lundi 27 novembre 2017

Débat - La science progresse... les « vérités scientifiques » changent : n'étaient-elles pas vraies ?

La vérité en science ... entre nécessité pédagogique de clarté des objectifs et savoirs scientifiques en continuelle progression

La science progresse, et donc que qu'on a pu affirmer dans le passé n'est pas forcément ce qu'on sait actuellement.
Les « faits» sont des interprétations qu'on ne remet plus en question, souvent parce qu'on a oublié (individuellement et collectivement) par quel découpage du monde ils ont été construits. (Astolfi, 2008, en référence à Latour).

D'un autre coté l'enseignement exige qu'on définisse clairement ce qui est à savoir pour réussir, ... on présente des affirmations qu'on qualifie alors simplement de vrai.
Peut-on parler de vérités scientifiques, des faits scientifiques, faut-il parler de modèles, abandonner des expressions comme scientifiquement prouvé ? Venez en débattre !

Le prochain séminaire "Research and Practice in Science Education" aura lieu à l'IUFE (pavillon Mail) en salle 234, le lundi 27 novembre à 12h15.

Bruno J. Strasser, Andreas Müller et  François Lombard  évoqueront et débattront de la place de la vérité dans les sciences :


La science progresse... les « vérités scientifiques » changent : n'étaient-elles pas vraies ?

Pourquoi voulez-vous que j'apprenne ça alors que les scientifiques ne sont même pas d'accord ?

Nous vous informons du report à une date ultérieure du prochain séminaire "Research and Practice in Science Education", animé par François Lombard, Andreas Müller et Bruno J. Strasser. Il n'y aura donc pas de séminaire le 27 novembre (contrairement au message que vous avez reçu hier).


Nous vous prions de nous excuser de ce changement.

Pour réduire la frustration ...

et lancer la réflexion ( j'espère que vous ne serez pas d'accord )

Comme la séance n'aura pas lieu tout de suite voici quelques éléments qui auraient été présentés dans le débat

La recherche de vérité  peut être vu comme résultant d'une épistémologie naïve (Bromme 2008 cf plus bas)  : les savoirs sont vrais ou faux, et on les obtient de gens compétents qui savent. Ils sont en nombre fini etc. On voit cela chez le public mais aussi dans l'image de ce public que les médias semblent avoir ( et peut-être que pas mal de journalistes ont ?)
Or si un fait, une information, une théorie sont vrai OU faux cela a comme conséquence que
  • Si l'enseignant montre qu'une information n'est pas parfaitement vraie elle devient fausse ( Cf la vidéo  de  Oskar Freysinger (par Yann Lambiel) - >Les Bananes sont Bleues  youtube)
    • Très utilisé par les créationnistes, les négationnistes, les conspirationnistes … affaiblir les preuves d'en face en montrant un endroit où le doute subsiste. Mais sans produire ses propres preuves d'ailleurs.
  • Si on veut que le public comprenne, il ne faut pas que ce soit compliqué et surtout pas nuancé : on transforme donc le résultat scientifique avec ses limites et ses incertitudes en une conclusion définitive et sans lien avec les conditions qui ont permis ce résultat et lui donnent du sens. On présente du "scientifiquement prouvé"  ( un oxymore !)
      • Et le jour où de nouvelles données amènent à produire une nouvelle conclusion les élèves/leurs parents se disent
        • Les scientifiques ne savent rien  OU
        • Les scientifiques nous ont menti ( ou les deux) 
      • On peut considérer avec Chevallard, Y. (1991) que c'est  plutôt la vulgarisation qui a transposé ... et donc déformé les savoirs scientifiques  en simplifiant (personne n'a donc "menti")
    • On perd aussi ce qui  fait la force de la connaissance scientifique : le fait que la science expose la manière dont elle construit ses conclusions, en délimite la portée et en estime le degré  de validité
On pourrait argumenter que si on décide avec des données dont on connait les méthodes et on peut juger du degré de certitude (=scientifiques ) on prend de meilleures décisions que si on a des infos qui prétendent être vraies … ( religion, dogme, etc.) 

"Selon Bromme, un des présupposés fondamentaux en psychologie de l’éducation est qu’il s’agit de faire évoluer les croyances épistémologiques « naïves » des apprenants vers des épistémologies sophistiquées : Croire que les connaissances consistent en un stock de faits reflétant précisément le monde, qui s’ajoutent en s’imbriquant, et dont la véracité est garantie par l’autorité d’une personne relève d’une épistémologie naïve. L’action éducative devrait les conduire à i) prendre conscience que la connaissance est complexe et relative au point de vue et dépendant du contexte, ii) croire que la justification d’une connaissance dépend du contexte et s’établit dans des interactions sociales, ou que le savoir reconnu dans un contexte donné est un réseau complexe de faits, théories et d’hypothèses relève d’épistémologies sophistiquées, iii) baser les connaissances sur l’incertitude et le fait que la vérité puisse changer, ou que les savoirs sont des constructions et non des donnés". (Bromme, et al., 2008)

Sources :

  • Astolfi, J.-P. (2008). La saveur des savoirs. Disciplines et plaisir d'apprendre. Paris: ESF.
  • Bromme, R., Pieschl, S., & Stahl, E. (2008). Epistemological beliefs are standards for adaptive learning: a functional theory about epistemological beliefs and metacognition. Metacognition and Learning, 7-26. doi: http://dx.doi.org/10.1007/s11409-009-9053-5
  • Chevallard, Y. (1991). La transposition didactique. Du savoir savant au savoir enseigné (2e éd. revue et augmentée, 1985 lre ed.). Grenoble: La Pensée sauvage.

samedi 4 novembre 2017

Cerveau et apprentissage : Learning Brain & Emotion, campus biotech, 3Nov, 9h-18h.

Les neurosciences et l'éducation ?

Une fois de plus les neurosciences bousculent les limites entre disciplines. De plus en plus de recherches abordant les questions éducatives paraissent dans les revues scientifiques. Dans les textes vulgarisés la "Neuroéducation" fleurit. S'agit-il d'une mode où il suffirait d'apposer le  terme "cerveau" ou neurosciences à son discours pour obtenir une crédibilité immédiate ? Ou s'agit-il d'une révolution qui apporte des données fiables sur la manière dont un cerveau apprend ?  Difficile parfois de trier...

Selon rapport anglo-saxon (Simmonds, A., 2014) "neuf enseignants sur dix disent que leur compréhension de la neuroscience influence leur pratique, et plus de huit sur dix affirment qu'ils collaboreraient avec des neuroscientifiques faisant de la recherche en éducation. Malheureusement, de nombreux enseignants utilisent ou ont utilisé des techniques non éprouvées, telles que Brain Gym®. La plupart des enseignants disent que les interventions qu'ils utilisent ou ont utilisées ont eu un certain impact sur la performance scolaire, mais qu'elle était difficile à mesurer. En général, les enseignants apprennent des interventions d'écoles et d'autres enseignants, plutôt que de sources scientifiques ou académiques, mais ils expriment le désir que de nouvelles interventions soient étayées par des preuves." Trad personnelle.

Expériment@l-Tremplins et Bio-Tremplins vous offrent ici une petite sélection de textes ... juste pour attiser votre curiosité et vous donner envie d'aller voir des spécialistes ... il y a justement une conférence bientôt !


L'uni de Genève abrite le CISA (Centre Interfaculaire des Sciences Affectives)  qui propose ce vendredi 3 novembre une série de conférences avec des spécialistes de haut niveau sur les émotions et l'apprentissage au campus Biotech  (en anglais ...)  (Cf plus bas)

Un ouvrage classique...

Cet ouvrage librement consultable est un classique qui a fait autorité un temps aux USA . Il n'est pas incontesté... comme tout en éducation ?


Les neurosciences débusquent des mythes bien ancrés en éducation ? 

D'autres sont plus provocants :  Par exemple Howard-Jones, P. A. (2014) débusque ce qu'il appelle des mythes dans un article intitulé Neuroscience and education: myths and messages: ici
  • Nous utiliserions seulement 10% de notre cerveau
  • Les individus apprendraient mieux lorsqu'ils reçoivent les informations dans leur style d'apprentissage préféré (par exemple, visuel, auditif ou kinesthésique)
  • De brefs exercices de coordination peuvent améliorer l'intégration des fonctions cérébrales hémisphériques gauche et droite
  • Les différences de dominance hémisphérique (cerveau gauche ou cerveau droit) peuvent aider à expliquer les différences individuelles entre apprenants
  • Les enfants sont moins attentifs après les boissons sucrées et les collations
  • ...

Les neurosciences pour justifier ses pédagogies

D'autres articles s'appuient sur les neurosciences pour justifier des pédagogies nouvelles ( vous devinez un brin de scepticisme de ma part, non pas sur les pédagogies, mais sur la solidité de la justification…)

  • Owens, M. T., & Tanner, K. D. (2017). Teaching as Brain Changing: Exploring Connections between Neuroscience and Innovative Teaching. CBE-Life Sciences Education, 16(2), fe2. https://doi.org/10.1187/cbe.17-01-0005
Nature Neuroscience publie un article qui fait le point sur plusieurs questions et argumente que le temps est venu de faire le pas pour relier neurosciences et éducation
 "We discuss four specific cases in which neuroscience synergizes with other disciplines to serve education, ranging from very general physiological aspects of human learning such as nutrition, exercise and sleep, to brain architectures that shape the way we acquire language and reading, and neuroscience tools that increasingly allow the early detection of cognitive deficits, especially in preverbal infants. Neuroscience methods, tools and theoretical frameworks have broadened our understanding of the mind in a way that is highly relevant to educational practice. Although the bridge's cement is still fresh, we argue why it is prime time to march over it."

  • Sigman, M., Peña, M., Goldin, A. P., & Ribeiro, S. (2014). Neuroscience and education: prime time to build the bridge. Nature Neuroscience, 17(4), 497‑502. https://doi.org/10.1038/nn.3672

A la lecture de ces textes bien des enseignants se posent plus de questions qu'ils n'ont obtenu de réponses…

Pourtant ces question deviennent incontournables... et nous y reviendrons dans Expériment@l-Tremplins et Bio-Tremplins.


Apprentissage et émotions : Des experts internationaux au campus Biotech vendredi 3

L'uni de Genève abrite le CISA (Centre Interfaculaire des Sciences Affectives)  et propose des conférences avec des spécialistes de haut niveau sur les émotions et l'apprentissage ( en anglais ...)


cisa_en.png


Learning Brain & Emotion




In the framework of the Swiss Center for Affective Science at Geneva's University, we are organizing a conference about Learning, Brain & Emotion.

We have regrouped a panel of inspiring experts in that domain to offer a reflection about how brain and emotions impact learning processes and human development, particularly at school.

Please join us for this event, held at the Auditorium of the Campus Biotech in Geneva, on Friday, November 3rd, 9h-18h.


Program to be finalized soon. Confirmed speakers so far are:
Prof. Immordino Yang
Embodied brains, social minds, cultural meaning: insights for education from inter-
disciplinary, longitudinal studies of emotional feelings
Prof. Maciel Hernandez
Children's emotion expressivity in school :
Associations with school and social outcomes
Prof. Howard Jones
Developing messages for education about Learning, the Brain and Emotion
Prof. Pons
Teaching emotion understanding at the kindergarten and school: Retrospect and prospect
Prof. Pekrun
Achievement Emotions: Functions, Origins,and Implications for Practice 



This event is organized with the generous support of the SNSF and the Swiss Center for Affective Sciences (CISA).

For more information, you can contact us at solange.denervaud@unige.ch

Références :

  • Bourassa, M., Menot-Martin, M., & Philion, R. (2017). Neurosciences et éducation: pour apprendre et accompagner. De Boeck Supérieur.
  • Bransford, J., Brown, A., & Cocking, R. (2000). How people learn. brain, mind, experience, and school : National Academy Press Washington, DC.
  • Howard-Jones, P. A. (2014). Neuroscience and education: myths and messages. Nature Reviews Neuroscience, 15(12), 817‑824. https://doi.org/10.1038/nrn3817
  • Minet, (2011), Les neurosciences au service de la pedagogie, La Recherche, Novembre 2011 intranet.pdf
  • Sigman, M., Peña, M., Goldin, A. P., & Ribeiro, S. (2014). Neuroscience and education: prime time to build the bridge. Nature Neuroscience, 17(4), 497‑502. https://doi.org/10.1038/nn.3672
  • Simmonds, A. (2014). How neuroscience is affecting education: Report of teacher and parent surveys. Wellcome Trust. intranet.pdf
  • Owens, M. T., & Tanner, K. D. (2017). Teaching as Brain Changing: Exploring Connections between Neuroscience and Innovative Teaching. CBE-Life Sciences Education, 16(2), fe2. https://doi.org/10.1187/cbe.17-01-0005
Remerciements à Mona Spiridon pour avoir transmis le texte de Simmonds A. (2014)

La plateforme  Expériment@-Tremplins de la faculté des sciences offre aux enseignants de sciences Genevois l'accès à (la plupart de) ces articles Comment  Obtenir un article mentionné


François Lombard, chargé de projet Expériment@l Faculté des Sciences UniGE