mardi 28 juin 2022

Premier séquençage (encore plus) complet du génome humain

Le consortium Telomere to Telomere a séquencé la partie du génome humain qui résistait encore au séquençage

Il y a 22 ans, une équipe de recherche internationale publiait séquence (quasi) complète du génome humain. Une véritable révolution qui permettait soudain d'avoir accès à l'ensemble - ou presque - de l'information génétique contenue dans nos cellules. On pouvait examiner une dimension cruciale de ce qui fait que nous sommes humains : LE génome humain.
Comme si nous avions tous le même génome ?
C'était tellement extraordinaire que rares étaient ceux qui posaient la question (cela paraissait presque gâter la fête) de la diversité génétique de l'humain. Cette question est devenue centrale et pour étudier cette différence une séquence de référence (GRCH38 actuellement) est nécessaire comme un étalon pour établir les différences (Cf. Fig 1).

une                nouvelle référence du gnenome
Fig 1: Une nouvelle séquence de référence pour succéder à l'actuelle GRCh38 [img]. Source :  Church (2022) ici

En 2001 : Le génome humain … mais 8% d'information manquante

En 2001, le consortium scientifique international Human Genome Project était parvenu à séquencer la quasi-totalité de ce génome en identifiant trois milliards de bases. Cette découverte, révolutionnaire pour la médecine et la biologie, n'était cependant pas tout à fait complète. En raison de certaines limites technologiques, une petite partie - notamment les séquences répétitives - résistait en effet encore. On estimait alors que 5% à 15% de la séquence du génome humain restait à décoder.

Une séquence enfin complète ?

Le consortium Telomere to Telomere (T2T) auquel participe l'UNIGE est parvenu à séquencer les 8% manquants de notre matériel génétique (Nurk, et al., 2022) dans la revue Science ici. Le press release de l'UNIGE s'enthousiasme : "disposer d'une séquence complète, sans lacunes, des quelque 3 milliards de bases de notre ADN permet de comprendre le spectre complet des variations génomiques humaines et les contributions génétiques à certaines maladies. La génération d'une séquence du génome humain véritablement complète représente une incroyable réalisation scientifique, offrant la première vue complète de notre schéma d'ADN», déclare Eric Green, MD-PhD et directeur du NHGRI. «Cette information fondamentale renforcera les nombreux efforts en cours pour comprendre toutes les nuances fonctionnelles du génome humain, ce qui, à son tour, renforcera les études génétiques des maladies humaines.» Press release UNIGE

Sans réduire l'importance de cette étape dans notre connaissance du génome on relève qu'ils parlent d'un génome complet, alors que  Nurk, et al. (2022) décrivent très factuellement cette (énorme il faut le reconnaitre) avancée mais aussi une limite de la séquence produite ici [la nouvelle séquence] "comprend des assemblages sans interruption pour tous les chromosomes sauf Y, corrige les erreurs dans les références antérieures, et introduit près de 200 millions de paires de bases de séquence…" Traduction d'un extrait de l'abstract. 

On voit qu'un savoir scientifique définit ses limites et s'abstient de superlatifs - laissant le lecteur s'enthousiasmer - et JTS trouve qu'il y a de quoi.

T2T-CHM13 remplacera-t-il GRCH38 ?

La séquence de référence jusqu'à présent est nommée GRCH38. La comparaison avec la nouvelle séquence produite par T2T (CHM13) montre par exemple qu'elle inclut 3.5 milliards de paires de bases (Gbp) alors que GRCH38 en offrait 2.93 Cf Table 1 .Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux                  articles plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici


STATISTICS

GRCH38

T2T-CHM13

DIFFERENCE%)

Summary

Assembled bases (Gbp)

2.92

3.05

+4.5

Unplaced bases (Mbp)

11.42

0

−100.0

Gap bases (Mbp)

120.31

0

−100.0

Number of contigs

949

24

−97.5

Contig NG50 (Mbp)

56.41

154.26

+173.5

Number of issues

230

46

−80.0

Issues (Mbp)

230.43

8.18

−96.5

Gene annotation

Number of genes

60,090

63,494

+5.7

  Protein coding

19,890

19,969

+0.4

Number of exclusive genes

263

3,604

 

  Protein coding

63

140

 

Number of transcripts

228,597

233,615

+2.2

  Protein coding

84,277

86,245

+2.3

Number of exclusive transcripts

1,708

6,693

 

  Protein coding

829

2,780

 





Table 1 source (Nurk,et al, 2022)ici

Le consortium T2T est parvenu à décoder les 8% manquants du génome humain complet (d'un télomère à l'autre : T2T) notamment grâce à des techniques nouvelles, voir plus bas un exemple avec Nanopore. Ce nouveau matériel génétique comprend plusieurs gènes mais aussi plusieurs séquences répétitives d'ADN.

En quoi les télomères sont-ils difficiles à séquencer ?

Ces séquences sont très répétitives. On peut le faire constater par les élèves dans une activité du  projet Bioinformatique : opportunités pour l'enseignement où les élèves peuvent voir une authentique séquence de télomère dans le génome humain :

Pourquoi les séquences répétées sont-elles difficiles à séquencer ?

Le séquençage est souvent réalisé avec des appareils qui lisent des fragments assez courts, qui doivent ensuite être assemblés en alignant les chevauchements - c'est l'assemblage cf figure 2a.

Assemblage
Fig 2a: le principe de l'assemblage [img] source http://dx.doi.org/10.1142/S0218339019500128

La nécessité de cette opération n'est pas souvent comprise par les élèves et une activité permet de leur en faire comprendre la nécessité : exemple d'activité élève en figure 2b.
Une activité élève pour éprouver le mécanisme (l'algorithme) d'assemblage : choisir une séquence, la découper en bandelettes d'une douzaine de bases se chevauchant, et demander aux élèves de les assembler. On peut veiller à choisir des séquences avec peu de répétitions (séquence codantes en général) par exemple celle de l'insuline comme dans la fig b2.

exemple d'activité                d'assemblage
Fig 2b: Une activité élève - en cours de réalisation - pour éprouver le mécanisme (l'algorithme) d'assemblage : choisir une séquence (ici l'insuline), l'imprimer plusieurs fois,  la découper en bandelettes d'une douzaine de bases se chevauchant, et demander aux élèves de les assembler.

Ensuite on peut le faire faire avec une séquence répétée pour comprendre la difficulté que T2T a affrontée. On voit alors l'immense difficulté et on constate que les séquences répétées étaient difficiles à assembler à partir de fragments courts. On voit aussi les possibilités qu'ouvrent les nouvelle technique (Nanopore voir plus bas) capables d séquencer de bien plus longues séquences

Le SIB propose parmi d'autres ici une activité  "Médecine de précision et profil génétique" qui pourrait être détournée pour exercer l'alignement : A_vous_de_jouer.pdf Complément d'information ici

Ce qu'ont vraiment publié  Nurk et al.

"Depuis sa publication initiale en 2000, le génome humain de référence n'a couvert que la fraction euchromatique du génome, laissant d'importantes régions hétérochromatiques inachevées. S'adressant aux 8 % restants du génome, le Consortium Telomere-to-Telomere (T2T) présente une séquence complète de 3,055 milliards de paires de bases d'un génome humain, T2T-CHM13, qui comprend des assemblages sans interruption pour tous les chromosomes sauf Y, corrige les erreurs dans les références antérieures, et introduit près de 200 millions de paires de bases de séquence contenant 1956 prédictions de gènes, dont 99 sont prédites comme codant pour des protéines. Les régions complétées comprennent tous les réseaux satellites centromériques, les duplications segmentaires récentes et les bras courts des cinq chromosomes acrocentriques, ouvrant ces régions complexes du génome à des études variationnelles et fonctionnelles." Abstract de Nurk, et al. (2022), traduction. Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux                        articles plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici

Summary of the                        complete T2T-CHM13 human genome assembly.,(A)                        Ideogram of T2T-CHM13v1.1 assembly features. For                        each chromosome (chr), the following information                        is provided from bottom to top: gaps and issues in                        GRCh38 fixed by CHM13 overlaid with the density of                        genes exclusive to CHM13 in red; segmental                        duplications (SDs) (42) and centromeric satellites                        (CenSat) (30); and CHM13 ancestry predictions                        (EUR, European; SAS, South Asian; EAS, East Asian;                        AMR, ad-mixed American). Bottom scale is measured                        in Mbp. (B and C) Additional (nonsyntenic) bases                        in the CHM13 assembly relative to GRCh38 per                        chromosome, with the acrocentrics highlighted in                        black (B) and by sequence type (C). (Note that the                        CenSat and SD annotations overlap.) RepMask,                        RepeatMasker. (D) Total nongap bases in UCSC                        reference genome releases dating back to September                        2000 (hg4) and ending with T2T-CHM13 in 2021.                        Mt/Y/Ns, mitochondria, chrY, and gaps.
Figure 3  [img Résumé de l'assemblage complet du génome humain T2T-CHM13. Pour chaque chromosome (chr), les informations suivantes sont fournies de bas en haut : lacunes et problèmes dans GRCh38 corrigés par CHM13 superposés avec la densité de gènes exclusifs à CHM13 en rouge ; duplications segmentaires (SD) (42) et satellites centromériques (CenSat) (30) ; et les prédictions d'ascendance CHM13 (EUR, européen ; SAS, sud-asiatique ; EAS, est-asiatique ; AMR, ad-mélange américain). L'échelle inférieure est mesurée en Mbp. (B et C) Bases supplémentaires (non synténiques) dans l'assemblage CHM13 par rapport à GRCh38 par chromosome, avec les acrocentriques surlignés en gris foncé (B) et par type de séquence (C). (Notez que les annotations CenSat et SD se chevauchent.) RepMask, RepeatMasker. (D) Bases totales sans lacune dans les versions du génome de référence UCSC datant de septembre 2000 (hg4) et se terminant par T2T-CHM13 en 2021. Mt/Y/Ns, mitochondries, chrY et lacunes. Source : (Nurk,et al, 2022)ici
Le même numéro de Science publie plusieurs articles en rapport :

Pas seulement des répétitions, mais des gènes-clés identifiés dans les chromosomes  acrocentriques

Nurk, et al. (2022) ont observé que la majeure partie de ces informations se situe près des télomères et des centromères, c'est à dire aux extrémités ou aux points de contact des chromatides. Il s'agit précisément des chromosomes 13, 14, 15, 21 et 22 acrocentriques (leur centromère se situe près d'une extrémité) et des chromosomes 1, 9, 16 et Y.

«Plus de la moitié des informations manquantes se situait sur les bras courts des chromosomes acrocentriques, qui contiennent les gènes de l'ADN ribosomal essentiels à la production de toutes nos protéines», explique Stylianos Antonarakis. Il précise qu'il s'agit «de gènes-clés pour la compréhension des mécanismes qui régissent le vieillissement et certaines maladies.»

Dans le cadre de T2T, Stylianos Antonarakis, de l'UNIGE, a été impliqué plus précisément dans le décodage d'un type spécifique de chromosomes dits «acrocentriques» dont il est spécialiste, et sur lesquels il a publié un review (Antonarakis, 2022) ici «Le premier papier date de 1934. Au total, une centaine d'études ont été passées en revue», indique-t-il. Avant la découverte du séquençage complet du génome, l'une des grandes questions que se posaient les scientifiques était notamment de savoir si les chromosomes acrocentriques étaient tous porteurs du même bras court en termes de matériel génétique.«La recherche du consortium T2T démontre aujourd'hui que le nombre de ces gènes est en réalité variable d'un être humain à l'autre», indique Stylianos Antonarakis. Ces découvertes ouvrent de nouvelles perspectives pour l'étude génétique de certaines maladies, de certains mécanismes liés au vieillissement et plus globalement des variations génomiques entre êtres humains.

Le séquençage Nanopore

Cette technologie est propriété de Oxford Nanopore Technologies et ce texte est tiré de leur site. Ils ont développé une technologie de séquençage d'ADN et d'ARN à base de nanopores protéiques, qui sont de minuscules trous canaux à travers les membranes. Dans leur technologie, les nanopores protéiques sont intégrés dans une membrane synthétique baignée dans une solution électrophysiologique et un courant ionique est passé à travers les nanopores.

Lorsque des molécules telles que l'ADN ou l'ARN se traversent ces nanopores, elles provoquent une perturbation du courant électrique. Ce signal peut être analysé en temps réel pour déterminer la séquence de bases des brins d'ADN ou d'ARN traversant le pore.une image vaut mille mots ...              mais peut être interprétée de mille manières

Fig 4: Séquençage d'un ARN : lorsque chaque base traverse le pore cela modifie le courant électrique à travers la membrane, ce qui permet de détermine quel nucléotide vient de passer. [img]. Source :Oxford nanopore

Sequençage de l'ADN et de l'ARN

Chaque base qui traverse le nanopore produit une perturbation du courant, différente pour les bases A, T, C, G, et qu'on peut mesurer en temps réel au fur et à mesure que l'acide nucléique s'avance à travers le pore. Pour le fabricant c'est la seule technologie de séquençage qui permet une analyse directe en temps réel de fragments courts à ultra-longs d'ADN/ARN, permettant un accès rapide aux informations critiques (par exemple, l'identification des agents pathogènes), la génération d'informations précoces sur les échantillons et un séquençage long (couramment des dizaines de milliers selon un review (Amarasinghe, et al., 2020) ici  qui mentionne un séquençage record de 2,272,580 bases (Payne, 2018) - preprint ici.

une image vaut mille mots ... mais peut être                interprétée de mille manières
https://nanoporetech.com/how-it-works

Fig 6: Séquençage d'un ADN : un seul des brins traverse le pore. [img]. Source : Oxford nanopore


Amarasinghe, et al. (2020) comparent ici  les techniques single-molecule real-time de Pacific Biosciences et le nanopore sequencing de Oxford Nanopore Technologie.

(Les membres Jump-To-Science peuvent obtenir ces articles)

Références:

  • Amarasinghe, S. L., Su, S., Dong, X., Zappia, L., Ritchie, M. E., & Gouil, Q. (2020). Opportunities and challenges in long-read sequencing data analysis. Genome Biology, 21(1), 30. https://doi.org/10.1186/s13059-020-1935-5
  • Antonarakis, S. E. (2022). Short arms of human acrocentric chromosomes and the completion of the human genome sequence. Genome Research, 32(4), 599‑607. https://doi.org/10.1101/gr.275350.121
  • Church, D. M. (2022). A next-generation human genome sequence. Science, 376(6588), 34‑35. https://doi.org/10.1126/science.abo5367
  • Nurk, S., Koren, S., Rhie, A., Rautiainen, M., Bzikadze, A. V., Mikheenko, A., Vollger, M. R., Altemose, N., Uralsky, L., Gershman, A., Aganezov, S., Hoyt, S. J., Diekhans, M., Logsdon, G. A., Alonge, M., Antonarakis, S. E., Borchers, M., Bouffard, G. G., Brooks, S. Y., … Phillippy, A. M. (2022). The complete sequence of a human genome. Science, 376(6588), 44‑53.
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lundi 20 juin 2022

Physics & Education – Perspectives from Condensed Matter and Biophysics / La «nature» aux Journées suisses d’histoire, 29.6-1.7

Physics & Education – Perspectives from Condensed Matter and Biophysics

On the annual meeting of thge SPS, a talk on the educational aspects of condensed matter physics and biophyscis will be held by Prof. Christof Aegerter from the University of Zürich (see image and [1] for examples).
This is the 2nd talk in a series where active researchers discuss their field under the perspective of its value for and impact on physcis education and scientific literary.
(last year: Prof. HP Beck on educuational aspects of particle physics, [2]).
For instance, it is well known that biomedical applications are among the most interesting contexts for physics education especially for girls and young women.
In order that teachers and other interested people who cannot be present at the annual meeting can participate talk, a zoom link is available.

WEN 29/6 9am, Christof Aegerter (U Zürich)
https://uzh.zoom.us/j/65484773387?pwd=Tkh0OUVqa1N6ejU4QW5HVkVOSFZuUT09

[1] https://www.physik.uzh.ch/en/groups/aegerter/research.html
[2] https://www.sps.ch/fileadmin/articles-pdf/2021/Mitteilungen_PT052021.pdf

Mechanical stress in Drosophila wing imaginal disc

When a disc grows, the stresses measured by photoelasticity increase with size, as would be expected from models of mechanical feedback of growth control. This can be seen in the figure below, where the size dependence of the birefringence in the centre as well as at the periphery is plotted. These latter data indicate that the stretching at the periphery remains constant as predicted by the model of T. Aegerter-Wilmsen et al. More details about this project can be found in our 2009 Mechanisms of Development paper in the publications section.


La «nature» aux Journées suisses d'histoire, 29.6-1.7

Les Journées suisses d'histoire qui ont lieu tous les trois ans et rassemblent plusieurs centaines d'historien-nes de la Suisse et de l'étranger, auront cette année pour thème la natureL'UNIGE est co-organisatrice de cette manifestation qui se tiendra du 29 juin au 1er juillet à Uni Mail et le programme peut être consulté en ligne.


nature-histoire


Les derniers dinosaures sont au poulailler ?

Dinopoulet

Aborder l'évolution dans des activités ludiques de fin d'année ?

Un projet AGORA du FNS développé avec des chercheurs en bioinformatique : In the light propose des activités ludiques mais avec des données sérieuses issues de la recherche.

Un nouvelle activité a pour but de de faire découvrir les données et les démarches scientifiques qui ont été utilisées pour étudier les liens de parenté entre les dinosaures et les oiseaux d'aujourd'hui.

Des activités pour les élèves sur le thème de l'évolution

S'inspirant de la célèbre phrase de Dobzhansky: « Nothing in Biology Makes Sense Except in the Light of Evolution » Un projet AGORA  (du FNS) développe des outils pour comprendre l'évolution qui sont  à la fois fondé sur des données authentiques mais habillés de manière jeune et attrayante (A propos du projet).  Ce projet a reçu le prix Optimus Agora 2021 du FNS qui reconnaît le potentiel de communication du projet.

Ils viennent de rajouter une branche à l'arbre des thèmes et activités proposées. Dinopoulet : Les dinosaures n'ont pas tous disparu : certains ont survécu. Que sont devenus leurs descendants ?

Le site web 'In the light of Evolution' propose:

(1)    des histoires qui abordent ces différentes questions – de nouvelles histoires seront publiées régulièrement ces 3 prochaines années en fonction de l'actualité scientifique.
(2)    des activités interactives en lien avec chaque histoire : ces activités sont basées sur des données et des analyses bioinformatiques authentiques, en lien avec des publications scientifiques.

Un nouvelle branche : Les derniers dinosaures sont au poulailler ?

Une extinction de masse a eu lieu il y a environ 66 millions d'années, au printemps, causée par l'impact de l'astéroïde 'Chicxulub impactor' au Yucatan (Mexique).

Cet évènement a provoqué la disparition d'environ 75 % des espèces, dont les mollusques marins appelés ammonites et la plupart des dinosaures et des reptiles marins.

Mais les dinosaures n'ont pas tous disparu : certains ont survécu. Que sont devenus leurs descendants ?

Une nouvelle histoire 'In the Light of Evolution' donne quelques éléments de réponses. Des petits bouts de séquences de protéines collagène ont été retrouvés dans des os fossilisés de Brachylophosaurus canadensis et de Tyrannosaurus rex. L'analyse de ces données moléculaires a permis de confirmer les prédictions faites à partir des comparaisons anatomiques des squelettes : les dinosaures sont apparentés aux oiseaux !

A vous de jouer : découvrez comment comparer des séquences de protéine et construire un arbre phylogénétique !

https://lightofevolution.org/dinopoulet

https://lightofevolution.org/dinopoulet-a-vous-de-jouer/


lundi 13 juin 2022

De la reproductibilité des expériences sur les souris à la peur de la banane chez le mâle.

La vulgarisation de la recherche : influencée par les questions de société, sensationnaliste, néglige le contexte de la recherche, les méthodes et finalement ce qui fait qu'un savoir est scientifique.

Avouez  que le titre de la RTS "Des chercheurs découvrent pourquoi les souris mâles ont peur des bananes" attire votre attention. C'est inévitable et nécessaire dans les médias.

A l'instar de la plupart des mammifères femelles, les mamans souris protègent leur progéniture contre de potentiels agresseurs. Les mâles souris, comme c'est le cas pour beaucoup d'espèces, notamment les lions, font partie de ces agresseurs. Les mâles veulent en effet éliminer la progéniture pour que les femelles acceptent un nouvel accouplement.
Les mamans souris allaitantes émettent donc des odeurs pour signaler aux mâles qu'ils ont intérêt à ne pas s'approcher. Ces odeurs augmentent les hormones du stress chez les mâles, qui se tiennent à l'écart.
Les scientifiques canadiens se sont aperçus que la principale odeur effrayant les mâles vient de l'urine des femelles. Après analyse, ils ont décelé que la molécule qui agit est exactement la même que celle qui donne son odeur aux bananes.  (Silvio Dolzan, 2020)
L'article sur lequel se base la RTS, (Rosen, et al 2022) titre bien plus factuellement Olfactory exposure to late-pregnant and lactating mice causes stress-induced analgesia in male mice.Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici

Quelques différences pertinentes à l'enseignement : a) l'objectif de la recherche

Dolzan, Silvio (2022) à la RTS laisse entendre que l'expérience visait à déterminer la peur des mâles de la banane :  "Pourquoi les souris mâles ont-elles peur des bananes?"  et y répond

"Selon des chercheurs de l'Université de McGill au Canada, cette question a une véritable cause scientifique, à chercher dans... l'urine des souris femelles.

L'article dont il rapporte les recherches montre tout autre chose :

"Afin d'améliorer la reproductibilité expérimentale, une plus grande attention est accordée aux sources potentielles de stress dans l'environnement du laboratoire." (Rosen, et al 2022) abstract traduit.Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici

En reprenant l'analyse de Green Staerklé & Clémence (2002) et la transposition didactique (TD) (Chevallard, 1991), on observe que les circonstances qui ont déterminé cette recherche, les méthodes qui délimitent la validité des conclusions, n'apparaissent guère.
Ce savoir (Dolzan 2022) est pertinent pour briller dans les conversations, attiser les controverses sur les questions vives de genre, de protection des animaux,… Ce sont des raisons socialement importantes, et sans doute pour augmenter la diffusion de l'article, mais au détriment de ce qui fait un savoir scientifique. 
L'article de (Rosen, et al 2022) précise que l'objectif de cette recherche était de repérer les sources de stress qui pourraient influencer les souris de laboratoire et donc les résultats.
Implicitement, il s'agit d'un aspect de la démarche scientifique ceteris paribus (éviter toutes les autres influences sur les résultats que la variable étudiée) afin de s'assurer que lorsqu'on répète l'expérience des conditions semblables produisent des résultats identiques. On se souvient de la "mémoire de l'eau"  du Pr. Benveniste payé par les laboratoires Boiron qui n'a pas pu être reproduite cf. Hirst et al. (1993) et quir résulte peut-être du changement régulier: chaque nouveau flacon de réactif - plus frais - aurait produit des pics qui ont été interprétés comme une mémoire de l'eau. Les tubes n'étaient donc pas tous ceteris paribus et les résultats observés de bonne foi ne résultaient pas seulement de la variable étudiée ! Cet exemple montre bien l'importance en science de vérifier tous les paramètres qui pourraient avoir une influence. C'était le but de la recherche de Rosen, et al 2022.  L'on ne comprend vraiment la portée de cette étude que si on la met dans son contexte,…  ce que la vulgarisation ne fait pas. L'école le fait-elle ? Chevallard montre qu'en général non; pour devenir un objet d'enseignement le savoir est transformé - et entre autres -devient définitif, perd le contexte de sa production et les méthodes.

b) Le savoir a une nature plus scientifique si on sait comment il a été obtenu.

De plus une connaissance n'est vraiment scientifique que si on sait comment le savoir a été obtenu.

Dolzan, Silvio (2022) à la RTS laisse entendre que l'expérience consistait en "une analyse" et à poser des bananes près des mâles :  "Pourquoi les souris mâles ont-elles peur des bananes?"  et y répond:
    "Les scientifiques canadiens se sont aperçus que la principale odeur effrayant les mâles vient de l'urine des femelles. Après analyse, ils ont décelé que la molécule qui agit est exactement la même que celle qui donne son odeur aux bananes. Les chercheurs ont donc mis quelques bananes en face de souris mâles. Et celles-ci se sont retrouvées aussi stressées qu'en présence de femelles allaitantes.
Rosen, et al (2022) précisent dans le texte les méthodes, qui mesurent le temps de retrait de la patte en présence de la chaleur (latency to withdraw paw from radiant heat) une mesure classique de l'insensibilité à la douleur induite par le stress.

Ici, nous rapportons que la simple proximité de souris femelles enceintes ou allaitantes provoque une analgésie induite par le stress à médiation olfactive, à une variété de stimuli nocifs, chez des souris mâles gonadiquement intactes. Nous montrons que l'exposition à des composés volatils libérés dans l'urine de souris femelles gestantes et allaitantes suffit à produire du stress et une inhibition de la douleur associée. Ce phénomène, une nouvelle forme de signalisation chimique femelle-mâle, est médié par le marquage olfactif femelle de substances volatiles urinaires, tels que l'acétate de n-pentyle, et signale probablement une agression maternelle potentielle visant à se défendre contre l'infanticide par des mâles étrangers.(Rosen, et al 2022) abstract traduit. Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux                  articles plutot que vulgariser encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici

On voit dans la figure de Rosen et al. (JTS propose un extrait en fig 1) qu'ils ont testé les substances volatiles trouvées à des concentrations plus élevées dans l'urine de souris en fin de gestation et en lactation: 1-octen-3-ol, 4-heptanone, 4-penten-1-ol, and n-pentyl-acetate). En 1c on voit que le n-pentyl-acetate ( et le 4-heptanone mais moins ) produisent un accroissement de la latence avant que la souris lève le pied quand ça chauffe. En fig 1c on note aussi qu'il s'agit d'huile de banane. 

Fig 1: L'exposition à des signaux chimiques volatils trouvés à des concentrations plus élevées dans l'urine de souris en fin de gestation et en lactation produit une analgésie chez les souris mâles. [img]. Source :Rosen, et al (2022)

Les résultats d'origine sont assez loin de ce qu'on trouve dans l'article vulgarisé, confirmant la puissance explicative de la TD et de l'analyse de l'équipe du prof. W. Doise (Green Staerklé & Clémence, 2002).

Lire l'article de Nature ou Science en classe, vous n'y pensez pas !!

Evidemment que proposer à des adolescent-e-s bourrés d'hormones, inquiet-e-s pour leur avenir (ou boulevresé-e parce que Henri a embrassé Julie à la récréation précédente)  l'article de Nature tel quel n'est pas productif.
JTS n'est pas convaincu que leur parler de peur des mâles de la banane aiderait à les concentrer sur les apprentissages,…
 
Cet exemple montre bien comment les savoirs sont nécessairement et inévitablement  (Chevallard, Y., 1991) transformés pour être enseignés : on n'y trouve plus que des savoirs définitifs, plus faciles à évaluer, des savoirs avec lesquels on peut aisément préparer des activités, des savoirs socialement reconnus (que les collègues et les parents reconnaissent).
La génétique de Mendel est un exemple typique : on peut en faire des exercices innombrables, des évaluations faciles à corriger, et que les parents et collègues reconnaissent bien. Pourtant c'est un savoir de moins en moins en prise sur la réalité de la biologie (Kampourakis, 2017). C'est ce que Chevallard appelle un monument : autrefois central, ce n'est plus un savoir vivant, mais il faut savoir en parler pour ne pas paraitre inculte. On pourrait aussi objecter que Chevallard à étudié la transposition didactique des maths:  l'adaptation à la biologie est discutée par Lombard & Weiss (2018) ici.
Pourtant JTS veut terminer sur une note positive : si la TD est un processus inévitable et nécessaire, peut-on la contourner :Une piste est d'aider les élèves à aller - un peu au moins - vers l'origine des savoirs : la littérature primaire. N'est-il pas possible d'aider les élèves à lire des articles aussi authentiques que leur niveau le permet ?  (Ici authentique dans le sens plus proche de la recherche originale, Science et Vie, La Recherche, Nature sont progressivement plus authentiques.)
Certaines recherches suggèrent qu'une adaptation de la littérature primaire en classe de secondaire est possible et améliore les apprentissages (Hoskins, et al. 2007, Yarden, et al 2015) et l'expérience dans les classes du secondaire genevois de JTS le confirme.

Mettre les élèves dans le rôle d'expert pour apprendre la démarche scientifique ?

Discuter avec les élèves d'articles vulgarisés - comme l'exemple ci-dessus - peut être une belle manière de discuter la démarche scientifique. Les élèves adorent être dans le rôle d'expert qui juge des autorités ,-))  Bien sûr, ils auront besoin d'être guidés pour juger ce qui est scientifique dans le texte vulgarisé. Leur proposer une grille et les aider à lire l'article d'origine pourrait les aider à comprendre comment en science on valide un savoir et ce qui fait qu'une connaissance est scientifique.
Et à développer l'esprit critique de manière constructive ?
" Penser de façon critique ne signifie pas remettre en question toutes les données, preuves et experts, mais plutôt développer des critères pour les évaluer." ( Jiménez-Aleixandre & Puig, 2012)

Jump-To-Science plutôt que vulgariser ?

D'ailleurs c'est l'approche qui fonde JTS : Jump-To-Science : donner envie d'accéder aux articles                plutot que vulgariser ! Aider à aller à la rencontre de la recherche originale authentique, plutôt que de simplifier pour vous - des enseignant-e-s qui ont un Master en sciences et savent lire Nature et Science :-)) 

Références:

  • Benveniste, J. (1981). The human basophil degranulation test as an invitro method for the diagnosis of allergies. Clinical & Experimental Allergy, 11(1), 1‑11. https://doi.org/10.1111/j.1365-2222.1981.tb01559.x
  • Chevallard, Y. (1991). La transposition didactique. Du savoir savant au savoir enseigné (2e éd. revue et augmentée, 1985 lre). La Pensée sauvage.
  • Green Staerklé, E., & Clémence, A. (2002). De l'affiliation des souris de laboratoire au gène de la fidélité dans la vie : Un exemple de transformation du savoir scientifique dans le sens commun. In C. Garnier & W. Doise (Éds.), Représentations sociales. Balisage du domaine d'études. Montréal : Éditions nouvelles, pp. 147—155, 2002. (p. 147‑155).
  • Dolzan, S. (2022), Des chercheurs découvrent pourquoi les souris mâles ont peur des bananes—Rts.ch—Sciences-Tech. (s. d.). Consulté 13 juin 2022, à l'adresse https://www.rts.ch/info/sciences-tech/13127284-des-chercheurs-decouvrent-pourquoi-les-souris-males-ont-peur-des-bananes.html
  • Hirst, S. J., Hayes, N. A., Burridge, J., Pearce, F. L., & Foreman, J. C. (1993). Human basophil degranulation is not triggered by very dilute antiserum against human IgE. Nature, 366(6455), 525‑527. https://doi.org/10.1038/366525a0
  • Hoskins, S. G., Stevens, L. M., & Nehm, R. H. (2007). Selective use of the primary literature transforms the classroom into a virtual laboratory. Genetics, 176(3), 1381‑1389. https://doi.org/10.1534/genetics.107.071183
  • Kampourakis, K. (2017). Genetics Education. Science & Education, 26(10), 1085‑1086. https://doi.org/10.1007/s11191-017-9945-8
  • Lombard, F., & Weiss, L. (2018). Can Didactic Transposition and Popularization Explain Transformations of Genetic Knowledge from Research to Classroom? Science & Education. https://doi.org/10.1007/s11191-018-9977-8
  • Jiménez-Aleixandre, M. P., & Puig, B. (2012). Argumentation, Evidence Evaluation and Critical Thinking. In B. J. Fraser, K. Tobin, & C. J. McRobbie (Éds.), Second International Handbook of Science Education (p. 1001‑1015). Springer Netherlands. https://doi.org/10.1007/978-1-4020-9041-7_66
  • Rosen, S. F., Lima, L. V., Chen, C., Nejade, R., Zhao, M., Nemoto, W., Toprak, E., Skvortsova, A., Tansley, S. N., Zumbusch, A., Sotocinal, S. G., Pittman, C., & Mogil, J. S. (2022). Olfactory exposure to late-pregnant and lactating mice causes stress-induced analgesia in male mice. Science Advances, 8(20), eabi9366. https://doi.org/10.1126/sciadv.abi9366
  • Yarden, A., Norris, S. P., & Phillips, L. M. (2015). Applications of Adapted Primary Literature. In A. Yarden, S. P. Norris, & L. M. Phillips (Éds.), Adapted Primary Literature : The Use of Authentic Scientific Texts in Secondary Schools (p. 125‑142). Springer Netherlands. https://doi.org/10.1007/978-94-017-9759-7_7


Dans l'intimité d'une cellule - averc le prix Nobel Dubochet


«Dans l'intimité d'une cellule.
Voir et comprendre le vivant
comme jamais auparavant»
Conférence et atelier tous publics
Le 8 juin 2022

 

Plonger au cœur des cellules de notre organisme et comprendre ce qui les animent, jusque dans leurs mécanismes les plus infimes et intimes. Grâce à l'imagerie cellulaire, c'est désormais possible. Le public pourra le découvrir par lui-même à l'occasion du grand symposium de cryo-microscopie qui se tiendra à Lausanne et Genève, du 8 au 10 juin 2022. Des expert-es du monde entier se réuniront pour discuter de leurs travaux dans le domaine de l'infiniment petit.

Dans                    l'intimité d'une cellule - Atelier scientifique

Dans l'intimité d'une cellule - Atelier scientifique

L'Université de Genève (UNIGE), en partenariat avec l'Université de Lausanne (UNIL) et l'EPFL, donnera la parole à Jacques Dubochet, prix Nobel de Chimie en 2017. Le spécialiste en cryo-microscopie électronique racontera son parcours vers la consécration et son engagement pour les enjeux climatiques. En ouverture de la conférence, Clélia Bourgoint, chercheuse en biologie moléculaire à l'UNIGE, présentera les dernières découvertes scientifiques rendues possibles par les techniques d'imagerie en sciences du vivant. Retrouvez plus d'informations ici



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