lundi 29 mars 2010

Rencontre « Sciences : au défi de passionner les jeunes »

Invitation à participer à la 3ème Rencontre de la Faculté des sciences

sur le thème

« Sciences : au défi de passionner les jeunes »

Mercredi après-midi 21 avril 2010

De nombreux pays s’inquiètent de la diminution du nombre d’étudiants en sciences. En Suisse, le manque de jeunes diplômés dans les branches scientifiques de base se fait également sentir. Ce constat a stimulé la réflexion sur de nouvelles approches de l’enseignement des sciences dans les écoles tant primaires que secondaires.

La 3ème Rencontre de la Faculté des sciences de l’Université de Genève a pour objectif de donner la parole à quelques-uns des acteurs de cette réflexion et de permettre un échange sur un thème d’importance primordiale pour l’avenir des filières de formation scientifiques et, plus généralement, pour la place de la science dans la culture d’aujourd’hui.

Le Professeur Hervé This, bien connu pour ses travaux en « gastronomie moléculaire », participera à cette réunion et présentera son projet éducatif utilisant le goût comme vecteur pour parler des sciences et intéresser les jeunes aux défis scientifiques de notre temps. Le Professeur Marc Heyraud nous expliquera également comment il utilise à Neuchâtel la gastronomie moléculaire pour intéresser les jeunes aux sciences. Interviendront également des enseignants vaudois, de France voisine et genevois impliqués dans des démarches innovantes d’enseignement des sciences.

Le thème de cette Rencontre 2010 intéresse les milieux économiques et politiques et, bien sûr, ceux de l’éducation en général. Elle est ouverte à tous, chefs d’entreprises, responsables politiques, parents d’élèves, enseignants et responsables du degré primaire et du secondaire.

Toutes les personnes intéressées par cette problématique sont cordialement invitées à participer à la rencontre du 21 avril. Vous trouverez annexé un carton d’invitation contenant le programme de cette Rencontre ainsi qu’un court texte d’intention.

Pour vous inscrire, vous pouvez contacter Mme Auge (gaelle.auge@unige.ch, ou par téléphone 022 379 66 51) ou vous inscrire directement sur le site (www.unige.ch/sciences/Rencontre2010) où vous trouverez également un plan d’accès.

En espérant que cette invitation suscitera un large intérêt parmi les enseignants, nous vous adressons nos salutations les meilleures.

Professeur Jean-Dominique Vassalli Professeur Jean-Marc Triscone

Recteur de l’Université Doyen de la Faculté des Sciences


Fig 1 : Le carton d'invitation. [img]

vendredi 19 mars 2010

Le cheminement d'une découverte... le flair et le hasard ?

Comment on a élucidé le rôle d'une protéine du virus de l'hépatite...

Récemment l'équipe du Prof. Strubin de l'Université de Genève a publié dans Nature Structural & Molecular Biology (ici) le fruit de plusieurs années de recherche. Ils étudient HBx - une des 4 protéines du virus de l'hépatite B dont le rôle n'est encore pas connu, et ils ont mis en évidence qu'elle interagit avec une protéine de la cellule infectée : DDB1- qui marque les protéines pour destruction. Les chercheurs ont montré que cette interaction se fait avec la protéine HBx pour le virus de l'hépatite comme elle se fait pour d'autres virus : celui de la rougeole entre autres.

Cette similitude ne peut être due au hasard et implique un rôle important pour cette protéine HBx. On espère avoir découvert un mécanisme crucial de l'action de ces protéines virales et peut-être un un jour un moyen de perturber ce mécanisme pour guérir.

Il est intéressant de noter que cette découverte importante est le fruit de plusieurs expériences aux résultats difficiles à comprendre voire perçus comme inutiles sur le moment.

Il s'agit de recherche fondamentale – celle qui veut améliorer la compréhension des phénomènes sans se limiter a ce qui parait immédiatement applicable. Nous verrons comment les choix fait d'intuition et de circonstances mènent à ce succès, et tenterons de mettre en perspective à travers cet exemple comment la science progresse en trébuchant sur des chemins imprévisibles.

Résumé pour les gens pressés qui veulent que ça reste simple

Etudiant une protéine virale dont on ne connaissait pas le rôle, les chercheurs effectuent diverses expériences en tâtonnant un peu. L'une d'elles ne donne pas le résultat attendu (HBx n'est pas un activateur de l'expression de gènes), mais cela rend possible une sorte de "pêche aux interactions de HBx" qui révèle qu'elle interagit avec une protéine humaine -DDB1- qui conduit à l'élimination des protéines ainsi marquées.
Il en résulte une publication de bon niveau : il est très significatif que cette interaction soit similaire à celle qu'on trouve avec d'autres virus comme celui de la rougeole. La découverte a ainsi une portée plus générale et permet d'envisager qu'on perturbe le mécanisme de plusieurs virus en perturbant cette interaction.
Mais ne nous leurrons pas, il s'agit de recherche fondamentale : son utilité ne peut pas être jugée sur la base de ses résultats immédiats, car elle prend du sens en rendant possible la recherche appliquée qui produira des médicaments ou d'autres produits dans 10 ou 20 ans... Peut-être !

En lisant avec un regard un peu décalé le cheminement qui mène à cette découverte, on voit qu'il est tout sauf linéaire, et n'était pas du tout anticipé. Il a fallu essayer de nombreuses expériences qui n'ont rien donné, être ouvert à voir le problème sous des angles nouveaux, à faire des liens inattendus avec des travaux d'autres chercheurs, rester déterminé mais patiemment ouvert. Serendipity disent les anglais, ...je ne sais pas traduire cette expression, mais ceux qui ont lu Fred Vargas retrouveront chez Adamsberg cette façon de laisser émerger les idées...
On peut aussi faire référence aux conditions de la créativité que Todd Lubart a décrites lors de la Semaine du Cerveau 2010 : notamment l'interaction entre la pensée divergente, la pensée critique et les connaissances.
On est loin de l'image d'Epinal du chercheur qui a une intuition de génie, fait une seule expérience et produit une publication qui relate une découverte révolutionnaire. On est loin aussi du schéma linéaire Observation-Hypothèses-Exprimentation-Résultats-Interprétation-

Conclusion... Ceux qui préfèrent envisager la science par ses conclusions et la biologie comme des simples connaissances à apprendre ne perdront pas leur temps à lire la suite... :-)
Pour les autres, vous saurez lire selon vos intérêts : en diagonale plus ou moins folle ou en ligne plus ou moins droite.

Dans la presse francophone


Une protéine presque au hasard

L'histoire commence avec le choix de cette HBx du virus de l'hépatite B. On la décrivait à l'époque comme capable de réguler la transcription, mais son rôle n'était pas bien connu. Le Prof. Strubin ne pensait pas travailler sur le virus à cette époque, ses recherches portent sur la régulation de l'expression des gènes en général. C'est donc un peu par hasard que HBx est étudiée. Sans doute aussi par intuition, ... D'ailleurs il est naturel dans un institut de recherche médicale d'orienter les recherches sur des virus affectant l'humain.

Que fait HBx dans la cellule humaine ?

Lorsque le virus de l'Hépatite infecte nos cellules il le fait avec seulement 4 de ses propres protéines – dont cette HBx – mais exploite comme les autres virus de nombres protéines humaines (cf Bio-Templins 30 janvier 2008 : le VIH en utilise 273). "En fait, au début on avait testé HBx, qui avait été impliquée dans le cancer, pour son activité oncogénique déjà décrite dans des cellules humaines en culture. On n'a pas trouvé cette activité. Au contraire, HBx empêchait les cellules de pousser normalement..." dit le prof Strubin. On savait aussi que la protéine virale HBx – in vitro – empêche la cellule humaine de se multiplier, sans qu'un lien clair puisse être fait avec la fonction de HBx dont le virus a besoin pour se reproduire. Enfin HBx stimule la réplication du virus. Pour le Prof Strubin c'est probablement la fonction de cette protéine virale lors de la vraie infection.
Infecter une cellule et s’y multiplier n’est pas entreprise aisée pour un virus ! En effet, l’environnement à l’intérieur de nos cellules est souvent peu propice à sa multiplication. De plus, nos cellules possèdent un système de défense efficace pour contrer l’infection. C’est pourquoi la plupart des virus produisent, en plus des composants en charge de copier l’information génétique et ceux formant la coquille du virus, des protéines dont le rôle est de modifier l’environnement cellulaire ou de bloquer le système de défense de la cellule. Le virus de l’hépatite B, bien que possédant une information génétique extrêmement limitée, n’échappe pas à cette règle Bloquer l’action des ces protéines peut constituer une approche thérapeutique nouvelle.
Prof. M.Strubin

Une exploration presque au hasard

Or l'équipe Strubin travaillait à l'époque sur la levure, et ils tentent une expérience un peu exploratoire, et son résultat négatif ouvre des perspectives... Michel Strubin dit " Cette expérience est vite faite. Et en somme assez bête. Je ne sais même plus pourquoi on a fait cela..."

Ils travaillaient sur les activateurs de la transcription. Ces derniers possèdent deux parties (domaines) : un qui lie l'ADN à une séquence bien précise et un autre qui active la transcription (Cf. figure 1) Le prof Strubin : "La grosse question était (et à mon avis est toujours...) : Que fait un domaine d'activation...". Les chercheurs les plus pointus sur la question sont bien loin des certitudes que certains ouvrages suggèrent, et que nos élèves souhaitent en général.

l'activateur est en 2 parties

Fig 1 : Un activateur est composé de deux parties : un domaine de liaison qui se fixe sur l'ADN et un domaine d'activation du gène. Associer HBx au domaine de liaison a permis de vérifier si c'était un activateur. Le signe moins ou plus signale l'activation ou non de la transcription du gène. [img]Source : Prof. Strubin

HBx était alors connue pour activer la transcription, ils ont donc voulu le tester dans la levure, un organisme que l'équipe connait bien Comme HBx n'était pas connue pour être capable de se fixer lui-même à l'ADN , ils l'ont lié a un "domaine de liaison à l'ADN" (Cf figure 1) en bas provenant d'une autre protéine pour pouvoir tester la capacité de HBx de fonctionner comme domaine d'activation. Ils ont trouvé qu'il n'activait pas la transcription.

Un résultat négatif, c'est normal, c'est le quotidien de la recherche !

Une expérience qui donne un résultat négatif c'est en fait fréquent. Un peu frustrant quand même, car ils sont en général impossibles à publier et le chercheur vit indirectement de ses publications. Le public pense souvent que le recherche est surtout faire de découvertes ....
Avec comme référence ce qu'ils ont vécu dans les laboratoires et TP qu'on fait à l'école ou à l'université : en 2x 45 minutes on conçoit une expérience, on la réalise et on obtient un résultat décisif qui est parfois présenté comme capable de prouver un concept-clé de la biologie.

En fait la recherche - encore plus en fondamentale - est bien nommée : on recherche plus qu'on ne trouve. Nous examinons ici comment de ces nombreuses expériences – qu'un regard naïf qualifierait de ratées – sort de temps en temps une découverte et parfois une très importante.

HBX réagit avec la protéine humaine DDB1

Mais le fait que HBx n'activait pas la transcription permettait d'envisager un criblage double hybride (two-hybrid screen) pour identifier des protéines de cellules humaines liant HBx. Cette technique profite de la séparation des deux domaines pour associer à chacun des protéines dont on cherche à identifer la liaison. Quand les protéines à tester se lient , l'activateur est reconstitué et le gène activé. En effet HBx exerce sans doute sa fonction lors de l'infection en interagissant avec des protéines qu'on cherche et ne trouve pas... C'est la raison de cette expérience. Ils vont alors essayer un screening (=criblage) sur un vaste assortiment de protéines (produites à partir de librairies de cDNA humain) : chaque levure reçoit un ADN avec un gène différent associé au domaine d'activation (A Cf Fig.2 ). Les colonies de levures qui poussent révèlent que la protéine de ce gène testé a interagi avec HBx, ce qui a activé le gène (HIS3) qui doit être fortement transcrit pour que la levure puisse vivre dans le milieu de l'expérience. La technique du double hybride intercale la protéine dont on veut tester les interaction entre les deux parties d'un activateur
Fig 2 : La technique du double hybride intercale la protéine dont on veut tester les interaction entre les deux parties d'un activateur : s'ils se lient le domaine d'activation active le gène. La seule association avec HBx s'est avérée être DDB1. Le signe moins ou plus signale l'activation ou non de la transcription du gène. [img]Source : Prof. Strubin


Cette expérience -là révèle une interaction de HBx avec une seule protéine humaine : DDB1 dont le rôle n'est pas très bien connu à cette époque. Son nom (Damage DNA Binding) dérive de ce qu'on pensait qu'elle participait à la réparation de l'ADN. On sait maintenant que cette protéine est impliquée dans la liaison aux protéines de l'ubiquitine – une sorte de signal de mort – qui destine les protéines auxquelles elle est fixée à être détruites. La recherche s'oriente alors sur l'interaction DDB1 HBx.

Localisation de HBx dans les cellules humaines, utilisation de la GFP

Puisque HBx est détectée aussi bien dans le cytoplasme que dans le noyau de la cellule, ils tentent alors une expérience pour déterminer où la protéine HBx liait son partenaire cellulaire DDB1 et exerçait ses activités de de stimulation de la multiplication virale. Ils ont associé la protéine fluorescente GFP à HBx (cf Bio-Tremplins 11Janvier 010) et l'ont exprimée dans la cellule (à partir de plasmides et par transfection). Ils ont fait s'exprimer GFP-HBx.
Quand la protéine HBx n'est pas bloquée (Gauche) ou exprimée dans le noyau seulement, la croissance des cellules est bloquée. Ligne du haut : la croissance des cellules se manifeste par des points sombres. Ligne du bas, présence de la protéine HBx associée à la GFP
Fig 3: Quand la protéine HBx n'est pas bloquée (Gauche) ou exprimée dans le noyau seulement, la croissance des cellules est bloquée. Ligne du haut : la croissance des cellules se manifeste par des points sombres. Ligne du bas, présence de la protéine HBx associée à la GFP : Fluorescence verte. Source M. Strubin CF Bio-tremplins ici

L'expérience (cf. fig.3) a montre que c'est avec HBx dans le noyau que le blocage se produit. Ce résultat est important, mais seulement dans un cercle restreint de spécialistes. On peut à ce stade dire sur HBx qu'elle facilite la multiplication du virus et qu'elle le fait en se liant a DDB1 dans le noyau de la cellule. Pour M.Strubin, sans doute la vraie fonction de HBx. Accessoirement, HBx compromet la croissance cellulaire. Mais cela pourrait être un artefact in vitro. Le virus n'est pas toxique pour les cellules.

Une collaboration internationale pour identifier cette interaction.

En parallèle commence une collaboration par e-mail avec une équipe dont il a par hasard entendu parler Ning Zheng, qui étudie par cristallographie cette interaction en 3 dimensions. Ils trouvent que l'endroit où se fait cette interaction moléculaire entre DDB1 humain et HBx viral est le même que pour une protéine appelée V d'un autre virus très différent, le SV-5 très proche du virus de la rougeole.
La protéine V du virus SV5 (Gauche) interagit avec la protéine DDB1 exactement comme HBx (droite)
Fig 4: La protéine V du virus SV5 (Gauche) interagit avec la protéine DDB1 exactement comme HBx (droite) Source Zheng et M. Strubin [img]

C'est ainsi que le Prof. Strubin de l'Université de Genève en collaboration avec un groupe de recherche américain Zheng et al. ont publié dans Nature Structural & Molecular Biology l'aboutissement de plusieurs années de recherche " A promiscuous α-helical motif anchors viral hijackers and substrate receptors to the CUL4–DDB1 ubiquitin ligase machinery"

Que fait DDB1 ?

DDB1 est une protéine qui fait partie d'un mécanisme activant une ligase E2 qui associe l'Ubiquitine à des protéines, conduisant à leur élimination par le protéasome (cf. compléments Alberts on-line )
interaction
Fig 5: L'hypothese du Pr. Strubin est que HBx sélectionne une protéine de la cellule et la guide vers la machine pour la marquer avec l'ubiquine en vue de sa degradation. La protéine DDB1 agit en marquant avec l'ubiquitine (Ub) en vue de dégradation une protéine. E2 est la ligase qui fixe Ub sur la protéine-cible. Ce que marque DDB1 avec HBx est encore inconnu. Source M. Strubin [img]

Une similitude qui en dit long ...

La similitude de l'interaction DDB1/ HBx et DDB1/ V est remarquable : similitude de la partie commune de la protéine (Un α-helical motif ) et similitude de l'endroit où elles agissent sur DDB1. Il est très significatif que ces deux protéines virales interagissent au même endroit de la même protéine DDB1 qui marque pour la destruction des protéines. D'abord cela suggère une convergence évolutive des virus : ceux des virus qui ont produit (probablement par hasard) ces protéines HBx ou V ont "marqué pour destruction" des protéines humaines permettant une meilleure reproduction du virus. Ensuite comme le virus n'a que 4 protéines on peut imaginer qu'elles soient toutes critiques pour le virus. "Il est certain qu'elles sont essentielles pour le virus ! Comme le génome est très petit, le virus aurait sans aucun doute perdu le gene HBx s'il était inutile." Donc HBx pourrait constituer une piste pour explorer plus avant les mécanismes de l'infection par ce virus chez l'humain. Enfin cela ouvre l'espoir que bloquer cette interaction aide à soigner l'infection par le virus de l'hépatite B et peut-être d'autres.

Des promesses, toujours des promesses ?

Le communiqué de presse annonce cette publication comme : "Tous différents, mais bien parents: les virus. Une étude observe la convergence des cibles choisies par le virus de l’hépatite B et celui de la rougeole [...] La mise en lumière d’une telle similitude d’attaque entre des protéines issues de familles virales fort distinctes laisse envisager de nouvelles voies thérapeutiques." Le communiqué met en évidence les espoirs thérapeutiques, et on comprend l'envie de montrer l'utilité de la recherche fondamentale en en montrant des potentiels... parfois très lointains. N'y a-t-il pas le risque que les gens, à force d'entendre ces promesses mais presque jamais informés des recherches fondamentales derrière les thérapies qui en découlent parfois des années plus tard, n'y croient plus au bout d'un moment ? Dans une époque ou la science conserve une bonne image, mais doit faire plus faire la preuve de son utilité face à des certitudes faciles de mouvements anti-science... Il vaudrait la peine de montrer aussi les effets à long terme de la recherche fondamentale.

A quoi ça sert la recherche fondamentale, si on ne trouve presque rien et quand on trouve c'est un truc tellement compliqué qu'il faut 2 pages pour comprendre à un biologiste fort de 5 années d'études ?

Cet exemple met en évidence comment la recherche fondamentale tâtonne pour mieux comprendre ce qu'on ne sait pas encore et comment des pistes infructueuses peuvent débloquer ou féconder d'autres pistes. Mais au bout de toutes ces recherches il y a des découvertes qui ont changé la recherche, la médecine et la vie quotidienne Qui aurait accordé de l'importance aux recherches de Thomas D. Brock en 1965 sur une obscure bactérie de sources chaudes Thermus aquaticus qui fonctionne à 80°C et meurt en dessous de 50°C? Pourtant c'est à ces recherches aussi qu'on doit la Taq Polymérase qui permet la PCR – sorte de photocopieuse sélective à ADN – utilisée dans quasiment tous les labos et les tests du VIH et d'autres maladies, ou pour s'assurer qu'un aliment est exempt d'OGM ... c'est finalement le prix Nobel de 1993 pour Kary Mullis.
petunias
Fig 5: Des recherches sur les pétunias ont contribué à comprendre le mécanisme de l'ARN interférant. On parlait alors de censeurs de gène. Source Wikipedia [img]

Qui aurait accordé de l'importance aux recherches presque aussi obscures sur la couleur des pétunias qui ont contribué à mettre en évidence ce qui deviendra l'ARN interférant et le prix nobel deCraig C. Mello et Andrew Z. Fire en 2006 (cf Bio-Tremplin du 30 janvier 2008) Qui aurait accordé de l'importance à des recherches sur une protéine la Green Fluorescent Protein (GFP) – peut-être pas obscure, mais qui ne s'éclaire même pas toute seule – chez une méduse... et qui mène finalement à une technique pour suivre l'expression des gènes dans les cellules vivantes très largement utilisée. (Cf Bio-Tremplin du 11 janvier 2010) Prof. Strubin note que "les trois exemples mentionnés sont devenus des outils indispensables dans la recherche."

Qui se souvient des recherches fondamentales quand une application arrive sur le marché

Le problème est qu'on gère les priorités dans notre société à court terme et que la recherche fondamentale n'est (presque) jamais utile à court terme... et une fois que les applications arrivent au grand public, les chercheurs innombrables qui ont oeuvré pour qu'une découverte majeure puisse se faire sont bien oubliés. Pourtant toute une industrie repose sur ces progrès fondamentaux et les progrès de la médecine découlent de recherches fondamentales d'il y a 10, 20 ou 30 ans... Qui se souviendra de cette recherche si jamais on arrive à avoir un traitement de l'hépatite dans de nombreuses années quand l'édifice de connaissance patiemment construit aura donné un "progrès récent de la médecine". A part nous et le prof. Strubin ?

Enseigner une science de la recherche ou de la conclusion trouvée ?

La science que les élèves rencontrent en classe et parfois à l'université n'est pas celle de ces tâtonnements et donne à voir un modèle de la science qui don ne l'impression que la science va droit aux conclusions. Evidemment selon les degrés auxquels on s'adresse, il est plus ou moins facile d'apprendre aux élèves à vivre avec les incertitudes de la science. Apprendre a vivre avec la complexité et ne pas se satisfaire de vérités simples c'est peut-être utile pour former des citoyens responsables qui pourront comprendre et voter dans un monde complexe

Liens

  • Les structures en 3D sont ici
  • ViralZone avec de très belles images du virus de l'hépatite B:
    • On peut voir sur le shéma du génome, la localisation de la protéine X
    • On peut avoir le lien vers les séquences (UniProt) de cette protéine de différentes souches de virus. Exemple iciet donc le lien pour DDB1 sur UniProtKB:
    • Lien vers le virus SV-5 @ ViralZone)
    • On trouve aussi depuis cette page, le lien vers la protéine V de différents sous-types de virus et le lien vers les structures 3D correspondantes, si elles existent....

Sources :

23 III 010 : corrections d'une image erronée et d'erreurs typographiques. 26 III 010 Lien sur un article de la Tribune de Genève

mardi 16 mars 2010

Naturalistes Romands

Amis du stigmate frétillant,

C'est, prenant subtilement de l'avance sur le printemps, que je me permets cette bafouille pour vous faire part de quelques fraîches nouvelles :

Changement d'adresse

Tout d'abord, veuillez noter avec votre plus belle plume d'outarde (par exemple), que Les Naturalistes Romands changent d'adresse e-mail : l'adresse est désormais : contact@naturalistes-romands.ch

Le Programme 2010 :

Pour nous faire pardonner de vous avoir fait farfouiller dans votre votre carnet d'adresses, nous nous occupons de vos doigts engourdis par l'hiver en vous envoyant notre pliage printanier : Le programme d'été 2010. Il est disponible ici : http://www.naturalistes-romands.ch/Programme/NatRom_ete2010.pdf. Ce fichier PDF est à plier en trois ;

Conclusion :

Entre chants d'oiseaux, fourmis, champs de blé, araignées, papillons nocturnes et incendies de forêt, nous espérons qu'il y en aura pour tout le monde.

Sur ce, tout en nous nous réjouissant de vous voir tâter de la verruque crapaude à nos côtés lors de la prochaine excursion : Les batraciens, le vendredi soir 26 mars,

nous vous souhaitons un printemps tonitruant.

A bientôt !


Laurent Burgisser

www.naturalistes-romands.ch


mardi 9 mars 2010

Semaine du Cerveau 15-20 mars - Le cerveau créatif

Cette manifestation scientifique est chaque année un évènement de tout premier ordre et ces conférences sont très souvent prises d'assaut : venez tôt. Et si vous regrettez, il y aura sans doute un enregistrement vidéo "Vodcast" (-> on peut les revoir par internet.
C'est moins bien qu'en vrai,... mais on peut par exemple en exploiter des extraits en classe. 

 

Le cerveau créatif

Programme à imprimer (document pdf 379 KB)
La créativité décortiquée
Semaine internationale du cerveau,Du lundi 15 au samedi 20 mars 2010Que veut dire créer? Du 15 au 20 mars prochain, les conférences et tables rondes de la Semaine du cerveau offriront au public un éclairage neuroscientifique sur cette question. Organisée par le Centre de neurosciences de l'Université de Genève (UNIGE), cette treizième édition traitera des différentes facettes de la créativité: comment naissent les idées? Pourquoi sommes-nous sensibles à l'art? Des maladies de l’esprit peuvent-elles engendrer de la créativité? Un vaste programme auquel se sont joints des artistes genevois, afin d'illustrer les liens entre créativité artistique et scientifique. Petit florilège des événements à venir.
Dans un monde en recherche permanente d'innovation, développer sa propre créativité comme celle des autres est devenu une préoccupation majeure du public, comme en témoignent nombre d'ouvrages et de sites Internet sur le sujet. Jusqu'à récemment toutefois, la créativité humaine était vue comme un processus mystérieux du cerveau et comme un phénomène non réductible à la biologie. Les avancées des neurosciences nous permettent maintenant d'en mieux comprendre les mécanismes et les implications. La créativité, cette aptitude d'aborder un objet ou une idée sous des angles nouveaux, ne se limite pas à l'art. Un message publicitaire, une histoire, une découverte scientifique sont autant de créations. Cette semaine sera l'occasion d'aborder les différents aspects de cette fascinante faculté humaine à la lumière des découvertes en neurosciences.
Le rythme dans la peau, la musique dans la tête La musique est un art omniprésent dans toutes les sociétés. Pourquoi a-t-elle autant d'importance dans notre vie et quelle est sa raison d'être? Clara James discutera des racines évolutives de la musicalité humaine et des régions cérébrales impliquées. Elle nous montrera comment la musique peut modifier l'organisation cérébrale de ceux qui l'écoutent ou la pratiquent intensément. Les émotions induites par la musique sont diverses et complexes. Comment peut-on expliquer la capacité qu'ont les sons d'émouvoir? Didier Grandjean nous montrera comment nous attribuons à la musique des caractéristiques émotionnelles.
L'apprentissage de la créativité Pendant longtemps, les études sur le développement de l'enfant se sont focalisées sur l'acquisition des capacités intellectuelles et des connaissances. Mais, depuis quelques années, l'étude de la pensée créative chez l’enfant occupe une place de plus en plus importante. Dans la conférence du mardi 16 mars, le professeur Todd Lubart de l'Université Paris Descartes, spécialiste renommé de la psychologie de la créativité, expliquera comment mesurer celle-ci chez l'enfant et parlera de ses liens avec la pensée logique, ainsi que de l’influence de la créativité sur les autres capacités cognitives.
La créativité sous influence Quel est l'impact des drogues sur la pensée créative? C'est à cette question que Christian Lüscher tentera mercredi 17 mars de répondre dans sa conférence donnée à l’occasion de la remise du Prix de la recherche de la Ligue suisse pour le cerveau, dont il est le récipiendaire cette année. Christian Lüscher rappellera comment certaines drogues comme le LSD ont pu être vues comme sources de créativité, alors que la consommation compulsiv e de nombre de drogues peut finalement réduire à néant le processus créatif.
Euréka! La table ronde du mercredi 17 mars qui suivra la remise du prix abordera un autre aspect de la créativité, soit celui qui s'exprime dans le raisonnement quand il s'agit de trouver une solution nouvelle à un problème. Dans le processus créatif, on part souvent de solutions pré-existantes, qu'on assemble de manière nouvelle et originale. Parfois la solution s'impose petit à petit, parfois elle apparaît subitement. Catherine Thévenot expliquera ce qui différencie ces deux types de problèmes. Roland Maurer, quant à lui, s'interrogera sur la spécificité humaine de la créativité ou sur l’éventualité de son existence, à des degrés moindres, chez l'animal. Finalement, le neurologue Jean-Marie Annoni discutera des différentes pathologies liées au raisonnement.
L'art neuronal Quels sont les mécanismes neuronaux impliqués lors de la contemplation d'une œuvre d'art ou lors du jugement esthétique? Les travaux en cours en neurosciences suggèrent des pistes de réflexion encore peu abordées tant par les artistes que par les historiens d’art. Dans sa conférence du jeudi 18 mars, Jean-Pierre Changeux, neurobiologiste internationalement réputé et auteur de nombreux ouvrages de vulgarisation, nous présentera le lien entre contemplation ou création d’une œuvre d’art et activité cérébrale, en faisant apparaître l'art comme un produit de la co-évolution du cerveau et de la culture.
Créer dans la souffrance Quels sont les liens entre art et maladie? Le génie créatif peut-il être aiguisé par certaines pathologies? L’inspiration la plus féconde s’accompagne-t-elle immanquablement de souffrance? Ces questions seront le point de départ de la table ronde du vendredi 19 mars. Le neuropsychologue Sebastian Dieguez nous expliquera comment les maladies de certains artistes célèbres peuvent stimuler ou au contraire inhiber la création d'une œuvre. Phillipe Huguelet, quant à lui, apportera un éclairage psychiatrique sur le génie créatif de Mozart. Finalement, le neurologue Theodor Landis abordera la question souvent débattue dans la sagesse populaire des rôles respectifs des cerveaux gauche et droit dans la créativité.
Le point de vue des artistes En marge des conférences et tables rondes, différentes activités artistiques seront organisées au cours de la semaine. Une exposition photographique sera présentée dans le hall d'Uni Dufour et à l'Usine Kugler de la Jonction. Elle s'articulera autour de figures issues de la culture populaire qui évoquent des thématiques communes à l'art et à la science. Artistes et neuroscientifiques se retrouveront autour d'une table ronde le samedi 20 mars à la Jonction pour évoquer les convergences entre art et science. Au même moment, les enfants pourront participer à des ateliers pour découvrir les neurosciences sous un angle créatif et artistique. Enfin, l'Hôpital cantonal hébergera une installation interactive sonore illustrant la capacité créative du cerveau. Durant toute cette semaine, chercheurs et artistes partageront leurs connaissances et leurs points de vue avec le public sur l’un des plus importants attributs humains, qui a accompagné notre espèce tout au long de son évolution.

Les conférences :

Lundi 15 mars Cerveau, musique et émotions
Mardi 16 mars L'enfant créatif
Mercredi 17 mars Cerveau, drogues et créativité Comment naissent les idées?
Jeudi 18 mars L'art et le cerveau
Vendredi 19 mars Maux d'artistes
Entrée libre
Organisation: Centre interfacultaire de neuroscience de l'Université de Genève

L'artiste en habit de chercheur Samedi 20 mars, 15h "La Jonction", Salle de conférence de l'Usine Kugler 4bis rue de la Truite, 1205 Genève Table ronde organisée par les artistes de la Fédération Kugler. Renseignements: marieavril@raisonsociale.ch
Table ronde Plusieurs artistes viendront parler de leur travail en s’appropriant des figures de la culture populaire qui leur permettront de tisser des liens aussi improbables qu’évidents entre le travail de chercheur en neurosciences et celui d’artiste. Au-delà des clichés de l’artiste «inspiré» et du chercheur «réfléchi», la fiction, l’imaginaire, le doute ne sont-ils pas, pour l’un et pour l’autre de véritables outils de travail et de construction de la pensée?
Atelier pour enfants Un atelier d’activités créatrices pour enfants de 6 à 12 ans autour de la question du cerveau est ouvert pendant le temps de la table ronde. L’atelier a lieu à l’Usine Kugler et est animé par Stéphanie Prizreni, artiste plasticienne et coordinatrice culturelle de l’espace Halle Nord-Art en l’Île. Inscription dans la limite des places disponibles: stephanie.prizreni@act-art.ch
Exposition photographique La créativité artistique et scientifique illustrée par des photographies de Danaé Panchaud (du 15 au 20 mars).
Languageless (sans langage), par Selcuk Artut Dès le 15 mars Hôpital, 4 rue Gabrielle-Perret-Gentil, 1205 Genève
Installation interactive sonore mettant en scène la lecture de la fable «Le Prince Grenouille» des frères Grimm dans une langue étrangère au lecteur, auquel on demande ensuite d’interpréter l’histoire lue. Cette oeuvre explore les mécanismes créatifs mis en place lors de la confrontation à une information a priori incompréhensible, comment le cerveau réagit et quelle est sa capacité créative spontanée dans un laps de temps donné et un environnement contrôlé. Informations: www.arthug.ch Affaires culturelles des HUG: T 022 305 41 44
Brain Bus Avril à décembre
Le Brain Bus entame sa tournée dans de nombreuses villes suisses à partir du mois d'avril 2010. L'exposition itinérante est consacrée au cerveau et à ses fonctions avec, entre autres, de passionnantes expériences ludiques. Informations: www.brainbus.ch

dimanche 7 mars 2010

Réparer le climat en le polluant volontairement ?

De la prévention à la thérapeutique environnementale : un changement d'approche ?

Face aux risques environnementaux la stratégie à jusqu'ici surtout été la protection de la nature : tout faire pour éviter les dégâts. Cette approche défensive explique peut-être la perception par le public que les écolo' (au sens militant et politique) sont des neinsager, prompts à interdire et à limiter. Alors que la réalité des problèmes environnementaux est de plus en plus largement reconnue – même George W.Bush a fini par admettre le rôle de l'homme dans le changement du climat – on voit maintenant émerger une nouvelle approche : l'intervention de l'homme sur l'environnement pour corriger les problèmes. A l'échelle locale c'est déjà une réalité : depuis bien des années des projets de "renaturation" des cours d'eau se réalisent. Mais au niveau global on voit la montée en puissance de cette approche d'ingéniérie environnementale (geoengineering). On parle ainsi de mesures pour corriger le réchauffement du climat en agissant non seulement sur les causes mais directement sur les effets : tenter de refroidir la terre par des actions chimiques et physiques sur le globe et son atmosphère.

Figure 1Réparer le climat en le polluant volontairement ?

Pour le climat, certains commencent à étudier l'idée de larguer - par exemple - des sulfates dans la stratosphère pour la rendre plus blanche (augmenter son albedo) et réfléchir une plus grande part du rayonnement solaire, afin de compenser le réchauffement. (Cf Wigley, Reports, 20 October 2006, p. 452). En effet les sulfates sous forme d'aérosols réfléchissent la lumière ils devraient avoir un effet refroidissant. Dans un article récent (Rasch, P. J., Crutzen, P. J., & Coleman, D. B. (2008) des scientifiques font le point sur les méthodologies, les avantages et désavantages de telles interventions. Pour eux, l'injection de sulfates est nettement moins favorable que la prévention

Fig 1 : Certains envisagent de combattre le réchauffement de la planète en renvoyant dans l'espace une plus grande proportion de la lumière du soleil. Comme le volcan Pinatubo en 1991 en rendant l'atmosphère plus trouble. [img]Source : BULLIT MARQUEZ/AP PHOTO

Planning for plan BUne discussion des enjeux

Comme si on n'avait pas assez de questions éthiques, cette possibilité d'agir sur le climat soulève des enjeux nouveaux : dans la mesure où on arrive à modifier le climat, qui va décider de ce qu'il faut faire et si une modification est avantageuse pour certains pays et moins pour d'autres qui va trancher ? (Inman, M. (2010) Par exemple, l'injection de sulfate peut refroidir le climat, mais elle pourrait aussi produire des sécheresses et un diminution massive de la couche d'Ozone selon certains Lenton, T. M. & al.(2009), Bala, G. et al. (2008).

FIG 2 : L'injection de sulfate peut refroidir le climat, mais elle pourrait aussi produire des sécheresses et une diminution massive de la couche d'Ozone[img] © ISTOCKPHOTO / JESÚS JAVIER DEL VALLE MELENDO

toit blancPeindre les toits en blanc pour moins réchauffer la planète (et les maisons) ?

Selon Akbari, H., et al. (2009) on peut modifier l'albedo global en peignant les toits et les routes en blanc. Au niveau mondial, une telle mesure aurait un effet équivalent à la suppression de 44Gt de CO2. Repris par Steven Chu, secrétaire à l'énergie aux USA cette mesure a fait pas mal de bruit. Fig 3 : [img] Des toits blancs - comme celui-ci en montagne - pourraient limiter le réchauffement climatique. Source : F.Lombard

Larguer du fer dans la mer pour absorber du CO2

Cette approche peut choquer, mais certains pensent qu'il faut écarter les idéologies et agir avec pragmatisme : pour anticiper il faut commencer des expériences qui sont déjà dans une phase exploratoire.

Planning for plan B

Fig 4 : [img] Victor Smetacek and colleagues faced fierce opposition to their experiment on ocean ecosystems in January, owing to its possible implications for climate control. Source : TOM BRESINSKI / AWI

Victor Smetacek — un océanographe du Alfred Wegener Institute for Polar and Marine Research à Bremerhaven, en Allemagne a obtenu la permission du gouvernement allemand pour explorer les effets du fer en mer. On pense que le largage de fer dans la mer pourrait stimuler la croissance du plancton et absorber des tonnes de CO2. ils ont choisi un endroit où un vaste courant spirale de 150 Km2, où les effets sont circonscrits. Mais leur expérience a produit un développement de flagellés qui semblent avoir été mangés par des prédateurs et n'ont ainsi pas absorbé de CO2. Ce résultat a refroidi les plus enthousiastes, et d'une certaine manière calmé le débat. Pour un temps.

L'écologie de la restauration

L'écologie de la restauration est relativement jeune — la Society for Ecological Restoration International (www.ser.org/default.asp) fête ses 21ans cette année — mais elle joue un rôle important dans les efforts pour un développement durable. Ce terme définit une dimension nouvelle de l'écologie et révèle peut-être nouveau métier ? Au fond les ingénieurs de l'environnement sont peut-être déjà dans cette voie depuis longtemps. Leslie Roberts, et al (2009) ouvrent sur ce thème un numéro spécial de Science The Rise of Restoration Ecology Special issue

sn-geoengineering-main.jpgHacker la planète ?

Eli Kintisch (2010) rapporte dans science news que lors d'une conférence récente The Latest on Hacking the Planet on a fait le point sur le geoengineering. On y a discuté les manières d'introduire ces sulfates : des travaux récents suggèrent que larguer du dioxyde de soufre ne serait pas si simple que ça : les microgouttes risquent de se rassembler et produiraient des gouttes d'acide sufurique qui retombent rapidement. Au final 10 mégatonnes de soufre (environ la quantité injectée par le Pinatubo en 1991) ne rattraperait que la moitié du réchauffement.

Fig 5 : Ensemencer le ciel de sulfates pourrait contrecarrer le réchauffement. mais inégalement. Credit: Wikimedia Commons / Blink. [img] Du coup certains ont proposé de larguer l'acide sulfurique directement . "Il suffirait de quelques mégatonnes" dit Keith. ça fait froid dans le dos d'imaginer tout cet acide largué sur nos têtes. Il est vrai que nous avons survécu à l'éruption du Pinatubo fort bien, mais...

Il semble qu'un apport homogène de souffre produirait un sous-refroidissement aux pôles et un sur-refroidissement à l'équateur. D'ou l'idée d'éparpiller des quantités ajustées de souffre selon les régions pour obtenir l'effet souhaité et réduire les perturbations des pluies. Ainsi certains se retrouveraient gagnants après ce geoengineering et d'autres perdants. Evidemment on peut craindre si on est dans les pays pauvres et être plus serein si on habite les pays riches.

Prométhée : une responsabilité parce que nous savons !

La crise climatique qui menace n'est pas la première que le globe affronte; la chronologie de la vie montre de nombreuses crises climatiques qui ont bouleversé les espèces sur terre. Ce n'est probablement pas la première fois que les êtres les plus concernées y contribuent de manière décisive. Les premiers organismes photosynthétiques qui ont produit l'oxygène qui s'est accumulé et a éliminé la majorité des organismes vivants de la soupe primitive et ceux-là même qui avaient causé cette "pollution" est un exemple qui me vient à l'esprit... (intranet.jpg) Mais ce serait la première fois que nous en avons conscience et avons le pouvoir et la responsabilité prométhéenne de l'éviter ou d'y remédier. Dans la mythologie grecque Prométhée a été puni pour avoir donné aux hommes la connaissance, et on parle du "mythe de Prométhée" pour la responsabilité que de la connaissance donne. La gouvernance du monde est-elle de taille à porter cette lourde responsabilité que nous donne la connaissance. Avons-nous le choix de ne pas la porter ?

Sources

Réactions

Avec un sujet pareil, il m'est parfaitement impossible de ne pas réagir, même si je sais d'avance qu'on va me taxer de dogmatique invétéré.

D'un point de vue purement scientifique, ces recherches sont fort intéressantes, mais je dois hélas dire qu'elles nuisent fortement à la recherche de vraies solutions.

Nous savons depuis longtemps ce que devons faire: un développement rapide et massif des énergies renouvelables, un renoncement tout aussi radical aux combustibles fossiles, le tout couplé à une très grande "sobriété consumériste". Seulement c'est pas très attractif, surtout pour les plus riches.

Dans ce contexte, les solutions proposées en "geoengeneering" sont fort rassurantes: "Ouf, nos bons scientifiques ont la solution, laissons-les travailler, octroyons leur quelques crédits et ne changeons surtout rien à nos petites habitudes".

Depuis le début du 20è siècle, l'humanité vit avec la certitude que la science et la technique possèdent ou posséderont bientôt les moyens de résoudre tous les problèmes de l'humanité. "Ayez confiance chers citoyens, nos meilleurs chercheurs sont sur le point de trouver la solution ... et même toutes les solutions."

Or, depuis quelques décennies, cette croyance a bien du plomb dans l'aile. Les solutions proposées deviennent bien souvent des problèmes encore plus graves qu'auparavant. L'exemple des déchets nucléaires est un des plus évidents. La confiance s'effrite, et pour moi, c'est une très bonne chose.

Avec les "geoengeneering", il me semble évident que le remède sera pire que le mal, et que même si ça marche pour un temps, nous serons vite rattrapés par l'aggravation des problèmes pré-existants, sans parler de l'épuisement généralisé des ressources qui nous pend au nez. Et puis entre nous, si on parvient à faire peindre toutes les routes et tous les toits de la planète en blanc, on pourrait aussi en faire pas mal en matière d'énergies renouvelables. Mis pour ça, il y a quelques dogmes et quelques tabous à terrasser.
Christian Lavorel

jeudi 4 mars 2010

Pourquoi la nicotine ne tue pas !

Enfin pas tout de suite...
Nicotiana tabacum L.Si la nicotine avait chez l'humain autant d'affinité avec les récepteurs des muscle que ceux du cerveau, une seule cigarette tuerait. On sait que la nicotine - un alcaloide - est produite par la plante Nicotiana tabacum comme insecticide puissant et qu'elle paralyse les insectes en activant les synapses à acétylcholine qui contrôlent les muscles. Des chercheurs ont finalement trouvé pourquoi la molécule agit chez les humains sur le cerveau (dépendance, etc) mais pas sur les muscles, évitant la paralysie. pour les auteurs cela pourrait aider à comprendre la dépendance au tabac.
Fig. 1 : La plante du tabac est protégée des insectes par la nicotine qu'elle produit. [img]Source : Encyclopedia Of Life

Une solanacée : presque toutes toxiques !

Selon wikipedia "le nom générique Nicotiana fait référence à Jean Nicot, ambassadeur de France à Lisbonne qui a introduit le tabac à la cour du roi de France" Nicotiana tabacum est de la famille des Solanacées qui sont pour la plupart toxiques comme la belladone, le datura, avec quelques exceptions bien agréables comme la tomate, l'aubergine et la pomme de terres. Et encore il faut éviter les autres parties de la plante que le fruit ou le tubercule. Elle a de fort jolies fleurs Species,    Nicotiana tabacumcf. fig 2.
Fig. 2 : La fleur du tabac est fort belle et ressemble à celles des tomates et des pomme de terre : c'est une Solanacée. [img]Source : Wikipedia

Un acide aminé différent et la nicotine est une drogue plutôt qu'un poison mortel !

Dans une news de Science (ici) Haley Stephenson rapporte que des chercheurs de l'équipe de Dennis Dougherty, au California Institute of Technology in Pasadena, (Xiu et al 2009) ont exploré la liaison que fait la nicotine dans les récepteurs à l'acétylcholine. L'interaction se fait sur une partie du récepteur - négative et de la nicotine - positive ("box" dans la figure 3)
 la nicotine et son recepteur
Fig. 3 : La Nicotine (au centre) dans le site d'interaction du récepteur du cerveau "box." En rouge l'interaction avec Trp. [img]Source : Dennis Dougherty

Les récepteurs humains du cerveau et du muscle diffèrent par un acide aminé : une lysine pour le cerveau et une glycine pour le muscle. Selon Purves, on les appelle récepteurs nicotiniques (nicotinic ACh Receptor nAChR) parce qu'on a trouvé qu'ils sont sensibles à la nicotine. On ne savait pas pourquoi. puisqu'ils sont normalement activés par l'Acétylcholine. C'est en fait plutôt l'inverse : l'évolution a sélectioné les plantes de tabac qui produisaient une molécule paralysant les insectes, car ces plants-là se sont fait bien moins grignoter par les insectes Haley Stephenson explique que cette sensibilité est très différente selon les récepteurs. Le récepteur du cerveau ( α4β2) a ainsi beaucoup plus d'affinité à la nicotine, alors que celui du muscle est parfaitement adapté à l'acétylcholine. Les chercheurs ont mis en évidence que la lysine modifie la forme du site d'interaction rendant la charge négative plus accessible à la nicotine. Il s'agit d'une une interaction cation-pi avec la tryptophane Trp 149 pour être précis. Cette interaction amplificatrice pour la nicotine ne se fait pas dans les récepteurs du muscle qui y sont donc bien moins sensibles. Compléments d'information : Cholinergic Receptors | Purves on-line The structure of the nACh receptor/channel. (A) Each receptor subunit crosses the membrane four times. The membrane-spanning domain that lines the pore is shown in blue.
Fig 2 : La strucure du nicotinic ACh receptor (nAChR). [img]Source :Purves : Figure complète
.

En changeant l'acide aminé du récepteur musculaire Gyl-> Lys ils l'ont rendu tout aussi sensible à la nicotine. Prouvant ainsi le rôle décisif de cette variation d'une acide aminé qui a un effet à distance sur l'interaction avec la Trp 149.
  • Visualiser avec JMol la Structure 1I9B en 3-d @ pdb (chez l'escargot comme mentinnée dans l'article)
  • Diverses sous-unités du Neuronal acetylcholine receptor @ Uniprot.
  • M.-C. Blatter de Uniprot précise que dans l'entrée UniProt P02708 (correspondant à la sous-unité alpha), on retrouve la mutation naturelle Gly -> Ser (G -> S : en position 198...) qui est impliquée dans la 'congenital myasthenic syndrome' (SCCMS) (ici). On retrouve également dans la séquence de cette protéine en position 194 le fameux Trp (W). Remarque: La numérotation des acides aminés est une galère: elle dépend de l'espèce, de la construction (cDNA) utilisée pour l'expression in vitro de la protéine ou l'étude de sa structure 3D.

On l'a échappé belle ?

...ou pas !
"Heureusement que cela ne se produit pas dans le corps", dit Mark Levandoski, un chimiste au Grinnell College / Iowa, "fumer déclencherait immédiatement des contractions anormales qui paralyseraient les muscles, notamment ceux impliqués dans la respiration" Je crois qu'il se trompe : si l'insecticide du tabac était mortel aussi pour les humains, après que le premier ait essayé et était mort dans des convulsions il n'y aurait pas beaucoup de fumeurs et le tabac ne causerait pas un mort toutes les 45 minutes environ rien qu'en Suisse !

Pourquoi ces différences ?

Quelles pourraient être les causes de ces différences du récepteur à l'Acétylcholine reste un mystère pour les chercheurs. Ces variations mettent cependant en évidence combien le vivant est fait de subtiles différences, les variations qui sont la matière première de l'évolution. Dans le cas de ce récepteur de si petites différences produisent des effets très différents, on devine comment la sélection peut produire de fort différentes adaptations sur la base de si petites différences !
Pour les auteurs une meilleure connaissance de ces interactions devrait aider à comprendre - et peut-être traiter - la dépendance au tabac, mais aussi des maladies comme la maladie d'Alzheimer, l'autisme, le Parkinson, et la schizophrénie. On comprend la nécessité de montrer que la recherche a des retombées utiles, mais à promettre sans être sûr de pouvoir tenir tous ces espoirs on risque finalement de décevoir,... Ne serait-il pas plus utile de montrer au public l'importance a long terme de la recherche fondamentale... nous y reviendrons.

Sources