Situer les différences génétiques interindividuelles produit une carte d'europe !
Un traitement statistique des variantes génétiques (SNP) pour plus de 1000 européens (Analyse en composante principales) produit une répartition de ces individus qui ressemble bien à la carte de leurs ancêtres... On y distingue même les Suisse-allemands des Romands et des Tessinois.
Fig 1 : Les différences génétiques peuvent-être représentées dans 2 dimensions qui ressemblent remarquablement à une carte géographique. source: Cahoon, Lauren, (2008)
Carte plus détaillée
Dans une news de Science, Lauren Cahoon (2008) décrit les résultats d'une étude par John Novembre à l'University of California, Los Angeles (Novembre, J., et al. 2008
Genes mirror geography within Europe) dans la revue Nature. Ils ont comparé 500,000 SNP (Single Nucleotide Polymorphisms) parmi 1387 Européens dont les grands parents étaient de la même région qu'eux pour établir une représentation en 2-d de ces différences.
SNP ?
Les SNP sont des endroits du génome humain où l'on connaît au moins deux variantes de nucléotides à cette position précise. Ce sont donc des sortes de marqueurs de variation. (cf
Bio-Tremplins février 2008) Ces variantes sont répertoriées dans une base librement accessible
DbSNP
D'anciennes questions avec de nouveaux outils... à apprivoiser
Cavalli-Sforza avait déjà utilisé ces outils statistiques (Notamment l'ACP) pour établir une cartographie génétique, mais sur la base des fréquences des allèles de plusieurs gènes.
Maintenant qu'on peut séquencer des milliards de base à la fois, et traiter statistiquement des montagnes de données, on peut aborder les mêmes questions sur la base d'une avalanche (un demi-million ici) de variantes (SNP) chez de très nombreuses personnes , 1000 ici. Ces nombres vont sans doute augmenter très vite.
On est déjà capable de séquencer des milliards de base en peu de jours, mais une comparaison sur l'ensemble du génome de nombreux individus n'est pas encore aisée...
Là aussi on voit que le biologiste peut de moins en moins se passer d'une bonne base dans le domaine des technologies de traitement de l'information, simplement pour bien comprendre et mettre en perspective les résultats qui sont publiés.
Une analyse statistique
Une analyse en composante principale (ACP) cherche les axes de variations maximum dans l'espace de toutes ces variations des SNP. Elle réduit les variations à 2 axes en somme. (Sorry les statisticiens, c'est très simplifié...
voir ici pour plus de détails) On peut ainsi visualiser ce qui différencie les individus de l'échantillon et ce qui les rapproche sur l'ensemble des SNP.
L'étonnante correspondance avec la carte (souvent à quelques centaines de km près)) révèle selon Carlos Bustamante a quel point les mariages ne sont pas aléatoires, mais bien plus probables à l'intérieur des groupes sociaux qui correspondent en gros aux pays et aux langues. La suisse se révèle ainsi être constituée de 3 clusters assez distincts, avec peu de brassage génétique entre eux.
Fig3 : Les suisses des 3 régions linguistiques peuvent être souvent être distingués génétiquement. Source (
Novembre, J.., et al. (2008))
La géNographie
Ils proposent le terme de geNographie pour ce type d'études. Les usages de ce type d'information sont nombreux, disent les auteurs : avec plus de données, cela permettra peut-être de situer l'origine d'un individu sur la carte, une forme d'aide à la généalogie. Pour la médecines légale on peut situer sur la carte des traces ( cheveu, sang, etc.) d'un suspect ou un coupable...
Cela soulève des enjeux éthiques ou légaux nouveaux.
Que nous apporte la géNographie !?
Nous avions vu dans les
Bio-tremplins ici (mai 2008) qu'on avait pu- avec les SNP également - confirmer l'origine africaine des populations mondiales et leur répartition selon 2 grands mouvements de migration.
La fameuse revue National Geographic propose avec
The Genographic Project une identification de son origine ethnique dans le projet
Your Genetic Journey pour situer son lignage sur des dizaines de milliers d'années "
explain the genetic journeys that bond your personal lineage over tens of thousands of years. "
La question des origines prend un autre éclairage aux USA où l'esclavage a déraciné pas mal de gens et où les arbres généalogiques ne sont pas disponibles pour beaucoup de descendants de colons.
Mise en perspective
Mattias Jakobsson,un généticien des populations à l'Université d'Uppsala en Suède souligne que si ces statistiques très fines ont pu mettre en évidence des différences, cela ne devrait pas faire oublier que les similitudes entre européens sont bien plus grandes que ces différences !
A l'expo
Chromosome Walk de l'UniGE au jardin Botanique, Marie-Claude Blatter disait à mes élèves qu'il n' y a qu'1 pour mille qui change dans le génome d'une personne à l'autre : bien sûr ça fait quand même 3 millions de différences, mais ça ne doit pas masquer la très grande similitude entre nous tous.
Pour paraphraser l'expositions conçue par Hubert Van Blyenburgh,
"Tous semblables tous différents" ...
André Langaney fustige ces tests dans une émission récente de la RSR
Podcast.
Une mise en garde de Charmaine Royal du Duke Institute for Genome Sciences and Policy (Brendan, Maher. 2008) souligne combien ces tests peuvent avoir des conséquences psychologiques lourdes et qu'ils posent la réalité des race comme un fait, comme si il y avait 4 ou 5 groupes d'humains descendant d'ancêtres distincts et bien séparés les uns des autres alors que la recherche en génétique a montré que ces séparations n'ont aucun fondement. L'usage de tels test pour permettre aux juifs de vérifier leur origine fait pas mal de bruit en évoquant de sinistres précédents : un article dans un gratuit évoque le scandale Melilo, Giuseppe. (2008)
Et en français ?
- Dubuis, Etienne, (2008) Laisse-moi lire ton ADN et je te dirai d'où tu viens, Le Temps , 6 septembre 2008 | Intranet.pdf
- Melilo, Giuseppe. (2008) , "le test ADN pour détecter le juifs : "C'est un scandale", 20 Minutes, 19 sept 2008 | Intranet.jpg
- Commentaire décapant d'André Langaney sur ces tests : PodcastRSR
- Melilo, Giuseppe. (2008) , Le test ADN pour détecter le juifs : "C'est un scandale", 20 Minutes, 19 sept 2008 | Intranet.jpg
Références
- Cahoon, Lauren, (2008). "Genography" Puts European Ancestry on the Map ScienceNOW Daily News 2 Sept. 2008
- Novembre, J., Johnson, T., Bryc, K., Kutalik, Z., Boyko, A. R., Auton, A., et al. (2008). Genes mirror geography within Europe. Nature.doi:10.1038/nature07331
- Novembre, John &Stephens Matthew, (2008). Interpreting principal component analyses of spatial population genetic variation Nature Genetics 40, 646 - 649 (2008) : 20 April 2008 | doi:10.1038/ng.139
- Brendan, Maher. (2008). The pitfalls of tracing your ancestry | Nature news 13 November 2008| doi:10.1038/news.2008.1227
Update 15 XI 08 : ajouté les liens sur les commentaires d'André Langaney et la mise en garde de Charmaine Royal du Duke Institute for Genome Sciences and Policy (Brendan, Maher. 2008). Et une réf. d'un journal gratuit sur un test qui identifie les juifs a été rajoutée