Si on ne les cherche pas on ne trouve pas d'autres photorécepteurs
Fig 1 : En plus des cônes et des bâtonnets, notre rétine contient des cellules ganglionnaires sensibles à la lumière : ipRGC illustrés en bleu. [img]Source : Lok, Corie. (2011)
Dans une Feature News de Nature, Corie Lok (2011)
Obtenir cet article : Get-a-doi discute une découverte récente Zaidi, F. H. et al. (2007) qui remue le domaine de la recherche sur la vision. Certaines des cellules ganglionnaires de la rétine contiennent de la mélanopsine et sont sensibles à la lumière ( surtout bleue). Leur fonction d'intégration des influx depuis les cônes et bâtonnets avait masqué leur rôle de photorécepteurs. Ils participeraient aux rythmes circadiens, à la détection des niveaux de lumière ambiante et pourraient même activer certains apprentissages. La question des effets de certaines lumières ambiantes colorées sur la physiologie et le comportement - un peu suspecte jusqu'à récemment - est en pleine recherche et reprend de la respectabilité.
Un jour une femme complètement aveugle depuis 50 ans suite à une maladie génétique qui avait détruit ses cônes et bâtonnets dit voir une sorte de lueur faible quand un panneau s'éclaire de bleu. Russell Foster - un des auteurs à l'uni d'Oxford- dit Zaidi, F. H., et al. (2007)
Obtenir cet article : Get-a-doi dit avoir été complètement bluffé . On connaissait les ipRGC depuis 2002, mais on pensait qu'il servaient seulement à synchroniser l'horloge circadienne.
Comment distinguer une cellule photosensible d'une qui intègre les influx d'autres cellules photosensibles ?
Ce qui a rendu difficile la découverte de ces cellules ganglionnaires est que le modèle dans lequel on travaillait expliquait aussi très bien les données : ces cellules intègrent en effet les influx de plusieurs photorécepteurs : ce n'est pas très facile à distinguer d'une photo-réception propre. Il a fallu que des données discordantes : Forster dans les années 1990 découvre que des souris dont la rétine dégénérait avaient une réponse circadienne à la lumière indistinguable des souris normales. Mais les yeux étaient bien nécessaires à cet effet. Le scepticisme a été très grand au début : lors des premières conférences de Forster des chercheurs se sont levés et sont sortis de la salle ! Même (surtout?) chez les chercheurs du domaine on avait perdu de vue que toute connaissance scientifique repose sur des données et que de nouvelles données peuvent remettre en question une certitude pourtant considérée comme solide. En sciences Astolfi rappelle que " les « faits» sont des interprétations qu'on ne remet plus en question, souvent parce qu'on a oublié (individuellement et collectivement) par quel découpage du monde ils ont été construits." Astolfi, J. P. (2008)
Trébuche mais avance ...
Finalement l'idée a fait son chemin... et une course de vitesse s'est terminée
ex-aequo avec d'autres chercheurs: Hattar, S., et al (
2002)
Obtenir cet article : Get-a-doi qui ont aussi montré que 1% des cellules de la couche ganglionnaire expriment la mélanopsine chez la souris et on sait que c'est moins encore chez l'humain.
Ce que Zaidi, et al. montrent est que les effets vont beaucoup plus loin : contraction des pupilles, suppression de la mélatonine, augmentation de la vigilance, et même conscience de la lumière. Ils disent avoir mis en évidence des effets sur :
"circadian, neuroendocrine, and neurobehavioral responses to light, and even visual awareness of light " . Ces effets sont maximaux dans le bleu ( 480 nm) où les ipRGC sont les plus sensibles cf figure 2.
Fig 2 : Spectres des cônes, bâtonnets et les "nouveaux" ipRGC- [img]Source : Lok, Corie. (2011)
Des effets sur l'apprentissage ?
Steven Lockley et ses collègues, à la
Brigham and Women's Hospital à
Boston, ont testé les temps de réaction de 16 volontaires sains exposés à de la lumière bleue ou verte durant 6.5 heures. Ceux exposés à la lumière bleu ont eu des temps de réaction plus rapides moins d'erreurs d'inattention
. Cela ouvre un potentiel de manipuler la lumière ambiante pour être plus efficace. Mais pose la question des effets de longueurs d'ondes auxquelles notre évolution ne nous a pas préparés avertit Van Gelder, neurobiologiste et ophtalmologue à l'
University of Washington, Seattle. . "Alors que les éclairages LED riches en bleu se généralisent nous avons besoin de réponses rapides !"
Une question collatérale pour exploser les esprits curieux...
Sur la figure 2, le spectre des cônes rouges n'est pas aussi simple que celui de nombreux ouvrages scolaires. Pourrait-il y avoir un lien avec la représentation en roue des couleurs : le cercle chromatique. Une représentation sur laquelle repose une part essentielle des arts graphiques, de l'impression et des affichages de toutes sortes. Une circularité qu'on prend pour un fait établi sans en discuter les causes.
<--- ? ---> En somme pourquoi un spectre ( linéaire ) devient-il circulaire dans la perception humaine des couleurs ? Ou, pour mettre sur la piste : pourquoi est-ce qu'ajouter du rouge au bleu donne-t-il l'impression du violet ?
Bonne nuit .-)) P.S. N'imaginez pas que j'ai une réponse définitive, c'est une vrai question ouverte pour moi.
Sources
- Astolfi, J. P. (2008). La saveur des savoirs. Disciplines et plaisir d'apprendre. Paris: ESF.
- Foster,r.G.et al.J.Comp.Physiol.A169,39–50 (1991).
- Hattar, S., Liao, H.-W., Takao, M., Berson, D. M. & Yau, K.-W. Science 295, 1065-1070 (2002). | Article | PubMed DOI: 10.1126/science.1069609 intranet.pdf
- Lockley, S. W. et al. Sleep 29, 161-168 (2006). | PubMed
- Lok, Corie. (2011). Vision science: Seeing without seeing | Nature News Feature 469, 284-285 19 January 2011| doi:10.1038/469284a
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Zaidi, F. H., Hull, J. T., Peirson, S. N., Wulff, K., Aeschbach, D., Gooley, J. J., Brainard, G. C., et al. (2007). Short-Wavelength Light Sensitivity of Circadian, Pupillary, and Visual Awareness in Humans Lacking an Outer Retina.
Current Biology,
17(24), 2122-2128. doi:
16/j.cub.2007.11.034 Download a PDF of this article.