Vous avez sans doute entendu parler de l'extraordinaire pénis du Colvert... La Pr Brennan pose alors la question : « Mais pourquoi personne n'a étudié le vagin ? »
Le 25 septembre dernier, le Bioscope, le programme SSI de l'UniGE et la Fondation Convergences ont accueilli la Professeure Patricia Brennan (Mount Holyoke College, USA) pour une conférence intitulée « Vertebrate genital co-evolution and the overlooked female » (Coévolution génitale chez les vertébrés et la femelle négligée).
L'étude de l'évolution sexuelle remonte à Darwin, et la vulgarisation l'a souvent présentée sous l'angle d'une « guerre des sexes » Voir par . ex. Futura-sciences.. Beaucoup ont déjà entendu parler de la surprenante longueur du pénis du canard colvert, parfois supérieure à 15 cm. Mais, comme le souligne avec humour la Dre Brennan :

Fig 1 : Illustrations Catherine Delphia
encourage le lecteur à aller vérifier dans la vidéo d'origine : ici
Pour les curieux et les curieuses qui n'auraient pas le temps de regarder la conférence, P. Brennan y montre que les voies génitales femelles du colvert sont spiralées en sens inverse du pénis, formant parfois de véritables impasses anatomiques dans lesquelles la femelle peut aiguiller le pénis. Ce mécanisme expliquerait pourquoi 30 à 40 % des copulations forcées ne conduisent qu'à 3 à 4 % des naissances.
Mais, comme le souligne avec humour la Pr Brennan :
« Pourquoi ne s'est-on jamais demandé à quoi ressemble le vagin du colvert ? »
Fig 2 Exemple de figure tirée de Eberhard, W. G., 1985, présentée par P. Brennan comme illustration d'une recherche où la femelle est passée sous silence.
Ses travaux révèlent une diversité morphologique insoupçonnée : chez les oiseaux, les chauves-souris, les dauphins, les requins, les raies ou encore les serpents, les organes génitaux présentent une grande variété d'adaptations. Pre. Brennan et son équipe explorent ainsi les mécanismes de compatibilité et de résistance entre sexes, témoignant d'une véritable coévolution fonctionnelle.
Chez les dauphins (Orbach, et al., 2017), le pénis est bloqué dans un repli du vagin et la femelle peut en se tournant un peu de coté orienter la "pointe chercheuse" du pénis vers le petit orifice par où la fécondation devient possible. À la question : « Pourquoi continue-t-elle à se laisser faire ? », la Pr Brennan répond : les femelles qui ne se sont pas reproduites n'ont pas transmis leurs gènes ; et l'activation des centres de la récompense suggère que le plaisir peut, de façon complexe, accompagner cette réponse physiologique.
Au-delà de la curiosité anatomique, ces recherches posent des questions fondamentales sur la diversité du vivant, sur les pressions sélectives propres aux interactions sexuelles et sur les biais historiques de la recherche biologique. Elles rappellent aussi à quel point notre regard scientifique reste façonné par ce que nos sociétés choisissent de rendre visible… ou de laisser dans l'ombre.
Co-évolution génitale chez les vertébrés et la femelle négligée
Conférence enregistrée à la Maison de l'enfance et de l'adolescence qui héberge le Bioscope
Références:
- Brennan, P. L. R., Clark, C. J., & Prum, R. O. (2009). Explosive eversion and functional morphology of the duck penis supports sexual conflict in waterfowl genitalia. Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences, 277(1686), 1309–1314. https://doi.org/10.1098/rspb.2009.2139
- Brennan, P. L. R., & Prum, R. O. (2015). Mechanisms and Evidence of Genital Coevolution: The Roles of Natural Selection, Mate Choice, and Sexual Conflict. Cold Spring Harbor Perspectives in Biology, 7(7), a017749. https://doi.org/10.1101/cshperspect.a017749
- Eberhard, W. G. (1985). Sexual selection and animal genitalia. Harvard University Press.
- Orbach, D. N., Marshall, C. D., Mesnick, S. L., & Würsig, B. (2017). Patterns of cetacean vaginal folds yield insights into functionality. PLOS ONE, 12(3), e0175037. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0175037
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