Les bactéries autrefois ennemi n°1, hier tolérables, aujourd'hui nécessaires ?
Source Nature
Autrefois, avec Pasteur qui a jeté les bases de la prophylaxie, promu l'imnportance de l'hygiène personnelle et sociale (cf
hygiene-educ) on voyait les bactéries comme l'ennemi n°1 et on cherchait à les éliminer sans distinction. Notamment avec les antibiotiques à large spectre. Et les progrès de santé que l'hygiène a permis ont renforcé cette vision.
Puis on a commencé à en tolérer certaines : par exemple le concept de flore intestinale et les lactoferments - qu'on n'ose pas les appeler bactéries - administrés après un traitement antibiotique me paraissent liés à cette vision.
Depuis peu me semble voir apparaître une vision plus favorable encore où elles sont franchement utiles et même gérées activement dans notre intérêt bien compris.
Une exposition préparée par des chercheurs de l'UniGE en marge du colloque Wright 17-21 Novembre va approfondir ce thème. Voir plus bas.
Un système immunitaire destiné a contrer les "microbes" ou à les gérer ?
Avant qu'intervienne les anticorps, le système immunitaire déploie de nombreuses molécules antimicrobiennes qui ont une efficacité remarquable et apparemment suffisante chez de nombreux organismes qui n'ont que ce système immunitaire inné. (Cf review Michael Zasloff (2002)) Au point qu'on se demande si la complexité de notre système immunitaire n'est pas tant destinée à combattre les agents pathogènes qu'à gérer une tolérance sélective. On en vient a imaginer que nous favorisons certaines variétés utiles, comme une sorte de force de travail bactérien ou presque de symbiose il me semble.
Les bactéries sont en nous !
Source Nature ZEPHYR/SPL
Selon Mullard (2008), les bactéries de notre intestin sont environ 10 trillons (10^10) et pèsent 1.2 kg Abbott (2004) ! ( j'imagine que ce chiffre n'est pas le même pour une minette quasi anorexique et un bon gros client du MacDo ...) Tout de même, elles sont 10 fois plus nombreuses que nos cellule. Sans parler de celles de notre peau, voir plus bas.
- Mullard, Asher. (2008). Microbiology: The inside story Published online 28 May 2008 | Nature 453, 578-580 | doi:10.1038/453578a
- Abbott, Alison. (2004) Microbiology: Gut reaction Nature 427, 284-286 (22 January 2004) | doi:10.1038/427284a !
Les bactéries sont dans notre génome ?
Dans le nôtre, pas sûr, mais des chercheurs (Hotopp, J. C. D., et al. (2007))ont trouvé dans le génome de plusieurs insectes et de quelques vers des fragments de plus de 500bases et même le génome entier ( 1 Mb) de la bactérie Wolbachia pipientis.
Bien sûr Wolbachia pipientis est une bactérie un peu spéciale, elle infecte 20 à 75 % des insectes et de nombreux invertébrés. Mais de là à insérer son génome entier dans celui de ses hôtes il y a un pas. Pour Takema Fukatsu ces transferts horizontaux, bien connus chez les bactéries, sont peut-être plus répandus chez les eukaryotes.
Pas sûr que notre génome soit à l'abri. En tous cas notre génome contient de nombreux fragments d'anciens rétrovirus (env 8% de endogenous retroviruses (ERV) selon Lester, Benjamin. (2007)) qui s'y sont insérés dans notre passé évolutif et sont transmis avec nos chromosomes. Et des centaines de gènes d'origine bactérienne résultant probablement de transfert horizontal (International Human Genome Sequencing Consortium 2001)
- Plus d'info sur Wolbachia à l'université du Queensland
- Hotopp, J. C. D., et al. (2007). Widespread Lateral Gene Transfer from Intracellular Bacteria to Multicellular Eukaryotes. Science, 317(5845), 1753-1756. | DOI: 10.1126/science.1142490
- International Human Genome Sequencing Consortium Initial sequencing and analysis of the human genome. (2001). Nature, 409(6822), 860-921.
- Lester, Benjamin. (2007) Bacteria Get Promiscuous ScienceNOW Daily News 30 August 2007
- Bannert, N., & Kurth, R. (2004). Retroelements and the human genome: New perspectives on an old relation (Vol. 101, pp. 14572-14579): National Acad Sciences.
Les bactéries de chaque intestin seraient différentes
Il semble Pearson, H. (2006a) que les bactéries qui peuplent nos intestins soient acquises à la naissance et restent relativement stables. Cette population serait acquise par le contact avec les populations de bactéries de la mère. Oui vous avez bien deviné... nous parlons des flores intestinales , vaginales et du lait de la mère : le contact avec ces muqueuses ou fèces donne au bébé un premier capital de bactéries qui va ensuite se développer en fonction des autres caractéristiques de l'individu (génétiques, alimentaires, etc.)
source Nature CAMERON/CORBIS
D'ailleurs Pearson, H. (2006b) que le fait de naître par césarienne -dans des condition forcément plus stériles- plutôt que naturellement ne donne pas l'occasion au système immunitaires de développer une tolérance à la flore intestinale et que "le système immunitaire des bébés nés naturellement à une longueur d'avance " Lotz M., et al. (2006)
Cela expliquerait peut-être en partie les réactions différentes de chacun à une nourriture identique.
Des bactéries plus efficaces favorisent l'obésité ?
Selon 2 news de Helen Pearson (2006a et 2006b), des études montrent que les populations de bactéries des gens obèse seraient différentes, notamment la quantité de
Methanobrevibacter smithii qui élimine l'hydrogène et permet mieux l'action d'autres bactéries et réduit de ce fait le méthane... flatulent. Ces flores-là convertiraient plus efficacement (40% de plus) les fibres -sinon indigestes- en acides gras absorbables. Cette conversion représente 10% de notre apport calorique. Or même une légère augmentation de l'apport calorique suffit à favoriser l'obésité. Cf
Bio-Tremplins Juillet 2007 et Science et Vie en parlait brièvement en février 2007
(intranet.jpg)
Trop d'hygiène serait défavorable ?
On a beaucoup parlé de l'hypothèse hygiéniste (review : Yazdanbakhsh, 2002) selon laquelle une trop grande hygiène dans la petite enfance favoriserait l'apparition d'allergies en privant le système immunitaire d'opportunités de
La encore un choix judicieux de microbes en nous jouent un rôle très nuancé et même franchement positif. (D'accord il semblerait que ce sont plutôt des parasites, protistes et vers qui plus seraient impliqués)
Des bactéries qui préviennent le diabète ?
Source : nature Punchstock
Une étude récente, rapportée par Zelkowitz (2008) dans Science Now et Ledford (2008) dans Nature montre que la présence de bactéries à la petite naissance influence le système immunitaire ( les lymphocytes T sont moins activés) et que cela prévient l'apparition du diabète de type 1 chez des souris. c
Cela renforce ici aussi l'idée que les microbes en nous affectent profondément la manière dont nos organes fonctionnent, dit Margaret McFall-Ngai de l'University of Wisconsin, Madison. Gerard Eberl (2008) dans La Recherche explique que le diabète de type I est une maladie auto-immune où notre système immunitaire attaque les cellules qui devraient fabriquer l'insuline. Les bactéries réguleraient l'équilibre entre le volet inflammatoire et le volet régulateur.
Dans la même veine, Mazmanian, et al (2008) dit - a propos de la maladie inflammatoire de l'intestin que certaines molécules produites par nos bactéries pourraient faire la différence entre la santé et la maladie,
- Eberl, Gérard (2008) Questions à... La Recherche, 424, novembre 2008 Intranet.pdf
- Ledford, Heidi. (2008) Gut microbes fend off diabetes in mice | Nature News 19 September 2008| doi:10.1038/news.2008.1121
- Mazmanian, S. K., Round, J. L., & Kasper, D. L. (2008). A microbial symbiosis factor prevents intestinal inflammatory disease. Nature, 453(7195), 620-625.
- Zelkowitz, Rachel. (2008) Are Bacteria Foes of Diabetes, ScienceNOW Daily News 23 September 2008
Plus de bactéries sous la peau ?
Une étude récente rapportée par Pennisi, Elizabeth. (2008) explore la diversité des bactéries à divers endroits de la peau, et a par exemple découvert que nous avons plus de bactéries sous la peau 1 million par cm2 qu'à la surface : 10'000/cm2 .
- Pennisi, Elizabeth. (2008). Bacteria Are Picky About Their Homes on Human Skin Science 23 May 2008: Vol. 320. no. 5879, p. 1001 DOI: 10.1126/science.320.5879.1001
Explorer la richesse en nous : le projet microbiome.
Source Projet HMP
Un grand projet :
Human Microbiome Project (HMP) , dans le prolongement du projet génome humain, vise a comprendre les interactions entre ces microbes en nous et avec nous.
- Peter J. Turnbaugh, et al. . Gordon1(2007) The Human Microbiome Project Nature 449, 804-810 (18 October 2007) | doi:10.1038/nature06244; Published online 17 October 2007
A l'occasion du 13e Colloque Wright , les « Grandes épidémies », le professeur Linder et le docteur Perron des Facultés de médecine et des sciences de l'UNIGE et Madame Yvon de la Passerelle de l'UNIGE ont réalisé une exposition grand public sur le thème de la microbiologie. En 12 panneaux largement illustrés, ils nous emmènent à la découverte des microbes, ces organismes invisibles à l'¦il nu qui nous habitent et nous entourent.
On y découvre leur extrême diversité et leur omniprésence dans notre environnement. Malgré leur mauvaise réputation, on apprend que l'immense majorité des microbes est essentielle à l'équilibre des écosystèmes et nous rend de nombreux services. Néanmoins quelques-uns d'entre eux sont indésirables et causent des maladies pouvant être fatales. De nombreuses stratégies d'attaques ont été développées par l'homme pour lutter contre ces micro-organismes mais certains résistent. Certains de ces indésirables, très présents dans les médias, sont mis en lumière (grippe, HIV).
Cette exposition s'accompagne d'une brochure qui permet d'aller plus loin dans la compréhension de la microbiologie. Celle-ci complète chaque panneau de l'exposition par un texte explicatif visant à la fois à approfondir certains concepts scientifiques et à donner quelques exemples concrets de recherches menées dans l'arc lémanique. Cette
brochure sera à disposition sur le lieu de l'exposition.
17-21 novembre
Uni Dufour, sous sol
Tout public.
La diversité des organismes étrangers comme une richesse plutôt qu'un problème ?
Ainsi nos populations de bactéries sont finalement - plutôt qu'un problème - une richesse en nous que notre système immunitaire apprend à gérer avec finesse pour optimiser notre santé... ?
Peut-être que la réflexion sur les problématiques d'intégration pourrait s'inspirer de la manière dont notre organisme gère sa population étrangère ?