour une atténuation optimale des GES, la flexibilité à court terme fournie par l'hydroélectricité est nécessaire pour gérer les excédents d'électricité. Le principal défi, cependant, concerne le stockage d'énergie saisonnier, y compris le couplage sectoriel. 

Points forts •

L'évaluation intégrale de la décarbonation nécessite des émissions marginales horaires de GES. • La variabilité diurne et saisonnière des émissions de GES dans l'électricité est importante. • Des portefeuilles diversifiés d'énergies renouvelables avec le PV et l'éolien atténuent davantage les émissions de GES. • L'électrification de la chaleur et des transports entraîne généralement une atténuation globale des GES. • Le stockage d'électricité à court terme ne permet de gérer que partiellement les surplus d'électricité. Résumé La décarbonation du système énergétique par l'électrification de la chaleur et des transports n'est efficace qu'en utilisant des sources d'électricité à faible émission de carbone. Étant donné que de nombreux pays comme la Suisse dépendent de l'électricité importée pour répondre à leur demande, la teneur en gaz à effet de serre (GES) des importations d'électricité doit être correctement prise en compte. En supposant une teneur moyenne en GES pour chaque quantité importée, les impacts de l'électricité requise en période de pointe sont sous-estimés car la demande supplémentaire (marginale) est principalement satisfaite par des centrales électriques à combustible fossile. Cette étude utilise un modèle pour capturer les teneurs marginales en GES de l'électricité importée d'un point de vue direct et indirect (cycle de vie) à une résolution horaire. Les implications sur les GES sont explorées pour divers scénarios de demande et d'approvisionnement en électricité, y compris l'électrification de la chaleur et des transports, l'expansion à grande échelle des énergies renouvelables et la sortie du nucléaire. Nous constatons que selon le scénario, l'intensité moyenne en GES de l'électricité consommée peut doubler, tandis que les variations diurnes et saisonnières sont encore plus importantes. Néanmoins, les résultats montrent une réduction substantielle des GES allant jusqu'à 45 % avec l'électrification en cas de déploiement d'un portefeuille de production d'électricité diversifié comprenant le photovoltaïque et l'éolien. Pour une atténuation optimale des GES, la flexibilité à court terme fournie par l'hydroélectricité est nécessaire pour gérer les excédents d'électricité. Le principal défi, cependant, concerne le stockage d'énergie saisonnier, y compris le couplage sectoriel.">

Une sélection de figures



Fig. Monthly aggregated supply mix (bars) and Swiss electricity demand (red line). Labels show the annual imports PV Photovoltaic BEV Battery electric Vehicle . IMG

Références:

  • Rüdisüli, M., Romano, E., Eggimann, S., & Patel, M. K. (2022). Decarbonization strategies for Switzerland considering embedded greenhouse gas emissions in electricity imports. Energy Policy, 162, 112794. https://doi.org/10.1016/j.enpol.2022.112794