mercredi 31 octobre 2007

Pourquoi les feuilles d'automne virent au rouge ?

Les feuilles d'automne sont souvent rouges !


Dans une news @Nature récente Katharine Sanderson décrit les recherches deEmily Habinck de l'Université de Caroline du Nord : Un jour elle a observé que les arbres dans une plaine alluviale étaient bien plus rouges que sur une hauteur proche. Or le sol est très riche dans la plaine et pauvre en nutriments sur les hauteurs. Elle a présenté à une conférence de la société géologique d'Amérique à Denver, Colorado ses conclusions : rendre la feuille rouge est coûteux, mais permet de récupérer plus de nutriments (azote notamment) vers le tronc et les racines et donc un sol pauvre oblige la plante a rougir les feuilles pour mieux récupérer le peu qu'il y a.

Complément  février 2014 : De récentes recherches apportent a cette question des réponses assez solides : Cf  Bio-Tremplins fin 2013

Une question encore ouverte !

La question de la couleur des feuilles à l'automne, apparemment facile, n'a pas de réponse claire et indiscutable d'après Sanderson, surtout en ce qui concerne ces splendides rouges.

On sait qu'avec l'arrivée de l'automne et la nuit qui s'allonge, les feuilles décomposent la Chlorophylle de leurs feuilles et redistribuent les nutriments vers les racines et les troncs. La couleur jaune des caroténoïdes (notamment les carotènes alpha et bêta et la Lutéine) - qui bien là avant - est alors dé-masquée.

Mais les rouges proviennent d'anthocyanes qui sont des pigments rouges (en milieu acide, ils sont de bons indicateurs de pH) fabriqués spécialement à l'automne.

Pourquoi la plante perdrait de l'énergie à fabriquer des pigments dans des feuilles condamnées durant cette phase de mise en réserve a fait l'objet de spéculations depuis longtemps. Certains ont proposé un rôle d'antioxydant, ou pour attirer les oiseaux afin de disséminer le fruits, ou encore pour mieux capter les rayons du soleil et lutter contre le froid. On a aussi observé que les couleurs les plus somptueuses se produisent lors des automnes froids.


Un rôle protecteur contre les effets de la lumière ?
William Hoch, en 2001 avait proposé que ces pigments agiraient comme une protections solaire - une fois que la chlorophylle est éliminée et n'absorbe plus les rayons du soleil - ce qui conserve les feuilles sur l'arbre plus longtemps et permet d'en extraire plus de nutriments. En effet les feuilles restent plus longtemps sur l'arbre si elles sont protégées. Hoch a produit des arbustes mutants (Cornus sericea, Vaccinium elliottii , et Viburnum sargentii) qui ne produisent pas d'anthocyanes. Ces arbres ont perdu leurs feuilles encore vertes lorsqu'elles ont été exposées au stress du froid et de la lumière, et les arbres ont stocké beaucoup moins d'azote pour l'hiver.
En effet la lumière produit dans les cellules des radicaux libres qui sont potentiellement destructeurs. Les plantes sont capables de "tourner à vide " pour dissiper l'excès d'énergie captée.
Je pense que le froid aggrave la situation car il ralentit les réactions chimiques et donc l'absorption d'énergie en amont.
L'étude de Emily Habinckdans la Réserve de Charlotte renforce cette hypothèse du rôle protecteur des anthocyanes : sur un sol pauvre, il est avantageux de produire des anthocyanes pour sauvegarder les feuilles le plus longtemps possible. L'étape suivante est d'analyser les images satellites pour voir si une corrélation peut être montrée entre les colorations des arbres et la nature du sol.

Limites

Cette hypothèse n'explique pas de manière très convaincante pourquoi certaines espèces sont presque toujours rouges et d'autres quasi-jamais. Probablement que c'est une partie de la réponse seulement. D'ailleurs L'article de Hoch et al (2003) suggère que certains arbres (Betula papyrifera)parviennent fort bien à récupérer autant d'azote sans produire d'anthocyanes

On n'a donc pas LA Réponse unique et définitive. (ça n'arrive que dans les romans : 42)

Peut-être que c'est frustrant, sûrement que c'est un reflet honnête de la science où les connaissances se construisent peu à peu dans un champ d'incertitudes qui recule toujours en s'élargissant.
Le savant n'étudie pas la nature parce que cela est utile; il l'étudie parce qu'il y prend plaisir et y prend plaisir parce qu'elle est belle. Si la nature n'était pas belle, elle ne vaudrait pas la peine d'être connue (et) la vie ne vaudrait pas la peine d'être vécue. Je ne parle pas ici, bien entendu, de cette beauté qui frappe les sens, de la beauté des apparences; non que je n'en fasse fi, loin de là, mais elle n'a rien à faire de la science; je veux parler de cette beauté plus intime qui vient de l'ordre harmonieux des parties, et qu'une intelligence pure peut saisir.
Simon Singh, (2007), Le roman du Big Bang, Ed J.-C. Lattes p.30

Compléments

On le sait, au moment où les feuilles doivent être abandonnées elles ne tombent pas simplement parce qu'elles sont mortes,l'abscission est un processus actif (on le voit bien lorsqu'une branche est coupée en été : les feuilles meurent, mais restent bien fixées) : la plante produit une zone spéciale protectrice, avec du liège et une zone séparatrice (où la paroi des cellules est dégradée). Cette zone d'abscission à la base du pétiole qui permet de se séparer activement des feuilles. Cette abscission est inhibée chez les feuilles jeunes par des cytokinines et activée par l'hormone Éthylène.

Fig 2 : Le pétiole dans la zone d'abscission
Source : McGraw-Hill Online Learning Center Test
L’éthylène - un gaz- stimule aussi le mûrissement de nombreux fruits et explique comment on fait mûrir les bananes en entrepôt avec ce gaz ... que nos grand-mères savaient mettre à profit : une pomme mûre dans un cornet avec des fruits verts accélère leur maturation .Cela explique pourquoi dans un navire bananier, si quelques bananes mûrissent on jette par dessus-bord toute la cargaison du secteur concerné : sinon elles mûrissent toutes d'un coup et pourrissent vite ! .
Pourquoi un fruit mûr accélérerait à ce point les autres à mûrir est une belle question : ce feed-back positif pourrait assurer une meilleure dissémination en attirant de plus nombreux animaux. Et les fruits qui mûriraient après les autres risqueraient d'être ignorés par les animaux disséminateurs en train de se goinfrer sur d'autres arbres pleins de fruits plus loin !
mais c'est juste une hypothèse !
Qui en sait plus ?

Sources

samedi 13 octobre 2007

Moustique-tigres, climat et maladies tropicales...

BzzzzZZZZzzz paf !

Un moustique qui nous vient d'Asie !
C'était un moustique vraiment entêtant celui-là. Et s'il n'est pas trop écrasé, regardez-le bien... ce pourrait être un de ces nouveaux moustiques tigrés (Aedes albopictus ) qui sont arrivés chez nous depuis peu (première observation en France : 1999 en Basse-Normandie). D'après une news@Nature de A. Feresin (2007) cette espèce d'origine asiatique à la conquête du monde occidental est bien moins farouche que notre classique (Culex pipiens) : il pique agressivement le jour et on les trouve bien plus dans les abords des maisons (abris, avant-toits, etc). On le reconnaît assez bien à l'oeil nu, même partiellement écrasé par une main vengeresse, à ses rayures blanches d'où son nom latin.
Aedes albopictus
On en trouve de fort belles images ici avec Tree of Life

De quoi se cachent-ils ?

Une observation personnelle est que si ces tigrés s'aventure plus près des maisons, aucun moustique ne s'aventure en pleine lumière : on les repère la nuit bien sûr, en forêt, et sous un abri. Sans doute pour se protéger des prédateurs, mais peut-être aussi des effets desséchants du soleil... Qui en sait plus sur ce point ?

Répartition

Sa répartition - trouvée avec Fauna europea qui donne aussi toute la taxonomie (famille des culicidés me suffira) - produit la carte que voici ici Source : Fauna europea
Là, il n'est pas répertorié en suisse. Mais sa présence en Suisse est confirmée par une fiche de l'EID atlantique. Et j'avais pourtant bien l'impression que ceux qui tournoyaient vers mon abri a vélo cet été avaient l'air bien tigrés... mais le moustique muni de bandes sur l'abdomen et que j'ai écrasé juste là en composant cette Bio-Tremplins était -je le crois- un... Culex pipiens banal... Dommage, ou tant mieux !
Complément 28 novmebre : on a clairement identifié la présence de Aedes a. au nord des Alpes un article du temps à ce propos

Une espèce invasive ?
Sur son statut d'espèce invasive : l'uni de Metz maintient une Liste par espèce des INVASIONS BIOLOGIQUES. On y trouve pour Aedes Albopictus une remarquable fiche qui dit notamment : "Les moustiques voyagent classiquement sous forme d'¦ufs (parfois de larves) dans les pneus usagés ayant contenu ou contenant encore des eaux de pluie résiduelles. Ces pneus font l'objet d'échanges commerciaux à de très larges échelles. Le moustique peut également être introduit lors de l'importation de plantes transportées avec de l'eau (Lucky bamboo - Dracaena sp.) ou tout simplement dans des véhicules lorsque les adultes sont agressifs et abondants dans une région. C'est de cette manière que l'espèce a très probablement colonisé la Côte d'Azur au départ d'Italie. L'espèce a une faible capacité de vol actif."
Source Nature news
Selon le rapport issu d'un colloque (Geographic Spread of Aedes albopictus in Europe and the Concern among Public Health Authorities) Knudsen (1995) son installation durable est limitée à des régions où l'isotherme en janvier est à 0°C et en juillet à 20°C. Une pluviométrie annuelle de 50cm lui suffit. Cela définit l'Italie, l'Espagne, le Portugal, la France, etc. mais aussi certaines régions "favorables" (dit-il avec humour) de Suisse.

Une invasion liée au climat
?
A priori si les aires de distribution sont définies par des températures, on serait incité à prédire avec le réchauffement climatique, une extension des vecteurs et des maladies tropicales vers le nord et donc plus loin en Europe. Evidemment ce n'est pas une certitude ("Ce qui n'est pas entouré d'incertitudes ne peut pas être la vérité" dit Richard Feynmann) et certains modèles montrent que c'est plus complexe qu'un simple déplacement des aires de répartition au fur et à mesure que la température augmente. (Reiter, P., 2001) Cela ne signifie pourtant pas qu'on puisse écarter toute crainte de voir ces maladies envahir nos régions, juste que leur progression pourrait dépendre aussi de pas mal d'autres facteurs comme l'action de l'homme sur l'environnement.

Un exemple d'invasions de maladie tropicale en Europe ?
L'article d'Emiliano Feresin dans les news@nature part en juillet de deux petits villages d'Italie (Castiglione di Cervia et di Ravenna (sur la carte ici)) dans la région de Ravenne où on a eu plusieurs cas de Chikungunya, qu'on a d'abord pris pour de la grippe. On pense qu'un touriste rentré d'Inde a rapporté le virus Chikungunya, qui a été transmis par les moustiques Tigrés abondants dans cette région. Ce qui inquiète Hervé Zeller, virologiste à l'Institute Pasteur de Lyon n'est pas l'importation par un touriste du virus ( ça s'est déjà vu quelques fois) mais la transmission locale par les moustiques, observée pour la première fois et donc potentiellement le risque d'une épidémie. C'est que ce moustique est (Benedict et al., 2007) actuellement l'espèce de moustique "la plus invasive au monde. Elle est d'importance médicale à cause de son comportement agressif de piqûres diurnes envers l'homme et sa capacité à véhiculer de nombreux virus comme celui de la Dengue, de LaCrosse, du Nil."

Chikungunya ?Chikungunya signifie en Makonde, une langue Bantoue "qui est tordu " à cause des douleurs articulaires qui accompagnent les accès de fièvre de la maladie et donnent aux malades une posture courbée. Elle est causée par un arbovirus (détails au European Centre of Disease Prevention and Control (ECDC) ) Une épidémie a sévi en 2005 dans les îles de l'océan indien, puis en Inde et en 2004-2006 à la Réunion.

Les bienfaits du froid !On peut se réjouir pour au moins une raison du froid qui nous arrive avec l'hiver qui s'approche : il maintient à l'écart pas mal d'espèces pathogènes...
Liens

mercredi 10 octobre 2007

le Nobel des Souris K.O.

Le prix Nobel de Physiologie et médecine a été attribué pour 2007 à Mario Capecchi de l'Université d'Utah à Salt Lake City, Oliver Smithies de l'Université de North Carolina, Chapel Hill, et Martin Evans de l'Université de Cardiff, U.K. Ils ont développé dans les années 1980 les techniques permettant de produire des souris Knockout auxquelles un gène spécifique manque. Cette technique est très largement utilisée, pour comprendre le rôle de ces gènes, fournir un modèle biologique de certaines maladies pour tester les thérapies potentielles.

Comment produire une souris Knockout ?
Au coeur de cette méthode on a la recombinaison homologue : le fait que si on insère un ADN très similaire à celui d'un gène, la cellule peut l'insérer à la place de l'original. Si l'ADN introduit est modifié de manière à rendre le gène inactif, on peut changer spécifiquement des gènes à volonté.

Dans son principe cet ensemble de techniques est assez simple :

Introduire le gène

Le gène à insérer est isolé, on l'encadre de séquences homologues au gène a supprimer, on y associe un gène "marqueur" de résistance à un antibiotique, dans un plasmide bactérien.

Par électroporation, on l'introduit alors dans une cellule où il peut par recombinaison homologue, parfois, remplacer le gène d'origine. On sélectionne alors les cellules où cela s'est effectivement produit à l'aide d'un antibiotique qui élimine toutes les cellules qui n'ont pas incorporé la construction génique nouvelle.

Ces opération se font souvent avec des cellules souches embryonnaires, à cause de leur totipotence.

Produire un organisme où ce gène est exprimé

Elles sont introduites dans un blastocyste (très jeune embryon) où elles sont intégrées à l'organisme en formation. L'embryon est implanté dans une souris porteuse. Il en résulte des organismes mosaiques constitués de zones issue de ces cellules modifiées et des cellules de l'embryon receveur.

Produire un lignage homozygote

On sélectionne parmi ces organismes des individus qui ont leurs cellules germinales modifiées et on les croise avec des souris habituelles.
On re-croise la descendance en sélectionnant celles qui ont reçu le gène modifié ( Knockout), jusqu'à obtenir des individus qui sont Homozygotes pour ce gène modifié.


Principe de production des souris Knockout. (Source)

Le mécanisme détaillé est fort bien présenté dans ce document on-line de Gilles Furelaud dont je me suis largement inspiré ainsi que d'un article du Temps du 9 octobre ou le Pr Antonarakis de l'Uni Genève commente cette technique est tout à fait intéressant (cf plus bas)

Et si le gène est nécessaire au développement ?
On a récemment pu mettre au point des méthodes de knockout conditionnel permettant d'inactiver un gène seulement à un moment ou dans un tissu donné.

A quoi ça sert ?

On a de cette manière produit des souris auxquelles un gène était inactivé pour comprendre l'effet de ce gène ou pour explore comment soigner une maladie (des souris avec le même gène CFTR inactivé qui cause la mucoviscidose ont pu être produites). Ces techniques sont utilisées pour d'innombrables recherches Les travaux du Pr. Duboule de l'uni Genève - très connu pour ses recherches sur les gènes architectes notamment les Hox - ont beaucoup fait appel à ce type de méthodes.
Il y a un exemple dans la page de Fureland montrant comment on peut utiliser cette technique pour voir où s'exprime le gène (Hox B8 en bleu) dans ce cas.

Exemples frappants et visuels de souris Knockout

Souris Fluorescentes
Souris transgénique pour la GFP (green fluorescent protein) : rend les souris fluorescentes lors d'une exposition aux rayons ultraviolets.

Souris Nude mice
Souris qui n'ont pas de cheveux (les follicules sont là mais défectueux) plus grave encore : pas de lymphocytes T (les lymphocytes précurseurs sont ok, mais le thymus est défectueux et la différenciatino en T ne se fait pas) . Le système immunitaire humoral est intact mais elles sont très susceptibles au cancer. Vous pourriez vous commander ces souris ici. d'où ces infos ont été tirées. Merci à P. Brawand de ces précisison

Les souris au gène de la myostatine Knockouté (on peut dire ça ?) que nous avons vu il y a peu dans ce blog.

Il y a des lignages de souris Knockoutées pour milliers de gènes différents.

Et les RNAi ?
Comme les RNAi ont le potentiel de désactiver un gène localement, je me demande si les RNAi vont remplacer certains usages. Complément d'info de M. Strubin : "Pas certain... Les siRNA permettent de "down-réguler" l'expression d'un gène donné. Mais souvent l'effet n'est que partiel; diminution de 5 à 10x."


Liens :

vendredi 5 octobre 2007

Comment mettre le "doi :" sur un article

Sans-doute vous êtes-vous demandé ce qu'était ce drôle de code doi: du genre

DOI: 10.1126/science.1142490

C'est un Digital Object Identifier : une sorte d'adresse pour identifier des articles ou d'autres documents à travers les réseaux.
C'est-à dire qu'avec cet identificateur-là, on peut retrouver un article dans une revue comme Nature, Science ou PLoS.

Comment on retrouve l'article ?


Il y a un site pour ça : http://www.doi.org/

Il suffit de mettre le "doi" dans l'engrenage -pardon dans le champ de texte - de ce site et cliquer le bouton submit pour que vous soyez redirigés vers l'article dans la revue d'origine.
Et là , en général vous avez accès à l'abstract au moins. Franchement c'est souvent déjà pas mal.
Les futés auront remarqué qu'on peut aussi mettre le doi: dans l'adresse : http://www.doi.org/le_doi
Exemple :

DOI: 10.1126/science.1142490 vous amène ici à un article sur qui révèle le génome quasi - entier de la bactérie Wolbachia se retrouve dans des génomes d'eucaryotes ( insectes et vers).

On savait que ces bactéries infectent de nombreux insectes, mais que leur ADN ait passé dans les chromosomes et soit donc transmis par les gamètes est une surprise !

On se demande même si ce cas ne serait pas finalement très fréquent, car on a l'habitude d'écarter les séquences bactériennes qu'on trouve, parce qu'on pensait qu'elles résultent de contaminations !

Du coup l'idée que les génomes étaient "purs" avant les OGM en prend un coup (de plus) !

Tiré de ScienceNow : petite news très synthétique sur Wolbachia et les insectes.

Il y aurait beaucoup à dire sur cette bactérie Wolbachia , mais ce sera une autre fois...