lundi 25 février 2013

L'ours abattu, les futurs citoyens et la Formation naturaliste

L'ignorance citadine de la nature… cause la peur ? 

Nos élèves – souvent citadins – ont souvent très peu d'occasions de développer une connaissance et un rapport sain à la nature.
Chacun a rencontré des jeunes de 18ans qui découvrent que la grenouille n'est pas le mâle du crapaud ni la chouette la femelle du hibou. Certains n'ont jamais examiné un bourgeon qui va s'ouvrir, une fleur sauvage ou ont une aversion généralisée pour les "ptites bêtes qui grouillent " insectes cloportes et araignées confondus- Ils n'ont d'expérience de la nature que celle labellisée, emballée, avec une traçabilité (parfois chevaline je sais ...) qu'on propose dans les supermarchés, les garden-centre, les magasins d'animaux domestiques.

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Fig 1: Bourgeon de Charme s'ouvrant et prêt à s'ouvrir (marronier je crois).  source F.lombard

F. Terrasson (1997) développait l'idée que la peur de la nature est centrale dans notre rapport à l'environnement. Il renverse la perspective sur les réserves naturelles en montrant qu'elles servent surtout à protéger notre environnement humain des incursions de la nature effrayante plutôt que l'inverse... Il semble que dans les choix que nous faisons c'est surtout le rapport émotionnel à la nature qui compte plus que le niveau de formation académique. ( il me manque une référence pour étayer cela... je l'ai lu, mais je ne retrouve plus... merci de m'aider ? )

Un ours qui fait peur parce qu'il est (encore un peu) naturel ?


Fig2 : L'ours M13 avant qu'il soit abattu. [img] source Source : FERUS.fr
 

L 'Ours M13 abattu récemment aux Grisons parce qu'il s'approchait un peu trop des humains s'explique bien dans cette perspective de crainte du naturel... ( cf ici RTS et ici FERUS, et ici
ProNatura ). Nous ne sommes pas prêts a accueillir ce qui est différent... et donc le naturel.
Sans connaître nos écosystèmes, leur fonctionnements et leur évolution, sans avoir
un rapport à la nature basé sur un vécu personnel, peut-on dire que nos élèves sont bien préparés à voter et à décider dans un monde où la nature est de plus en plus menacée et les interférences réciproques de plus en plus fortes dans un territoire si exigu ?
Nos cours de biologie offrent encore la possibilité de leur donner un peu de ces connaissances et de ce vécu.

Enseignants, sommes-nous assez bien formés ?

Or, même si on est diplômé en biologie, il peut arriver qu'on se sente un peu démuni pour parler de la nature locale, et l'affronter avec un classe grouillante (!) et excitée… Il serait très regrettable que cette inquiétude fasse hésiter à emmener les élèves sur le terrain...
Alors formez-vous !
Une magnifique opportunité s'offre aux lecteurs romands. Je sais qu'une part importante du lectorat est répartie dans toute la francophonie, mais je suis sûr que nos lecteurs d'autres pays sauront trouver des organismes locaux pour se former.

Références

  • Terrasson, F. (1997). La peur de la nature: Sang de la terre.




Formation naturaliste 2013
Les sciences naturelles pour tous
Les outils du naturaliste enfin à la portée de tout le monde !
Trois associations se sont acoquinées avec malice pour proposer des cours de sciences naturelles pour tous : L' AAJB (l'Association des Amis du Jardin Botanique de Genève), ProNatura Genève et les Naturalistes Romands . Ces associations, à la vulgarisation joviale et pertinente, se partagent les domaines des sciences naturelles pour proposer une suite de cours pratiques : une formation naturaliste à la carte.
Aucun pré requis n'est demandé. Cette formation propose de maitriser très concrètement les différents outils du naturaliste (p.ex. clés d'identification de plantes) en favorisant l'apprentissage autodidacte. Bienvenue dans l'école des curieux!
Inscrivez-vous auprès de l'AAJB (ou éventuellement au 076 384 74 92)
Téléchargez le programme 2013

Traces et indices d'animaux

Jacques Morel
3 cours et 2 excursions
Tout animal vivant influence son environnement et y laisse des traces de son existence. Certaines nous échappent, nous pouvons en lire d’autres. Il s’agit en particulier des traces de pattes dans la boue, dans la neige comme des traces d’existence (nids, terriers), des traces laissées quand ils s’alimentent ou après la digestion (crottes, urine, pelotes de réjection).
Pour nous familiariser avec ce monde, nous examinerons ensemble des documents (littérature, images, moulages, objets modifiés) et nous irons sur le terrain en été et en hiver ; nous pourrons apprendre à faire des moulages en plâtre et peut-être avec d’autres matériaux. Donc, trois soirées à l’intérieur et deux journées partielles à l’extérieur.
Chacun pourra apporter son expérience personnelle et ses questions.
Cours 1 : mercredi 20 mars 18h30-21h
Cours 2 : mercredi 18 septembre 18h30-21h
Cours 3 : mercredi 13 novembre 18h30-21h
+ Deux excursions supplémentaires seront planifiées de concert avec les participants, l'une en avril/mai et l'autre en décembre 2013/janvier 2014.

Ornithologie

Laurent Vallotton (Ornithologue au Muséum d'histoire naturelle de la Ville de Genève)
8 cours sous forme d’excursions.
Ce cours d’ornithologie pratique, destiné à tous, est réparti sur l’année et s’articule essentiellement entre excursions et baguage d’oiseaux.
Il se clôturera par une visite des coulisses du Musée d’Histoire Naturelle de Genève.
Toutes ces sorties sont d’une journée.
Cours 1 : Baguage des Chouettes hulottes au pied du Jura vaudois - dimanche 7 avril
Cours 2 : Migrateurs aux marais de Sionnet GE - dimanche 5 mai
Cours 3 : Migration à Préverenges (îles aux oiseaux) et guêpiers à Penthaz VD - dimanche 2 juin
Cours 4 : Oiseaux de montagne au col de la Colombière F - dimanche 23 juin
Cours 5 : Baguage des migrateurs au col de Jaman VD - dimanche 13 octobre
Cours 6 : Visite des coulisses du Muséum de Genève - dimanche 17 novembre
Cours 7 : Exercices et révision des espèces vues aux sorties avec oiseaux taxidermisés (Muséum d'Histoire Naturelle de Genève) - dimanche 24 novembre
Cours 8 : Hivernants à la rade de Genève, à la réserve de la Pointe-à-la-Bise GE et à Excenevex F - dimanche 15 décembre
Tarifs : 120.- (membres) / 150.- (non-membres) / 90.- (étudiants)
Cours en partenariat avec le Museum d'Histoire Naturelle de la Ville de Genève

Botanique

Laurent Burgisser
6 cours et 2 excursions

Introduction à la botanique et à l’identification des plantes à fleurs. Le but de ce cours est la maîtrise des outils d’identification qu’utilisent les botanistes, en particulier la flore de la suisse, le fameux «Binz».
La botanique étant assez vaste, quelques divagations ne sont pas exclues, que ce soit sur le poil dru du bourdon, sur les mécanismes de pollinisation ou sur les origines de la pizza.
Tous les cours se déroulent au Conservatoire et Jardin botaniques de Genève.
Cours 1 : lundi 22 avril 18h30-21h
Cours 2 : lundi 29 avril 18h30-21h
Cours 3 : lundi 6 mai 18h30-21h
Cours 4 : lundi 13 mai 18h30-21h
Cours 5 : lundi 27 mai 18h30-21h
Cours 6 : lundi 3 juin 18h30-21h

+ Deux excursions supplémentaires seront planifiées de concert avec les participants.
Tarifs : 120.- (membres) / 150.- (non-membres) / 90.- (étudiants)

Poissons

Jean-François Rubin
3 cours et 1 excursion
Venez découvrir les poissons de notre région au travers de trois cours et d'une excursion.
Le premier cours portera sur les habitats : Quels sont les habitats favorables pour les poissons? Où vivent-ils ? De quelles conditions écologiques ont-ils besoin pour se développer ?
Le deuxième sur les espèces : Quelles sont les principales espèces de poissons que l'on rencontre dans notre région ? Comment les reconnait-on ? Quel est leur mode de vie ? Enfin, le dernier cours concernera la gestion : Comment gérer les espèces ? De quelles stratégies dispose-t-on ? Renaturation ou repeuplement, effets identiques ?
Pour terminer, une excursion le long du Boiron de Morges est prévue.

Tous les cours se déroulent à l'HEPIA , proche de la gare de Cornavin à Genève.
Cours 1 : mercredi 29 mai 18h30-20h
Cours 2 : mercredi 5 juin 18h30-20h
Cours 3 : mercredi 12 juin 18h30-20h
Excursion : samedi 15 juin 2013, 10h-15h, le long du Boiron à Morges
Tarifs : 70.- (membres, étudiants) / 100.- (non-membres)

Champignons


Jean-Jacques Roth & la Société mycologique de Genève

3 cours et 1 excursion


Destiné aux vrais et faux débutants, ce cours comprend un rappel des notions fondamentales, tout en approfondissant la connaissance de certains genres de champignons.
Toutes les séances comprennent une partie pratique d'identification, pendant laquelle les participants pourront s’exercer, en recevant une aide individualisée.
Tous les cours se déroulent au Conservatoire et Jardin botaniques de Genève .



Cours 1 : mardi 1er octobre 20h-22h
Cours 2 : mardi 8 octobre 20h-22h
Cours 3 : mardi 15 octobre 20h-22h
Excursion : samedi 19 octobre (après-midi)
Tarifs : 70.- (membres, étudiants) / 100.- (non-membres)

jeudi 21 février 2013

L'anorexie et l'hyperactivité liés ?

L'anorexie et l'hyperactivité liés ?

Une étude récente révèle – chez des souris - un lien entre l'anorexie et l'hyperactivité, et peut-être avec les mécanismes de la dépendance. Une voie métabolique commune ( NAc-5-HTR4/CART pathway)  établit un lien entre les deux phénomènes et le circuit de la récompense (Noyau accumbens). Les auteurs suggèrent que ce serait un mécanisme susceptible de limiter la suralimentation et l'inactivité après une période de privation.

L'article est accessibles ici. Comment  Obtenir un article mentionné : Get-a-doi

Dans une perspective éducative, pour comprendre les pertes inéluctables de la vulgarisation, nous étudierons comment le contexte dans lequel ces résultats ont été trouvés s'est perdu pour se restreindre progressivement à une affirmation réductrice : "L'hyperactivité des anorexiques n'est pas intentionnelle"

L'anorexie mentale ( il y a plusieurs autres formes d'anorexie, dont certaines sont des effets secondaires de traitements) est une maladie grave qui atteint un nombre important de jeunes filles adolescentes – 2% des adolescents (9 filles pour 1 garçon – elle est mortelle dans 10% des cas selon Lenoir, 2001 ). On a beaucoup évoqué l'influence de la mode sur l'augmentation de la fréquence constatée de ce grave trouble du comportement alimentaire.
La plupart des explications de ce trouble sont dans le registre du psychologique. Comme elle  est souvent associée à l'hyperactivité qu'on a donc souvent interprété comme un désir de maigrir et résultant de la volonté de la malade.
Des recherches récentes (Jean, A., et al. 2012) abordant la question sous un angle très différent, suggèrent une cause physiologique à cette hyperactivité, et un lien avec le circuit de la récompense.

Chez la souris ...

Cette étude a été réalisée avec des souris. Elles sont un modèle de la maladie : elles ont été sélectionnées parce qu'elles ont des mutations qui leur donnent un comportement et une physiologie qui a été considérée comme similaire à l'anorexie.  C'est ainsi qu'on procède parce qu'évidemment on veut pas faire des expériences sur les humains. Mais les résultats doivent être interprétés et mis en perspective... Je n'ai pas trouvé (mais je n'ai peut-être pas assez cherché) de discussion de leur pertinence à l'anorexie mentale en particulier. Or elle n'est pas évidente il me semble.

Pourtant Jean et al. argumentent bien en soulignant que l'anorexie et l'hyperactivité existent rarement indépendamment et que cela suggère des voies nerveuses communes, probablement dans le système de la récompense. Ils ont mis en évidence préalablement une facette addictive de l'anorexie qui active les mêmes transcriptions que la cocaïne, par exemple dans le noyau accumbens. (circuit de la récompense)
" production, in the nucleus accumbens (NAc), of the same transcripts stimulated in response to cocaine and amphetamine (CART) upon stimulation of the 5-HT4 receptors (5-HTR4) or MDMA (ecstasy)"
Ils ont alors testé si cette voie prédispose aussi à l'hyperactivité. En bloquant ou en surexprimant les molécules de cette voie, en présence d'ecstasy ou non ils montrent de manière convaincante la grande similitude des liens de l'anorexie et de l'hyperactivité avec le circuit de la récompense.
"In conclusion, the NAc-5-HTR4/CART pathway establishes a ‘tight-junction’ between anorexia and hyperactivity, suggesting the existence of a primary functional unit susceptible to limit overeating associated with resting following homeostasis rules." (Jean, A., et al. 2012)
Ils proposent une explication évolutive à ce surprenant mécanisme : il limiterait la suralimentation et l'inactivité après une période de privation alimentaire. Un mécanisme de plus dans la régulation déjà complexe du poids ?  

Tout cela est vrai ...Chez cette souris particulière, ce modèle de l'anorexie. Evidemment cela limite la portée des résultats, mais – vu la gravité d'une telle maladie et les limites des traitements actuels – c'est quand même beaucoup mieux d'avoir des résultats de portée à discuter que pas de résultats du tout !     Si on arrive à vivre avec des incertitudes délimitées...
Face a nos élèves si on veut classer cette recherche entre vrai et faux on est très ... limité !  

Fig 1: les mains d'un-e anorexique. [img] source  Allodocteurs.fr.


La vulgarisation transforme en affirmation les savoirs nuancés produits par la recherche ?

Dans la vulgarisation on retrouve le classique glissement depuis de discours scientifique pondéré discutant les hypothèses ("In conclusion, motor hyperactivity is anorexia-dependent upon activation of the NAc-5-HTR4/CART pathway." vers des conclusions simples et présentées comme des certitudes  "L'hyperactivité des anorexiques n'est pas intentionnelle"  p.ex. dans  allodocteurs.fr. C'est souvent plus marqué dans les texte de titres comme celui-là puisque le texte du "chapeau" est déjà moins affirmatif  "…Une étude de l'INSERM vient confirmer l'hypothèse selon laquelle les deux comportements seraient induits par un mécanisme biologique commun, au niveau moléculaire."

D'autres documents vulgarisés en français
Cette tendance dans la vulgarisation à évacuer les conditions dans lesquelles les résultats ont été obtenus – qui pourtant sont nécessaires pour mettre en perspective ces données – est classique. Une lecture rapide donne l'impression que ce résultat serait "scientifiquement prouvé"… L'incertitude et la nature hypothétique intrinsèque à la science sont évacués. Comme si un résultat était une vérité, comme si il n'allait pas y avoir vérification, contestation, bref  un débat scientifique. Ce débat qui permet à la science de progresser malgré les imperfections des humains, les pressions sociales et l'inertie conceptuelle.
C'est pourtant  majoritairement à ce type d'informations scientifiques que nos élèves sont confrontés !

Et qui leur apprendra à dé-vulgariser,  à se poser la question des conditions dans lesquelles les données ont été établies, discuter les hypothèse etc. ? Il faut bien que ce soit les enseignants de sciences ... ou voulons-nous compter sur le 20 minutes ? Ils ont un autre rôle disons.
Pour ma part je préfère tenter de donner aux élèves une certaine autonomie dans la validation de leurs connaissances.

Sources :

mercredi 20 février 2013

Le jour où… on sera tous dopés


Le jour où… on sera tous dopés

Lundi 25 février 2013 à 18h30
Au musée d'histoire des sciences


Le cas du cycliste Lance Armstrong n'a pas fini de défrayer la chronique. Il illustre peut-être plus que tout autre cette formidable ambigüité qui caractérise notre société. D'un côté nous voulons acclamer des sportifs capables d'exploits incroyables, d'enchaîner les records, et de l'autre, nous sommes prêts à vouer aux gémonies tous ceux qui trichent en faisant appel au dopage. Pourtant, les sportifs d'élite ne sont pas les seuls dans ce cas. Nous tous sommes bien souvent confrontés, tentés par l'aventure d'un dopage qui dit moins son nom. Dopage pour être plus performant au travail par exemple avec des produits qui nous semblent anodins, mais qui ont tout de même des impacts non négligeables sur notre santé. On pense par exemple aux boissons énergisantes très en vogue aujourd'hui. On peut aussi évoquer le dopage de son image sur les réseaux sociaux pour paraître plus que ce que l'on est vraiment. Parce que plus que jamais, la «normalité» prend le sens de banalité. Au fond, ne sommes-nous pas tous des dopés?

 
Avec la participation de
Annick Dubied
Professeure associée de sociologie à l'Université de Genève
Alexandre Mauron
Professeur de bioéthique à l'Université de Genève
Jean-Luc Veuthey
Professeur à la Section des sciences pharmaceutiques et vice-recteur de l'UNIGE


Animation

Pierre-Yves Frei, Journaliste scientifique