Introduction
Avec la rentrée, de nombreux enseignants de biologie seront
confrontés aux questions des élèves. Jump-To-Science a
sélectionné quelques publications récentes qui aideront chacun-e
à trouver dans l'état actuel de la recherche les réponses à
donner aux élèves en fonction de leur niveau et de leur style
pédagogique.
Quelques extraits et résumés feront gagner du temps mais visent
plutôt à donner envie d'en lire plus. encourage
à lire l'original plutôt que la vulgarisation et facilite
l'accès à la littérature scientifique, car c'est là que la
science se construit.
Cette publication JTS abord les principes communs et la
diversité des réponses immunitaires dans le cas du COVID-19, les
mécanismes et les différentes formes de vaccination envisagées,
l'immunité collective et le facteur R ainsi les séquelles ou
effets à moyen terme sur des patients "guéris". Des pistes pour
approfondir et quelques réflexions pédagogiques terminent la
publication.
Pour approfondir les applications en classe : la formation continue SEM 10708 le 4 novembre | La biologie numérique : des opportunités pour mieux apprendre, notamment pour des aspects difficiles pour les élèves
Penser binaire ne permet pas de comprendre et renforce les angoisses
De nombreux post sur les réseaux sociaux se sont fait
un plaisir de mettre en évidence des paradoxes dans la
communication à propos du COVID-19. Des paradoxes concernant les
progrès dans la compréhension du mécanisme d'action du Virus
SARS-Cov2, ou dans la manière dont nos autorités le gèrent. Un
exemple avec Tintin suggère que si on évite l'infection en se
confinant on ne devient pas immunisé. J'avoue avoir bien ri en
le lisant, mais ce message peut être anxiogène, car il met en
évidence des incertitudes et l’absence de contrôle sur sa vie. Cf. JTS mars 2020
Le paradoxe se résout si on sort de la pensée binaire et
simpliste. En effet ce texte de Tintin sous-entend que :
- a) on serait immunisé (complètement) ou pas du tout;
- b) on deviendrait immunisé (complètement et
durablement) si on l'attrape (quel que soit son âge et sa
santé, et la gravité que prend le cours de la maladie),
- c) le risque d'attraper la maladie serait un
phénomène individuel (l'immunité dans ce texte).
Les perspectives de vaccin …
Pour dépasser la pensée simpliste a) on serait
immunisé (complètement) ou pas du tout; JTS vous propose
des extraits d'une news dans Nature (Ledford, H. (2020)"What
the immune response to the coronavirus says about the prospects
for a vaccine" (Les membres Jump-To-Science peuvent obtenir ces
articles…).Les signes à ce jour pour le SRAS-CoV-2 sont encourageants. Plusieurs équipes de chercheurs ont rapidement isolé des anticorps neutralisants de personnes infectées par le virus; la plupart pourraient monter une telle réponse anticorps dans les jours suivant le test positif. Et plusieurs candidats de vaccins contre le SRAS-CoV-2 provoquent une forte réponse d'anticorps, signe positif que les vaccins pourraient générer une immunité." Ledford, H. (2020) Notre traduction encourage le lecteur à aller vérifier dans l’article d’origine : ici
Comment un virus déclenche une réaction immunitaire et
comment vacciner
La réponse humorale à court terme (primaire) et à long terme
(secondaire) repose sur les cellules B mémoire
Même si les niveaux d'anticorps tombent à des niveaux extrêmement bas, le système immunitaire a souvent un autre mode d'action. Les cellules B mémoire s'attardent dans la moelle osseuse jusqu'à ce qu'un virus revienne, lorsqu'elles prennent une nouvelle identité de plasmocytes producteurs d'anticorps. Les données actuelles sur le rôle des cellules B mémoire dans la lutte contre le COVID-19 sont incomplètes - ces cellules sont plus difficiles à localiser et à compter que les anticorps - mais jusqu'à présent, les données suggèrent qu'elles prolifèrent, dit Marcus Buggert, immunologiste à l'Institut Karolinska à Stockholm. Une étude récente, qui n'a pas encore été examinée par des pairs, a trouvé des cellules B mémoire capables de produire des anticorps neutralisants qui reconnaissent le SRAS-CoV-2 chez des personnes qui s'étaient rétablies d'un COVID-19 modéré. Ledford, H. (2020) Notre traduction
Nos élèves d'OS apprennent que
l'infection ou la vaccination stimulent de la même manière
complexe ( cf Janeway
et figure 2) des lymphocytes B du système immunitaire pour
produire des Anticorps (Ac) dans les 6-7 jours qui suivent
l'infection, mais aussi des cellules B-mémoires qui peuvent se
transformer en plasmocytes produisant de fortes quantités d'AC
(réponse secondaire). Une baisse des Ac une fois l'infection
surmontée pourrait donc être normale. Notez bien dans la
figure 2 que les Ac sont tout de même 10-100x plus abondants
après. On voit aussi que lors d'un nouveau contact avec le
pathogène, la réponse secondaire produit beaucoup plus d'Ac
(de plus ils varient et sont sélectionnés pour mieux s'adapter
aux épitopes du virus). cf janeway
Source Janeway , et al 2001. Librement accessible On-line
De plus l'intensité de la réaction
secondaire peut dépendre de la dose initiale comme le montre (Janeway
2011)
Comment ces mécanismes naturels pourraient-ils être stimulés pour vacciner?
La manière dont le virus est traité par le système immunitaire et les différentes approches pour produire un vaccin sont très clairement illustrées dans un News Feature de Nature
- Callaway, E. (2020). The race for coronavirus vaccines : A graphical guide. Nature, 580(7805), 576‑577. https://doi.org/10.1038/d41586-020-01221-y (Les membres Jump-To-Science peuvent obtenir ces articles…).
Et l'immunité cellulaire ?
Nos élèves d'OS savent que des
Lymphocytes T (Janeway,
2011) sont aussi sélectionnés et activés par les
fragments de pathogènes (épitopes) et détruisent souvent les
cellules infectés par des virus (ou cancéreuses).
Et l’immunité collective ?
La pensée individualiste - si dominante dans notre
société - et simpliste c) (le risque d'attraper la maladie serait un
phénomène individuel) empêche de comprendre
l'approche épidémiologique et l'importance des mesures de
distanciation, les gestes barrière, etc.
L'immunité collective fait référence à une situation où
suffisamment de personnes dans une population sont immunisées
pour être en mesure d'arrêter efficacement la propagation de
la maladie. C'est un objectif central des campagnes de
vaccination.
Adam (2020) indique qu'on vise à diminuer la probabilité qu'un
individu atteint transmette à d'autres. Si cette probabilité
(nommée R) passe en dessous de 1 l'épidémie diminue et s'éteint.
En mars le R était élevé en Allemagne (Cf figure 4) puis les
mesures de confinement, de distanciation sociale ont réussi à
faire baisser cette valeur, pour un temps...
Fig 4 ci-contre : Le R assez
bas au début a pu être réduit, et l'accroissement en juin
reflète surtout un cluster d'infections régionales. [img]Adam,
D. (2020)
- Adam, D. (2020). A guide to R — the pandemic’s misunderstood
metric. Nature, 583(7816), 346‑348.
https://doi.org/10.1038/d41586-020-02009-w
- Etat des lieux de l’immunité collective contre le coronavirus (RTS vidéo) https://www.rts.ch/video/la-1ere/l-eclairage-d-actualite/11554236-etat-des-lieux-de-limmunite-collective-contre-le-coronavirus-video.html
Comment le COVID-19 attaque l'organisme
Durant la maladie le virus semble attaquer de nombreux organes
[img] et fort différemment selon les
personnes, JTS a publié en avril une
discussion des applications en classe sur la base de
- Wadman, M., Couzin-Frankel, J., Kaiser, J., & Matacic,
C. (2020, avril 17). How does coronavirus kill? Clinicians
trace a ferocious rampage through the body, from brain to
toes. Science | AAAS. https://www.sciencemag.org/news/2020/04/how-does-coronavirus-kill-clinicians-trace-ferocious-rampage-through-body-brain-toes
"Au début de la pandémie, les médecins ont appris que le SRAS-CoV-2, le virus qui cause le COVID-19, peut perturber un éventail impressionnant de tissus dans le corps. Comme une clé qui s’insère parfaitement dans une serrure, le SRAS-CoV-2 utilise une protéine àsa surface pour se verrouiller sur les récepteurs ACE2 des cellules. Les poumons, le cœur, l’intestin, les reins, les vaisseaux sanguins et le système nerveux, entre autres tissus, expriment l’ACE2 à la surface de leurs cellules - et sont donc vulnérables au COVID-19. Le virus peut également provoquer une réaction inflammatoire dramatique, y compris dans le cerveau. Souvent, «le danger survient lorsque le corps réagit de manière disproportionnée à l'infection», explique Adrija Hajra, médecin à l'Albert Einstein College of Medicine de New York. Elle continue de s'occuper de ceux qui ont été infectés au printemps et sont toujours en convalescence. Couzin-Frankel, J., (2020) notre traduction encourage le lecteur à aller vérifier dans l’article d’origine : ici
Quand on est guéri, on est guéri, non ?
«Tout le monde parle d'une situation binaire, soit vous
maîtrisez aisément la maladie et vous vous rétablissez
rapidement, soit vous tombez vraiment malade et vous vous
retrouvez aux soins intensifs», explique Athena Akrami, qui ne
fait partie d'aucune des deux catégories. […] La liste
des troubles persistants du COVID-19 est plus longue et plus
variée que la plupart des médecins n'auraient pu l'imaginer.
Les problèmes persistants comprennent la fatigue, un rythme
cardiaque accéléré, un essoufflement, des articulations
douloureuses, une pensée brumeuse, une perte persistante de
l'odorat et des dommages au cœur, aux poumons, aux reins et au
cerveau."Couzin-Frankel, J., (2020)
notre traduction
- Couzin-Frankel, J., (2020, juillet 31). From ‘brain fog’ to heart damage, COVID-19’s lingering problems alarm scientists. Science | AAAS. https://www.sciencemag.org/news/2020/07/brain-fog-heart-damage-covid-19-s-lingering-problems-alarm-scientists (Les membres Jump-To-Science peuvent obtenir ces articles…).
Certains patients atteints de COVID-19 présentent des symptômes
et des complications durables tels que des lésions d'organes, et
les chercheurs proposent des raisons pour certains d'entre eux
(en bas). Les scientifiques essaient d'identifier ces symptômes,
leur fréquence, leur durée, les personnes à risque et comment
les traiter et les prévenir.
Fig 5 :Certains patients atteints de COVID-19 présentent
des symptômes et des complications durables tels que des
lésions d'organes, et les chercheurs proposent des raisons
pour certains d'entre eux (en bas).
Explorer l'expression du gène ACE2 : une belle opportunité pour donner du sens aux cours ?
Une série d'activités possibles avec les élèves - par exemple pour explorer ACE2 et son expression dans nos cellules a été présentée dans la publication Jump-To-Science du 29 avril elle fait partie du projet La biologie numérique : opportunités pour enseigner" et donnera lieu à une Formation continue SEM 10708 le 4 novembre
Faut-il dire la « vérité » scientifique complexe ou simplement aider les élèvesà réussir l’examen ?
Est-il possible de faire comprendre aux
élèves que le monde n'est pas simple ?
Qu'on peut être partiellement immunisé contre un virus donné ?
Qu'une
immunité partielle nous protègera un peu ou beaucoup
mais qu'elle réduira probablement la gravité de la maladie
potentielle ?
Qu'il n'y aura sûrement pas un vaccin qui
protège 100% des gens à 100%, que le vivant ne produit pas de
toujours et de jamais…
et donc que lorsque les médias avides de sensations publieront
le cas d'une personne vaccinée qui a quand même eu la maladie
on pourra expliquer que c'est inévitable,…
Mais que si beaucoup de gens sont largement protégés cela
protège aussi les autres …
La pire erreur que nous, les enseignants, commettons est de simplifier à l'extrême la plupart des idées que nous enseignons afin de les rendre plus facilement transmissibles aux apprenants. En plus de séparer les idées de leur contexte qui leur donne du sens, […]. Mais qu'apprennent-ils? Que les connaissances scolaires sont séparées de la réalité et que le monde serait un endroit fiable et simple. Mais le monde n'est pas un endroit fiable et simple, et les idées dépendent des contextes dans lesquels elles existent pour avoir un sens " Jonassen, D. H. (2003) p.8 notre traduction
Cependant Chevallard (1991) a montré que la transformation des
savoirs de recherche en savoirs scolaires les simplifie de manière
"inévitable et nécessaire". Ainsi il faudra bien clarifier pour
les élèves ce qui sera institutionnalisé dans la classe et ce qui
sera exigé aux examens.
La tension entre a) le besoin de « vérité » scolaire - celle
qui assure la bonne note – et b) une « vérité » scientifique -
forcément provisoire et complexe, nuancée et au degré de certitude
délimité par les méthodes qui ont produit ces savoirs (source)
- est un des enjeux les plus difficiles de l'éducation
scientifique, sur lequel JTS reviendra.
Pour aller plus loin …
Un résumé chronologique des principales étapes dans la
compréhension du virus, de la maladie.
-
Editorial | Progress report on the coronavirus pandemic
In the first of a series of editorials, we look back at some of the key findings from scientists’ race to demystify SARS-CoV-2.
-
News | Antibody therapies could be a bridge to a coronavirus vaccine — but will the world benefit? Monoclonal antibodies are complex and expensive to produce, meaning poor countries might be priced out. Heidi Ledford
Comment détecter tôt les patients dont la maladie évoluera de
manière bénigne ou critique ?
-
News & Views | COVID-19 poses a riddle for the immune system
It is unclear why people’s immune response to the SARS-CoV-2 coronavirus varies so widely. Tracking patient responses over time sheds light on this issue, and has implications for efforts to predict disease severity. Stanley Perlman
-
News & Views | Species that can make us ill thrive in human habitats Does the conversion of natural habitats to human use favour animals that harbour agents causing human disease? A global analysis of vertebrates provides an answer to this pressing question.Richard S. Ostfeld & Felicia Keesing
-
Perspective | A perspective on potential antibody-dependent enhancement of SARS-CoV-2
The antibody-dependent enhancement of disease is reviewed, with an emphasis on implications for the prevention and treatment of SARS-CoV-2 infection. Ann M. Arvin, Katja Fink, […] & Herbert W. Virgin
Références:
- Adam, D. (2020). A guide to R — the pandemic’s misunderstood metric. Nature, 583(7816), 346‑348. https://doi.org/10.1038/d41586-020-02009-w
- Callaway, E. (2020). The race for coronavirus vaccines : A graphical guide. Nature, 580(7805), 576‑577. https://doi.org/10.1038/d41586-020-01221-y
- Chevallard, Y. (1991). La transposition didactique. Du savoir
savant au savoir enseigné (2e éd. revue et augmentée, 1985 lre).
La Pensée sauvage.
- Janeway CA, Travers P, Walport M, et al. (2012) Immunobiology: The Immune System in Health and Disease. 5th edition. New York: Garland Science; 2001. On-line librement accessible
- Jonassen, D. H. (2003). Learning to Solve Problems with
Technology : A Constructivist Perspective. Merrill Prentice
Hall.
- Ledford, H. (2020). What the immune response to the coronavirus says about the prospects for a vaccine. Nature. https://doi.org/10.1038/d41586-020-02400-7
- Wadman, M., Couzin-Frankel, J., Kaiser, J., & Matacic, C.
(2020, avril 17). How does coronavirus kill? Clinicians trace a
ferocious rampage through the body, from brain to toes. Science
| AAAS. https://www.sciencemag.org/news/2020/04/how-does-coronavirus-kill-clinicians-trace-ferocious-rampage-through-body-brain-toes