mardi 17 décembre 2024

C’est dans le besoin qu’on reconnaît ses amis ?

Transmission ≠ contagion ≠ génétique

Quand on parle de transmission de problèmes de santé  on pense à des agents infectieux, entre parents et descendants on pense à la génétique.
Or on transmet aussi à ses proches, notamment avec ceux faisant ménage commun  des comportements - qui ont une influence sur la santé - idem pour l'éducation... Cf. p. ex. : il ne suffit pas d'acheter bio pour rester svelte : l'éducation est plus efficace ! (JTS 2VI2014) . De plus, cet article le discute, on partage son microbiote.
De même les parents transmettent à leurs descendants des gènes, bien sûr mais aussi des comportements alimentaires, et même leur microbiote. Ainsi ce qu'on mesure comme corrélations entre parents et enfants est bien plus que les gènes.

 "C'est dans le besoin qu'on reconnaît ses amis" 

Une recherche récente donne un peu de fondement à ce proverbe dans son sens un peu trivial… elle révèle qu'on partage une bonne part de son microbiote avec ses proches; Or le microbiote influence aussi l'obésité.

Nicholas Christakis, sociologue à Yale et son équipe (2007 ) (ici), avaient émis l'hypothèse que les amis pourraient se transmettre des microbes en plus que d'influencer leurs habitudes alimentaires.
Une news dans Nature Sidik, S. (2024) ici rapporte que Beghini et al.  2024) ici ont trouvé en étudiant 1'787 adultes dans 18 villages isolés au Honduras que les personnes faisant ménage commun partagent 13.9% de leurs souches bactériennes, 10% avec les amis alors que les habitants du même village n'en ont que 4% en commun.

Sidik (2024) ici l'illustre avec cette image titrée "Your friends shape your microbiome — and so do their friends"

Image supprimée par l'expéditeur. A group of women enjoy a meal and share food at a table in a restaurant.


Figure 1 : les convives partagent plus que la nourriture et l'amitié lors d'un repas  [img] source Sidik (2024) ici Credit: Getty

L'étude explore comment les interactions sociales influencent le microbiote intestinal, s'inspirant de recherches initiales sur l'association entre l'obésité et les liens sociaux révélés par les réseaux sociaux. 

Diffusion de l'obésité, liens sociaux et habitudes alimentaires

Pour tester l'hypothèse de Christakis, et al. (2007 ) (ici) (que les amis pourraient se transmettre des microbes en plus que d'influencer leurs habitudes alimentaires), Beghini, et al. (2024) ici ont étudié 18 villages isolés au Honduras, où les interactions sont majoritairement en face-à-face (réseaux absents) et où l'exposition aux aliments transformés et aux antibiotiques est limitée. Les résultats montrent que les époux ou les personnes vivant ensemble partagent jusqu'à 13,9 % de leurs souches microbiennes, tandis que les amis partageant du temps ensemble en partagent 10 %, contre seulement 4 % pour les habitants d'un même village n'interagissant pas fréquemment. Ces données suggèrent que les microbes intestinaux se transmettent via les relations sociales.

Pour Valles-Colomer et al. (2023) ici cette découverte enrichit notre compréhension des facteurs influençant le microbiote, et peut même être un facteur explicatif de transmission (en tous cas de corrélations n.d. JTS) de maladies rarement considérées comme contagieuses. Selon les chercheurs, elle pourrait même ouvrir des pistes pour la gestion de maladies liées au microbiote, comme la dépression ou l'hypertension, en combinant thérapies classiques et interventions ciblant le microbiote. Traduction de Sidik (2024) ici

Repenser la transmissibilité

Des recherches comme celle-ci « changent complètement notre façon de penser », car elles suggèrent que les facteurs de risque pour des maladies ou troubles liés au microbiote, pourraient se propager d'une personne à l'autre via leurs microbiotes, explique Nicola Segata, biologiste computationnel à l'Université de Trente, en Italie. Segata n'a pas participé à ce travail, mais il a collaboré avec Valles-Colomer et des membres de l'équipe de Christakis dans le cadre de recherches similaires.

Dans le cas de la dépression, qui peut être difficile à traiter, combiner les thérapies existantes avec des traitements ciblant le microbiote pourrait améliorer les soins, affirme Valles-Colomer. (Traduction de Sidik (2024) ici)

Il ne faudrait pas éviter les interactions sociales par crainte d' « attraper » le microbiote d'autrui.

Valles-Colomer indique toutefois qu'il ne faudrait pas éviter les interactions sociales par crainte de « contracter » le microbiote d'autrui. Les interactions sociales peuvent transmettre des composants de microbiotes sains et ont d'innombrables autres avantages. Il insiste « Les contacts proches ne sont pas mauvais; au contraire, ils sont bénéfiques ! ».(Traduction de Sidik (2024) ici)

References

  • Beghini, F., Pullman, J., Alexander, M., Shridhar, S. V., Prinster, D., Singh, A., Matute Juárez, R., Airoldi, E. M., Brito, I. L., & Christakis, N. A. (2024). Gut microbiome strain-sharing within isolated village social networks. Nature, 1‑9. https://doi.org/10.1038/s41586-024-08222-1
  • Christakis, N. A., & Fowler, J. H. (2007). The Spread of Obesity in a Large Social Network over 32 Years. New England Journal of Medicine, 357(4), 370‑379. https://doi.org/10.1056/NEJMsa066082
  • Hanage, W. P. (2014). Microbiology : Microbiome science needs a healthy dose of scepticism. Nature, 512(7514), 247‑248. https://doi.org/10.1038/512247a
  • Sidik, S. (2024). Your friends shape your microbiome—And so do their friends. Nature, d41586-024-03804‑03805. https://doi.org/10.1038/d41586-024-03804-5
  • Valles-Colomer, M., Blanco-Míguez, A., Manghi, P., Asnicar, F., Dubois, L., Golzato, D., Armanini, F., Cumbo, F., Huang, K. D., Manara, S., Masetti, G., Pinto, F., Piperni, E., Punčochář, M., Ricci, L., Zolfo, M., Farrant, O., Goncalves, A., Selma-Royo, M., … Segata, N. (2023). The person-to-person transmission landscape of the gut and oral microbiomes. Nature, 614(7946), 125‑135. https://doi.org/10.1038/s41586-022-05620-1

Remerciements

Remerciements à Laura Weiss pour une relecture et des commentaires constructifs.

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