mardi 24 novembre 2015

La chimie : forcément dans un solvant et rapidement ? Prof Piguet commente

La chimie : forcément dans un solvant et rapidement ?

Le symbole de l'activité du chimiste est une éprouvette, un ballon ou un erlenmeyer, avec des liquides.  Les transformations chimiques se produisent en général très vite (parfois extrêmement !) et dans un solvant.  Souvent c'est ce solvant qui pose problème pour l'environnement. Une news de Nature (Lim, X. , 2015) évoque le  "slow-chemistry movement".
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la slow chemistry : plus lente et plus propre ?

Le journaliste met en  perspective cet a priori rapide et liquide en mentionnant de nombreuses réactions chimiques qui se font sans solvant et très lentement (des jours des mois des années cf table ci-contre)  L'attaque du lichen sur la roche,  ou les pigments de la renaissance sont des exemples où nous pouvons voir les effets, de la slow chemistry qu'ils présentent comme une chimie "verte". 

SLOW, SLOWER, SLOWEST

Ageing reactions happen on a wide range of timescales.
1 DAY
• The antibiotic clarithromycin changes phase in carbon dioxide.
• Synthesis of milligrams of small, iron-based organometallic compounds.
4 DAYS
• Synthesis of 10 grams of zinc- or cobalt-based metal–organic frameworks.
1 WEEK
• Synthesis of milligrams of copper-based luminescent polymer.
1 MONTH
• Aspirin degrades at 60 ˚C and 90% humidity.
3 MONTHS
• Lead-white pigment produced from lead.
1 YEAR
• Lichen acids etch rock to a depth of 0.3–30 micrometres.
20 YEARS
• Green patina covers the Statue of Liberty as a result of an oxidation reaction between copper, oxygen and water vapour.
Sources: 1 day: J. Tian et al. J. Am. Chem. Soc. 133, 1399–1404 (2011)/D. Braga et al. CrystEngComm 9, 879–881 (2007); 4 days: ref. 2; 1 week: ref. 3; 1 month: L.-L. Li et al. Arch. Pharm. Res. 31, 381–389 (2008); 1 year: M. R. Lee & I. Parsons Chem. Geol. 161, 385–397 (1999)
Prof Claude Piguet de l'UniGE nuance cet enthousiasme
"La lecture de ce 'scoop' scientifique rappelle immédiatement les analyses du philosophe situationiste Guy Debord (1931-1994), qui écrit dans son essai sur la société du spectacle :  <<La société du spectacle est le règne autocratique de l'économie marchande ayant accédé à un statut de souveraineté irresponsable, c'est également l'ensemble des nouvelles techniques de gouvernement qui accompagne ce règne. Rien n'existe s'il n'est spectaculaire!>>. Tous les concepts chimiques bien connus depuis plus d'un siècle, thermodynamique, cinétique, état de transition, diffusion, se trouvent mélangés dans cette courte communication dans Nature, mais ceci dans un bric-à-brac informe qui fait croire à quelque-chose de nouveau, voire de spectaculaire. Qui-a-t-il de bien extraordinaire à ce que les transformations de la matière (ce que l'on nomme des réactions chimiques) puissent être lentes ou rapides en fonction des conditions externes, puisque nous l'expérimentons tous les jours. Ainsi la réaction de la matière organique constituant nos corps réagit spontanément avec l'oxygène de l'air, mais c'est parce que la vitesse de cette réaction est très lente que nous ne brûlons pas comme des allumettes… Notons, au passage, que les réactions chimiques dans notre corps sont réalisées en milieu solvaté puisque plus de 65% des tissus vivants est constitué d'eau."
Frans Lanting/Robert Harding Picture Library,,Lichens              make acids that react with solid rock in processes that              chemists are trying to mimic.
Fig 1: Lichens make acids that react with solid rock in processes that chemists are trying to mimic. [img] source  Frans Lanting/Robert Harding Picture Library
Ce regain d'intérêt récentes sont des retombées de recherches sur les transformations des médicaments dans les comprimés et autres formes solides vieillissement.
McGill chemist Tomislav Friščić, describes it as "lazy man's chemistry": let a mix of solid reactants sit around undisturbed while they spontaneously transform themselves. More properly called slow chemistry, or even just ageing, the approach requires few, if any, hazardous solvents and uses minimal energy. If planned properly, it also consumes all the reagents in the mix, so that there is no waste and no need for chemical-intensive purification. (Lim, X. , 2015)
Les auteurs montrent que de nombreuses réactions pourraient se faire bien plus proprement avec des réactions lentes. Effectivement on évite les problèmes liés au solvant. Mais l'exemple du "pigment renaissance" blanc de  plomb mentionné ( à base de plomb laissé au contact de vapeurs de guano) montre bien que la slow chemistry n'est pas forcément "verte". 
Prof Piguet  commente  :
"Quel rapport peut-il y avoir entre une constante cinétique, qui mesure la vitesse d'une réaction, et son caractère polluant ? je ne vois guère que le décalage temporel de la production des toxiques qui encombreront donc les générations suivantes. Du moment que la réaction doit donner un produit toxique, la thermodynamique ne laisse aucune porte de sortie honorable, comme cela est mentionnée pour le blanc de plomb. La présence ou l'absence de solvant est probablement un concept plus pertinent, mais on peut rester dubitatif sur la volonté de limiter les solvants pour la synthèse chimique alors que l'on brûle à l'air libre, dans nos sociétés, ceci sans aucun scrupule, des quantités massives de solvants organiques pour chauffer les bâtiments et faire avancer voitures et avions. Cerise sur la gâteau, la nécessité d'augmenter l'indice d'octane nécessaire aux moteurs performants (= haut taux de compression) fait ajouter des quantités de produits aromatiques (auparavant du plomb tetraethyl qui a été interdit) dans l'essence, des produits que les chimistes dans les laboratoires manipulent sous hottes ventilées avec des gants de protection. Alors la chimie verte pour faire de cailloux, raoidement ou lentement, est-ce vraiment pertinent ? "
Si on s'organise la vitesse n'est pas un problème "It's not slow if you plan in advance," précise Friščić, (Lim, X. , 2015)

Les auteurs de l'article mentionnent des bases de Schiff, des composés organometalliques, etc. Notamment pour l'extraction minière souvent très polluante.  
Cinčić's group has demonstrated4 that vapour digestion can be used to synthesize Schiff bases, small organic molecules containing a carbon–nitrogen double bond. The team's next goal is to use the method in a one-step synthesis of amines: nitrogen-containing organic compounds that are used in many dyes and drugs, and that typically require two or three synthesis steps.

various metal–organic materials from oxides of main-group metals, transition metals and lanthanides — solids that tend to have very high melting points and low solubility one could bypass that step, and make valuable metal–organic frameworks directly from rocks. He and his team are working on scaling this process up to bring it to the metal extraction and separation industry
(Lim, X. , 2015)
Prof Piguet commente 
"Cette nouvelle branche de la chimie qui traite des metal-organic framework (MOF) relève essentiellement d'un effet de mode lancé depuis la fameuse université de Berkeley en Californie. Ces mêmes systèmes s'appelaient des polymères de coordination il y a vingt ans, ceci sans rien changer de fondamental dans leurs constitutions. Il est cependant important, en Sciences, de redécouvrir le même sujet à chaque génération de scientifiques (environ tous les 20-30 ans), cela assure la transmission du savoir. Seuls ceux qui vivent plus longtemps en mesurent l'ennui !"
Tout ce qu'on peut faire en solution on peut faire avec les réactions lentes (ageing) declare Friščić. "Everything you can do in solution, you can do with ageing, and more" .

Pour conclure Prof.  Piguet indique
Sans entrer dans les détails, j'ai lu des erreurs chimiques étonnantes dans ce court opuscule publié dans Nature et concernant la 'slow chemistry'. La plus frappante pour un chimiste de cœur comme votre serviteur se trouve dans la phrase suivante : <<More properly called slow chemistry, or even just ageing, the approach requires few, if any, hazardous solvents and uses minimal energy. If planned properly, it also consumes all the reagents in the mix, so that there is no waste and no need for chemical-intensive purification. >> L'énergie à mettre en jeu dans une réaction chimique ne dépend pas de la cinétique de réaction, et il est loin d'être évident que l'absence de processus de solvatation va systématiquement conduire à une minimisation de la variation d'énergie libre de réaction. La seconde partie de la phrase est encore plus obscure puisque toute réaction s'arrête à l'équilibre chimique et qu'il reste toujours des réactifs mélangés aux produits. Nier ce fait revient à nier l'équation de vant'Hoff, formidable thermodynamicien qui obtint en 1901 le premier prix Nobel de chimie. Devant tout cette survente d'arguments peu convaincants, mais certainement très accrocheurs et vendeurs, je terminerai, à votre choix, soit sur ce dernier quatrain de Charles Baudelaire tiré des Fleurs du Mal (Un Voyage à Cythère), un peu pessimiste, mais tellement simple et honnête.
Dans ton île, ô Vénus ! je n'ai trouvé debout
Qu'un gibet symbolique où pendait mon image...
- Ah ! Seigneur ! donnez-moi la force et le courage
De contempler mon coeur et mon corps sans dégoût !
Ou sur ce clin d'œil du dessinateur Christian Binet (1947) résumant ce type d'annonce survendue dans le cadre d'une commande dans un restaurant.
Le client lisant la carte: Je prendrai bien le Prince des Mers dans sa Sauce des Fruits de la Provence.
Le Maitre d'hôtel transmettant la commande en cuisine : Une sardine à l'huile pour la table numéro 4 !

References

  • Qi, F., Stein, R. S. &amp; Friščić, T. Green Chem. 16, 121–132 (2014). Article
  • Motillo, C. et alGreen Chem. 15, 2121–2131 (2013). Article
  • Braga, D., Grepioni, F., Maini, L., Mazzeo, P. P. &amp; Ventura, B. New J. Chem. 35, 339–344 (2011). Article
  • Cinčić, D., Brekalo, I. &amp; Kaitner, B. Green Chem. 48, 11683–11685 (2012). Article
  • Lim, X. (2015). The slow-chemistry movement. Nature, 524(7563), 20‑21. http://doi.org/10.1038/524020a
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mercredi 4 novembre 2015

Conférence du prof Galili, comment l'art peut aider à enseigner des concepts scientifiques 18 nov 18h

Le prof. A. Mueller informe les membres Expériment@l


Alors que l'on oppose souvent l'art et la science, le prof Galili, expert en philosophie, histoire, et didactique des Sciences étudie des interactions stimulantes entre l'art et des concepts scientifiques.
Ce spécialiste viendra partager sa passion et ses recherches le 18. nov. 2015 Ecole de Physique.
Peut-être les enseignants de maths ou physique y  trouveront-ils des idées pour intéresser les élèves à des concepts abstraits,
et d'établir des ponts entre culture scientifique et culture générale?


Fig 1: Détail de "Scènes de Nativité" par Vitale da Bologna  (1353);La figure géométrique en haut est indiquée par la flèche



The role of culture and of history of science for  understanding and teaching science


Conférence du Prof. I. Galili (Jerusalem)  
  Mercredi18 nov. 2015, 18h - 19h30  Ecole de Physique (Auditoire Stückelberg)

Le Professeur Galili est connu pour ses recherches dans un très vaste domaine de travail en didactique des sciences (notamment de la physique), couvrant de nombreux sujets, allant de l'apprentissage des concepts (entre autres masse, électricité, force, etc. ; p. ex. cf . [2.])  jusqu'aux interactions multiples entre histoire et culture, les Sciences, et leur enseignement.
Dans cette dernière perspective, un travail récent [3.] traite en profondeur le potentiel des beaux arts en didactique des sciences (et mathématiques). Dans l'exemple de ci-dessus Galili analyse un élément curieux, à première vue tout à fait étranger à un tableau religieux de cette époque : un triangle rectangle isocèle. Etant donné l'importance du symbolisme dans l'iconographie médiévale, on peut se demander quelles seraient les propriétés particulières de ce triangle que le peintre a choisies pour transmettre un message symbolique ?
Or, ce triangle a au moins deux propriétés particulières qui sont étudiées en géométrie élémentaire, et qui étaient connues depuis l'antiquité : Premièrement, ce triangle se multiplie en formes similaires de façon infinie, en traçant juste une seule ligne, la hauteur sur l'hypoténuse. Deuxièmement, ce triangle est considéré comme le premier objet pour lequel les Pythagoriciens ont découvert la propriété qui pour les formes est l'incommensurabilité (de l'hypoténuse et des cathètes), et pour les nombres l'irrationalité [4.]; la découverte de cette deuxième propriété est considérée comme un évènement majeur en mathématiques et en histoire des idées.
Donc avec une seule forme simple, le peintre a su évoquer, à des personnes éduquées en géométrie élémentaire, les idées de l'infini et de l'irrationnel (ou non-rationnel) avec leur signification essentielle pour la pensée chrétienne [5.]. Galili discute aussi cette œuvre d'art et sa fonction et valeur éducatives ainsi que celles d'une demi-douzaine d'autres exemples. Bien sûr, il ne s'agit pas là de l'éducation à la pensée chrétienne, mais d'explorer les liens étroits et fructueux entre culture et sciences/maths.  
Dans un article tout récent, le Prof Galili reprend l'exploration de ces liens sous une autre perspective et pour les travaux des deux figures éminents en histoire des science (et de la technologie), à savoir Leonard de Vinci et Galileo Galilei [6.]. Si vous êtes intéressé-e-s par cette perspective, et ses apports et implications pour la didactique des sciences, lisez l'abstract  ci-dessous , et soyez les bienvenu-e-s à la conférence.  
151118 Abstract Galili
Showing the role of history of science for understanding and teaching science by comparing the contributions of Leonardo and Galileo within the framework of cultural content knowledge
Abstract
Igal Galili
Faculty of Mathematics and Natural Sciences, The Hebrew University of Jerusalem
Common physics curricula present the subject matter as a scientific discipline, meaning, univocally and often ignoring the scientific discourse in which the considered element of knowledge was consolidated. In promoting the recently suggested perspective of cultural content knowledge (CCK) and cultural structure of scientific theory (discipline-culture), a special value is ascribed to the alternative ideas and conceptions as contrasting and emphasizing the normative knowledge in the conceptual variation of the subject of learning. This approach changes the frequent attitude to the historical heroes of science showing not only their successes (which became in standard association of names with their great contributions), but also their other views and activities placing them in comparison with other participants of scientific discourse and the parallel contents of the modern knowledge. This approach equally holds regarding the ontological elements of knowledge (what was stated/believed?) as well as epistemological aspects (how/why was it stated?)

I will illustrate this approach to knowledge presentation through considering several examples of the scientific products by two famous figures of the history of science: Leonardo and Galileo. All the cases address the topic of regular introductory physics curriculum in mechanics and optics (recently published in Science & Education*), which make them suggestive with regard to teaching method and contents.
* Igal Galili (in press). From Comparison Between Scientists to Gaining Cultural Scientific Knowledge: Leonardo and Galileo. Science & Education.

Sources


Note : Comme d'habitude, les articles mentionnés peuvent souvent être obtenus par les membres de expériment@l
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mardi 3 novembre 2015

51 Peg b, ou l'histoire d'une découverte exceptionnelle






"51 Peg b, ou l'histoire d'une découverte exceptionnelle"




A l'occasion des 20 ans leur découverte

Conférence à 2 voix
Mardi 3 novembre à 18h30 - Uni Dufour
par Michel Mayor et Didier Queloz,
co-découvreurs de la première planète extrasolaire le 6 octobre1995

L'intuition, l'ingéniosité et la persévérance ont permis, voici 20 ans, à Michel Mayor et Didier Queloz, chercheurs à l'Université de Genève, de découvrir la première planète en orbite  autour  d'une étoile en dehors de notre système planétaire.  Une découverte exceptionnelle et déterminante qui nous rapproche d'un ancien rêve de l'humanité; l'exploration d'autres Mondes dans l'Univers!
Quelle est l'histoire de cette découverte? Comment a-t-elle démarré et comment s'est-elle déroulée? A quoi est dû sa réussite? Comment vit-on un tel succès scientifique et a-t-il révolutionné l'astrophysique?
Vivez les coulisses d'une des plus grandes épopées scientifiques contemporaines avec le témoignage exclusif de deux astrophysiciens suisses de renommée mondiale, entrecoupé d'intermèdes inédits.

En espérant vous retrouver nombreuses et nombreux lors de cet événement exceptionnel.

http://www.unige.ch/communication/archives/2015/20ans-exoplanetes.html