lundi 18 novembre 2019

Comment la rougeole rend plus vulnérable à d'autres virus en effaçant la mémoire immunitaire

La rougeole décime les cellules de la mémoire immunitaire

La plupart des décès imputables au virus de la rougeole sont causés par des infections secondaires, car le virus infecte et dégrade le  fonctionnement les cellules immunitaires. On ignorai jusqu'à présent si l'infection par la rougeole endommageait durablement la mémoire immunitaire. Cette question est devenue de plus en plus importante compte tenu de la recrudescence des épidémies de rougeole dans le monde. Mina et al. (2019) publié dans la revue Science ont utilisé un test sanguin appelé VirScan, ont analysé de manière exhaustive le répertoire des anticorps chez les enfants avant et après une infection naturelle par le virus de la rougeole, ainsi que chez les enfants avant et après vaccination contre la rougeole. Ils ont découvert que l'infection par la rougeole peut considérablement diminuer les lymphocytes B qui constituent la mémoire immunitaire acquise précédemment.  une infection par la rougeole augmente ainsi le risque d'être infecté par d'autres agents pathogènes contre lesquels on était protégé. Ces effets indésirables sur le système immunitaire n'ont pas été observés chez les enfants vaccinés.
encourage le lecteur à aller approfondir dans l'article d'origine : ici

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Fig 1: Le virus de la rougeole (bleu) attaque les lymphocytes B, qui constituent la mémoire immunitaire  [img]. Source : NIBSC/SCIENCE SOURCE"

L'action de la rougeole sur le système immunitaire

"Le virus de la rougeole est directement responsable de plus de 100 000 décès par an. Des études épidémiologiques ont associé la rougeole à une morbidité et une mortalité accrues pendant des années après l'infection, mais les raisons pour lesquelles elles sont mal comprises. Le virus de la rougeole infecte les cellules immunitaires, provoquant une suppression immunitaire aiguë. " Abstract de Mina, M. J., et al. (2019)

Un test qui révèle la mémoire immunitaire par le répertoire d'anticorps reflétant les pathogènes vaincus

"Pour identifier et quantifier les effets à long terme de la rougeole sur le système immunitaire, nous avons utilisé VirScan, un test qui permet de détecter les anticorps dirigés contre des milliers d'épitopes pathogènes dans le sang (Xu, G. J.,et al., (2015). Nous avons étudié 77 enfants non vaccinés avant et 2 mois après l'infection naturelle par le virus de la rougeole. La rougeole a entraîné l'élimination de 11 à 73% du répertoire d'anticorps chez les individus. La récupération des anticorps a été détectée après une nouvelle exposition naturelle à des agents pathogènes. Ces effets sur le système immunitaire n'ont pas été observés chez les nourrissons vaccinés contre le RRO (rougeole, oreillons et rubéole), mais ont été confirmés chez des macaques infectés par la rougeole. La réduction de la mémoire immunitaire humorale après l'infection rougeoleuse génère une vulnérabilité potentielle aux infections futures, soulignant la nécessité d'une vaccination généralisée." Traduction de Mina, M. J., et al. (2019)
encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine : ici

Les personnes infectées perdent des lymphocytes B produisant des anticorps qui les protégeaient contre des virus rencontrés et vaincus

La figure 2 montre à quel point les anticorps contre divers virus ont diminué après la rougeole : on voit bien la prédominance du bleu dans les colonnes encadrées qui indique une diminution de 10 à 100x après la rougeole.  Les auteurs argumentent le cas plus complexe des enfants vaccinés MMR ici 


Fig 2 : A: Les schémas en fuseau montrent la variation globale des anticorps (épitopes en fait) contre l'ensemble des virus testés. Encadré en bleu : après la rougeole modérée (MV Mild) ou grave (MV Severe). Cntl = témoins, MV neg : personnes n'ayant pas eu la rougeole , MMR vac = personnes vaccinées  
E : variation des anticorps
. Bleu signifie une baisse (échelle logarithmique: -2 signifie 100x moins)    [img]. Source : Mina, M. J., et al. (2019) 

Qu'en faire en classe ?


On peut extraire de ces donnée plusieurs points qui étayent joliment l'explication de l'immunité qu'on peut faire dans les écoles en adaptant évidemment le niveau de formulation au public correspondant .
  • La mémoire immunitaire réside dans la présence de clones de lymphocytes B  produisant un anticorps spécifique contre l'antigène (les épitopes ou déterminant antigénique). Si on élimine ces cellules il n'y a plus de mémoire. Plutôt qu'une explication animiste du genre " le corps se souvient du microbe", cet exemple permet de montrer la force d'une explication biologique ( en termes de molécules et de cellules et de leurs interactions).  Cf. par exemple  Janeway (2001) ici
  • Le fait qu'on puisse mesurer les anticorps présents dans le sang avec VirScan illustre bien comment les (clones de) lymphocytes B mémoire qui produisent durant des années des anticorps sont cette mémoire immunitaire. Leur  présence révèle l'histoire des activations du système immunitaire. Cf. par exemple dans  Janeway (2001) ici
  • Le vaccin sélectionne et active les lymphocytes particuliers qui réagissent contre les antigènes du virus : cf fig. 2  colonne A Colonne "MMR vac ..." le fuseau bleu acier augmente nettement alors qu'il diminue chez ceux qui ont eu la maladie : vaccinés ils sont mieux protégés contre la rougeole.
    • La sélection clonale est bien expliquée dans  Janeway (2001) ici

( Les membres Expériment@l-Tremplins peuvent obtenir ces articles).

Références:

  • Janeway, C. A., Travers, P., Walport, M., & Shlomchik, M. (2001). Immunobiology. New York and London: Garland Science. ici
  • Mina, M. J., Kula, T., Leng, Y., Li, M., Vries, R. D. de, Knip, M., … Elledge, S. J. (2019). Measles virus infection diminishes preexisting antibodies that offer protection from other pathogens. Science, 366(6465), 599‑606. https://doi.org/10.1126/science.aay6485
  • Xu, G. J., Kula, T., Xu, Q., Li, M. Z., Vernon, S. D., Ndung'u, T., … Elledge, S. J. (2015). Comprehensive serological profiling of human populations using a synthetic human virome. Science, 348(6239), aaa0698‑aaa0698. https://doi.org/10.1126/science.aaa0698



mercredi 13 novembre 2019

Des amibes pour remplacer les souris de laboratoire ? Quel modèle... ?

Des amibes pour remplacer les souris de laboratoire ?

Réduire le nombre de tests sur des animaux en sélectionnant d'abord les composés anti-infectieux sur des amibes infectées afin de ne conserver que les plus efficaces. Tel est l'objectif de la recherche publiée en 2018 dans la revue Scientific Report (ici)et récompensée cet automne par le prix 3R de l'Université de Genève (UNIGE). Ce prix est attribué depuis 2016 à un chercheur de l'UNIGE pour sa contribution aux 3R. C'est ce qu'indique l'université de Genève dans une nouvelle ici.

Les principes 3R - «réduire», «affiner», «remplacer» - visent à réduire le nombre d'animaux utilisés lors des expériences, à affiner la méthodologie pour minimiser les contraintes qui pèsent sur l'animal tout en améliorant la qualité des résultats obtenus et à: remplacer le modèle animal par des méthodes alternatives dès que possible.
Source "Amoebas to replace laboratory mice"—Communiqués de presse UNIGE ici.

Une Amibe est-elle un bon modèle pour la tuberculose humaine ou chez la souris ?

Cet exemple met bien  en évidence pour nos élèves la très grande similitude des fonctionnements cellulaires, malgré les apparences,  entre les amibes et la souris puis l'homme, et peut contribuer à des discussions sur l'unicité et la diversité du vivant ( cf. Bio-Tremplins ici).

La classification des Amibes et leur proximité par rapport autres groupes et notamment au notre prend aussi ici un sens intéressant.
Cf. cet arbre de la vie développé à la faculté des science de l'UniGE. pdf

La notion de modèle animal ou expérimental peut être joliment discutée. Cf
Le contexte ?
Évidemment cette nouvelle de l'UniGE s'inscrit dans le contexte des votations prochaines, où les questions d'élèves pourraient être nombreuses et cet éclairage d'un chercheur peut intéresser des enseignants désireux d'avoir un large éventail de perspectives.

une image vaut mille            mots ... mais peut être interprétée de mille manières
Fig 1: Photographie au microscope électronique d'une amibe infectée par des mycobactéries (colorée en bleu pour faciliter la visualisation). [img]. Source :© UNIGE

3R - «réduire», «affiner», «remplacer» -> réduire le nombre d'animaux utilisés lors des expériences

L'université de Genève décrit l'article qui a obtenu ce prix (traduit source : ici )
"En développant une technique permettant de tester des composés anti-infectieux sur des amibes infectées afin de ne retenir que les plus efficaces, le groupe de Thierry Soldati, professeur associé au département de biochimie de la faculté des sciences de l'UNIGE, permet de réduire le nombre de tests qu'il faudra ensuite effectuer sur la souris. Leurs recherches répondent aux critères de la politique des 3R «qui s'est imposé comme la norme éthique internationale en matière d'expérimentation animale», explique Marjolaine Philit, directrice de l'expérimentation animale à l'UNIGE.

La première ligne de défense de notre système immunitaire est constituée de cellules macrophages, une variété de globules blancs, capables de faire la distinction entre ce qui appartient à l'organisme et ce qui est étranger pour l'éliminer. Mais dans le cas d'une infection comme la tuberculose, ces macrophages ne peuvent pas terminer leur travail et éliminer la bactérie. Nous devons donc les aider en utilisant des antibiotiques. La pharmacopée mondiale d'antibiotiques contre le bacille de la tuberculose est de plus en plus contrariée par l'apparition de bactéries résistantes. La réponse réside donc dans le développement de nouveaux composés chimiques, synthétiques ou naturels. Pour sélectionner les antibiotiques, l'industrie pharmaceutique teste leur efficacité directement sur la bactérie de la tuberculose, mais la grande majorité de ces composés échouent lorsque la recherche se poursuit sur des cellules ou des animaux infectés, car la bactérie ne se comporte pas de la même manière.

Le défi consiste donc à éliminer le plus rapidement possible les composés qui ne guérissent pas l'infection chez les animaux. À cet effet, le groupe Thierry Soldati a mis en place un système de sélection des composés qui agit en tant que filtre et prédit de manière fiable quels composés seront les plus efficaces. meilleurs anti-infectieux. «Nous avons utilisé un échantillon de 180 composés fournis par GlaxoSmithKline, tous efficaces contre les bactéries responsables de la tuberculose», déclare Thierry Soldati. Mais au lieu de les utiliser sur les bactéries, l'équipe de recherche a utilisé des amibes, des êtres unicellulaires de sols forestiers qui se comportent de manière comparable à nos macrophages. Les macrophages utilisent les mêmes «outils» que les amibes pour identifier et tuer une bactérie. Tous deux peuvent être infectés par la bactérie de la tuberculose, d'où la pertinence de ce système modèle. «L'utilisation d'une amibe infectée est une technique simple utilisée par les chercheurs depuis environ 15 ans. Nos dernières publications montrent qu'elles peuvent être utilisées pour sélectionner des produits chimiques anti-infectieux », explique-t-il. Il s'agit donc d'un modèle performant, et c'est ce que réaffirme le prix 3R.

«Nous avons pu montrer que seuls 5% des composés chimiques efficaces contre les bactéries continuaient à donner des résultats sur les amibes infectées et restaient éligibles pour la phase suivante, à savoir des essais sur des animaux infectés. Grâce à cette sélection beaucoup plus fine de nouveaux composés, l'équipe de Thierry Soldati est en mesure de réduire d'un facteur 10 à 100 le nombre d'individus requis lors du passage à l'expérimentation animale. Sans cette recherche, des centaines de composés seraient testés sur des souris qui auraient eu peu de chance d'être efficaces.

«Nos recherches se concentrent maintenant sur la sélection de composés naturels que l'on trouve souvent dans les plantes médicinales utilisées dans les médecines traditionnelles, en Afrique ou ailleurs. Nous pouvons ainsi combiner les techniques 3R avec l'utilisation du modèle amibe, les sciences pharmaceutiques pour isoler les composés à tester et les connaissances ancestrales pour développer de nouvelles classes de composés anti-infectieux! » Conclut Thierry Soldati.
(Notre Traduction. encourage le lecteur à aller vérifier dans l'article d'origine :  ici

vendredi 8 novembre 2019

La médecine de précision… pour comprendre, pour enseigner !

Alors que chaque discipline scolaire doit développer l'"approche transdisciplinaire de la culture numérique ", des approches transdisciplinaires ont permis de magnifiques progrès en médecine, notamment contre le cancer.  Elles permettent stratégie thérapeutique adaptée à l'histoire et aux données génétiques de chaque patient. On parlait récemment de medcine personnalisée.  Ce que cela signifie exactement n'est probablement pas très clair pour beaucoup...

Or le SIB (Institut Suisse de Bioinformatique) (avec qui nous avons collaboré pour développer des formations continues sur la bioinformatique depuis 2004) vient de mettre en ligne le site Precisionmed.ch1. Ce site fournira de précieuses informations aux enseignants et aux élèves pour mieux comprendre cette évolution récente qui s'appuie sur la bioinformatique, mais aussi la dimension humaine des médecins et d'autres compétences réunies dans des équipes appelées Tumor Board Moléculaire.

Les auteurs de ce projet ont sélectionné pour un très bon review :

The lineage              of mitotic cell divisions from the fertilized egg to a              single cell within a cancer showing the timing of the              somatic mutations acquired by the cancer cell and the              processes that contribute to them
Fig 1:Les divisions cellulaires mitotiques de l'œuf fécondé à une cellule dans un cancer, indiquant le timing des mutations somatiques acquises par la cellule cancéreuse et les processus qui y contribuent [img]. Source : Stratton, M. R., Campbell, P. J., & Futreal, P. A. (2009)

1 . en collaboration avec l'Université de Lausanne et le CHUV – dans le cadre de l'initiative SantePerso (www.santeperso.ch).


La médecine de précision

Un nouveau site web pour comprendre la médecine de précision : www.PrecisionMed.ch
Ce site est accessible depuis www.chromosomewalk.ch et est disponible en FR et EN.
Pourquoi un tel site ? La médecine dite de précision s'appuie sur les nouvelles technologies pour identifier une stratégie thérapeutique adaptée à l'histoire et aux données génétiques de chaque patient. En oncologie, la médecine de précision est déjà une réalité.


 Cette 'nouvelle' médecine soulève de nombreuses questions : Comment le patient est-il pris en charge? Quelles sont les approches? Quel est le rôle de la bioinformatique? Quels sont les défis? Quels sont les enjeux et quelles sont les limites?
Le site PrecisionMed.ch propose un résumé des concepts biologiques en un dessin, un glossaire, des dossiers pour comprendre l'importance des protéines lorsque tout va bien ou lors d'une maladie comme le cancer (C'est quoi une protéine? C'est quoi une mutation?), deux exemples concrets de traitement ciblé (Un exemple de chimiothérapie ciblée Un exemple d'immunothérapie ciblée), des dossiers pour comprendre le rôle incontournable de la bioinformatique face à la quantité et à la complexité croissantes des données biomédicales générées par les nouvelles technologies (C'est quoi un profil génétique?) et/ou le rôle des outils de prédiction lorsqu'aucune information n'est disponible sur l'impact d'une mutation, aussi bien en recherche qu'en clinique (C'est quoi la modélisation moléculaire?).

Et finalement, des vidéos avec des interviews de patients et des différents experts du Tumor Board Moléculaire (TBM) du réseau romand d'oncologie : biologistes, médecins, bioinformaticiens, … (En images).  Le TBM utilise justement ces nouvelles technologies pour proposer une stratégie thérapeutique 'sur mesure' aux patients : il suit plusieurs centaines de patients chaque année depuis 2016.

A vous de jouer! Un atelier pour découvrir pas à pas les différentes étapes des analyses effectuées (du séquençage de l'ADN à l'interprétation des résultats) est à votre disposition: http://education.expasy.org/bioinformatique/pdfs/A_vous_de_jouer.pdf
La revue 'The cancer genome' publiée en 2009 dans Nature est un bon complément au site.
Le site Precisionmed.ch a été développé par le SIB Institut Suisse de Bioinformatique (Qui  sommes-nous?) en collaboration avec l'Université de Lausanne et le CHUV – dans le cadre de l'initiative SantePerso (www.santeperso.ch).
Lire le communiqué de presse (FR, EN)
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(Les membres Expériment@l-Tremplins peuvent obtenir ces articles).

Références: