On ne trouve pas ce qu'on ne cherche pas …
Rémy Kopp, didacticien de la biologie à l'UniGE exprime
quelques réticences avec les séquences pédagogiques (et certaines
Apps) sur les espèces invasives - surtout à cause du parallèle que
les élèves pourraient faire avec Homo sapiens et les flux
migratoires.
Les espèces non indigènes sont aussi bénéfiques pour l’écosystème
Une
équipe de l’UNIGE et de l’Université Brown plaide en
faveur d’une réévaluation des espèces non indigènes
malmenées.
D'après le press release de l'unige
La sensibilisation aux espèces non indigènes, souvent qualifiées d’«invasives», a considérablement augmenté au cours des cinquante dernières années, à tel point que toute personne ayant une conscience écologique a entendu parler de celles-ci et de leurs effets négatifs, qu’il s’agisse de la moule zébrée ou de l’ambroisie. Toutefois, l’apport de ces espèces peut également se révéler positif, à l’instar de certains vers de terre qui participent à l’amélioration des processus à l’œuvre dans l’agriculture biologique. C’est ce que démontre une recherche menée par une équipe de l’Université Brown, aux Etats-Unis, impliquant également des chercheurs/euses de l’UNIGE. Ces résultats sont à découvrir dans la revue Trends in Ecology and Evolution.
Dans la littérature scientifique, des préjugés de longue
date sur les espèces non indigènes ont obscurci les
processus de recherche et entravé la compréhension du
public. Dans un récent article de synthèse publié dans la
revue Trends in Ecology and Evolution, une équipe
internationale comprenant des chercheurs et chercheuses de
l’Université Brown, de l’Université de Genève (UNIGE) et de
l’Université de Washington souligne que la majorité des
études portant sur ces espèces se concentre sur leurs
conséquences négatives. Dans ce nouvel article, les
scientifiques proposent de déplacer la focale et de
considérer également les avantages et bienfaits de ces
espèces afin d’instaurer un débat plus équilibré.
Bons pour l’homme et la nature
L’étude emprunte un cadre récemment développé par IPBES, une plateforme internationale pour l’évaluation de la biodiversité et de ses services écosystémiques, qui examine les avantages de la biodiversité pour les êtres humains et la nature, et applique celui-ci aux espèces non indigènes, démontrant les formes diverses, fréquentes et importantes de leur apport positif. «Nous voulons fournir un cadre permettant aux scientifiques d’envisager ces espèces de manière constructive et de documenter explicitement leurs avantages», explique le chercheur. «Ce n’est qu’à ce moment-là que nous serons en mesure de les comparer et de les opposer de manière précise et complète afin de réaliser des analyses de type «coûts-bénéfices» qui peuvent être vraiment utiles pour prendre des décisions politiques.»
Les auteurs/trices reconnaissent que certaines espèces non indigènes, comme les agents pathogènes et les parasites agricoles introduits, entraînent des coûts nets indiscutablement élevés. Mais ils et elles notent que la plupart des espèces domestiquées - y compris les aliments comme le blé et les tomates, les fibres comme le coton et la laine, et les animaux de compagnie comme les chiens et les poissons rouges - apportent de grands avantages nets aux sociétés humaines. Les scientifiques ont axé leur examen sur les espèces qui ne sont pas directement gérées par l’homme - les espèces dites «sauvages» ou «naturalisées» - en notant que nombre d’entre elles présentent simultanément des coûts et des avantages pour l’homme et la nature.
Le «plus» du ver de terre sur
l’agriculture biologique
L’étude cite les vers de terre comme exemple d’espèce non indigène dont les avantages sont sous-estimés. S’ils peuvent modifier de manière négative les écosystèmes forestiers, ils peuvent également améliorer l’agriculture biologique. Une meta-analyse a en effet montré que leur présence peut entraîner une augmentation de 25 % de la productivité agricole. La diminution du coût des aliments qui en résulte et la capacité accrue à nourrir les gens constituent un avantage économique direct.
L’étude met également en avant les avantages inattendus d’une autre espèce non indigène, la truite brune. Prenant l’exemple de la Nouvelle-Zélande, elle démontre que la plupart des espèces non indigènes qui ont envahi le pays ont des conséquences négatives, et que les résidents se concentrent donc sur leur éradication. Pourtant, le pays a bien adopté la truite brune: Les Néo-Zélandais en apprécient tellement les avantages nutritionnels et les avantages récréatifs liés à sa pêche qu’ils ont établi de nouvelles réglementations environnementales pour protéger l’espèce dans leurs eaux.«Le cadre que nous posons fournit une topologie utile pour considérer les diverses façons dont les espèces non indigènes fournissent une valeur et nous l’utilisons ici pour illustrer des exemples représentatifs, mais non exhaustifs, de ces valeurs provenant de divers écosystèmes et régions», indique Martin Schlaepfer, chargé de cours à l’Institut des sciences de l’environnement de l’UNIGE.
Un nouveau cadre de pensée
L’étude préconise d’utiliser le cadre IPBES, qui décrit les nombreuses manières dont la nature peut être valorisée, et de l’appliquer aux espèces non indigènes. «La relation que les gens entretiennent avec la nature, sa valeur intrinsèque, les services écosystémiques, l’approvisionnement en ressources sont autant d’éléments que nous apprécions chez les espèces indigènes. Il existe également des moyens de voir que les espèces non indigènes contribuent à ces avantages», explique Martin Schlaepfer.
Par exemple, les espèces non indigènes peuvent être une
cause majeure d’extinction d’espèces mais aussi contribuer,
par leur propre migration, à la biodiversité régionale en
augmentant la richesse spécifique, y compris en Suisse. Les
espèces de moules introduites dans les lacs suisses, par
exemple, peuvent altérer les nutriments disponibles tout en
augmentent la clarté de l’eau. «Nous soutenons que les
préjugés de longue date contre les espèces non indigènes
dans la littérature ont obscurci le processus scientifique
mais aussi entravé les avancées politiques et la bonne
compréhension du public. Les recherches futures devraient
tenir compte à la fois des coûts et des avantages des
espèces non indigènes», conclut Martin Schlaepfer.
Points forts de Sax &
al. (2022) (traduction) L'étude des espèces non
indigènes s'est principalement concentrée sur la
quantification des coûts qu'elles infligent aux personnes et à
la nature.
Au cours des dernières décennies, les
scientifiques ont reconnu et, au cours des dernières années,
étudié de plus en plus les avantages que les espèces non
indigènes peuvent apporter.
Ici, nous fournissons un cadre pour considérer la diversité des
avantages positifs soutenus par les espèces non indigènes par
rapport aux valeurs relationnelles, instrumentales et
intrinsèques.
Malgré des biais de publication incontestables, nous constatons
que les avantages des espèces non indigènes sont divers,
fréquents et souvent de grande ampleur.
D'autres recherches visant à examiner les avantages des espèces
non indigènes et à comparer ces avantages aux coûts sont
nécessaires pour faire progresser notre compréhension des
impacts des espèces non indigènes et mieux contextualiser la
gestion et les décisions politiques.
Bien que la prise de décision puisse bénéficier de la prise en compte des résultats positifs et négatifs du changement, au cours du dernier demi-siècle, la recherche sur les espèces non indigènes s'est principalement concentrée sur leurs impacts négatifs. Ici, nous fournissons un cadre pour considérer les conséquences positives des espèces non indigènes par rapport aux valeurs relationnelles, instrumentales et intrinsèques. Nous démontrons que leurs résultats bénéfiques sont communs et profondément importants pour le bien-être humain. Les avantages identifiés comprennent la cohésion sociale, l'identité culturelle, la santé mentale, la production de nourriture et de carburant, la régulation des eaux propres et l'atténuation du changement climatique. Nous soutenons que les préjugés de longue date contre les espèces non indigènes dans la littérature ont obscurci le processus scientifique et entravé les avancées politiques et une bonne compréhension du public. Les recherches futures devraient tenir compte à la fois des coûts et des avantages des espèces non indigènes. encourage le lecteur à aller vérifier dans l’article d’origine : ici
Références:
- Sax, D. F., Schlaepfer, M. A., & Olden, J. D. (2022). Valuing
the contributions of non-native species to people and nature. Trends
in Ecology & Evolution, 37(12), 1058‑1066. https://doi.org/10.1016/j.tree.2022.08.005
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