mardi 28 novembre 2023

les réactions chimiques sont un déplacement d'électrons … peut-on les activer par un champ électrique ?

Influencer les déplacements d'électrons dans ou entre les molécules pour contrôler les réactions chimiques …

La possibilité de contrôler les charges migrant lors de réactions avec des champs électriques externes fascine depuis longtemps les chimistes : elle promet de contrôler la catalyse de n'importe quelle réaction, de découvrir des propriétés émergentes et des dispositifs programmables. Deux équipes, à l'UNIGE avec le Prof Matile, et à l'université de Cardiff réalisent cette idée pour la première fois. Dans les conditions établies par leur petit réacteur, la vitesse de réaction dépend linéairement de la tension appliquée (aux tensions positives) et est négligeable aux tensions négatives.

Cette publication JTS vous propose 3 sources : du plus vulgarisé à l'original … et  vous suggère d'aller voir l'original bien sûr, parce que vous savez mieux que quiconque comment simplifier pour vos élèves et l'intégrer à vos pédagogies. Parce que les lecteurs JTS ont un master en sciences et  apprécient qu'on les aide Jump-To-Science  Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles              plutot que vulgariser
  • A) L'émission CQFD à la RTS ici
  • B) Le communiqué de presse de l'UniGE présentant cette recherche. ici
  • C) L'abstract de l'article original dans Science Advances  Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  Gutiérrez López,…& Matile, 2023) ici

A) l'émission CQFD à la RTS

Dans CQFD à la RTS prof. Stefan Matile  de la section de chimie organique à l'UniGE (Gutiérrez López,…& Matile, 2023) ici s'enthousiasme : cet eldorado était théorique mais pour le moment pas réalisé et là c'est un rêve qui se réalise. Puisque toute réaction chimique est le fait d'électrons qui se déplacent à l'intérieur ou entre molécules la théorie nous dit qu'il devrait être possible en appliquant un champ électrique de de déplacer, d'accélérer d'orienter les mouvements de ces électrons et donc de contrôler quelle réaction chimique se fait. Leur recherche (Gutiérrez López,…& Matile, 2023) ici est la première fois qu'on y parvient.


B) Dossier de presse UNIGE "Un interrupteur électrique pour contrôler les réactions chimiques

Une équipe de l'UNIGE a conçu un dispositif électrique permettant d'activer facilement et de manière plus «verte» des réactions chimiques.

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Fig. 1 : Le dispositif se présente sous la forme d'un petit boîtier (au centre) au sein duquel le milieu réactionnel circule entre deux électrodes produisant le champ électrique. [img] © Stefan Matile


"Nouveaux médicaments, carburants plus durables, matériaux plastiques biodégradables: pour répondre aux besoins de notre société en constante évolution, les chimistes doivent mettre au point de nouvelles méthodes de synthèse, afin d'obtenir des produits et substances qui n'existent pas naturellement. Une équipe de l'Université de Genève (UNIGE), en collaboration avec l'Université de Cardiff, a découvert comment utiliser un champ électrique externe, à la manière d'un «interrupteur», afin de contrôler et accélérer une réaction chimique. Ces travaux, à découvrir dans Science Advances, pourraient avoir un impact considérable sur la fabrication de nouvelles molécules en permettant des synthèses plus respectueuses de l'environnement, mais également un contrôle externe très simple d'une réaction chimique.


En chimie, on appelle «synthèse organique» le processus de création de composés chimiques organiques complexes à partir de réactifs plus simples. Par réactions successives, les chimistes assemblent des petites molécules afin d'aboutir à la formation des produits désirés. La synthèse organique est ainsi essentielle pour la fabrication de médicaments, de polymères, de produits agrochimiques, de pigments ou de parfums. Ces étapes successives sont extrêmement fines et délicates à contrôler. De plus, le rendement de chaque étape de la réaction doit être optimal afin de limiter les ressources nécessaires. Parvenir à mieux contrôler ces réactions, mais aussi les simplifier, est un enjeu de recherche important.
«N'importe quelle transformation moléculaire est le résultat du déplacement d'électrons, particules élémentaires chargées négativement, d'une molécule vers une autre», explique Stefan Matile, professeur ordinaire au Département de chimie organique de la Faculté des sciences de l'UNIGE et au sein du Pôle de recherche national Molecular Systems Engineering, qui a dirigé cette étude. Les électrons peuvent être influencés par un champ électrique extérieur. Ainsi, il est en théorie possible de contrôler électriquement des réactions chimiques. Bien que simple sur le principe et prometteuse sur l'impact, cette approche s'est heurtée à de nombreuses limites et ses rares concrétisations sont restées peu performantes dans la pratique.

Une avancée très attendue

Avec leurs équipes, Stefan Matile et son homologue de l'Université de Cardiff, le professeur Thomas Wirth, ont réussi à activer une réaction chimique organique avec un simple champ électrique. Pour ce faire, ils ont conçu un réacteur microfluidique électrochimique. Leurs résultats montrent clairement la dépendance entre l'état d'avancement de la réaction chimique et l'intensité du champ électrique appliqué. Ce dispositif permet ainsi d'activer une réaction chimique simplement en appuyant sur un interrupteur.
«Ce type de réacteur se présente comme une petite boîte dans laquelle peut circuler le milieu réactionnel entre deux électrodes produisant le champ électrique. Les électrodes sont des plaques carrées de 5 cm sur 5 cm placées le plus près possible l'une de l'autre. Elles sont séparées par une feuille d'un quart de millimètre d'épaisseur. Cette feuille contient le canal d'écoulement pour faire circuler les molécules entre les électrodes», explique Ángeles Gutiérrez López, doctorante dans le groupe de Stefan Matile et première auteure de l'article.
Les électrodes sont recouvertes de nanotubes de carbone. En circulant à travers le réacteur, les réactifs interagissent de manière faible avec les nanotubes de carbone, ce qui les expose au champ électrique. Ce dernier induit une polarisation électronique dans la molécule activant ainsi la transformation chimique.

Vers une activation plus écologique des réactions chimiques?

Afin de créer les liaisons chimiques voulues, avec un bon rendement, les chimistes doivent mettre en place des stratégies complexes, en plusieurs étapes, faisant appel à de nombreux intermédiaires. Ces stratégies utilisent en général beaucoup de ressources et d'énergie. Le nouveau dispositif électrique proposé par les professeurs Matile et Wirth pourrait simplifier ces stratégies et ainsi réduire l'impact carbone des synthèses chimiques.
Ce dispositif présente également l'avantage d'être facilement contrôlable. «Notre ''réacteur'' est en quelque sorte à l'image de l'accélérateur de particules du CERN à Genève, mais au lieu d'accélérer des particules subatomiques, il accélère des électrons et des réactions chimiques», explique Stefan Matile. Des avancées fondamentales sont encore nécessaires pour libérer tout le potentiel du dispositif. Cette méthode pourrait toutefois être généralisée en chimie organique, à plus ou moins court terme, et ainsi rendre plus verte et davantage contrôlable la production de médicaments, de nouveaux carburants ou de nouvelles matières plastiques."  Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici


C) L'article d'origine

  • Gutiérrez López, M. Á., Ali, R., Tan, M.-L., Sakai, N., Wirth, T., & Matile, S. (2023). Electric field–assisted anion-π catalysis on carbon nanotubes in electrochemical microfluidic devices. Science Advances, 9(41), eadj5502. https://doi.org/10.1126/sciadv.adj5502

ABSTRACT (traduit)

"La vision consistant à contrôler les charges migrant lors de réactions avec des champs électriques externes est fascinante : elle apporte la promesse d'une catalyse générale, de propriétés émergentes et de dispositifs programmables. Ici, nous explorons cette idée avec la catalyse anion-π, c'est-à-dire la stabilisation des états de transition anioniques sur les surfaces aromatiques. L'activation du catalyseur par polarisation du système aromatique est la plus efficace. Cette polarisation est induite par des champs électriques. L'utilisation de réacteurs microfluidiques électrochimiques pour polariser les nanotubes de carbone à parois multiples en tant que catalyseurs anion-π apparaît essentielle. Ces réacteurs donnent accès à des champs élevés à une tension suffisamment basse pour empêcher le transfert d'électrons, offrir des rapports catalyseur/substrat efficaces et significatifs et éviter les interférences d'électrolytes supplémentaires. Dans ces conditions, le taux de cyclisations d'éther d'ouverture d'époxyde interfacé par le pyrène dépend linéairement de la tension aux tensions positives et négligeable aux tensions négatives. Bien que l'électromicrofluidique ait été conçue pour la chimie redox, nos résultats indiquent que leur utilisation pour l'organocatalyse supramoléculaire a le potentiel d'électrifier de manière non covalente la synthèse organique au sens le plus large." (Gutiérrez López,…& Matile, 2023) Traduction automatique retouchée Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici


Electric field–assisted anion-π catalysis on carbon nanotubes in electrochemical microfluidic devices,Fig. 2
Figure 2 Electric field–assisted anion-π catalysis on carbon nanotubes in electrochemical microfluidic devices  [img]

Si il est probablement impossible de réaliser (pour le moment) ces expériences en classe, en fonction des élèves et de ses pédagogies, certains trouveront peut-être intéressant de discuter avec les élèves de la perspective qu'elles ouvrent, dans un futur que les élèves connaîtront, ou p. ex. la nature électrique des changements moléculaire ?

Sources



dimanche 19 novembre 2023

Le système nerveux peut influencer la santé, l'auto-immunité, le choc anaphylactique, la douleur et l'efficacité d'une chirurgie !

Peut-on distinguer maladie et traitements "psychologiques" et "biologiques" ?

Pour les dualistes - thèse chère à Descartes - le corps et l'âme sont distincts. Or cette distinction entre "psychologique" et "biologique"  est fréquemment remise en cause par des résultats issus des neurosciences ou de la biologie fondamentale. Si le débat n'est pas clos, c'est une intéressante façon de discuter les positions monistes ou dualistes avec les élèves.

Le système nerveux pourrait être impliqué dans l'auto-immunité, le choc anaphylactique, et au coeur de l'effet placebo ?

Que les effets biologiques ou physiologiques puissent influencer le mental semble évident (Une douleur peut influencer l'humeur…). Mais dans le sens inverse, que le cerveau puisse influencer une maladie auto-immune (où des macrophages produisent une molécule, TNF-α) n'est pas facilement accepté, surtout en l'absence d'un mécanisme bien établi. Que le choc anaphylactique implique le système nerveux, et que l'effet placebo puisse être mesuré par l'activité de certaines zones du cerveau et même avoir autant d'effet qu'une chirurgie du cerveau a de quoi surprendre dans la vision dualiste.

A) L'auto-immunité (polyarthrite rhumatoïde) sous contrôle du système nerveux  ?

Dans une news feature de Nature, Fox, D. (2017). ici relatait une recherche Wang, H.,…& Tracey, K. J. (2003) ici où en stimulant électriquement ( 1mA) le nerf vague et ils réduisent la progression de la  polyarthrite rhumatoïde.

Dans cette thérapie expérimentale  les effets inflammatoires sont réduits en stimulant le nerf vague (un nerf du système parasympatique qui relie le tronc cérébral à de nombreux organes interne), Tracey, K. J. (2003) montrent comment cela conduit à ce que des macrophages réduisent la production de TNF-α qui produit l'inflammation)...  dans le cas de la polyarthrite rhumatoïde (une maladie auto-immune).  Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici



Fig 1: Mécanisme d'actino proposé par Tracey [img]. Source :(Fox, D. (2017)
Le domaine pourrait fortement se développer selon Fox, si on en juge par son titre  " Shock tactics set to shake up immunology " Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici
Fox cite un exemple des effets de cette thérapie :

"Katrin, une coach de fitness de 70 ans à Amsterdam, l'utilise pour contrôler la polyarthrite rhumatoïde, une maladie auto-immune qui entraîne la destruction du cartilage autour des articulations et d'autres tissus." "Six fois par jour, Katrin interrompt ce qu'elle fait, sort un petit aimant de sa poche et le pose sur une zone de peau surélevée juste en dessous de sa clavicule. Pendant 60 secondes, elle sent une douce vibration dans sa gorge. Sa voix vacille si elle parle. Ensuite, la sensation s'atténue. L'aimant active un dispositif implanté qui émet une série d'impulsions électriques, chacune d'environ un milliampère, semblable au courant consommé par une aide auditive typique. Ces impulsions stimulent son nerf vague un faisceau de fibres qui descend le long du cou depuis le tronc cérébral jusqu'à plusieurs organes, dont le cœur et l'intestin." Traduction. 
Selon (Fox, 2017), ces impulsions réduisent la progression de la  polyarthrite rhumatoïde.


B) Le système nerveux impliqué dans le choc anaphylactique (une grave réaction allergique )

Dans une news de Science, Lopez Lloreda (2023) ici évoque le rôle du système immunitaire dans le choc anaphylactique. Chez certaines personnes, les cacahuètes par exemple peuvent provoquer une réaction allergique dangereuse, parfois mortelle, marquée par une forte baisse de la température corporelle et de la tension artérielle, ainsi que des difficultés respiratoires. Ces symptomessont généralement imputés à une surréaction du système immunitaire. Mais une nouvelle étude chez la souris suggère que le système nerveux serait (aussi) responsable de cette réaction.
Ces résultats,« concordent avec ce que les gens pensaient mais que personne n'a réellement pu démontrer », explique Sébastien Talbot, neuroimmunologue à l'Université Queen's qui n'a pas participé à l'étude. Selon lui, ces travaux (Bao,& al., 2023) ici pourraient ouvrir la voie à de nouvelles cibles pour traiter les réactions allergiques graves chez l'homme.
Outre les arachides, les piqûres d'abeilles et certains médicaments sont des déclencheurs courants. Ces allergènes conduisent les mastocytes du système immunitaire à libérer un flot d'histamine et d'autres molécules qui se propagent dans tout le corps, dilatant les vaisseaux sanguins et rétrécissant les voies respiratoires. La température corporelle peut également baisser, provoquant une sensation de froid et de moiteur, même si la raison pour laquelle cela se produit est plus difficile à identifier. Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici

Les souris souffrent également d'anaphylaxie. Lorsqu'elles sont exposées à un allergène, elles s'allongent sur le ventre et s'étirent. Ces comportements sont contrôlés par le système nerveux central, ce qui a amené les chercheurs à soupçonner que les nerfs pourraient également jouer un rôle dans les réactions allergiques graves. En suscitant chez les souris l'anaphylaxie avec de l'ovalbumine ils ont mesuré l'activité neuronale. Comme chez les humains, la température corporelle des rongeurs a chuté d'environ 10°C. Mais le cerveau des souris n'a pas enregistré cela comme un refroidissement soudain ; au lieu de cela, les zones du cerveau qui réagissent normalement à la chaleur étaient plus actives. Ce qui explique que les animaux s'étirent comme s'ils avaient trop chaud alors même que leur température corporelle baisse.

Pour savoir comment ces zones sont suractivées, l'équipe a identifié certains neurones dans la moelle épinière et montré qu'en les bloquant, les animaux ne se sont pas refroidis pendant l'anaphylaxie, mais que l'activation de ces neurones, créait les symptômes de l'anaphylaxie même sans exposition à un allergène.
Parallèlement l'équipe a découvert qu'en plus des histamines, les mastocytes libèrent un composé appelé chymase, qui interagit avec ces neurones connectés aux zones du cerveau qui régulent la température corporelle. Lorsque l'équipe a bloqué la libération de chymase, les animaux n'ont plus abaissé leur température corporelle en réponse à un allergène. Traduction d'après Lopez Lloreda (2023) Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici

Les immunologistes ont longtemps pensé que l'histamine était le principal acteur de l'anaphylaxie, et plusieurs immunologistes ont  été surpris que la chymase – et le système nerveux – semblent également jouer un rôle majeur. L'étude pourrait fournir de nouvelles cibles pour traiter l'anaphylaxie chez l'homme. Traduction d'après Lopez Lloreda (2023).  Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine ici


l'article d e C. TourbeC) Les mécanismes de l'effet placebo, le psychologique mis en évidence dans le cerveau ?

Dans Science et Vie, avril 2004, Caroline Tourbe rapporte une étude sur les mécanismes de l'effet placebo. Elle décrit l'étude comme confirmant que "l'effet placebo n'a pas qu'une simple action psychologique, il diminue réellement la douleur par le cerveau". Le texte est accompagné d'une illustration avec des zones colorées visibles dans une coupe du cerveau ( cf ci-contre)  Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici

Pourtant la publication originale à laquelle se réfère C. Tourbe ( par Tor WAGER ici et non WAG N ER comme inscrit dans l'articlede de S&V) ne discute pas la réalité de l'effet placebo, ni s'il serait "seulement psychologique".  Cette vision (dualiste) du psychologique qui serait séparé du cerveau fonde le propos de  C. Tourbe. Or ce n'est pas du tout celle des chercheurs menés par Tor Wager ici: ils cherchent à déterminer si cet effet placebo, bien établi, fonctionne a) grâce à une diminution de la douleur qui parvient par les fibres nerveuses aux aires sensorielles de la douleur (pain matrix en anglais), b) par une gestion de l'affect de la douleur qui en réduirait la sensation, ou c) si simplement les sujets disent moins souffrir car ils pensent que l'expérimentateur attend cela d'eux (compliance).
"The experience of pain arises from both physiological and psychological factors, including one's beliefs and expectations. Thus, placebo treatments that have no intrinsic pharmacological effects may produce analgesia by altering expectations. However controversy exists regarding whether placebos alter sensory pain transmission, pain affect, or simply produce compliance with the suggestions of investigators. " Wager et al. (2004) p. 1162
Ils cherchent d'abord  à déterminer dans quelles zones on peut observer par IRMf une activité accrue ou réduite lorsque cet effet placebo se manifeste.  
Pour cela ils ont développé des méthodes subtiles permettant de distinguer deux conditions (deux situations) avec ou sans l'effet placebo en appliquant une crème annoncée comme efficace ou une crème annoncée comme inefficace comme "témoin" - mais c'est la même crème inefficace qui est appliquée dans tous les cas.  Bien sûr l'expérience est bien randomisée - l'ordre des deux conditions, le lieu d'application etc sont alternés pour neutraliser les effets de séquence, de sensibilité différente etc.). Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici

Ainsi la différence de réaction mesurée par IRMf donne des indications sur les zones activées qui permettent d'inférer les mécanismes de l'effet placebo. Wager et al. indiquent que certaines zones du cerveau sont connues pour refléter les effets psychologiques comme la gestion de la douleur (notamment le cortex cingulaire antérieur et le cortex préfrontal). 
Deux autres expériences permettent d'écarter l'hypothèse de compliance, et en discutent les mécanismes.
On voit l'imbrication entre les influx venant de la périphérie et les zones de l'affect qui modulent la perception et régulent la montée du stimulus (fibres afférentes).

"Although our results are consistent with the hypotheses that at least a part of the placebo effect is mediated by afferent pain fiber inhibition, a major portion of the placebo effect may be mediated centrally by changes in specific pain regions. This account acknowledges that pain is a psychologically constructed experience that includes cognitive evaluation of the potential for harm and affect as well as sensory components)." Wager et al. (2004) p. 1166

"Bien que nos résultats soient cohérents avec les hypothèses selon lesquelles au moins une partie de l'effet placebo est médiée par l'inhibition des fibres afférentes de la douleur, une partie majeure de l'effet placebo peut être médiée de manière centrale par des modifications dans des régions  spécifiques de la douleur. Cela reconnaît que la douleur est une expérience psychologiquement construite qui comprend une évaluation cognitive du potentiel de préjudice et d'affect ainsi que des composantes sensorielles)." Traduction automatique retouchée de Wager et al. (2004) p. 1166 Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici


D) Un placebo aussi efficace que la chirurgie cérébrale ?

Pour améliorer la qualité de vie des Parkisoniens, on introduit des cellules souche embryonnaires dans une zone précise du cerveau.  Pour vérifier que l'amélioration constatée est bien le résultat de la chirurgie et pas seulement un effet placebo, Freed & al. (2001) ici ont comparé l'efficacité d'une greffe cérébrale à une opération simulée  (sham surgery): pour la moitié des sujets toute l'opération s'est déroulée comme normalement (ils ont trépané (ouvert le crane), mais n'ont pas introduit de cellules). Ni le patient, ni les médecins qui ont fait le suivi ne savaient si l'opération était complète ou sham. Ils ont trouvé que lles bienfaits de l'oération ne résultaient pas seulement de l'effet placebo. Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici

Pour comparer l'ampleur de l'effet de la chirugie et celui de l'effet placebo, une équipe menée par la chercheure Cynthia McRae (2004) ici a interrogé un an plus tard ces patients et leur équipe de suivi sur leur qualité de vie ( avec un questionnaire standard MDS-UDPRS ) et s'ils pensaient avoir reçu la chirurgie complète ou le traitement placebo, la sham surgery. 
On voit dans la figure 3 de McRae (2004), en comparant la différence que produit le fait de croire avoir reçu l'opération complète dans les deux groupe (différence entre la barre noire et la gris clair) on peut interpréter que l'effet placebo produit une amélioration de 5-6 points - avec opération complète (transplant) ou non. On voit que l'opération complète (différence des 2 barres noires  et des 2 barres blanches) produit un effet de même ampleur (~5 points).

Fig 3 ci-contre  . (Sham surgery = chirurgie simulée Transplant = patients transplantés) UDPRS exprime l'amélioration de l'état du patient (score UDPRS)  Source: McRae et al. (2004).

Les résultats suggèrent que l'effet placebo est de même ampleur que l'effet de la réelle transplantation chirurgicale.
On peut noter que chez les patient sham surgery  mais pensant avoir reçu la transplantation (barre gris clair à gauche), les scores s'améliorent quasiment autant que chez ceux qui - à l'inverse - pensaient avoir reçu sham surgery mais avaient reçu l'opération complète (transplant) (barre noire à droite).
On sait par ailleurs que plus le patient pense que le traitement est cher, le comprimé volumineux, l'opération complexe, plus l'effet placebo est important. Cf. par exemple:
  • (R.I.), (2015) L'effet placebo : plus il est cher plus il est efficace. Science et Vie IV15 intranet.pdf

    Ces résultats sont plutôt compatibles avaec la vision moniste : les phénomènes psychologiques - ici l'effet placebo - ne peuvent guère être dissociés des effets biologiques. Le fonctionnement de l'organisme serait plutôt un tout intégrant des effets du mental sur le corps et du corps sur le mental.


  • Des exemples pour discuter la dualité corps/esprit que les neurosciences challengent

    Ce qui est intéressant dans ces exemples C et D est qu'ils peuvent -être utilisés en classe pour discuter la pensée dualiste (le psychologique serait distinct du physiologique qu'on mesure par IRMf, il y a des douleurs psychologiques qui seraient "fausses" ou "moins vraies") vs.  la pensée moniste de ces chercheurs pour lesquels les mécanismes (psychologiques aussi) de la douleur se produisent dans le cerveau et que les mesures d'activité IRMf constituent des données importantes pour mieux comprendre notre esprit. Wager et al. disent p. ex que la douleur est autant une élaboration mentale qu'une simple transmission de stimuli depuis la peau. On voit dans l'exemple D que l'effet placebo peut être aussi important que le traitement lui-même. 

    De belles discussions avec les élèves... et pour illustrer leur fonctionnement quand on parle des nerfs, , de la douleur, des structures cérébrales et du fonctinnement du système nerveux en général.

    Pour approfondir …

    Références:

    • Bao, C., Chen, O., Sheng, H., Zhang, J., Luo, Y., Hayes, B. W., Liang, H., Liedtke, W., Ji, R.-R., & Abraham, S. N. (2023). A mast cell–thermoregulatory neuron circuit axis regulates hypothermia in anaphylaxis. Science Immunology, 8(81), eadc9417. https://doi.org/10.1126/sciimmunol.adc9417
    • Fox, D. (2017, mai 5). Nervous system may play role in severe allergic reactions | Nature News Nature. https://doi.org/10.1038/545020a
    • Freed, C. R., Greene, P. E., Breeze, R. E., Tsai, W.-Y., DuMouchel, W., Kao, R., Dillon, S., Winfield, H., Culver, S., Trojanowski, J. Q., Eidelberg, D., & Fahn, S. (2001). Transplantation of Embryonic Dopamine Neurons for Severe Parkinson's Disease. New England Journal of Medicine, 344(10), 710‑719. https://doi.org/10.1056/NEJM200103083441002
    • Lopez Lloreda, C. (2023, mars 17). Nervous system may play role in severe allergic reactions. Science. https://doi.org/10.1126/science.adh8504
    • McRae, C., Cherin, E., Yamazaki, T. G., Diem, G., Vo, A. H., Russell, D., Ellgring, J. H., Fahn, S., Greene, P., Dillon, S., Winfield, H., Bjugstad, K. B., & Freed, C. R. (2004). Effects of Perceived Treatment on Quality of Life and Medical Outcomes in a Double-blind Placebo Surgery Trial. Archives of General Psychiatry, 61(4), 412–420. https://doi.org/10.1001/archpsyc.61.4.412
    • Tourbe, C. (2004) L'effet placebo diminue bien la douleur , Science et Vie avril 2004 p. 26 ( intranet.jpg )
    • Wager, T. D., Rilling, J. K., Smith, E. E., Sokolik, A., Casey, K. L., Davidson, R. J., Kosslyn, S. M., Rose, R. M., & Cohen, J. D. (2004). Placebo-Induced Changes in fMRI in the Anticipation and Experience of Pain. Science, 303(5661), 1162‑1167. https://doi.org/10.1126/science.1093065
    • Wang, H., Yu, M., Ochani, M., Amella, C. A., Tanovic, M., Susarla, S., Li, J. H., Wang, H., Yang, H., Ulloa, L., Al-Abed, Y., Czura, C. J., & Tracey, K. J. (2003). Nicotinic acetylcholine receptor α7 subunit is an essential regulator of inflammation. Nature, 421(6921), Article 6921. https://doi.org/10.1038/nature01339

    Remerciements

    Merci à Laura Weiss pour une relecture et des commentaires constructifs sur une version préalable de ce texte qui l'ont amélioré.

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    mardi 7 novembre 2023

    "je ne crois pas à la science" …que faire en classe !? :une formation avec Lecointre


    "Toutes les opinions se valent... je ne crois pas à la science" …que faire en classe de science !?

    Savoirs, opinions, croyances,,Une réponse laïque et didactique aux contestations de la science en classe,,    Guillaume Lecointre (Auteur)Aujourd'hui, en classe de biologie de physique de chimie ou même de philosophie ou d'histoire, les enseignants peuvent se trouver confrontés à une contestation du savoir scientifique lorsque des questions vives (évolution, nucléaire, pandémie, vaccins, esprit critique, etc.  Cette contestation atteint parfois une intensité extrême et des violences graves.

    Que répondre par exemple à  "Chacun croit ce qu'il veut... on est en démocratie!".

    Comment distinguer les objectifs d'apprentissage (p. ex  savoir utiliser la théorie de l'évolution pour prédire ou expliquer ) et la croyance religieuse, sur la création du monde, dans cet exemple. 

    Guillaume Lecointre, professeur au Muséum national d'Histoire naturelle en France et auteur de Savoirs, opinions, croyances : Une réponse laïque et didactique aux contestations de la science en classe, animera une formation continue  organisée par Philippe Lavorel et Cyril Obadia

    CO-01500 pour donner aux enseignants les moyens d'y répondre clairement, sans polémique, et de manière laïque.

    Objectifs

    - Permettre aux enseignantes et aux enseignants de distinguer, dans un cadre didactique, les savoirs, les opinions et les croyances.
    - Identifier les enjeux scolaires et questions socialement vives en lien avec la contestation de la science en classe
    - Envisager des outils didactiques pour répondre aux contestations de la science en classe.

    JTS a compilé quelques extraits de Lecointre (2018) pour vous donner envie de lire cet ouvrage, ou d'assister à cette formation pour une belle opportunité d'entendre cet auteur remarquable, discuter avec lui et les collègues, pour mieux comprendre comment gérer en classe cette question délicate.
    JTS propose aussi plus bas un éclairage convergent de Keit Taber dans "Masterclass in science education". Un paragraphe titré de manière provocante : "il ne faut pas croire en l'évolution". 

    Différences entre savoirs, opinions, et croyances

    Pour cela, Lecointre détaille les différences entre savoirs, opinions, et croyances (religieuses ou non). Il explique comment la science produit des connaissances. Il rappelle que le cours de sciences est un espace collectif dédié au savoir, sans que cela soit incompatible avec la liberté individuelle de croire ou la liberté d'opinion. Il détaille l'articulation de ces notions dans la démocratie républicaine française (d'où la référence fréquente à la laïcité qui est une valeur très explicite dans ce pays).

    Lecointre distingue une opinion personnelle, une croyance (religieuse ou non) et un savoir, notamment sur la base de la manière dont une affirmation est assumée et légitimée.  Cf. Table 1 (Lecointre 2018).


    Affirmation
    Assumée…
    Légitimée par…
    Savoir
    Collectivement
    Justification rationnelle ;
    Ouverture à la réfutation
    Croyance
    Individuellement
    Autorité / confiance ;
    Indifférence à la réfutation
    Croyance religieuse
    Collectivement
    Autorité / confiance ;
    Fermeture à la réfutation
    Opinion
    Individuellement
    Divers

    Table 1 d'après  (Lecointre 2018).

    Lecointre développe ce qui fait qu'un savoir est scientifique. Notamment le type de preuve reconnue dans la discipline.
    Pour éviter la mécompréhension entre Physique, chimie, biologie, philosophie,il argument que deux régimes de preuves distincts se valent : la preuve expérimentale ou preuve «hypothético-déductive» et la preuve historique souvent utilisée en paléontologie. Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'ouvrage de Lecointre p. 69

    Rien qu'une théorie ?

    "Une théorie scientifique est un cadre conceptuel qui permet de relier entre eux des faits variés, des lois, des
    règles de al manière al plus cohérente possible, et d'émettre des hypothèses, des conjectures et des prédictions. Plus une théorie est cohérente et complète, plus ses prédictions ont de chances d'être vérifiées. Une théorie est réfutable par la communauté des chercheurs, selon un processus complexe qui peut parfois être assez long. " []"Le «que» suggère une dépréciation des théories par rapport aux faits." […] [il est donc ] "urgent d'enseigner qu'en sciences il n'y a pas de faits possibles sans théorie pour l'appréhender. " Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'ouvrage de Lecointre p. 70

    La science est collective et non l'œuvre de héros solitaires

    Il relève aussi que la science est forcément collective (les recherches sont discutées dans des colloques et conférences, le débat se fait à travers les publications) , et le consensus y émerge. Pour un temps, puisque les progrès viennent régulièrement remettre en question, affiner, préciser les modèles scientifiques.

    Les héroïnes et héros de la science peuvent susciter des vocations ?

    Pourtant "l'héroïsation des chercheurs et/ou une vision mythique de la science, s'ils ont des conséquences négatives, suscitent malgré tout des fascinations, tout au moins des réactions positives et des vocations vers le métier de chercheur ou chercheuse et d'autres métiers qui sont en lien avec la science". Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'ouvrage de Lecointre p. 73

    Faut-il croire ? Peut-on éviter de croire au moins temporairement ? 

    Pour Lecointre " croire peut être d'abord [compris] comme l'expression d'un manque temporaire de données, et souvent, un pis-aller devant la complexité des phénomènes que nous tentons d'appréhender.[…]Mais dans tous les cas, nous ne faisons rien d'autre que de croire, avec une tendance à choisir - sans doute inconsciemment - dans l'accumulation des témoignages, tous partiels et parfois contradictoires, ceux qui confortent notre propre vision des choses. " Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'ouvrage de Lecointre pp. 93-94


    Pour un autre éclairage de cette question, en particulier comment enseigner la science et exiger de l'appliquer à des exercices et des examens ne doit pas être en contradiction avec les croyances des élèves  voir aussi Taber, K. (2019). Ch 11  ( le lecteur saura utiliser un des traducteurs automatiques disponibles sur internet si nécessaire)

    " Most importantly, the reflective approach does not ask students to change what they believe. In the science classroom, we do not champion or question anyone's religion. What we do ask in science is that students understand the scientific theory and they appreciate why this idea has become the current consensus understanding in science. If they can do that, they can answer examination questions in science. Perhaps a better understanding of the theory and the evidence may lead them to question a faith-based rejection of evolution, but that should not be the aim of teaching. […] Perhaps a better understanding of the scientific account will allow them to engage with arguments against the science from a position of securer knowledge of what it is that is actually being criticised. If we are confident of the science, then that is not something we should be concerned about. What is important though is that science is taught in a way that does not directly seek to challenge anyone's beliefs, and that the science itself is not compromised. Presenting natural selection as theoretical and the best current naturalistic account (rather than as a proven, absolutely true account) is true to the science, and to the nature of science. It is against the nature of science to ever teach it (or any other model or theory) as a dogma."  Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'ouvrage de Taber pp 173-174 ch 11,

    "You should not believe in evolution!
    "Given that teaching the theory of natural selection to students who have no principled reason to object to it is challenging enough (see Chapter 11), having the additional complication of teaching students who object to it on religious grounds (or who have been informed by the new atheists that it is in competition with their religious views) adds a major additional complication. The approach that is recommended here is unlikely to completely avoid some degree of conflict for some students, but it should help in most cases. It is not the teacher's job to ask students to believe in a scientific theory such as natural selection. Indeed, if teachers are doing their job well in teaching the theory, the students will not believe in it. Science is not about belief, and the role of the science teacher is not to persuade students that a scientific account is true. The science teacher is charged with helping students understand (and so be able to apply) the scientific models and theories. It is part of science teaching to help students see why scientists have come to currently adopt a particular idea, but they do not have to be convinced about it themselves. Indeed, we would hope that scientists remain open-minded - open to new evidence that challenges current ideas, or to a new way of thinking that actually makes better sense of the available evidence. A scientist should be convinced that the ideas they apply offer the best currently available basis for understanding the existing evidence, but not that they represent an absolute and fïnal account of nature  Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'ouvrage de Taber p. 160 ch. 6

    Références

    • Lecointre, G. (2018). Savoirs, opinions, croyances : Une réponse laïque et didactique aux contestations de la science en classe. Belin éducation.
    • Taber, K. (2019). MasterClass in science education : Transforming teaching and learning.