samedi 28 novembre 2009

H1N1 pourquoi une telle inquiétude du vaccin ?

Un précédent Bio-Tremplins (8nov. 09) déjà plutôt long, n'avait pas abordé la question des risques du vaccin, ni les enjeux économico-politiques... ont regretté certains. Y a-t-il des accords ou des convergences d'intérêt de l'OMS avec les Pharma' ? S'agit-il du grand retour de la paranoïa et la peur du vaccin révèle-t-elle une société angoissée ? Je ne tenterai pas de déterminer si l'industrie pharmaceutique a manipulé les grandes organisations comme l'OMS ni si les autorités sanitaires ont effectivement fait de leur mieux dans la diffusion du vaccin ; je ne suis guère compétent sur ces questions et ne me lancerai donc pas dans des spéculations. Je vais tenter de présenter quelques réflexions qui aideront à mettre en perspective comment le danger se compose des probabilités et des conséquences, discuterai comment ils sont perçus, puis présenterai une illustration très parlante des probabilités liées au vaccin et rapporterai quelques données nouvelles sur la transmission du virus et les effets possibles de la vaccination.

Pourquoi tant de gens ont-ils peur du vaccin ?

 Nous avons vu dans la précédente bio-tremplins avec la spécialiste Claire-Anne Siegrist qu'une méconnaissance des dimensions épidémiologique et évolutive pouvait expliquer que des gens en bonne santé ne voient pas qu'en se vaccinant ils évitent des morts chez les personnes les plus vulnérables. Et qu'ils réduisent en se vaccinant le risque d'une recombinaison H5N1 – tueuse mais peu contagieuse – avec H1N1 – contagieuse mais peu tueuse – qui pourrait causer une épidémie catastrophique. Bio-Tremplins (8nov. 09) Pourtant de nombreuses personnes très raisonnables semblent craindre la vaccination. Constater que notre société est très individualiste n'épuise sans doute pas le débat. Mentionner que les médias ont intérêt à verser dans le sensationnalisme et l'émotionnel ne suffit pas non plus. Oui la caméra qui insiste douloureusement sur les enfants autistes dans "Silence on vaccine" et cela convainc sans doute plus que l'absence de preuves qu'ils apportent du lien entre ces maladies et la vaccination. C'est regrettable mais ce n'est pas une surprise pour ceux qui ont un peu de sens critique...

Les risques nouveaux sont plus inquiétants

Il y a sans doute des raisons psychologiques : il semble qu'un risque nouveau (les ondes des téléphones, l'antimatière produite au CERN, les vaccins,...) soit généralement considéré comme plus grave qu'un risque bien connu (le tabac, la grippe,...) qui est perçu comme moins grave. De plus un risque clairement mesuré pourrait être moins angoissant qu'un risque mal identifié, indéfini, difficile à cerner, comme celui associé au vaccin. (Slovic, P.,et al.,1980 )

L'attitude face aux risques : plus les accidents sont rares moins ils sont acceptés

Pour Amalberti, R. (2007). La Recherche, Dossier Sciences à risque, plus les accidents sont rares moins ils sont acceptés. Son analyse révèle trois phases pour un système sociotechnique et je pense que cela s'applique a celui de notre santé : la phase héroïque, celle de l'espoir et celle de la justification : nous serions entrés dans cette 3ème phase phase centrée sur la sécurité où les accidents sont devenus très rares, mais très mal acceptés.
Fig. 1 : les trois phases : héroïque, de l'espoir et de la justification d'un système socio-technique [imgintranet] Source :Amalberti, R. (2007)

La perception des risques : peu en phase avec la réalité

Selon Boy, Daniel. (2007) dans le même dossier de La Recherche, (extraits intranet.pdf) la perception des risques est très peu en phase avec la réalité des risques. On y apprend que les risques dépendant de sa propre action sont minimisés par rapport à ceux subis, et que la confiance qu'à le public envers les acteurs est liée à la perception de leur compétence et à leur indépendance : s'ils agissent pour leur propre intérêt.

Fig. 3 : La perception des risques est très peu en phase avec la réalité des risques. [img] source : Boy, Daniel. (2007)

Sans être naif et imaginer qu'il n'y ait aucun lien entre ces acteurs, il est donc important de distinguer les scientifiques qui font de la recherche et qui vivent de leur publications, des entreprises pharmaceutiques qui ont des intérêts économiques clairement assumés. Il me semble que souvent ils sont amalgamés et cela ne facilite pas le débat.

Un dilemme moral

Choisir de se vacciner ou de faire vacciner ses enfants pour eux mais aussi pour sauver des proches peut être vu comme une variante d'un dilemme moral classique. Prendre le risque de faire activement (même très peu) du mal est beaucoup plus difficile que ne rien faire et prendre le risque -même beaucoup plus grand - de causer du mal
A) Vous pouvez sauver la vie de 4 personnes en actionnant l'aiguillage qui déviera un train de sa course vers une autre voie où le train tuera une personne. Le feriez-vous? B) Vous pouvez sauver la vie de 4 personnes en poussant une autre personne – très lourde - sur les voies ce qui arrêtera le train, mais tuera cette personne. Le feriez-vous ?
La plupart des gens diront oui a A) et non à B). Rationnellement, ces 2 situation sont identiques, mais avec B) il s'agit d'une action bien plus directe (pousser une personne) qui implique plus le sujet. Ce dilemme est illustré dans Science et vie junior d'octobre 09: Buon, Marine (2009) img intranet et est exploré par IRMf par Greene, J. D., (2001)

Fig 4 : le dilemme moral de l'aiguilleur source : Buon, Marine (2009) [img]


On peut se demander si la protection très claire de son enfant que représente le fait de se vacciner nous touche moins que le risque que peut-être la vaccin va causer du tort à son enfant. La douleur que nous percevons en nous serait plus indirecte... (Cf aussi Biotremplins La douleur de l'autre est en nous 27 II 08) Et le flou sur les risques du vaccin augmente encore le deuxième terme de la décision ... et si c'était grave quand même ?

Des liens pour se faire une idée sur les probabilités et conséquences de ces risques...

L'analyse des ces résultats et de nombreux sites internet montre qu'il reste un doute chez certains. Forcément "Ce qui n'est pas entouré d'incertitudes ne peut pas être la vérité" Richard Feynmann.(2006 ). On sait que le sel de cuisine ne passerait pas les tests de sécurité actuelle car un surdosage peut tuer et que son excès cause des milliers de morts en favorisant l'hypertension. Si on réfléchit, il est impossible de prouver l'innocuité de quoi que ce soit. Il restera toujours la probabitlité que ce qu'on n'a pas encore testé soit dangereux. Il faudrait une infinité de tests. Reste donc un minuscule doute. Ce flou augmente l'effet inquiétant. Une approche rationnelle a donc peu de chances d'améliorer les choses puisqu'elle va forcément discuter des effets potentiels qui même ou surtout infimes sont angoissants on l'a vu plus haut.

Le danger est le produit du danger par les conséquences

Is the H1N1 Swine Flu Vaccine Safe?,November 25, 2009,,Some frequent questions about the H1N1 Swine Flu vaccine answered as clearly and as visually as I could manage. A few people asked for this so I thought I would oblige.,,It was hell on earth to research. There’s a jungle of science around H1N1. Very hard to hack through. You can check all my sources here.

Dans la norme française NF EN 1441, le danger qu'ils appellent risque est défini ainsi : « Combinaison de la conséquence (niveau de sévérité ou degré de gravité) d'un évènement redouté (provoquant un danger) et de sa probabilité d'occurrence.» Ainsi :

Danger = conséquences redoutées x probabilité qu'elles se produisent
Il est très intéressant de noter que dans les discussions citées plus haut les uns parlent du risque en insistant sur la probabilité (très faible) et les autres sur les conséquences (très graves). Ainsi les uns comme les autres ne traitent pas vraiment du danger de manière complète...

Visualiser les probabilités pour mieux décider ?

Un spécialiste de la visualisation a choisi les probabilités d'effets secondaire du vaccin comme thème de son Blog : information is beautiful
Fig. 5 :[img] Visualisation des risques d'attraper la grippe, idem si on a des enfants, d'être hospitalisé et d'en mourir (ligne du haut), d'attrapper la grippe H1N1 d'être hospitalisé et d'en mourir (ligne du milieu), d'avoir des effets secondaire avec le vaccin : point en bas a droite (1 sur un million). [img] source : Blog Information is beautiful
Il n'est pas certain qu'une visualisation comme celle-là suffise a rassurer les angoisses, puisque on voudrait un risque zéro et que le point en bas à droite de l'image existe. L'incertitude sur la valeur de ce point est une réalité scientifique : aucun scientifique sérieux ne donnerait ce chiffre sans une fourchette d'erreur... sans doute considérable. Aussi la visualisation choisie, plus claire et parlante est aussi moins scientifique. La science est par définition faite d'hypothèses courantes, que de nouvelles donnés vont affiner progressivement. Mais le public veut des vérités simples...
Fig. 6 à Droite : Un graphiste a pris la peine de traduire en images les principales probabilités sur la grippe et la vaccination : cliquer pour agrandir [img]Source : InformationIsbeautifulnet

Les valeurs d'infectiosité de H1N1 un peu précisées ...

Un article de Science Yang, Y., et al. (2009) extraits intranet.pdf estime sur la base de nouvelles données (été 09) le R0 de H1N1(soit le nombre de personnes qu'infecte un malade en moyenne cf Bio-Tremplins du 8nov. 09 ) dans la fourchette de 1.3 -1.7 et calcule combien la vaccination pourrait être efficace : comparée avec la ligne noire sans vaccination, avec un taux de vaccination dès 30 - 50% avec ces valeurs de R0, courbe verte et bleue on voit que l'épidémie ne décolle pas vraiment. Fig. 4 Simulated effect of prevaccination with a homologously and a heterologously matched pandemic influenza vaccine at different values of R0 and coverage for the United States. (A) Overall illness attack rates for homologous vaccine. Lines indicate the average illness attack rate over five simulations of Los Angeles County for each value of R0 with the vaccine efficacies summarized in table S9. The 95% error bars indicate the empirical confidence intervals for 100 simulations where the vaccine efficacy parameters are chosen randomly within 15% of their estimated values. (B) Epidemic curves at R0 = 1.6 with homologous vaccine. (C) Overall illness attack rates with a heterologous vaccine and 95% error bars indicating the empirical confidence intervals when varying the vaccine efficacy parameters. (D) Epidemic curves at R0 = 1.6 with heterologous vaccine.,,
Fig. 4 A) Comparée avec la ligne noire sans vaccination, un taux de vaccination dès 30 - 50% courbe verte et bleue empêche que l'épidémie ne décolle vraiment.
Simulated effect of prevaccination with a homologously and a heterologously matched pandemic influenza vaccine at different values of R0 and coverage for the United States. (A) Overall illness attack rates for homologous vaccine. Lines indicate the average illness attack rate over five simulations of Los Angeles County for each value of R0 with the vaccine efficacies summarized in table S9. The 95% error bars indicate the empirical confidence intervals for 100 simulations where the vaccine efficacy parameters are chosen randomly within 15% of their esti
m>ated values. [img]Source : Science Yang, Y., et al. (2009) extraits intranet.pdf
Cet article est aussi une mine informations qui permettent de discuter sérieusement, et en connaissance des marges d'erreurs. Par exemple "Our preliminary estimate of R0 from 1.3 to 1.7 is consistent with pandemic spread causing illness in 25% to 39% of the world’s population over a 1-year period" Ils prédisent en termes prudents que la maladie pourrait toucher 25 à 39% de la population mondiale d'ici un an.
Espérons qu'ils se trompent, j'ai aussi des proches dans les groupes à risque... Et la disponibilité du vaccin pour la majorité est bien tard à se concrétiser...

Sources

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