mercredi 13 mars 2019

Les dinosaures avaient-ils des superpoumons comme les oiseaux ?

 Les oiseaux ont un système respiratoire très performant, notamment grâce à des sacs aériens qui agissent un peu comme des soufflets pour produire un flux d'air unidirectionnel à travers les poumons. Ce flux circulant à l'inverse du flux de sang, permet un échange optimal des gaz : Il assure que le sang arrivant à la fin du circuit (qui a déjà reçu pas mal d'O2 et perdu une bonne partie de son CO2) rencontre de l'air plus frais qui vient d'entrer. On parle de système contre-courant.  Cf figure 1 et  cette animation Ritchinson, G.

Fig 1: Le système contre-courant (et ses variantes) extrait l'oxygène plus efficacement  [img]. Source : Farmer, C. G. 2015
Le mécanisme de ces flux respiratoires sont décrits plus bas dans les figures 4, 5 et 6.

voir  :  https://slideplayer.com/slide/12703651/
Fig 2  : Circulation de l'air dans les poumons et les sacs aériens des oiseaux, pendant (A) l'inhalation, lorsque les sacs aériens se dilatent, et (B) l'expiration, lorsque les sacs d'air se contractent. L'air circule de l'arrière à l'avant à travers les parabronchi pendant l'inhalation et l'expiration.   [img].

Il semble que certains des dinosaures avaient aussi ce système. Et cela a dû leur procurer un avantage reproductif très net, particulièrement dans l'atmosphère pauvre en O2 (10-15% seulement) du mésozoïque.

Fig 3:  les Velociraptors avaient peut-être des poumons aussi efficaces que les oiseaux [img]. Source :
Daniel Eskridge/Stocktrek Images/Getty Images

Une étude récente rapportée par Reese, A. (2018) ici apporte des élément de plus à cette question :  Wang, X., O'Connor, et al. (2018) comparent plusieurs fossiles comme Velociraptor et Spinosaurus et décrivent un fossile dans lequel sont assez bien conservé les tissus mous des poumons dans un Archaeorhynchus de 120 millions d'années. Cet article est mentionné en plus de détails ci-dessous.

Les dinosaures avaient des 'superpoumons' qui leur permettaient de courir et se battre…

Reese, A. (2018) ici explique que dans l'air pauvre en oxygène de l'ère mésozoïque, aucun être vivant n'aurait dû être capable de bouger très vite. Mais les Velociraptors pouvaient courir à 64 kilomètres à l'heure.
Les biologistes savent depuis longtemps que les oiseaux possèdent un système respiratoire inhabituel et sophistiqué qui leur permet de voler. Mais les paléontologues se demandent depuis longtemps si ces superpoumons ne sont apparus que chez les oiseaux ou bien plus tôt chez les dinosaures dont ils sont issus.

Cela pourrait contribuer à
expliquer pourquoi les dinosaures ont réussi à dominer et à se répandre, malgré un taux d'oxygène de 10% à 15%, contre 20% aujourd'hui.
Wang, X., et al. (2018) ajoutent que ce n'est pas parce qu'un fossile a la structure osseuse d'un poumon en forme d'oiseau qu'il en a réellement un. Leur article décrit ce qui pourraient avoir été les premiers poumons préservés trouvés dans un fossile de 120 millions d'années, de la taille d'une colombe. Cependant, tout le monde n'est pas convaincu que les organes d'oiseaux d'O'Connor soient réellement des poumons. Les structures pourraient être un artefact minéral, spécule Corwin Sullivan, un paléontologue de l'Université de l'Alberta à Edmonton, au Canada, qui étudie l'évolution des systèmes respiratoires aviaires. Mais même dans ce cas, dit-il, le spécimen est «absolument fascinant».

Les "os creux" des oiseaux : descendants directs  des dinosaures


"Chez les oiseaux actuels, des sacs aériens, sortes de poches d'air reliées aux poumons, occupent l'intérieur des vertèbres, ce qui leur donne une grande capacité respiratoire. Alors que chez les mammifères, le flux d'air inspiré est bidirectionnel (il y a mélange entre l'air inspiré et expiré), ce n'est pas le cas chez les oiseaux, ce qui augmente la quantité d'oxygène extraite à chaque respiration. […] Il est également possible que, comme chez les oiseaux, les vertèbres pneumatisées des sauropodes aient renfermé un système de sacs aériens permettant de ventiler les poumons et augmenter l'efficacité de la respiration, afin d'assurer un métabolisme élevé et stable, nécessaire à une croissance rapide et, plus généralement, à la physiologie d'un animal de masse importante. La très forte consommation d'oxygène des sauropodes a par ailleurs aussi pu accélérer leur croissance." Pour la Science - n° 425 - Mars 2013 pp 72-73

Fig 5 :  Le système respiratoire d'un oiseau (A) Les poumons du thorax sont relativement rigides. Les sacs à air - il y en a généralement neuf - sont situés dans le thorax et l'abdomen et servent de soufflet pour ventiler les poumons. (B) Les réseaux de nombreux parabronchi dans les poumons sont les principaux sites d'échange de gaz. L'air traverse les parabronchi de manière unidirectionnelle. (C) capillaires aériens. Les surfaces intérieures des capillaires aériens sont les membranes d'échange des gaz.  [img].

Fig 6: Animation des flux respiratoires comparés cliquer si l'animation n'apparait pas : [img]. Source : Ritchinson, G.

Un système respiratoire plus avancé que le nôtre... faut-il détrôner les mammifères ?

Il est intéressant de noter que ce type de poumons est bien plus performant que le nôtre et celui des mammifères ! Du coup ceux qui voudraient les classer en fonction du "degré d'évolution" seraient bien obligés de mettre les poumons des oiseaux devant les nôtres. Évidemment l'idée d'une évolution linéaire ne correspond pas aux données archéologiques et l'expression de "plus évolué" se réfère à cette conception téléologique incorrecte mais tenace !
On peut par ailleurs noter que  les autruches peuvent courir vite très longtemps  (près de 50Km/h sur plus de 20km : soit un marathon en 45 minutes  source)  grâce à ce système de poumons, leur VO2max (la quantité dO2 qu'ils arrivent à apporter à leurs tissus) est plus élevée.
Certains musiciens arrivent à inspirer tout en soufflant dans leur instrument (respiration circulaire): en gonflant les joues et en bloquant la glotte ils parviennent à  maintenir le flux d'air pendant l'inspiration. Les joues jouent alors un rôle comparable aux sacs aériens, mais cela ne permet pas d'améliorer l'oxygénation du sang.  

Évolution-fiction ou situation-problème en classe …

On peut comparer ces différences de flux respiratoires avec l'évolution des tubes digestifs où l'apparition des coelomates manifeste - entre autres- le  passage d'un système digestif de type sac (cnidaires par exemple) vers un tube digestif (avec une bouche et un anus distincts, bien plus efficace).

Fig 7: On peut comparer la digestion de nombreux acoelomates  à la machine à laver qui ne peut rien accepter de plus tant que le cycle n'est pas terminé. ON comparerait alors le tube des coelomates  à un grand tunnel de lavage qui peut accepter un nouvelle voiture tout en lavant les précédentes.   Source :  Nicolas Giannakopoulos

On peut se demander quels seraient les avantages évolutifs d'organismes munis d'un deuxième orifice respiratoire à l'arrière - un peu comme l'anus pour la digestion ?   

Un système respiratoire plus avancé chez les oiseaux que chez les mammifères. Des questions ouvertes…

On dit parfois que les os aériens allègent les oiseaux... Il faut bien que ce qui remplit nos os creux (la moelle osseuse notamment qui produit les cellules sanguines) soit ailleurs dans l'organisme et donc on aurait un déplacement de poids et non un allègement. Que la structure creuse soit très efficace en termes de solidité / légèreté bien sûr, que cet espace permette le passage de l'air pour la circulation des super-poumons bien sûr… mais l'allègement... ? Commentaires et références bienvenus
La question de la possible évolution vers une respiration en tube ouvert aux deux bouts m'intrigue. Elle parait avantageuse - et existe chez les poissons bien sûr. Il y a des problèmes possibles en termes d'obstruction, d'une nécessaire filtration ?  Peut-on aller plus loin et imaginer des sortes méga-hirondelles volant avec une sorte de bouche en entonnoir écumant le ciel pour absorber des insectes ? Un peu comme les requins-baleines ?
Evidemment que le succès "récent" des mammifères sur les oiseaux pose la question de leur avantage - qui ne peut guère être en termes de rapidité à la chasse ou à la fuite…


Fig 7: Les oiseaux-terreur (Phorusrhacidae entre 62mio et jusqu à 1,8 mio ) étaient des superprédateurs impressionnants : ils ont pourtant cédé le pas aux mammifères [img]. Source : Wikipedia
On a pu argumenter que la reproduction des mammifères est plus efficace que celle des oiseaux.  Mais que sait-on sur ce sujet ?
Commentaires et références bienvenus

Références:


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