vendredi 28 octobre 2011

Diabète et Obésité - 15 novembre - visite des laboratoires et rencontre avec les chercheurs

Lors d'une journée Diabète et Obésité,  le 15 Novembre au CMU les chercheurs accueillent vos classes. Voir plus bas et dans la pièce jointe tous les détails de cette journée à ne pas manquer

Une magnifique opportunité de tisser des liens entre la biologie en classe et la recherche, montrer qu'elle bouge, qu'elle produit de nouvelles réponses à des problèmes de santé par exemple.
C'est aussi l'occasion de rencontrer des chercheurs pour que les élèves se fassent une meilleure idée du métier de chercheur-e, et des études en biosciences au moment ou leurs choix d'études se font.

Optimiser les sorties de classe

Ces sorties ont d’autant plus d'effet sur les apprentissages que les élèves ont pu se préparer - par exemple avec des questions à poser aux chercheurs, sur la biologie, sur la vie de chercheur-e, sur les études, sur la science et la société.
Pour qu'ils aient des questions il faut naturellement qu'ils comprennent un peu le problème...
Raven  (2007) le décrit ainsi

"Deux formes de diabète sucré sont maintenant identifiées. Les gens atteints du type I, ou diabète insulinodépendant ont perdu les cellules β sécrétrices d'insuline. Ces patients sont donc traités par des injections d'insuline.
Cependant, la  plupart des patients souffrent du diabète de type II, ou diabète sucré ne dépendant pas de l'insuline. Ils ont en général un taux sanguin normal d'insuline, ou même supérieur à la norme, mais leurs cellules sont moins sensibles à l'insuline. Ces gens ne requièrent pas d'injections d'insuline et peuvent en général contrôler leur diabète par un régime et de l'exercice." p. 1008

Pour susciter les questions : un article-choc

Bien que ce soit certainement discutable, une news récente dans la revue Science ( Couzin, J. , 2008) ici suggère que le diabète de type II pourrait être traité chirurgicalement par un bypass gastrique.
"By altering the gut's production of hormones, gastric bypass surgery may be able to eliminate type 2 diabetes. But scientists worry that this radical operation can also cause dangerously low blood sugar"

Figure
Fig 1 : Un bypass gastrique réduit la taille effective de l'estomac. Parmi d'autres effets il pourrait éliminer le diabète de type II selon les auteurs de cet article.  [img]Source :CREDIT: C. BICKEL/SCIENCE; ADAPTED FROM DEMARIA, NEW ENGLAND JOURNAL OF MEDICINE 356, 21 (2007)  


C'est une option radicale qui suscitera certainement  de nombreuses questions sur l'obésité, le diabète,  la responsabilité individuelle dans sa santé, etc.
Ces questions débattues, et/ou posées aux chercheur-e-s du CMU – je soupçonne qu'ils-elles n’adhéreront pas aux conclusions de cet article – seraient une magnifique occasion de discuter comment la science progresse par débat et confrontation d'idées.
Une belle occasion d'apprendre à mettre en perspective la science et se distancer des arguments d'autorité : comment décider quelle autorité croire entre la prestigieuse revue Science et des chercheurs du prestigieux CMU ...
Un petit pas pour nos élèves d'accepter que si la science progresse elle est forcément faite d'incertitudes puisque de nouvelles données modifieront un jour les conclusions actuelles...
Un grand pas si on arrive à leur apprendre à construire leurs propres conclusions par la mise en perspective critique des idées, leur débat argumenté.  Cf  Johnson, D. W., & Johnson, R. T. (2009) sur comment débattre constructivement.

Pour monter que la science avance et remet en question ses conclusions : une recherche récente.

Une des formes de diabète résulte d'un déficit de production d'insuline, souvent lié à la disparition des cellules β du pancréas qui produisent l'insuline.
Une équipe de chercheurs de l'Université de Genève avec des chercheurs de Nara au Japon (Thorel, F., et al. 2010) ont réussi a reprogrammer des cellules pancréatiques α (productrices de glucagon) en cellules β (productrices d'insuline) chez la souris ce qui pourrait ouvrir la voie à des traitements du diabète.
reprogrammation
Fig 1 : Ilots représentatifs de divers moments après l'ablation des cellules β. En vert la production d'insuline.  [img]Source :Thorel, et al (2011) 
 
Ils ont détruit toutes les cellules β en activant la protéine Diphtérique (DT) sélectivement et observé comment les cellules β réapparaissaient spontanément.
Un des ateliers de cette journée portes ouvertes traite de ce thème 

Cellules souches et diabète :
Les cellules souches ont le potentiel de produire n'importe quel type cellulaire. Alors pourquoi pas une cellule à insuline pour le traitement du diabète? Comment transformer ces cellules en laboratoire ?
Les auteurs proposent que l'on pourrait envisager des thérapies humaines sur ce principe.
"Such inter-endocrine spontaneous adult cell conversion could be harnessed towards methods of producing β-cells for diabetes therapies, either in differentiation settings in vitro or in induced regeneration."

Un espoir ?

Nous savons que cette thérapie n'est pas pour demain, mais pour dans des années, et seulement peut-être.
Cet espoir justifie sans aucun doute les recherches, mais ne risque-t-il pas aussi de se retourner contre la recherche si dans quelques années nos élèves voient que toutes ces thérapies promises ne se sont pas réalisées, et que les chercheurs – ou leur service de communication – savaient combien d'obstacles il y a depuis une découverte fondamentale jusqu'à une thérapie et combien n'y parviendraient pas. Cela pourrait ébranler la confiance encore très grande - des études le montrent - que le public a envers les chercheurs.
Faut-il laisser entendre – sans le dire – que ce traitement est probable et proche pour défendre la recherche, ou éduquer pour faire des citoyens responsables qui soutiendront la recherche parce qu'ils l'auront mieux comprise ?

(Je reconnais que je pose la question d'une manière qui révèle mon opinion... et j'assume cela)

Sources

  • Couzin, J. (2008). Bypassing Medicine to Treat Diabetes. Science, 320(5875), 438 -440. doi:10.1126/science.320.5875.438
  • Johnson, D. W., & Johnson, R. T. (2009). Energizing learning: The instructional power of conflict. Educational Researcher, 38(1), 37.3intranet.pdf
  • Raven, P. H., Johnson, G. B., Losos, J. B., & Singer, S. R. (2007). Biologie. Bruxelles: de Boeck.
  • Thorel, F., Népote, V., Avril, I., Kohno, K., Desgraz, R., Chera, S., & Herrera, P. L. (2010). Conversion of adult pancreatic α-cells to β-cells after extreme β-cell loss. Nature, 464(7292), 1149-1154. doi:10.1038/nature08894
La plateforme  Expériment@l  vous offre l'accès a ces articles : Comment  Obtenir un article : Get-a-doi http://tecfa.unige.ch/perso/lombardf/projets/experimental/images/logo-experimental-sml.jpg

diabete et
          obesité
Madame, Monsieur,
La Faculté de Médecine vous invite à la

Journée Portes Ouvertes

Diabète et Obésité - visite des laboratoires et rencontre avec les chercheurs

Mardi 15 novembre
, 9h30-18h00
Centre Médical Universitaire (sur inscription)

Pour la 9e fois consécutive, la Faculté de médecine de l'Université de Genève organise une
Journée Portes Ouvertes qui s'inscrit dans la campagne de la Journée Mondiale du Diabète,
axée sur l'éducation et la prévention. Elle a pour but une meilleure compréhension de ses habitudes de vie
et des mécanismes biologiques favorisant le diabète. Cette année, un accent particulier sera porté sur la génétique dans le diabète.


10 stands sont proposés sur un parcours thématique à la carte: le visiteur aura la possibilité de rencontrer chercheurs et cliniciens
et de construire son parcours personnel en faisant sa propre sélection (sur inscription).

Tout public et tout âge.
Programme et descriptif complet sur www.diabete.unige.ch
explorer

Les stands à choix, d'une durée de 30 minutes chacun, animés par des chercheurs et des cliniciens


  • Le diabète chez l'enfant et l'adolescent :
    Qu'est-ce que le diabète et comment le traiter? Comment fonctionne une pompe à insuline? Nous mesurerons le sucre dans le sang et nous verrons quels sont les éléments qui font bouger son taux.
  • Voyage microscopique dans le pancréas :
    Un parcours visuel sur la fonction du pancréas. Observez le pancréas et les cellules à insuline à travers différents instruments appartenant au passé ou à la dernière technologie de pointe.
  • Comment fonctionne la cellule à insuline :
    Comment la cellule du pancréas ouvre et ferme le robinet à insuline ? Quels sont les outils des chercheurs ? Nous visualiserons comment les cellules à insuline fonctionnent comme détecteurs de sucre.
  • Horloge pancréatique et diabète :
    Nos cellules ont une horloge biologique rythmée par des cycles d'environ 24 heures. Comment cela influence-t-il la régulation des cellules à insuline et quelle peut-être la conséquence sur l'apparition du diabète?
  • Le génome pour comprendre le diabète :
    Découverte de l’univers fascinant du plan de fabrication de chaque individu, au travers d’une fresque graphique, de mises en scène, d’une sculpture lumineuse de l’hélice d’ADN, de films d’animation scientifique et du journal lumineux sur lequel défile l’intégralité du génome humain.
  • A la recherche des gènes du diabète :
    Y a-t-il des gènes responsables du diabète ? Comment faire pour les identifier ? Nous verrons comment rechercher les empreintes génétiques associées au diabète dans des modèles expérimentaux.
  • Transgénèse et régénération:
    Comment sont générées les souris transgéniques en laboratoire? Est-ce que le pancréas peut régénérer de nouvelles cellules productrices d'insuline chez les souris diabétiques? Pourquoi utilise-t-on des souris transgéniques diabétiques pour étudier la régénération? Quels sont les perspectives pour l'Homme et les futurs traitements du diabète?
  • La transplantation cellulaire pour traiter le diabète:
    La transplantation humaine des îlots pancréatiques est une option thérapeutique pour le traitement de certains diabétiques. Nous verrons comment isoler, purifier, et finalement transplanter ces précieuses cellules.
  • Cellules souches et diabète :
    Les cellules souches ont le potentiel de produire n'importe quel type cellulaire. Alors pourquoi pas une cellule à insuline pour le traitement du diabète? Comment transformer ces cellules en laboratoire ?
  • Association Genevoise des Diabétiques :
    présentation de l'AGD et des aides aux personnes diabétiques.


Pour tout renseignement:
Mme Geneviève Ruckstuhl, 022 379 55 60
Genevieve.Ruckstuhl@unige.ch

mardi 11 octobre 2011

IgNobel Le scarabée qui prenait une bière pour sa compagne ?

IgNobel : étonnant, … mais pas si bête après tout !

The Ig® Nobel Prizes


The Ig Nobel Prizes honor achievements that first make people laugh, and then make them think. The prizes are intended to celebrate the unusual, honor the imaginative — and spur people's interest in science, medicine, and technology.
http://improbable.com/ig/

Dans ce genre irrévérencieux qui le caractérise – et qui peut donner aux adolescents une image moins terne de la science – le prix IgNobel a été décerné avec humour à des recherches qui font "d'abord rire, puis réfléchir".

En ce qui concerne les biosciences  les prix décernés sont :
Biologie : à Darryl Gwynne et David Rentz pour avoir découvert qu'une espèce de scarabée tentait de s'accoupler avec un certain type de bouteille de bière australienne.
Médecine : à Mirjam Tuk, Debra Trampe et Luk Warlop, ainsi qu'à Matthew Lewis, Peter Snyder et Robert Feldman, Robert Pietrzak, David Darby et Paul Maruff pour avoir démontré que l'on peut prendre, dans certains cas, de meilleures décisions lorsqu'on a un besoin urgent d'uriner, et de mauvaises décisions dans d'autres cas.Il  récompense deux recherches : l'une publié sous le titre magnifique de The effect of acute increase in urge to void on cognitive function in healthy adults par M.S. Lewis et al. qui montre qu'une envie d'uriner diminue les fonctions cognitives autant qu'une nuit blanche, et l'autre :" Inhibitory Spillover: Increased Urination Urgency Facilitates Impulse Control in Unrelated Domains" qu'elle favorise des choix raisonnables plutôt qu'impulsifs.
On ne devrait emmener des conjoint-e-s dispendieux voir les expositions de voitures ou les bijouteries qu'avec la vessie pleine ?

Nous allons commenter un peu celui de biologie, bien que l'autre suscite aussi cette curiosité qui est un des moteurs  de la science :
" Sa grande qualité était l'aptitude à goûter l'étrangeté qui marque l'esprit des véritables chercheurs."  MORRIS, Desmond, 1980, La fête Zoologique, Calmann-Lévy

Le scarabée qui prenait une bière pour sa compagne ?

figure1
Fig 1 : Le mâle tente de s'accoupler avec le fond de la bouteille de bière, Notez en haut les pièces copulatrices sorties, et en bas la similitude du motif tacheté du fond de la bouteille avec les élytres de l'insecte.  [img]Source : GWYNN et al 

Le cas de ce scarabée (Julodimorpha bakervelli, un coléoptère Buprestidae ) qui tente de copuler avec un fond de bouteille de bière et persiste pour des heures peut être un exemple qui plaira aux ados. Par ailleurs les Buprestidae sont phytophages et souvent particulièrement beaux (cf images google) .
On peut supposer que la référence à la bière et à la maladresse sexuelle peut attiser leur intérêt. Si on arrive à diriger cette motivation vers l'étude du comportement après les rires gras, les gloussements ou les rougissements gênés.
figure 2
Fig 1 : Julodimorpha bakervelli : les élytres de l'insecte ressemblent à du verre a bouteille.  [img]Source : jeans Photos  http://creativecommons.org/licenses/by-nc/2.0/deed.en
Chez cette espèce les mâles volent et recherchent les femelles qui les attendent immobiles au sol. La couleur et les petites protubérances du fond de la bouteille ressemblent aux élytres.  Les chercheurs australiens ont observé que les mâles restent indéfiniment sur les bouteilles sans même se défendre de fourmis qui les attaquent sur les parties tendres de leur parties génitales (Cf. fig 1 en bas) . Lorsque les chercheurs les ont déplacés, les mâles sont revenus vers les bouteilles. Presque tous les cul de bouteilles du secteur étaient occupés par un mâle. 
On peut envisager de l'utiliser pour illustrer le stimulus-supranormal en éthologie et montrer que ce phénomène n'existe pas seulement chez l’épinoche et les goélands  argentés.

Fig 3 :les classiques exemples de leurres pour le comportement territorial de l'épinoche mâle.  [img]Source : Ethologie.unige.ch
Les auteurs relèvent avec humour que la présence de bouteilles dans la nature pourrait perturber la reproduction de ces Buprestidae : les mâles qui restent sur une bouteille n'ont pas de descendants et que c'est une raison de plus de ne pas jeter les bouteilles dans la nature.
En somme une trop grande fascination pour la bouteille de bière ne favorise pas la sexualité...

Sources

  •  Gwynne, D., & Rentz, D. (1983). Beetles on the bottle: male buprestids mistake stubbies for females (Coleoptera). Australian Journal of Entomology, 22(1), 79-80. intranet.pdf
  • Site IgNobel http://improbable.com/ig/

"TOUS COBAYE... DU BIOBRICOLAGE?"

http://www.bancspublics.ch/
Café scientifique, le LUNDI 17 octobre 2011 à 18h30 

Musée d'histoire des sciences
(dans le Parc de la Perle du lac)
Trams 13 et 15, arrêt Butini / Bus 1, arrêt Sécheron, Parking adjacent. 
ENTRÉE LIBRE



"TOUS COBAYE... DU BIOBRICOLAGE?"


Biobricolage? La première image qui vient à l’esprit en entendant ce terme, c’est peut-être celle de Frankenstein, ou celle du biologiste de garage, tant le mot bricolage rapproche de l’idée du mal fagoté aussi bien par la forme que par l’esprit. Mais dans ce café scientifique, il sera plutôt question des modifications du vivant par différentes sciences, notamment la génétique et la biologie synthétique. Pourquoi et comment fabrique-t-on ex-nihilo des chromosomes de bactéries fonctionnels ? Quelles précautions et quels risques prend-on ? 

Que dire des raccords « bricolés » entre le vivant et l’outil électronique et informatique. Par exemple : des yeux artificiels, une chaise roulante commandée par la pensée et peut être même, mais on n’y est pas encore, des nanorobots capables d’opérer d’une tumeur. 
Si robocop est d’actualité, s’il existe presque déjà, qu’en faire ?

Affûtez vos questions, et souvenez-vous : dans le respect et la sérénité. Exit la polémique. 
Avec la participation de :
M. Bruno J. Strasser, Historien des sciences, professeur à l'Université de Genève
M. José del R. Millán, Professeur, Chaire Fondation Defitech, Centre pour les Neuroprothèses
M. Laurent Roux, Docteur en biologie, Professeur à la faculté de médecine de l'Université de Genève, département de microbiologie et de médecine moléculaire, Spécialiste en virologie.




Animation :
M. Christophe Moreau, épistémologue

Sources

dimanche 2 octobre 2011

Enfin un TP où les élèves peuvent explorer l'expression des gènes ?

L'expression des gènes est un concept difficile pour les élèves

Il nécessite d'abord qu'on distingue le gène de la protéine correspondante.
Ensuite il faut que l'élève comprenne que la présence du gène n'implique pas automatiquement la présence de la protéine, mais qu'une régulation détermine lesquels des gènes sont activés dans une cellule, à un moment donné.
Il lui faut aussi réussir à imaginer que cette activation est différente aussi bien dans le temps qu'à travers l'organisme, pour que l'action coordonnée des gènes dans les cellules, les tissus, les organes produisent les effets parfois visibles comme la couleur des yeux, mais souvent diffus comme la digestion, la croissance ou même l'ensemble des processus qu'on appelle la vie.
Appréhender que le fonctionnement global de l'organisme résulte (au moins en partie dirons-nous prudemment) de l'action des protéines produites dans les cellules est très certainement difficile à croire pour les élèves. Je dis bien croire, car le démontrer aux élèves est à peu près impossible, et même leur donner l'opportunité de l'éprouver au sens de De Vecchi - confronter ce qu'ils ont compris au réel - faute d'expériences ou de TP permettant d'explorer les mécanismes en jeu. L'expérimentation est donc une des méthodes qu'emploie la science pour vérifier et construire des connaissances.
Dans certains cas précis on peut faire éprouver la physiologie en mâchant du pain jusqu'à obtention d'un gout sucré et apparition d'une réaction positive au Test Fehling, par exemple.
En général quand on évoque les expériences en classe, on pense manips et éprouvettes, mais ici ils auront l'occasion de se frotter a des données authentiques pour vérifier leurs hypothèses. La différence est qu'on accède aux données par internet, ce qui est une forme d’"expérimentation" – du moins une forme de construction de connaissances publiables dans Nature et Science – de plus en plus courante à travers toute la biologie.
On aimerait avoir plus d'expériences qui permettent aux élèves de pratiquer ces allers-retours entre ce qu'ils ont compris et la réalité "si j'ai bien compris on devrait voir ceci ..." "Donc si je fais cela il devrait se passer ceci... " on obtient alors des données qui confirment ou infirment et ils peuvent construire une connaissance étayée à partir des données par un raisonnement qui justifie. Ce processus fondamental pour la science permet une construction et une progressive amélioration de leurs modèles explicatifs : c'est la modélisation. Elle nécessite à la fois des opportunités de manipuler ou d'observer et une compréhension de base du phénomène. Assez pour se poser des questions et les comprendre
On manque singulièrement d'opportunités pour les élèves de se confronter à des données sur l'expression des gènes. Or grâce a des chercheurs de l'université de Genève entre autres, on dispose de l'atlas
complet de l'expression des gènes de l'embryon de souris en développement.

Des données authentiques librement accessible en classe !

Pendant quatre ans, huit laboratoires de recherche, dont celui du professeur Stylianos Antonarakis de la Faculté de médecine de l’Université de Genève (UNIGE), ont travaillé à la création de cet impressionnant atlas d’expression génétique, absolument unique en son genre. L’étude a été financée par l’UE à raison de douze millions
d’euros.
Eurexpress website
Fig 1 : Le logo d'Eurexpress. [img]Source : http://www.eurexpress.org/ee/
Les chercheurs se sont partagés un travail colossal, qui consistait à localiser l'expression détaillée de 18’000 gènes codants dans l’embryon de souris, à 14 jours et demi de gestation. Avec l’aide de puissants outils de robotique et d’imagerie moléculaire, ces scientifiques ont réussi ensuite à traduire leurs découvertes visuellement, comme sur des planches d’anatomie, en faisant apparaître l’expression du gène, parfaitement localisée, en bleu. Ce qui est remarquable est que les élèves peuvent disposer de données authentiques pour interagir avec par un simple accès web.

Impressionnant, mais qu'en faire en classe ?

L'examen de ces données magnifiques ne produit pas spontanément une connaissance, les élèves ont besoin d'être guidés. Là ou l'expert voit immédiatement du sens le novice ne voit rien. Il faut donner à l'élève le cadre qui lui permet de comprendre ce qu'il voit, de développer le regard "au-delà du sens commun" (Astolfi 2008).
Face à ces données nouvelles que la science produit depuis la révolution génomique, nous devons faire preuve d'imagination pour aider les élèves à comprendre la portée de ces recherches et développer ce regard qui "voit en profondeur et construit du sens"...
Pour cela il ne suffit pas de comprendre le mode d'emploi du site, ni même de connaître la logique d'organisation des données proposées il faut imaginer ce qu'on pourrait en faire en classe, à quelles questions il pourrait fournir des réponses. En somme, il faut une question qui guidera l'investigation.

La logique du site

Le site propose des coupes microscopiques sagittales de l'embryon à 14.5 dpc (days post coïtum, pour chaque gène on peut afficher une des 27 coupes sagittales de droite a gauche, et zoomer dans la coupe. De plus les structures anatomiques où le gène s'exprime ont été repérées et offrent l'accès direct aux coupes qui les montrent.

Un bref mode d'emploi

  • Une aide contextuelle est disponible en cliquant l’icône help icon.
  • Parmi les 18'000 gènes étudiés, on peut choisir le gène dont on  veut visualiser l'expression en introduisant le symbole ou le nom dans "quick search for "quicksearch
  • Une ou plusieurs protéines apparaissent (ici la myosine). 
    Cliquer la vignette représentant une coupe (au milieu) permet d'accéder à un explorateur de coupes.
    ligne selection myosine img
  • Le gène choisi est indiqué par son symbole. Amy1 pour l'amylase
  • choix gene
  • On peut choisir (- et +) laquelle des coupes à travers l'épaisseur  de l'embryon (de la gauche à la droite) on veut visualiser.
    choisir une coupe
  • Un curseur permet de régler le degré de Zoom sur la coupe choisie
    zoom
  • A gauche un arbre anatomique présente les structures. Les coupes  présentant une expression forte du gène choisi sont indiquées en rouge pour faciliter leur repérage
    expression
    • Lorsqu’une image est annotée, un code couleur indique le niveau d’expression de ce gène dans les différentes structures et ce code est conservé dans l’arbre anatomique (rouge pour forte expression, jaune pour expression modérée et bleu pour faible expression)
  • La coupe elle-même apparait au centre : ici amylase 1 , section10 (presque au centre) avec une forte expression dans le pancréas qui  est bien visible en violet foncé
amylase exprimee dans le pancreas
Fig 2 : La flèche indique le pancréas ou on voit bien le degré d'expression est élevé.
Il y a un artefact (une bulle) un peu plus haut à droite. [img]Source :
Eurexpress

Un usage possible

Ce magnifique site peut devenir un outil dans notre palette d'enseignant une fois que nous nous construisons un usage, en imaginons les possibles dans les programmes et lui donnons du sens par rapport a nos objectifs. On devine qu'il y a un énorme potentiel en classe, mais il faut baliser quelques chemins, Bio-tremplins vous en a balisés quelques uns pour commencer.
Imaginons un usage pédagogique : faire découvrir "éprouver" aux élèves que les gènes ne s'expriment pas partout. Prenant un exemple de protéine exprimée de manière très localisée dans l'embryon, cette activité esquissée se traduit pour les élèves par la question :
  • Peut-on vérifier que l'insuline est produite principalement dans le pancréas ? (Chez la souris)
On pourrait demander aux élèves de trouver où est exprimé le gène de l'insuline INS 2 ( il y a deux insulines chez la souris et le rat)
insuline jour 10
Fig 3 : L'insuline s'exprime
fortement dans le pancréas. [img]Source :
Eurexpress

La localisation de l'hémoglobine

Destinée a faire découvrir "éprouver" aux élèves que certaines protéines sont exprimée de manière très large dans l'embryon, cette activité esquissée se traduit pour les élèves par la question :
  • Peut-on trouver où l'hémoglobine est produite ? (Chez l'embryon de souris)
On choisit Hbb-b1 (symbole de l'hémoglobine bêta "hemoglobin, beta adult major chain")
  • Solution  ici on trouve qu'elle est exprimée un peu partout dans  l'embryon
hemoglobine-b
Fig 4 : L'hémoglobine peu partout dans l'embryon . [img]Source : Eurexpress

La myosine : où y a-t-il déjà des muscles dans l'embryon ?

Dans les deux exemples l'expression était presque unique ou quasi-partout. Un exemple qui contraste par son expression liée à un tissus mais à plusieurs endroits de l'organisme est la Myosine (codée Myh3) exprimée dans les cellules musculaires et représentative des fonctions contractiles.
Destinée faire découvrir "éprouver" aux élèves que certaines protéine sont exprimées spécifiquement dans certains tissus dans l'embryon, cette activité esquissée se traduit pour les élèves par la question :
  • Peut-on trouver où la myosine est produite ? (Chez l'embryon de
    souris)
On choisit Myh3
On voit qu'elle est exprimée fortement dans de nombreux tissus comme la
langue, le coeur, etc. Selon les coupes on distingue bien une expression
différentielle.
myosine coupe 13myosine coupe 17
Fig 5 : La myosine est exprimée dans de nombreux tissues Coupe 13 à gauche ou la langue et le cœur apparaissent clairement et 17 à droite ou les muscles des vertèbres sont très distincts. [img] [img]Source : Eurexpress

La localisation de l'expression de l'amylase :

Destinée à faire découvrir "éprouver" aux élèves les différentes fonctions du pancréas, ou a montrer que l'amylase est aussi produite dans le pancréas (dans le cours de physiologie) cette activité esquissée
se traduit pour les élèves par la question :
  • Peut-on trouver où l'amylase est produite principalement ? (Chez  l'embryon de souris)
On choisit AMY1 (symbole du gène trouvée sur Uniprot avec une recherche sur amylase)
On voit dans le panneau de gauche que l'expression est forte (rouge) dans les coupes 7-14 dans le pancréas. C'est malencontreux que ce soit a nouveau dans le pancréas, mais on peut observer que ce ne sont pas les mêmes zones du pancréas.
amylase coupe 10
Fig 6 : La flèche indique le pancréas ou on voit bien le degré d'expression est élevé. Les cercles irréguliers dans l'image sont des bulles et donc des artefacts à ignorer. [img]Source : Eurexpress

Conclusion

Bio-Tremplins a balisé pour vous quelques premiers usages possibles en classe, qui pourraient s'inscrire dans les chapitres de l'embryologie, de la génétique moléculaire ou lorsqu'on veut montrer les bases
génétiques de la vie. On peut en imaginer d'autres usages en physiologie comme celui sur l'amylase. Ceux qui en auraient balisés d'autres sont bienvenus de nous les soumettre.
Ce qui est intéressant est que l'accès à ces données rend possibles des activités – des TP - ou les élèves peuvent se confronter à des données authentiques de très haute qualité, ce qui en soi peut avoir un effet
motivant en montrant que les savoirs scolaires s'appuient sur la recherche, une biologie qui bouge.
Si on les guide, c'est aussi de nouvelles opportunités pour pratiquer certains aspects de la démarche scientifique en émettant des hypothèses et en les vérifiant.

Sources et liens

Remerciements

  • Dr. LIN MARQ Nathalie pour ses précieuses suggestions et son aide
    dans le choix des gènes présentés.
  • Marie-Claude Blatter pour son aide, les discussions, la sélection
    et le maintien de ressources avec l'ISB