vendredi 31 janvier 2025

Il n'y a pas que les gènes ! … et on ne parle pas seulement d'épigénétique, de transmission sociale,... mais de forces de compression contraignant le pliage de tissus - chez des crocodiles

Ce qu'on voit chez tous les individus est génétique... non ?

Ce qui apparaît chez tous les individus de la même espèce de manière identique ou semblable est - implicitement - pensé en termes de génétique. En sciences humaines on oppose le "biologique" considéré comme fixe et déterminé génétiquement au culturel qui serait plus susceptible au changement social.
Cette frontière n'est guère en accord avec l'état des connaissances actuelles en biologie, qui discute les interactions entre le milieu et le génome.

Des contraintes mécaniques, liées à la croissance des tissus déterminent diversité des écailles du museau et des mâchoires chez différentes espèces de crocodiliens

L'équipe du professeur Milinkovitch de l'UNIGE a montré - dans une récente publication dans Nature-  que ce sont ces contraintes mécaniques, liées à la croissance des tissus qui déterminent la diversité des écailles du museau et des mâchoires chez différentes espèces de crocodiliens. Santos-Durán, et al. (2025) ici:

Nature_Cover_croc_Jan_ 2025.jpeg

Leur article a même fait la couverture, et le journal résume ainsi l'étude :

La couverture met en avant le motif mécaniquement auto-organisé des écailles sur la tête d'un jeune crocodile du Nil (Crocodylus niloticus). En général, les appendices cutanés des vertébrés, tels que les écailles, les poils ou les plumes, se développent comme des unités contrôlées génétiquement, dont l'organisation spatiale est dominée par un réseau régulateur de gènes et de molécules de signalisation pendant le développement embryonnaire. Cependant, le motif des écailles sur la tête d'un crocodile constitue une exception, car il semble émerger d'un processus mécanique dont la nature et l'origine précises restent floues. Dans l'édition de cette semaine, Michel Milinkovitch et ses collègues résolvent ce mystère. En travaillant sur des embryons de crocodiles du Nil, les chercheurs ont généré un modèle 3D du motif des écailles sur la tête et ont découvert que les bordures des écailles sont en réalité des plis cutanés qui s'organisent mécaniquement via un processus de pliage par compression. Ce stress compressif résulte de la croissance de deux couches de peau, qui ont des rigidités différentes et croissent plus rapidement que les tissus sous-jacents. Image de couverture : M. C. Milinkovitch & A. Debry. traduction  Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici:

Structure de cette JTS 

A) met en perspective l'article, B) en dissèque quelques éléments de structure, C) propose l'historique présenté par Prof Milinkovitch, C) propose la news de l'UNIGE.

A) Milinkovitch et son équipe ont publié plusieurs articles montrant comment des motifs de coloration de la peau apparaissent à partir d'un un réseau régulateur de gènes et de molécules de signalisation

Le prof. Milinkovitch et son équipe avaient montré comment s'établissent les motifs des taches chez divers reptiles voir ici dans Skin colours & patterns plusieurs articles montrant que l'organisation spatiale est dominée par un réseau régulateur de gènes et de molécules de signalisation pendant le développement embryonnaire. Aussi c'est une surprise de voir que ces mécanismes ne sont pas à l'oeuvre chez les crocodiliens.

Pourtant déjà le museau de plusieurs mammifères ne s'expliquait pas avec ce modèle…

Dans un article récent l'équipe de Milinkovitch ont remis en question  ce modèle - en étudiant le museau de plusieurs mammifères: Dagenais, et al. (2024) ici:

" De nombreux motifs morphologiques en biologie résultent des interactions entre des molécules de signalisation (morphogènes) qui régulent la dynamique cellulaire et dont la distribution spatio-temporelle peut être décrite par le processus d'auto-organisation de réaction-diffusion de Turing. Par exemple, de nombreux appendices cutanés (plumes des oiseaux, poils des mammifères et la plupart des écailles des reptiles) se développent à partir de placodes, qui sont des centres de signalisation anatomiques et biochimiques organisés selon un système de réaction-diffusion-taxis. Cependant, ce modèle seul ne suffit pas à expliquer toute la diversité des motifs observés chez les organismes vivants, en particulier les morphologies plissées qui émergent d'instabilités mécaniques dues à une croissance différentielle entre tissus adhérents. Ainsi, la structuration des tissus sous l'influence de la mécanique offre une perspective essentielle et complémentaire pour comprendre la morphogenèse au-delà des paradigmes classiques de l'information de position chimique et des motifs de Turing. Il est probable que de nombreux systèmes biologiques acquièrent leur forme complexe grâce à l'interaction de ces processus chimiques avec les forces mécaniques."  Traduction de Dagenais, et al. (2024)  Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici:

Graphical abstract undfig1
Fig 2: Graphical abstract
[imgde: Dagenais, et al.dans current biology  ici (2024) 

B) L'article qui a fait la couverture de Nature 9 janvier

Chez les reptiles aussi l'équipe de Milinkovitch propose qu'un nouveau modèle explique le motif des écailles de la tête. ( Santos-Durán, et al., 2025) ici:

L'article s'organise en réfutant d'abord l'hypothèse classique génétique ( "l'organisation spatiale est dominée par un réseau régulateur de gènes et de molécules de signalisation pendant le développement embryonnaire" ) puis s'emploie à proposer une autre explication et s'applique à contrer toutes les réfutations envisageables.
On voit ainsi comment solidement il faut argumenter pour remettre en question un modèle bien établi.

Extraits traduits :

La rationale ( justification que la question traitée est importante et mérite d'être étudiée) 

"Les vertébrés possèdent une grande diversité d'appendices tégumentaires, tels que les plumes, les poils et les écailles. Ces micro-organes remplissent diverses fonctions, allant de la protection mécanique et de la thermorégulation à l'affichage sexuel. Des recherches antérieures ont montré que le développement embryonnaire précoce de ces structures est largement conservé. En général, ces appendices se forment à partir de placodes anatomiques, caractérisées par une signalisation moléculaire conservée entre l'épiderme et le derme sous-jacent.

Le motif des poils, plumes et écailles repose sur des dynamiques de type réaction-diffusion de Turing, résultant d'interactions chimiques entre des morphogènes activateurs et inhibiteurs. Cependant, des études ex vivo ont révélé que l'auto-organisation périodique des appendices tégumentaires peut aussi impliquer des composantes mécaniques. Par exemple, l'agrégation et la contraction locales des cellules mésenchymateuses activent le développement des primordiums de plumes via la signalisation mécanosensible de la β-caténine. Chez le poulet, l'expression spatiale imbriquée de morphogènes dans le derme pourrait conférer des propriétés matérielles distinctes aux différents domaines tissulaires, entraînant ainsi la formation des primordiums de plumes par une instabilité élastique.

L'analyse d'embryons de crocodiles en développement a montré que leurs écailles de tête (couvrant le visage et les mâchoires), contrairement aux écailles du corps, forment des domaines polygonaux convexes irréguliers et non chevauchants, constitués d'une peau hautement kératinisée. Au lieu d'émerger de placodes régies par un motif chimique de type réaction-diffusion et un possible rétrocontrôle mécanique, ces écailles de tête semblent résulter d'un processus purement mécanique, évoquant la fissuration d'un matériau. Une hypothèse spéculative suggère que la prolifération des cellules cutanées pourrait être fortement couplée aux tensions mécaniques engendrées par la croissance rapide du squelette embryonnaire des mâchoires. Plus précisément, toute pliure locale induite par une prolifération sous tension redistribuerait le stress mécanique à ses extrémités, entraînant une propagation en cascade du stress, d'un maximum local de prolifération et de l'avancée des plis, de manière similaire à une fissuration progressive. Cependant, en raison des difficultés expérimentales liées aux embryons de crocodile, ni cette hypothèse ni d'autres hypothèses mécaniques alternatives n'ont été testées "
alternatifs n'ont été testés." Traduction de (Santos-Durán, et al., 2025)  Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :   ici::

Comment ont-ils procédé ?

 "à l'aide d'expériences in vivo et de simulations numériques, nous invalidons l'hypothèse de croissance locale induite par la tension et montrons que les bords des écailles de la tête du crocodile sont en réalité des plis cutanés internes générés par un stress compressif dans le plan de la peau, résultant d'une croissance rapide et quasi homogène de la peau.

Tout d'abord, nous avons traité des embryons de crocodile du Nil (Crocodylus niloticus) en développement avec des injections intraveineuses in ovo de facteur de croissance épidermique (EGF) afin d'exacerber la différenciation épidermique (et donc sa rigidité effective) ainsi que sa croissance, perturbant ainsi la mécanique sous-jacente à la formation des écailles de la tête. En quantifiant ces effets à l'aide de la microscopie à fluorescence par nappe de lumière (LSFM), nous avons observé que ce traitement entraîne l'apparition de motifs cutanés fortement plissés chez les embryons. Lorsque le traitement est arrêté à un stade embryonnaire précis, ce réseau de plis se détend partiellement pour former un motif d'écailles polygonales plus petites à l'éclosion, rappelant fortement celui des caïmans.

Ensuite, nous avons validé ces résultats expérimentaux grâce à des simulations numériques détaillées, mettant en œuvre un modèle de croissance mécanique tridimensionnel (3D) basé sur des paramètres déduits de la LSFM volumétrique. Notamment, nous avons démontré que la formation normale des écailles de la tête du crocodile du Nil nécessite une différence de rigidité entre le derme et l'épiderme, mais ne requiert pas une croissance différentielle de ces deux couches cutanées adhérentes. Enfin, nous avons généré un morphospace théorique des motifs de pliage cutané, montrant que la diversité des motifs d'écailles de la tête chez les crocodiliens peut s'expliquer par des variations des taux de croissance et des propriétés matérielles du derme et de l'épiderme."  Traduction de (Santos-Durán, et al., 2025)  Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :   ici::


Quelques résultats

Fig. 1: Dynamics of crocodile head-scale development.

Fig 1:Les écailles des mâchoires des crocodiles du Nil nouvellement éclos forment des domaines polygonaux irréguliers et non chevauchants. b : L'imagerie LSFM révèle l'évolution de la géométrie de surface lors de l'apparition des écailles. À E48, la tête est lisse, puis les bords des écailles se propagent jusqu'à couvrir les mâchoires à E63. Les écailles dorsales de la mâchoire supérieure sont plus grandes et allongées. c : La nanoindentation montre une augmentation de la rigidité de l'épiderme entre E48 et E63. d : La coloration Fast Green met en évidence l'architecture anisotrope du collagène dermique embryonnaire, avec des fibres très organisées sur la partie dorsale de la mâchoire supérieure. Barres d'échelle : 10 μm, 5 mm, 1 mm. Traduction de (Santos-Durán, et al., 2025)  ici

Un extrait de la conclusion

"Il devient de plus en plus manifeste que la formation des formes biologiques implique des processus mécaniques clés, efficaces à l'échelle mésoscopique. Nous avons précédemment démontré que les écailles polygonales irrégulières de la tête des crocodiles ne sont pas des unités de développement dérivées de placodes, générées par un motif chimique de type Turing. Au contraire, elles résultent d'un processus mécanique produisant des structures géométriques et des dynamiques rappelant superficiellement la fissuration d'un matériau soumis à un champ de contrainte en traction.

Ici, nous montrons que le motif des écailles de la tête du crocodile émerge en réalité d'instabilités mécaniques de compression. Il est important de noter que ces instabilités élastiques spécifiques ne sont pas causées par une croissance différentielle du derme par rapport à l'épiderme, mais plutôt par leurs propriétés matérielles distinctes (notamment leur rigidité) et leur croissance plus importante par rapport aux tissus sous-jacents.

Globalement, nous démontrons que l'évolution a conduit à deux mécanismes distincts pour la formation des écailles chez les crocodiliens : des instabilités chimiques de type Turing pour les écailles du corps et des instabilités mécaniques pour les écailles de la tête. " Traduction de (Santos-Durán, et al., 2025)  Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :   ici::


C) Comment ce projet s'est construit (par Prof. Milinkovitch)

Si vous vous intéressez à la biologie évolutive du développement, au modèle de formation des systèmes biologiques ou à la physique de la biologie, Prof Milinkovitch souhaite partager avec vous un article publié cette semaine dans la revue Nature.

Auto-organisation du motif des écailles de la tête de crocodile par pliage compressif
Santos-Durán, Cooper, Jahanbakhsh, Timin & Milinkovitch
Nature 637, 375–383 (2025)
DOI : https://doi.org/10.1038/s41586-024-08268-1

Une video résumant leur recherche sur ce sujet est disponible en plusieurs langues.
La playlist suivante vous donne accès aux versions en anglais, chinois, japonais, allemand, français et espagnol :
https://www.youtube.com/playlist?list=PLZcRN5MIBtXxHUiu6hFfSUpzv_itoLS-x

Un résumé du parcours ayant conduit à cette recherche est disponible ici :
https://www.lanevol.org/news/article/our-new-study-mechanics-crocodile-head-scale-development-published-today-nature


D) Dans les news de l'UNIGE:  La diversité du vivant n'est pas qu'affaire de génétique

Une étude de l'UNIGE révèle comment des contraintes mécaniques, liées à la croissance des tissus, participent à générer la diversité des structures biologiques.

La diversité des écailles du museau et des mâchoires chez différentes espèces de crocodiliens provient de l'évolution de paramètres mécaniques. © Michel Milinkovitch — University of Geneva, Switzerland

Comment expliquer la diversité morphologique des espèces? Si la génétique est la réponse qui vient spontanément à l'esprit, elle n'est cependant pas la seule explication. En combinant observations du développement embryonnaire, techniques de microscopie avancées et modélisations informatiques, une équipe pluridisciplinaire de l'Université de Genève (UNIGE) démontre que le développement des écailles de la tête des crocodiles résulte d'un processus lié à la mécanique des tissus en croissance, plutôt qu'à la génétique moléculaire. La diversité de ces écailles, observées chez différentes espèces de crocodiliens, provient donc de l'évolution de paramètres mécaniques. Ces résultats offrent un éclairage inédit sur les forces physiques impliquées dans le développement et l'évolution de la diversité des formes du vivant. Ils pourraient s'appliquer à d'autres systèmes biologiques complexes. Ces travaux sont à lire dans la revue Nature.

L'origine de la diversité et de la complexité morphologique des êtres vivants demeure l'un des plus grands mystères de la science. Pour l'élucider, les scientifiques étudient diverses espèces biologiques. Le laboratoire de Michel Milinkovitch, professeur au Département de génétique et évolution de la Faculté des sciences de l'UNIGE, étudie le développement et l'évolution des appendices tégumentaires des vertébrés – c'est à dire les plumes, les poils et les écailles – pour comprendre les mécanismes fondamentaux responsables de cette diversité. On considère généralement que le développement embryonnaire de ces appendices est dicté par des processus génétiques impliquant des interactions entre de nombreuses molécules issues de l'expression des gènes.


Comme une «fissure» qui se propage

Cependant, des analyses du développement d'embryons de crocodiles menées précédemment ont permis au laboratoire genevois de montrer que, contrairement à celles du corps, les écailles recouvrant le museau et les mâchoires proviennent d'un processus rappelant la propagation de fissures au sein d'un matériau subissant un stress mécanique. La nature exacte de ce processus physique restait toutefois inconnue.


L'équipe l'UNIGE a résolu ce mystère grâce à de nouveaux travaux hautement multidisciplinaires. Elle a d'abord observé l'apparition des écailles au cours du développement de l'embryon de crocodile du Nil, qui dure environ 90 jours. Alors qu'au 48ème jour, la peau recouvrant les mâchoires et le museau est encore lisse, des plis cutanés apparaissent dès le 51ème jour puis se propagent et s'interconnectent pour former des écailles polygonales de deux types: larges et allongées sur le dessus du museau, plus petites et irrégulières sur les côtés des mâchoires.
 


Le groupe de Michel Milinkovitch a voulu savoir si des différences de vitesse de croissance entre l'épiderme, le derme et les os du crâne sous-jacents pouvaient expliquer l'apparition des plis, et donc des écailles. Pour y parvenir, il a mis au point une technique d'injection dans l'oeuf de crocodile d'une hormone activant la croissance et la rigidification de l'épiderme – le facteur de croissance EGF (pour Epidermial Growth Factor). Il a alors découvert que l'activation de la croissance et l'augmentation de la rigidité de la couche superficielle de la peau entrainent une modification spectaculaire de l'organisation des plis cutanés.


«Nous observons que la peau plisse d'abord anormalement et forme un réseau labyrinthique ressemblant aux plis du cerveau, mais finit par former des écailles beaucoup plus petites comme chez les
caïmans», expliquent Gabriel Santos-Durán et Rory Cooper, post-doctorants dans le laboratoire de Michel Milinkovitch et co-auteurs de l'étude. Ces observations montrent que la variation dans la vitesse de croissance et de rigidification des couches cutanées est un mécanisme évolutif simple, capable de générer une grande diversité de formes d'écailles parmi les différentes espèces de crocodiliens.


Un modèle 3D du développement de la mâchoire

Les scientifiques ont ensuite utilisé des techniques avancées de microscopie, dite de «fluorescence à feuille de lumière», pour quantifier la vitesse de croissance et la variation d'épaisseur des différents tissus (épiderme, derme, tissu osseux) partout sur la tête de l'embryon, mais aussi l'organisation des fibres de collagène dans le derme. L'équipe genevoise a utilisé ces données pour construire un modèle informatique tridimensionnel (3D) permettant de faire varier la vitesse de croissance et la rigidité des tissus.


«En explorant ces différents paramètres, nous pouvons générer les différentes formes d'écailles correspondant aux crocodiles du Nil traités et non-traités avec l'EGF, mais aussi le caïman à lunettes ou l'alligator américain. Ces simulations informatiques démontrent que la mécanique des tissus permet d'expliquer facilement la diversité des formes de certaines structures anatomiques dans différentes espèces, sans faire intervenir des facteurs génétiques moléculaires», conclut Ebrahim Jahanbakhsh, ingénieur informaticien dans le laboratoire de Michel Milinkovitch et co-auteur de l'étude.

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Références:

  • Dagenais, P., Jahanbakhsh, E., Capitan, A., Jammes, H., Reynaud, K., De Juan Romero, C., Borrell, V., & Milinkovitch, M. C. (2024). Mechanical positional information guides the self-organized development of a polygonal network of creases in the skin of mammalian noses. Current Biology: CB, 34(22), 5197-5212.e4. https://doi.org/10.1016/j.cub.2024.09.055
  • Santos-Durán, G. N., Cooper, R. L., Jahanbakhsh, E., Timin, G., & Milinkovitch, M. C. (2025). Self-organized patterning of crocodile head scales by compressive folding. Nature, 637(8045), 375‑383. https://doi.org/10.1038/s41586-024-08268-1

Remerciements

Merci au prof. Milinkovitch pour sa relecture


mardi 28 janvier 2025

Journée mondiale des zones humides à Genève : le 2 février 2025 - activités pour vous et vos élèves

Une activité nature avec vos élèves ... ou pour votre plaisir ?

Une occasion exceptionnelle avec Gottlieb Dändliker, et Alice Cibois qui connaissent extrêmement bien la nature, et les enjeux environnementaux et sociétaux de la région.

Au programme le 2 février 2025 – activités gratuites, en partie sur inscription

  • Une lagune pleine de vie au cœur de la ville - Plage publique des Eaux-Vives 9h Martin-pêcheur, fuligules et cie...
    • Partons à la recherche du martin-pêcheur et de l'énigmatique fuligule nyroca: du Port-Noir au Jardin anglais, venez découvrir les richesses que recèlent les ports en hiver! G- roupe ornithologique du bassin genevois (GOBG)
  • de 9h à 16h Reconnaître à coup sûr les oiseaux d'eau urbains
    • Un stand pour apprendre à observer les oiseaux et reconnaître les principales espèces présentes en hiver, en compagnie d'ornithologues du Muséum! - Muséum d'histoire naturelle de la Ville de Genève
  • 9h et 14h Le lac renaturé à vue d'oiseau: une croisière avec l'inspecteur de la faune
    • Un safari urbain sur l'eau exceptionnel pour redécouvrir les rives et nos oiseaux d'eau et s'initier aux enjeux de la renaturation. S'inscrire le matin ou l'après-midi - Etat de Genève
  • de 11h à 15h Les dessous d'un radeau-jardin et de ses habitants
    • A la découverte des petites formes de vie étonnantes qui peuplent le lac et d'un extraordinaire radeau vivant qui pourrait peut-être métamorphoser nos plans d'eau urbains! Hepia et Floradeau
  • 12h30 Le lac renaturé à vue... d'Eider: une causerie avec l'inspecteur de la faune
    • Connaissez-vous cet oiseau douillet à l'origine des édredons? Entre le gîte et le couvert, que faudrait-il pour favoriser l'Eider sur nos rives? - Etat de Genève
  • 14h Un lac en bonne santé, havre de paix pour les oiseaux!
    • Atelier bien au chaud dans les locaux de l'Espace Léman et balade avec jumelles pour aller explorer les sites renaturés des Eaux-Vives - ASL
  • 14h A la découverte des oiseaux pêcheurs
    • Eh oui, il y a du poisson jusqu'en ville, alors venez découvrir les secrets des oiseaux pêcheurs du Léman en compagnie d'un animateur naturaliste passionné - Pro Natura Genève
  • Autre site à découvrir
    • 13h-17h Pavillon Plantamour: les canards de la rade
  • Un naturaliste vous accueille pour vous présenter la faune ailée de la rade - La Libellule

Pour tout complément d'information:

M. Gottlieb Dändliker, inspecteur de la faune, DT,T. 022 388 55 32 ou 079 240 83 49, gottlieb.dandliker@etat.ge.ch

Mme Alice Cibois, muséum d'histoire naturelle, T. 022 418 63 02, alice.cibois@ville-ge.ch




MUSÉUM - GENÈVE (Muséum d'histoire naturelle et Musée d'histoire des sciences

Martin pêcheur

Entre roselière et eiders, vive la renaturation urbaine: le 2 février Genève célèbre le renouveau de nos paysages lacustres

Voir un martin-pêcheur, un héron cendré ou un brochet n'a désormais rien d'inhabituel lors d'une promenade le long des quais genevois. En effet, pour le plus grand bonheur de la faune sauvage et des curieux, le Léman urbain est un véritable espace de reconquête pour la nature! Afin de permettre au plus grand nombre de découvrir cette richesse colorée qui caractérise les espaces aquatiques et nos rives renaturées, une large palette d'animations gratuites sera proposée le 2 février au public à Genève à l'occasion de la Journée mondiale des zones humides. Atelier de découverte, rencontre avec les ornithologues du Muséum, croisières avec l'inspecteur de la Faune sont quelques exemples des belles activités organisées à cette occasion.

Précieux réservoirs d'eau, de ressources alimentaires et de fraicheur, mais aussi espaces de délassement et de ressourcement riches en biodiversité, les sites aquatiques naturels fournissent aux populations riveraines des services réellement irremplaçables.

Liste mondiale de sites protégés

Compte tenu de leur grande valeur, ces espaces doivent pouvoir bénéficier d'une protection suffisante pour assurer durablement leur avenir et… le nôtre. C'est précisément ce que vise la Convention de Ramsar, ratifiée par la Suisse et 171 autres signataires, qui inclut dans sa liste de sites d'importance internationale la "Rade et le Rhône genevois". Cet engagement planétaire est aussi à l'origine de la Journée mondiale des zones humides, largement célébrée chaque hiver à travers le monde et, une nouvelle fois cette année, à Genève.

Le Léman urbain, espace de reconquête pour la nature!

Ainsi, ce dimanche 2 février, de nombreux naturalistes, scientifiques et passionnés donnent rendez-vous au public avec une copieuse palette d'animations gratuites sur le thème "Vive la renaturation urbaine !". En effet, nos quais qui ont longtemps fait la part belle au béton deviennent bien plus accueillants pour la nature grâce à une série de projets enthousiasmants qui ont su allier qualité de vie locale et renforcement de la biodiversité. Si la Plage publique des Eaux-Vives est à cet égard une réussite spectaculaire et reconnue, elle s'ajoute à une série de projets innovants moins connus qui s'étendent sur les deux rives : à Genève, roselières, lagunes et récifs enrichissent progressivement le paysage lacustre urbain ! Le résultat cumulé est loin d'être négligeable car ce sont au total plus de 3 hectares d'espaces de respiration qui ont été créés en une quinzaine d'années en plein cœur de notre agglomération très contrainte. Invitant à la découverte et au délassement, ces lieux renaturés citadins font désormais le bonheur des martins-pêcheurs, grèbes huppé et brochets, comme des curieux.



POUR TOUT COMPLÉMENT D'INFORMATION

Gottlieb Dändliker, inspecteur de la faune Département du territoire (DT)
gottlieb.dandliker@etat.ge.ch  T. +41 (0)22 388 55 32 P. +41 (0)79 240 83 49
Alice Cibois Muséum d'histoire naturelle Genève alice.cibois@geneve.ch  T. +41 (0)22 418 63 02
Partenaires locaux de la Journée mondiale des zones humides :

Secrétariat de la Convention de Ramsar, État de Genève, Muséum d'histoire naturelle de Genève, Groupe des jeunes Nos Oiseaux-Genève, Groupe ornithologique du bassin genevois (GOBG), Pro Natura Genève, La Libellule, HEPIA, Association pour la sauvegarde du Léman (ASL), Association NARIES

Site officiel du Muséum d'histoire naturelle de Genève

info.museum@geneve.ch

MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE - FERMÉ

MUSÉE D'HISTOIRE DES SCIENCES

Parc de la Perle du Lac
128, rue de Lausanne,
1202 Genève - CH
T +41 (0)22 418 50 60






mardi 21 janvier 2025

La microscopie pour voir la structure ET le fonctionnement - sans même ouvrir la cellule ??

Une nouvelle technique de microscopie : déjà de nombreuses applications … venez entendre la chercheuse et le chercheur qui l'ont inventée!

Le 10 octobre une news de Nature présentait (cf plus bas) présente une magnifique application de la microscopie à expansion  (Ultrastructure Expansion Microscopy (U-ExM)) découverte par Virginie Hamel et Paul Guichard de l'UniGE
…  …  vous avez peut-être eu la chance  de les entendre le 22 janvier dans le cadre du cycle des grandes conférences , à 20h à l'aula du collège de Saussure  sinon la vidéo est ici
VOIR C'EST SAVOIR : DU MICROSCOPE À LA DÉCOUVERTE SCIENTIFIQUE
Dre Virginie Hamel et Prof. Paul Guichard, Département de biologie moléculaire et cellulaire, UNIGE
Lors de cette conférence à deux voix, nous partagerons notre complémentarité en recherche scientifique, illustrant comment la synergie entre nos approches contribue à la production de savoirs. Nous parcourrons les étapes du cycle scientifique, de l'hypothèse aux expériences, de l'interprétation à la diffusion, en mettant en lumière notre collaboration autour de la microscopie à expansion. Cette technique révolutionnaire d'imagerie nanoscopique qui est au coeur de notre recherche, nous permet de lier recherche fondamentale et médicale pour de nouvelles perspectives scientifiques.
S'appuyant sur la technique de Hamel et Guichard, Labade, et al. (2024) ici ont developpé  une nouvelle technique de microscopie que Heidi Ledford, (2024) dans une news de Nature ici décrit cette technique  « phénoménale » qui  permet aux scientifiques d'observer l'interaction des protéines et des chromosomes dans une cellule intacte. La méthode, appelée séquençage génomique in situ par expansion (expansion in situ genome sequencing (ExIGS)), a été décrite dans une prépublication publiée sur bioRxiv le 26 septembre. Cela signifie qu'elle n'a pas encore été évaluée par le processus classique de Reviewing qui valide la publication. Adaptation de Ledford, H. (2024)  Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici

La biologie descriptive ET la fonctionnalité interne d'une cellule à un moment donné  ?

La première ligne de l'abstract de Labade, et al. (2024) ici pose brièvement le problème que l'article adresse (la rationale):
La microscopie (qui révèle plutôt la structure) et la génomique (qui fournit plutôt des information sur l'expression des gènes et le fonctionnement) sont toutes deux utilisées pour étudier les cellules, mais les approches permettant de relier ces deux types d'informations sont rares, en particulier à une résolution subnucléaire.(trad. JTS)
Immunofluorescence in an expanded nucleus shown in blue, yellow and purple colours on a black background

Fig 1: Le séquençage génomique in situ par expansion nouvelle méthode d'imagerie révèle diverses protéines (bleu, jaune et magenta)
à l'intérieur du noyau d'une cellule de tissu conjonctif humain. [img]. Source : Ajay Labade, Zachary Chiang, Caroline Comenho et Jason Buenrostro

De nombreux chercheurs se précipitent pour tester cette puissante technique de microscopie capable de séquencer simultanément l'ADN d'une cellule individuelle et de localiser ses protéines avec une grande précision, sans avoir à ouvrir la cellule ni à en extraire le contenu. Imager l'ADN et les protéines dans des cellules intactes fournit des informations cruciales sur la façon dont ces molécules interagissent.

Labade, et al. (2024) ici qui ont développé cette méthode, l'ont déjà utilisée pour étudier comment le vieillissement pourrait modifier les interactions entre les protéines du noyau et les chromosomes. Ils ont découvert que, avec l'âge, des changements dans ces protéines nucléaires semblent réprimer l'activité des gènes.Adaptation de Ledford, H. (2024)  Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici

Révéler l'organisation de l'ADN

Cette approche pourrait être particulièrement utile pour les chercheurs étudiant comment l'ADN est enroulé autour des protéines et empaqueté dans les noyaux cellulaires, et comment la position des gènes dans cette masse peut influencer leur activité. « On peut considérer l'ADN comme une "ficelle linéaire d'informations" qui doit être compressée et organisée dans un noyau cellulaire de 5 microns », explique Jason Buenrostro, généticien à l'Université Harvard à Cambridge, Massachusetts, et auteur de la prépublication. « Il y a beaucoup d'informations dans la manière dont cet empaquetage se fait. » Pour extraire ces informations, Buenrostro et ses collègues ont combiné deux méthodes déjà existantes. La première utilise une enzyme spéciale pour copier l'ADN, associée à des composants d'ADN marqués avec des fluorescences qui s'intègrent, un par un, dans les nouvelles chaînes d'ADN. En lisant la séquence d'ajout des marqueurs fluorescents, les chercheurs peuvent déterminer la séquence des fragments du génome. Adaptation de Ledford, H. (2024)  Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici

Small multi-coloured dots make up the shape of an oval on a black background

Fig 2 : Le séquençage génomique in situ par expansion révèle des informations génomiques : Chaque couleur représente un chromosome différent dans le noyau de la même cellule de tissu conjonctif.
[IMG]  Crédit : Ajay Labade, Zachary Chiang, Caroline Comenho et Jason Buenrostro

Les chercheurs savent depuis longtemps comment marquer les protéines pour suivre leur position. Mais la résolution de la microscopie optique est limitée par la longueur d'onde de la lumière, ce qui rend difficile de distinguer des brins d'ADN ou des protéines très proches les uns des autres — un problème particulièrement délicat dans le noyau étroit. C'est pourquoi l'équipe a ajouté une méthode appelée microscopie par expansion. Cette technique repose sur un gel qui pénètre dans les cellules et gonfle lorsqu'il absorbe de l'eau, comme le matériau des couches jetables. Lorsque le gel se dilate, il écarte les molécules, rendant plus facile la distinction entre elles. Adaptation de Ledford, H. (2024)  Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici

Premières applications prometteuses

Cette combinaison a permis à l'équipe de Buenrostro d'étudier les interactions entre protéines et gènes dans les cellules de personnes atteintes du syndrome de Hutchinson-Gilford (progeria), une maladie génétique entraînant un vieillissement prématuré. Cette maladie est causée par des mutations dans les protéines appelées lamines, normalement situées à la périphérie du noyau cellulaire. Les chercheurs ont confirmé que chez les individus atteints de progeria, ces lamines anormales envahissent l'intérieur du noyau, où elles semblent altérer l'organisation des chromosomes et réprimer l'activité des gènes. Des anomalies similaires ont été observées dans des cellules de peau d'un donneur âgé de 92 ans n'ayant pas de progeria.

Cependant, la technique exige une expertise considérable, ce qui limitera le nombre de chercheurs pouvant l'adopter immédiatement, selon Kelly Rogers, spécialiste en microscopie avancée à l'Institut de recherche médicale Walter et Eliza Hall à Melbourne, en Australie. Mis il estime qu'avec le temps, dit-elle, les protocoles pourraient être simplifiés ou même commercialisés.« Une chose est sûre : cette méthode deviendra accessible à un plus grand nombre de scientifiques », conclut Rogers. « Les limites de ce que nous pouvons accomplir semblent désormais bien peu nombreuses. » Adaptation de Ledford, H. (2024)  Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici

Abstract de Labade, et al. (2024)

"Microscopy and genomics are both used to characterize cell function, but approaches to connect the two types of information are lacking, particularly at subnuclear resolution. While emerging multiplexed imaging methods can simultaneously localize genomic regions and nuclear proteins, their ability to accurately measure DNA-protein interactions is constrained by the diffraction limit of optical microscopy. Here, we describe expansion in situ genome sequencing (ExIGS), a technology that enables sequencing of genomic DNA and superresolution localization of nuclear proteins in single cells. We applied ExIGS to fibroblast cells derived from an individual with Hutchinson-Gilford progeria syndrome to characterize how variation in nuclear morphology affects spatial chromatin organization. Using this data, we discovered that lamin abnormalities are linked to hotspots of aberrant euchromatin repression that may erode cell identity. Further, we show that lamin abnormalities heterogeneously increase the repressive environment of the nucleus in tissues and aged cells. These results demonstrate that ExIGS may serve as a generalizable platform for connecting nuclear abnormalities to changes in gene regulation across disease contexts." Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici

Références:

  • Labade, A. S., Chiang, Z. D., Comenho, C., Reginato, P. L., Payne, A. C., Earl, A. S., Shrestha, R., Duarte, F. M., Habibi, E., Zhang, R., Church, G. M., Boyden, E. S., Chen, F., & Buenrostro, J. D. (2024). Expansion in situ genome sequencing links nuclear abnormalities to hotspots of aberrant euchromatin repression (p. 2024.09.24.614614). bioRxiv. https://doi.org/10.1101/2024.09.24.614614
  • Ledford, H. (2024). 'Phenomenal' tool sequences DNA and tracks proteins—Without cracking cells open. Nature, 634(8035), 759‑760. https://doi.org/10.1038/d41586-024-03276-7