Meilleurs vœux pour 2013
Bio-Tremplins vous souhaite de savourer encore plus en 2013 la Saveur des savoirs (Astolfi 2008) et de réussir à donner à vos élèves et étudiants le bonheur de comprendre le monde vivant, la satisfaction de voir "au-delà du sens commun" que la biologie peut donner. (Astolfi 2008)Alors que plusieurs d'entre vous s'adonnent aux joies des sports d'hiver, puis rentrent se réchauffer au coin d'un feu dans un chalet certains animaux passent l'hiver dehors, par tous les temps. Comment ils y parviennent reste difficile à comprendre.
Le bouquetin est un mammifère endotherme ? Pas tout à fait, en hiver il se dore au soleil du matin
Un article récent de Meier, C., (2012) dans le journal du Club Alpin ici ( intranet.pdf ) résume une recherche faite dans les alpes sur une vingtaine de bouquetins dont la température et le rythme cardiaque (indicateur du métabolisme) ont été suivis par télémétrie durant 2 ans.Fig 1: Bouquetin actif en hiver [ img ] [ img ] Source : C: Morerod in Meier, C., (2012)
Les résultats suggèrent que ces mammifères abaissent leur température la nuit -économisant ainsi l'énergie - et la font remonter en se prélassant au soleil le matin avant d'entreprendre une activité physique. Ainsi ils ne sont pas complètement endothermes, puisque la chaleur solaire contribue de manière importante à ce réchauffement matinal. Le choix d'un emplacement protégé pour la nuit et proche d'un endroit ensoleillé leur permettrait de limiter l'intense consommation d'énergie nécessaire à faire remonter leur température corporelle.
Fig 2: Bouquetin au soleil [ img ] [ img ] Source : E. Huttenmoser in Meier, C., (2012)
Les mesures
10 mâles et 10 femelles de Capra ibex ibex ( Position taxonomique Uniprot ) ( Répartition sur Fauna Europea ) ( Répartition en Suisse sur CSCF ) ont été équipés de colliers télémétriques et d'une sonde introduite dans le rumen (un cylindre de 22 × 80 mm, 100 g) indiquant la température et la pulsation cardiaque (un accéléromètre détecte les mouvements du coeur proche). Ces données sont transmises par radio à des stations de mesure.Durant 2 ans 2007-2009 les chercheurs (Signer, C., Ruf, T., & Arnold, W., 2011) ont pu suivre ces animaux. Ils ont aussi enregistré la température, le vent et une mesure qui intègre la température ambiant et le rayonnement solaire, la BBT ( black bulb temperature ) dans des sites où les bouquetins sont souvent. Ils ont suivi visuellement ces animaux et estimé des caractéristiques anatomiques (corpulence, visibilité des os) reflétant leurs réserves corporelles selon une échelle standardisée et validée.
Le pouls a donné une mesure du métabolisme, et la température corporelle a pu être mise en rapport avec l'intensité du rayonnement solaire et le froid, l'activité physique pour étudier leur métabolisme.
Les bouquetins fonctionnent différemment en hiver
Les auteurs font un intéressant Review des stratégies pour passer la mauvaise saison au début de leur article. ( Comment Obtenir un article : Get-a-doi ).
Selon les auteurs, les bouquetins n'hibernent pas notamment parce que cela empêche les processus de fermentation des ruminants.
Ils proposent un graphique du réchauffement horaire de la température corporelle le matin qui montre bien un fonctionnement métabolique différent en hiver et en été (cf. fig 4).
Signer et al, indiquent que les variations du pouls et donc de métabolisme sont systématiquement plus basses en hiver qu'en été : le max. d'hiver est 60% plus bas que le min. de l'été (cf fig. 5). La température ambiante et les autres conditions extérieures n'expliquent que 40% de ces différences. L'amplitude des variations de température corporelle (rumen, Tr) est presque double l'hiver, surtout due à un refroidissement nocturne (cf. fig. 5). La baisse de métabolisme n'a que peu d'effets sur la température, indiquant une très bonne isolation thermique.
"Our finding that ibex substantially down-regulate endogenous heat production without excessive cooling by ‘hitch-hiking’ on exogenous heat supplies solves this enigma. While basking is a well-known mechanism by which hibernators and daily heterotherms facilitate arousal from torpor, its importance for large mammals seems underappreciated. It may well be a common reptilian heritage of mammals in general, enabling a thrifty use of body reserves and survival during periods of negative energy budgets. " Signer, C., Ruf, T., & Arnold, W. (2011)Ils montrent que le réchauffement matinal est indépendant du pouls et se produit avec un décalage par rapport à la chaleur solaire (BBT) suggérant que les animaux se déplacent vers des points ensoleillés proches pour profiter du réchauffement passif.
Pour les auteurs, les bénéfices énergétiques de se prélasser au soleil ( Basking ) explique la variation saisonnière forte du pouls matinal (~ métabolisme), et cette stratégie partiellement ectothermique combinée avec un métabolisme réduit la nuit permet d'optimiser l'utilisation des réserves de graisses de l'animal malgré l'absence quasi totale de nourriture l'hiver.
Ils suggèrent que cet hypométabolisme et ce réchauffement passif pourraient être d'importance pour de nombreux animaux qui n'hibernent pas dans des habitats aux conditions saisonnières fortement contrastées.
La figure 5 n'est disponible qu'en intranet Fig. 5. à droite. Mesures horaires du pouls au repos (HR) , de la température du rumen (Tr), de l'activité locomotice (LA) et de la chaleur solaire (BBT). [ img ] Source : Signer, C., Ruf, T., & Arnold, W. (2011)
Le pelage de l'ours canalise la lumière et lui permet de récupérer de la chaleur, le bouquetin aussi ?
Des travaux anciens avaient suggéré que le pelage clair de l'ours polaire conduisait la lumière en profondeur lui permettant de transférer un peu de chaleur jusqu'à la peau (près de 10°C quand même) et peut-être de s'orienter. Tributsch, H.,et al. (1990). ( Comment Obtenir un article : Get-a-doi ).
Une recherche rapide n'a pas mis en évidence de travaux confirmant que le pelage du Bouquetin serait aussi capable de conduire la chaleur en profondeur vers la peau tout en isolant de l'air froid et du vent. pourtant les poils blancs parmi les poils plus foncés pourraient être efficaces sur ce plan ?
Une piste a poursuivre… n'hésitez pas à m'indiquer des sources le cas échéant, je mettrai a jour dans le Blog Bio-Tremplins.
Un mammifère poïkilotherme et ectotherme !
It may well be a common reptilian heritage of mammals in general, enabling a thrifty use of body reserves and survival during periods of negative energy budgets.L'évocation d'un héritage mêlé contraste avec la vision dichotomique des clés de déterminations qu'on aime tant dans les classes : une espèce est ou n'est pas mammifère. C'est évidemment plus facile à corriger et à apprendre, cela rassure les élèves et les parents. Mais cette vision statique du vivant renforce involontairement les conceptions créationnistes...
Alors que mettre en évidence les possibles héritages reptiliens ( il fait référence à une classification dépassée, relèveront les puristes ) chez les mammifères à aide à voir le vivant comme en évolution continue.
Sources :
- Astolfi, J. P. (2008). La saveur des savoirs. Disciplines et plaisir d'apprendre. Paris: ESF.
- Meier, C., (2012). Se délasser au soleil pour survivre. Les Alpes , 11,2012. pp. 26-27 ici ( extraits intranet.pdf )
- Signer, C., Ruf, T., & Arnold, W. (2011). Hypometabolism and basking: the strategies of Alpine ibex to endure harsh over-wintering conditions. Functional Ecology , 25 (3), 537–547. doi: 10.1111/j.1365-2435.2010.01806.x ( extraits-intranet.pdf )
- Tributsch, H., Goslowsky, H., Küppers, U., & Wetzel, H. (1990). Light collection and solar sensing through the polar bear pelt. Solar Energy Materials, 21(2–3), 219‑236. doi: 10.1016/0165-1633(90)90056-7
La plateforme Expériment@l offre aux enseignants de science genevois l'accès à tous ces articles et à près de 25'000 revues scientifiques :
Comment Obtenir un article : Get-a-doi
Merci pour ce bio-tremplin très intéressant sur le bouquetin.
RépondreSupprimerDeux petites remarques toutefois:
1) C'est sans doute un peu exagéré de parler d'un
"mammifère poïkilotherme et ectotherme" lorsque sa température corporelle varie de 1.5 °C alors que les variations de température du milieu sont de 30°.
Sur le manque de constance chez les homéothermes, l'exemple des mammifères hibernants (marmotte, loir, hérisson, ...) me paraît bien plus éloquent.
2) A propos du passage "L'évocation d'un héritage mêlé contraste avec la vision dichotomique des clés de déterminations qu'on aime tant dans les classes : une espèce est ou n'est pas mammifère."
Je crois que personne ne conteste que le bouquetin soit un mammifère.
Par contre ce qui me semble en jeu ici est le sens que l'on a donné - par le passé, mais qui perdure dans les esprits - au caractère homéotherme comme preuve de la proximité des oiseaux et des mammifères.
Lecointre (2004) montre bien dans l'une des activités qu'il propose pour la classe que l'homéothermie "ne permet pas d'effectuer des regroupements ayant valeur phylogénétique". De nos jours, elle est interprétée comme une convergence fonctionnelle apparue indépendamment chez les mammifères et les oiseaux.
Je pense que c'est là que se situe l'enjeu principal.
Réf.: Lecointre, G., sous la dir. de, 2004, Comprendre et enseigner la classification du vivant, Belin.
Rémy Kopp
En fait c'est l’idée de faire des catégories bien délimitées qui me parait le lit des créationnistes.
RépondreSupprimerPar ailleurs je ne suis pas convaincu que la plupart des enseignants présentent les choses comme Lecointre, surtout quand la consigne (comme elle est comprise souvent je crois ) et de ne pas parler d'évolution au cycle.