dimanche 26 avril 2009

Comprendre l'alerte à la grippe porcine

Quelques infos sur la grippe porcine

Vous le savez surement, au Mexique plus de 100 personnes sont décédées d'une forme de grippe porcine et plus de 1300 seraient atteintes. Les médias en ont beaucoup parlé cf p. ex. ici.
Il s'agit d'une souche A/H1N1 qui infecte normalement les porcs.
Occasionnellement de telles souches infectent l'homme. Il semble qu'elle puisse se transmettre d'humain à humain car certaines des personnes atteintes n'ont pas eu de contact avec des porcs. Cette transmission fait craindre une épidémie.
Le CDC répertorie les cas aux USA qui semblent liés à cette épidémie.
La souche est sensible à l'Oseltamvir vendu sous le nom de Tamiflu (Mode d'action: animation @ Roche) dont les autorités mexicaines disposent de bonnes réserves. (Tamiflu et neuraminidase @ prolune)
Selon le MMWR une immunité contre la grippe saisonnière ne protège probablement pas de cette souche.
La plupart de ces infos ont été trouvées à partir de ScienceInsider : des informations très à jour de la revue Science

Hemagglutinine et neuraminidase ?

On le sait ces 2 protéines définissent les souches et déterminent la dénomination HxNy.
Dans un article sur les leçons à tirer de l'épidémie de 1918 Belshe, Robert B. (2005) illustre la réorganisation possible pour la grippe aviaire du génome du virus en un schéma commenté
Picture of hemagglutinin

Figure 1 : Le virus de la grippe avec les hemagglutinines (dont le fameux H5 ou H1) et les neuraminidases (N1) L'hemagglutinine à la surface du virus de la grippe fusionne avec les membranes et lui permet d'entrer dans nos cellule. La neuraminidase permet la libération des virus achevés. Credit: Nature Structural & Molecular Biology, advance online publication (22 February 2009)

Entre panique et indifférence... comment réagir ?

Certains ont fait un peu facilement le rapprochement avec une épidémie en 1976 aux USA où une campagne de vaccination massive avait été déployée à la hâte et avait eu des effets secondaires importants.
La question de la pertinence des vaccins va sûrement être soulevée. Les médias adorent faire peur et faire mousser des positions polémiques - fondées ou non - fait vendre...
Aussi pour que chacun puisse se faire une opinion, une analyse de cette crise sur le site du CDC est une approche qui mérite aussi d'être lue, Sencer DJ, Millar JD. (2006) Reflections on the 1976 swine flu vaccination program.

Déployer trop vite une campagne de vaccination, c'est s'exposer au reproche d'une surréaction, aux effets secondaires, aux perturbations de la vie sociale et économique et aux coûts. Mais la déployer trop tard peut coûter beaucoup de vies.
Je crois que je n'aimerais pas être responsable des autorités sanitaires...

Que dit l'OMS de cette grippe porcine ?

L'OMS prône une surveillance mondiale
The current WHO phase of pandemic alert is 4.
Fig 2: Pour l'OMS on en est à la phase 4 (Transmission humain-humain confirmée et foyers d'infections locaux) sur les 8 phases de l'évolution d'une pandémie.(Source)

L'OMS a édité une brochure de questions et réponses - Swine influenza questions and answers [pdf 79kb]

On y lit par exemple qu'il n'est pas dangereux de manger du porc correctement cuit et que le virus est détruit à des températures de cuisson de 70°C "Is it safe to eat pork and pork products? Yes. Swine influenza has not been shown to be transmissible to people through eating properly andled and prepared pork (pig meat) or other products derived from pigs. The swine influenza virus is killed by cooking temperatures of 160°F/70°C, corresponding to the general guidance for the preparation of pork and other meat. "
On craint surtout une recombinaison du virus de la grippe porcine avec d'autres souches humaines.

A Mexico ils ont pris des mesures énergiques. Pour le moment l'OMS recommande seulement aux autres pays une surveillance renforcée

Prédire l'évolution par le web ?

Savoir où en est la grippe est difficile et certains ont approché la question sous un angle inhabituel : en analysant les mots-clé que les gens tapent sur un moteur de recherche (Google), pour détecter des pics de requêtes comme "grippe" ou sur les symptômes comme "fièvre", ils ont pu prédire par région l'apparition de l'épidémie saisonnière 10 jours avant les méthodes habituelles basées sur les rapports des médecins.
  • Butler, Declan. (2008). Web data predict flu.Nature News 19 November 2008 456, 287-288 (2008) | doi:10.1038/456287a
  • Auteur inconnu, "Google détecte la grippe avant les médecins" Science et Vie I 09 | Intranet.
Cependant, comme cela révèle les préoccupation des internautes et non les réels cas d'infection, il est douteux que ce qui marche lors de la banale grippe saisonnière soit applicable à une situation de panique si elle se produisait.

Des espoirs de vaccin à large spectre sur le long terme ?

Le vaccin contre la grippe se heurte au problème qu'on trouve souvent de nouvelles variantes du virus avec des protéines de surface différentes, ce qui oblige les autorités sanitaires à tenter de prévoir quelle variante va se développer l’hiver à venir et à fabriquer de nouveaux vaccins chaque année. Depuis peu on sait (Russell, Colin A. & al., 2008: Une analyse de 13'000 virus par séquençage de masse et analyse bioinformatique) que les souches de la grippe saisonnière proviennent d'Asie de l'Est et du Sud-est puis tournent autour de la terre d'Est en Ouest. Cela permet de préparer le vaccin a temps pour la saison grippale en Europe et aux USA.

Le virus : un malin qui mute ses protéines de surface pour faire plus de tort ?

Par facilité de langage on dit facilement du virus qu'il "mute ses protéines de surface fréquemment", ce qui renforce la conception que le virus aurait une intention ou que les mutations découleraient du simple fait qu'elles présentent un avantage pour lui. Cette conception est un obstacle pour comprendre l'évolution. Si on l'emploie, on ne doit guère s'étonner si le chapitre de l'évolution est ensuite difficile à traiter !
Je pense qu'on parle surtout des gènes des protéines de surface parce que les mutations qui se produisent ailleurs ne donnent pas souvent des virus "mieux adaptés" qui échappent au système immunitaire des personnes immunisées, et on ne voit donc presque jamais ces innombrables virus qui ont muté sans succès (pour eux).

Une immunisation très durable même si on attrape la grippe chaque année ?

flu victimsFig. 4 : La Grippe de 1918 avait fait des millions de morts. Source : U.S. Naval Historical Center

On a récemment montré (Ledford, Heidi. 2008) que chez 94% des gens -agés de 91 à 101 ans- qui ont survécu à la terrible grippe de 1918 on trouve encore des anticorps qui le neutralisent et même qui sont capables de sauver des souris infectées par ce virus-là. On savait les cellules B mémoires durables, mais qu'elles produisent des anticorps en quantité après pas loin d'un siècle en a surpris plus d'un.

Des anticorps contre LES grippes ?

On a tout récemment (Sui et al. 2009) réussi à produire des anticorps qui atteignent un large éventail de la protéine H5. Leurs anticorps se fixent sur presque toutes les variantes de la protéine Hemagglutinine. Intrigués, les chercheurs ont essayé de voir pourquoi et ont trouvé qu’elle se fixe sur la partie de la protéine intégrée à la membrane qui varie moins.

ac sur h5 profond
Fig 2 L’hémagglutinine verticalement en bleu et vert au centre avec l’anticorps (orange et rouge en de part et d’autre sur fond grisé fixé dessus)
On peut voir la structure (3FKU) en 3-d sous tous ses angles ici

Selon les auteurs on peut espérer produire ainsi des anticorps pour faire un sérum antigrippal efficace immédiatement. Et à terme cela pourrait constituer un espoir pour réussir à produire un vaccin antigrippal durable.

L'évolution permet des prédictions pessimistes

Mais si la rareté des mutations observées sur cette partie de la protéine n'est que le résultat d'une sélection comme on l'a vu plus haut, on risque bien de voir ces mutations-là se révéler dès qu'on commence à appliquer ces anticorps ou ce vaccin...
Si un changement de cette partie profonde ne donne aucun avantage aux virus dans un environnement où ces anticorps nouveaux ne sont pas présents, on peut craindre que l'arrivée des anticorps révèle des mutations qu'on n'avait pas vu.
Et on dira que le virus "s'est mis à muter la partie profonde de l’hémagglutinine pour se défendre contre les attaques de la médecine " ?

J'espère que je me trompe ...

Références :

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