samedi 15 décembre 2007

Le QI ... inné ou acquis ? les 2 !

Encore un intéressant exemple qui met en évidence combien chercher à trouver si une capacité cognitive est innée ou acquise n'est pas une manière efficace d'aborder le problème ! C'est plutôt comment l'un interagit avec l'autre qui est intéressant a explorer et finalement bien plus utile.
Coluche dans un de ses sketches :
"L'intelligence, c'est la chose la mieux répartie chez l'homme, parce que quoi qu'il en soit pourvu, il a toujours l'impression d'en avoir assez vu que c'est avec ça qu'il juge..."
On répète souvent qu'il citait Descartes, en fait je crois qu'il faisait allusion à
"Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée (...] La puissance de bien juger, et distinguer le vrai d'avec le faux, qui est proprement ce qu'on nomme le bon sens, ou la raison, est naturellement égale en tous les hommes. "
René Descartes Discours de la méthode
On sait bien que le QI n'est pas une mesure indiscutable de l'intelligence, mais certains tests (Wechsler notamment) produisent des valeurs répétitibles et comparables avec certaines précautions. Aussi on l'utilise encore passablement. Il est un raisonnablement bon prédicteur de réussite scolaire. Sa valeur augmente régulièrement - depuis qu'on le mesure - d'environ 3 point par décennie. Son héritabilité est abondamment discutée (p.ex. ici). Le débat sur la porté et la pertinence de ce chiffre n'est pas clos et probablement pas intéressant.
Reste que la plupart des gens souhaiteraient que leurs enfant ait un QI plutôt élevé !

Nous parlons ici du QI et non de l'intelligence !

Utilisons donc ce chiffre avec prudence. Et aidons les élèves à travailler avec des concepts qui ne sont pas noir ou blanc, juste ou faux. Le QI n'est pas faux, ni vrai: il n'est pas une bonne mesure de l'intelligence (qu'on aurait de la peine à définir de manière définitive), ni de toutes les intelligences. Il est cependant utilisable avec précautions.

L'allaitement au lait maternel est favorable au QI, mais surtout si on a le bon gène...

Un exemple récent illustre bien combien le débat inné acquis est mal posé : une recherche par Caspi, A. et al.(2007) publiée dans PNAS révèle que précisément que c'est dans l'interaction entre certains gènes et certaines méthodes d'allaitement que se joue l'effet favorable sur la valeur de QI
Matt Kaplan nous en parle dans une news de nature The gene that turns breast-milk into brain food (intranet).
Getty
L'allaitement au sein est considéré comme favorable pour de nombreuses raisons. On avait observé que les enfants nourris au sein ont en général un QI plus élevé

Scores de QI moyen selon le mode d'allaitement et les allèles du gène PADS2 (C, ou G) En bleu foncé allaitement au sein.

Dans cette étude statistique sur des population en Nouvelle-Zélande (n=1'037) et en Grande-Bretagne (n=2,232) Caspi et al. ont trouvé que les gains sont respectivement de 5.6 et 6.3 points de QI mesurés à 5, 7 ou 9 ans.

On soupçonne depuis un temps fortement les acides gras poly-insaturés qu'on trouve dans le lait humain mais pas celui de la vache. L'acide docosahexaenoique (DHA; 22:6n-3) et arachidonique (AA or ARA; 20:4n-6)) On sait que des quantités substantielles de DHA et de AA s'accumulent dans le cerveau humain durant les premiers mois de la vie et que le enfants nourris au sein ont des concentrations de DHA et d' AA que les enfants nourris au lait pour biberon habituel (sauf en cas d'apport de ces acides gras)

Variantes de ce gène vs. QI ?
Ils ont alors cherché quelle variante du gène FADS2 les enfants avaient : un frottis buccal a permis d'identifier les allèles dont chaque enfant était porteur. (En fait ils ont cherché les SNP qui révèlent la variante présente.)
C et G
Ensuite ils ont cherché s'il y avait un lien entre les variantes de ce gène et le QI mesuré :
Ils ont trouvé que selon la variante qu'avaient les enfants d'un SNP au nom charmant de rs174575 leur QI était statistiquement différent.
En moyenne les porteurs de l'allèle C avaient 7 (NZ) et 6.3 (GB) points de QI de plus quand ils sont nourris au sein alors que les homozygotes GG qui étaient dans la moyenne quel que soit le mode d'alimentation.

Que sont ces variantes C et G ?
Les SNP (Single Nucléotide Polymorphism) sont des différences identifiées du génome dont on connaît la position et qui sont faciles à tester (je présume par PCR) elles sont répertoriées dans des bases comme dbSNP et nous pouvons y accéder facilement.

Notons bien que les SNP sont des sortes de marqueurs : c'est un peu comme regarder l'ADN par plein de petits trous de serrures : dans cet article Caspi et al. n'a pas travaillé sur la séquences réelles des variantes de ce gène : on distingue simplement ceux qui ont à cette position particulière (le SNP) un C ou un G
On imagine évidemment que probablement de nombreuses autres bases sont aussi différentes avant et ou après ce SNP. Mais la variante de ce SNP indique d'un changement dans l'ADN là ou très près de cette position.

Pour explorer un peu plus ou faire explorer :
Ainsi ce n'est dans ce cas ni la génétique ( la variante C ou G du gène FADS2 que possède un nourrisson), ni l'environnement (la méthode d'allaitement) qui compte... c'est l'interaction entre l'un et l'autre : "genes may work via the environment to shape the IQ" (Caspi, 2007)

Pourquoi l'allèle moins performant existe-il encore ?
Peut-être que l'allèle G protégerait les enfants dans des circonstances où ils ne reçoivent pas assez de lait maternel. Dit une psychologue du développement, Linda Gottfredson, à l'University of Delaware à Newark.
"It is almost as though the G allele evolved as a protective genotype for children who might not get enough breast-milk,".
Personnellement je ne trouve pas cet argument très convaincant, et vous ?
Ainsi le débat sur l'inné et l'acquis s'avère encore une fois mal posé : comment l'environnement et les gènes influencent-ils telle ou telle caractéristique est plutôt la question !
Merci de me signaler toute erreur ou omission, j'écris avec probablement pas mal de fièvre !
Sources
  • Caspi, A. et al.(2007) Moderation of breastfeeding effects on the IQ by genetic variation in fatty acid metabolism. Proc. Natl Acad. Sci. USA doi: 10.1073_pnas.0704292104 (2007). (intranet)

  • Matt Kaplan, 2007 The gene that turns breast-milk into brain food Nature new 5 November 2007 | Nature | doi:10.1038/news.2007.217 intranet

  • L'abstract de l'article PNAS de Caspi Children's intellectual development is influenced by both genetic inheritance and environmental experiences. Breastfeeding is one of the earliest such postnatal experiences. Breastfed children attain higher IQ scores than children not fed breast milk, presumably because of the fatty acids uniquely available in breast milk. Here we show that the association between breastfeeding and IQ is moderated by a genetic variant in FADS2, a gene involved in the genetic control of fatty acid pathways. We confirmed this gene-environment interaction in two birth cohorts, and we ruled out alternative explanations of the finding involving gene- exposure correlation, intrauterine growth, social class, and maternal cognitive ability, as well as maternal genotype effects on breastfeeding and breast milk. The finding shows that environmental exposures can be used to uncover novel candidate genes in complex phenotypes. It also shows that genes may work via the environment to shape the IQ, helping to close the nature versus nurture debate.

dimanche 25 novembre 2007

....démarche scientifique ?

A un moment où on parle beaucoup de la démarche scientifique, il est peut-être utile d'explorer un peu :
Au fond qu'est-ce que la démarche scientifique ?

Je vais tenter - dans le cadre de ces Bio-Review - de me distancer d'un débat pourtant crucial, pour une forme de review ici aussi : rassembler quelques réflexions issues des recherches sur cette question et qui pourront nourrir le débat.

Qu'est-ce que la science ?

En ce qui concerne la biologie voici une définition:
Avant tout, les biosciences sont des sciences expérimentales et se définissent par les caractéristiques suivantes :
1. Les connaissances sont fondées sur l'observation ou l'expérimentation.
2. C'est un ensemble de méthodes et de disciplines groupées autour des processus vivants et des interrelations entre les organismes vivants.
3. Elles existent dans un environnement d'hypothèses courantes plutôt que de certitudes.
4. Elles incluent des disciplines en changement rapide.
5. Ce sont des disciplines essentiellement pratiques et expérimentales .
(Sears & Wood, 2005, p.3 Traduction personnelle)

Pour un tableau très complet de ce que sont les compétences d'un biologiste (ici) (Hounsell, D., & al. 2002)

Avec cette définition la science est une manière de produire des connaissances où tout ce qu'on sait est basé sur des données expérimentales, et le savoir est hypothèses courantes.

Une science des conclusions
On sait bien que dans l'école il est très difficile de dépasser l'enseignement des conclusions :
A) "le SIDA est apparu en Afrique."

est bien plus facile que :

B) "Selon des études récentes il est très probable que le SIDA soit apparu en Afrique. Sur la base notamment de l'examen des échantillons de sang conservés datant de différente époques et les différentes souches pour leurs mutations, on peut extrapoler une origine vers 1930 (Cf Fig 25.17 du Campbell 2002) . D'autre part la présence d'un virus similaire chez le chimpanzé suggère une transmission à l'homme lors d'un contact sanguin ( chasse, par exemple) '' etc...

  • Les élèves préfèrent A),
  • Les parents ne vous enquiquineront pas avec A),
  • on risque moins la controverse et les théories diverses sur l'origine du SIDA (fuite d'un labo, vaccin polio raté, expérience bio-militaire, etc).
  • On risque moins de ne pas finir le programme avec A),
  • On n'aura pas a justifier le choix A) devant qui que ce soit.

Le risque qu'on enseigne une conclusion plutôt qu'une démarche scientifique vers des connaissances "fondées sur l'observation ou l'expérimentation", et qui "existent dans un environnement d'hypothèses courantes plutôt que de certitudes".

Démarche scientifique : pourquoi ?

Pourtant l'acquisition de cette démarche est clairement un objectif pour la matu:
"Au terme de sa formation gymnasiale, l'élève a acquis la capacité de mettre en pratique une démarche scientifique, de la justifier et de la communiquer. " (Plan d'études du collège de Genève, 2005)

Une méthode scientifique générale ?
Cela pourrait donner à penser qu'il y a une méthode unique. Ceux qui ont étudié cela pensent plutôt que la recherche est ancrée dans une discipline :
"Ce serait une erreur de croire qu'il existe une méthode scientifique générale, universelle, qui pourrait s'appliquer à tous les exemples de recherches. Et pourtant, cette idée est largement répandue, aussi bien dans le grand public que chez les enseignants." (de Vecchi 2006, p. 46)

Démarche scientifique = OHERIC ?

On a souvent décrit la démarche scientifique par l'acronyme OHERIC, composé par André Giordan de l'UniGe à partir des initiales de chaque étape (observation, hypothèse, expérience, résultats, interprétation, conclusion). Il a montré que ce modèle ne correspond pas à la réalité de la démarche d'un chercheur en sciences. " OHERIC ne répond plus ; ... ce schéma prétendument dérivé de C. Bernard s'est vite avéré n'être qu'un schéma reconstruit, [...] et sans grande valeur formative, puisqu'il ne correspond ni à des procédures que peuvent suivre les élèves, ni au fonctionnement réel de l'activité scientifique. » (Astolfi, J. -P. in Vialle, B. 1999).
Cela a été longtemps le modèle dominant en France ( et l'est peut-être encore ici ou là : exemple )
Le principal reproche fait à ce modèle est de donner l'impression que l'investigation scientifique suit un schéma linéaire rigoureux comme un formel militaire.

Une démarche complexe guidée par des questions
La démarche scientifique est probablement beaucoup plus faite de va-et-vient entre hypothèses et expérimentation, dans un mouvement qu'on doit guider pour qu'il progresse vers une connaissance. Voir par exemple ici (F. Pellaud 2001) de l'équipe de Giordan.
Pour (Sandoval, 2003) par exemple elle est un processus itératif de questionnement, d'acquisition de données, d'interprétation et de conclusions. Susciter des questions et accompagner l'expérimentation pour leur trouver des réponses est ici central.
Si encourager les apprenants à une démarche scientifique c'est leur apprendre à étayer et développer activement leurs propres idées, cela entre en tension avec le souci de leur faire apprendre des savoirs clairement établis "scientifiquement prouvés" (Sandoval & Daniszewski, 2004).
Comme on l'a vu plus haut... il est bien difficile d'intégrer ces approches, et chacun tente de le faire à sa façon. Les occasions sont rares de mutualiser les réussites, et il n'est guère dans les habitudes des enseignants -partout- de partager leurs bonnes idées !
Modestie, crainte de se mettre en avant ?

Qu'est-ce que l'expérimentation ?

De Vecchi (2006) - d'ailleurs un ouvrage intéressant et facile à lire, truffé d'exemples et de conseils pratiques - insiste sur l'importance d'aider à construire à travers l'expérimentation une compréhension du phénomène étudié.
Pour lui l'important n'est pas seulement de manipuler comme un simple exécutant au cerveau plutôt passif, mais de partir de situations qui ont du sens pour l'élève, de chercher à développer dans ces expériences l'invention d'un modèle, d'un principe général et ré-applicable.

Il faut les faire manipluer ?
Il faudrait donc baser la compréhension des élèves sur les données, mais tout faire pour ne pas rester dans la simple manipulation, aller vers une vraie compréhension. Mais alors c'est quoi comprendre, vraiment ?
Je propose comme définition de comprendre en biologie : "Il peut prédire ce que fait le système, la cellule, le ribosome, etc dans une situation non encore étudiée." Il y a alors de degrés de compréhension différents.

L'ExAO comme moyen de dépasser la manipulation pour aller vers la compréhension plus élevée ?
L'Expérimentation Assistée par Ordinateur (ExAO) a été beaucoup encouragée.
"On va gagner du temps! On va développer des habiletés de niveau supérieur, déléguant aux machines les aspects inintéressants, répétitifs, etc.
La mise en pratique a donné des résultats mitigés. La thèse de Brigitte Vialle a montré qu'on risque des problèmes causés par l'éloignement aux phénomènes biologiques. Dans certains cas, ils peuvent avoir l'impression de se retrouver servants d'un système technique qui décide à chaque moment de ce qui est possible voire de ce qui est souhaité." (Baron, G.-L., &al. 2004)

Ainsi l'ExAO n'est en soi ni une bonne ni une mauvaise démarche : c'est comment on la met en oeuvre qui détermine si elle est efficace ou non.

Après l'expérience : écrire pour comprendre ?
Une des pistes explorées est de mettre l'accent sur le prolongement des expériences dans des productions des élèves ( les rapports de labo sont un bon exemple) En France, dans les lycées on pratique les Travaux Personnels Encadrés (TPE) au lycée ou encore l'opération La Main à la Pâte à l'école primaire.

La réflexion sur la démarche scientifique : dans d'autres pays aussi !
Un très fort mouvement soutenu officiellement en France, intitulé "Main à la pâte" (site lamap.fr) initié par le physicien Georges Charpak (Historique ) favorise à l'école primaire une démarche de découverte, basée une réflexion sérieuse à propos de la nature expérimentale de la science.
Aux USA les directives officielle mettent en avant l'Inquiry : qui développe une vision de la science comme une démarche d'investigation, de nature cyclique ( Définition (An) ici très formelle et exemples d'usage aux USA) Discussion sur la base d'un exemple dans la revue Science.

Une démarche citoyenne?

Au-delà du contexte scientifique, c'est développer une certaine vision du citoyen que de défendre une approche où les idées sont acceptées parce qu'elles sont en accord avec les faits, les données et pour leur capacité à résister à la critique plutôt que parce qu'elles sont issues d'une personne d'autorité.
Enseigner la démarche expérimentale développe un certain état d'esprit, favorise la socialisation, la construction d'une pensée critique et permet d'apprendre à remplacer une argumentation s'appuyant sur la force, par les arguments de la logique et du raisonnement. (de Vecchi 2006, p. 260)

L'importance de la démarche scientifique est mise en avant... mais les moyens de l'enseigner ou de la développer font encore débat, on le voit.
Il y a cependant dans les publications des pistes qui sont déjà bien debroussaillées et de quoi gagner du temps en s'inspirant de ces ouvrages et des réussites et des analyses des uns et des autres ici ou ailleurs ...


Sources :

vendredi 23 novembre 2007

Pourquoi les toiles X sont attirantes ?

Vous avez sans doute observé ces araignées un peu artistes qui garnissent leurs toiles de jolis dessins en zig-zag.
A droite : Argiope avec la croix de soie.

Dans une News de Science 19 Novembre Untangling an Artistic Spider Web, Matt Kaplan, parle de ces toiles décorées que tissent les Argiopes. Des travaux récents suggèrent que ces toiles ornées attirent plus les insectes, mais aussi les prédateurs !

Et chez nous ?
On peut observer d'autres espèce de ces araignées chez nous : en voici une observée à Veyrier (2004)

Elles sont courantes à travers l'Europe :
Position taxonomique des Argiope dans Fauna europea.Accès à la carte : cliquer "display on map"

Le rôle de ces décorations remarquables stimule l'imagination depuis longtemps et on a pensé qu'elles attiraient les proies ou feraient fuir les prédateurs, qu'elles seraient une sorte de signal pour que les oiseaux évitent ces toiles, mais on manquait de données sérieuses pour confirmer ou infirmer ces hypothèses.
Des biologists de Taiwan, Ren-Chung Cheng et I-Min Tso de l'université Tunghai à Taichung, ont installé des caméras devant de nombreuses toiles et ont enregistré plus plus de 700 heures de vidéo sur 2 mois. L'espèce observée Argiope aemula, est connue en anglais comme l'araignée de la croix de St. André (St Andrew's cross spider) parce qu'elle décore ses toiles d'un "X" blanc. Ils ont filmé 56 toiles avec décorations et 59 sans.

Ces chercheurs rapportent dans le numéro de nov-déc de Behavioral Ecology que les toiles décorées ont intercepté 60% d'insectes de plus que les non décorées.

Mais ces motifs accroissent aussi les risques de prédation. Sur 18 attaques de guêpes enregistrées, les 273 s'attaquaient à des araignées dans des toiles décorées.

Il y a en effet des guêpes prédatrices d'araignées. Assez courantes chez nous aussi.
Une guêpe prédatrice d'araignée (Ammophile ) de chez nous (Observée en 2003 en valais)

Position taxonomique des Ammophila dans Fauna europea.

les toiles X attirent les insectes ?
Ces résultats suggèrent que ces décorations attirent l'attention des proies et celle des prédateurs. cet équilibre expliquerait pour quoi seulement certaines Argiope aemula décorent leurs toiles. On observe ce genre de compromis chez d'autres espèces : il cite des grenouilles qui chantent de concert pour attirer les partenaires, mais attirent aussi les serpents. Mais c'est la première fois que cet effet est observé pour une structure construite par un animal.
Quand à la raison de cette forme particulière, cela reste un mystère pour En-Cheng Yang, il dit qu'on a bien observé que de nombreux insectes (comme les abeilles) ont une préférence innée pour des objets symétriques Il es très probable que cette croix de St André constitue un stimulus très fort pour les insectes (prédateurs ou proies) , mais il dit qu'il faudra des études neuroethologiques pour élucider ce mystère.

D'autres formes ?

D'autres (Daiqin Li, 2005) avaient déjà observé que les araignées qui pratiquaient ces décorations de toiles croissaient plus vite même si elles se font plus souvent attraper, comme sur cette image, où une araignée sauteuse Portia labiata mange une juvenile d'Argiope versicolor dans une toile très joliment décorée.

SourcesLink
Compléments
  • Auteur inconnu, (2007)Décorations à double détente, La Recherche, 415, I/08 intranet

dimanche 11 novembre 2007

Le Thalamus sous-estimé !

Le Thalamus : un simple centre de relais ?

Le Thalamus est décrit par nos anciens manuels comme une sorte de simple relais entre les organes sens et le cortex où se passerait tout ce qui est important. Meme dans le glossaire du récent (Campbell, 2004 p. G38) on parle de "Principal centre de relais pour les informations sensitives arrivant au cerveau et pour les informations motrices partant du cerveau. "

Depuis quelques années son rôle apparaît comme beaucoup plus fondamental. On le voit de plus en plus comme un centre de décision rapides et plus comme un simple interface.



Fig 1 : Localisation du thalamus (au centre en bleu) (Source Psychology:An Introduction Eleventh Edition by Charles G. Morris,Albert A. Maisto)
Situé au centre de l'encéphale, il est constitué de plusieurs noyaux groupés par leur fonction.(image ici ) Il fait partie du système limbique. (Bien que cette expression soit contestée, elle reste utilisée faut de mieux (cf illustration dans le Purves 2001))

On se souvient (Bio-review 22aout) que le thalamus avait déjà été présenté (Shadlen 2007) comme un centre toujours actif qui veille et réveille le reste. Mais le Thalamus est sans doute bien plus que cela !



Le thalamus : un centre décisionnel ! Exemple pour la vision

Il y a pas mal d'années John LeDoux (1996) a mis en évidence le rôle du Thalamus dans le traitement des informations : les influx visuels (et auditifs, etc.) passent par le thalamus (ça tous les bouquins le montrent depuis longtemps : et il y est question de simple connection et de superposition des champs visuels binoculaires) , mais il a montré que ces influx y sont analysées une première fois.

On mentionne là souvent une part du thalamus : le corps genouillé latéral est un de ces noyaux impliqué dans la vision.



Fig 2 : Les corps genouillés latéraux font partie du thalamus (source :Thebrain- McGill.ca)

LeDoux a mis en évidence 2 circuits : un circuit rapide analyse l'image et détecte notamment les situations d'urgence et active les réactions émotionnelles (par l'amygdale) avant même que les influx soient parvenus au cerveau.

En parallèle, les influx continuent leur chemin vers le cortex qui analyse beaucoup plus finement et vient nuancer la perception, modifier les émotions via l'amygdale qui contrôle les signes de l'émotion (accélération du pouls, tension artérielle, adrénaline, transpiration etc) .

L'illustration de son site (ledouxlab) montre bien ces 2 circuits : circuit rapide en rose et plus élaboré en bleu puis vert.



Fig 3 : Circuit rapide et circuit complexe (LeDoux, 1994)

Dans son exemple classique, lorsqu'on voit une forme allongée sur le sol, le thalamus interprète comme un serpent et active les réactions corporelles qu sont pour lui l'émotion. Le cortex peu ensuite analyser plus finement et réaliser que ce n'était qu'un tuyau d'arrosage ou une racine et limiter ou moduler l'action de l'amygdale. Ce circuit est illustré fort bien illustré dans une belle illustration intranet (S&V)



Fig 4 : Schéma des 2 circuits de la peur dans l'excellent site lecerveau.mcgill.ca : ce site permet d'aborder les concepts à un niveau simple ou complexe.

La vision dans le thalamus est assez sommaire : elle analyse - très vite - une image dans ses formes générales floues (les basses résolutions ou basses fréquences diront les spécialistes du traitement du signal). Cette image peu détaillée détermine cependant de nombreux comportements.

La peur en ligne directe ?

L'équipe du Pr. Vuilleumier (dans le Pôle de recherche en émotions basé à l'UniGe) a été mentionnée il y a quelques temps dans le journal Campus (la peur en ligne directe article.pdf) pour ses recherches sur ce cheminement :

«Ces données indiquent que le cerveau est doté d'un système visuel parallèle au système classique et capable de le court-circuiter, poursuit Patrik Vuilleumier. Toutefois, si cette hypothèse est vraie, le système alternatif doit utiliser des images de basse résolution, ne comportant qu'un minimum de détails, ce qui permet leur transmission plus rapide.» Ils ont alors séparé une image en 2 composantes : l'une avec seulement les contours, nets, et l'autre plus floue (avec les basses fréquences spatiales merci Fourier) Les images floues véhiculaient la peur bien plus que celles qui sont nettes. ( L'article de Campus va bien sûr plus loin et discute notamment de l'interaction avec l'aire de reconnaissance des visages . Il vaut la lecture... tout en étant très accessible : excellent pour susciter des questions en classe...)
image intranet

Fig 5 : la séparation d'une image en 2 composantes : l'une avec seulement les contours, nets, et l'autre plus floue (avec les basses fréquences spatiale) permet d'analyser laquelle cause la peur.

Visages ambigus

Jouant sur cette dissociation entre les composantes de l'image interprétées par le thalamus et le cortex (Schyns, P. et al. 1999)) dans un article intitulé de manière ironique Dr. Angry and Mr. Smile. ont fait une analyse très fine de la manière dont ces image produisaient des effets chez les gens : ils ont produit des images hybrides : un visage de femme exprimant la colère en basses fréquences (flou) et un visage calme en haute fréquences bien nettes, et l'inverse pour un homme. Vues de loin l'image du haut est plus effrayante et de près c'est l'inverse. essayez de vous éloigner 'dun mètre ou deux de votre écran...




Fig 6 : Deux visages hybrides(Schyns, P. et al. 1999) de près on voit l'image en hautes fréquences et on trouve l'homme de gauche plus en colère de loin on voit les basses fréquences et c'est la femme  droite qui parait plus en colère.

Le sourire énigmatique de la joconde : l'ambiguité serait-elle due au thalamus ?

Un article récent de science et Vie (I. L. (2007)Pourquoi dit-on que la Joconde a un sourire énigmatique?, Science et Vie, Février 2007) rapporte un article de Science (Livingstone, M. S. (2000)) qui discute de ce fameux sourire : ici aussi en séparant l'image en hautes fréquences (précis) et basses fréquences (flou) on a des expressions sensiblement différentes. Dans cet article, elle lie la perception des hautes et basse fréquences à la vision périphérique ou centrale. Je me demande si on ne pourrait pas aussi interpréter ces différences à la lumière de la fonction du thalamus... image intranet

Ainsi le Thalamus visuel est déjà bien plus riche qu'un simple connecteur !


Le thalamus fait tourner les têtes ?

Or il semble participer à de nombreuses autres fonctions : le pulvinar (en latin ce terme signifie l'oreiller) se trouve dans la partie postérieure du thalamus et semble impliqué dans l'intégration générale des informations sensorielles.

Il semble notamment qu'il est très impliqué dans le choix de ce qu'on regarde."Les auteurs concluent que ces neurones participent dans l'attention sélective Cette conclusion provient surtout des trois observations suivantes: (i) ces mêmes neurones déchargent lorsqu'un objet apparaît dans leur champs récepteur, ils sont donc capables de signaler un changement; (ii) leurs réponses changent si ce stimulus est une cible pour un comportement actif; (iii) ces neurones déchargent juste après la réalisation d'une saccade, même dans l'obscurité complète, ce qui serait utile pour un mécanisme attentionnel qui signalerait qu'une recherche attentionnelle ou un déplacement vient d'être accompli. Ces trois observations peuvent donc suggérer que: (i) une cible vient d'être détectée, (ii) elle a été sélectionnée pour un traitement approfondi, (iii) une saccade a été réalisée afin de l'examiner." (source : Michael G.A. 2005)

Ainsi si les jolies femmes font tourner la tête aux hommes et les beaux mecs aux femmes, c'est la faute (en partie) au Pulvinar dans le thalamus..

Le thalamus au centre de la régulation le sommeil / éveil

On se souvient news@Nature (Hopkin, 2007), (Bio-review 22aout) que stimuler le thalamus a pu rendre une personne dans un état de conscience minimale plus réactive et dans un article paru dans le même numéro, Shadlen (2007) y défendait l'idée que le thalamus serait un peu le centre qui reste toujours fonctionnel et réveille le reste : notamment le cortex.



Figure 7 : Une activation du Thalamus endort un chat éveillé. (source : Purves 2001) (B) Electrical stimulation of the thalamus causes an awake cat to fall asleep. Graphs show EEG recordings before and during stimulation.

Selon (Purves 2001) le sommeil / éveil résulte d'une interaction entre le thalamus et le cortex, eux mêmes influencés par des structures plus profondes. "In brief, the control of sleep and wakefulness depends on brainstem and hypothalamic modulation of the thalamus and cortex. It is this thalamocortical loop that generates the EEG signature of mental function along the continuum of deep sleep to high alert." image

On voit bien que ce sacré thalamus est bien plus qu'une prise !

Pour aller plus loin ...
  • Qu'en est-il pour l'audition et les autre sens : comme la vision est-ce que le Thalamus surveille et alerte en cas d'urgence ?
  • Ce thalamus toujours actif pourrait-il expliquer pourquoi les mamans (et certains papas ne soyons pas sexistes) n'entendent pas le bruit des camions sur la route mais se réveillent au moindre toussottement de leur enfant ?
  • Serait-ce la cause de cette faculté à ignorer les bruits habituels d'un maison connue, alors que ces mêmes bruits réveillent les invités ?
... Merci de me signaler toute erreur / complément / mise ne perspective en commentant dans ce blog

Des ouvrage de référence gratuitement accessibles ?
Sources :
Compléments :

mercredi 31 octobre 2007

Pourquoi les feuilles d'automne virent au rouge ?

Les feuilles d'automne sont souvent rouges !


Dans une news @Nature récente Katharine Sanderson décrit les recherches deEmily Habinck de l'Université de Caroline du Nord : Un jour elle a observé que les arbres dans une plaine alluviale étaient bien plus rouges que sur une hauteur proche. Or le sol est très riche dans la plaine et pauvre en nutriments sur les hauteurs. Elle a présenté à une conférence de la société géologique d'Amérique à Denver, Colorado ses conclusions : rendre la feuille rouge est coûteux, mais permet de récupérer plus de nutriments (azote notamment) vers le tronc et les racines et donc un sol pauvre oblige la plante a rougir les feuilles pour mieux récupérer le peu qu'il y a.

Complément  février 2014 : De récentes recherches apportent a cette question des réponses assez solides : Cf  Bio-Tremplins fin 2013

Une question encore ouverte !

La question de la couleur des feuilles à l'automne, apparemment facile, n'a pas de réponse claire et indiscutable d'après Sanderson, surtout en ce qui concerne ces splendides rouges.

On sait qu'avec l'arrivée de l'automne et la nuit qui s'allonge, les feuilles décomposent la Chlorophylle de leurs feuilles et redistribuent les nutriments vers les racines et les troncs. La couleur jaune des caroténoïdes (notamment les carotènes alpha et bêta et la Lutéine) - qui bien là avant - est alors dé-masquée.

Mais les rouges proviennent d'anthocyanes qui sont des pigments rouges (en milieu acide, ils sont de bons indicateurs de pH) fabriqués spécialement à l'automne.

Pourquoi la plante perdrait de l'énergie à fabriquer des pigments dans des feuilles condamnées durant cette phase de mise en réserve a fait l'objet de spéculations depuis longtemps. Certains ont proposé un rôle d'antioxydant, ou pour attirer les oiseaux afin de disséminer le fruits, ou encore pour mieux capter les rayons du soleil et lutter contre le froid. On a aussi observé que les couleurs les plus somptueuses se produisent lors des automnes froids.


Un rôle protecteur contre les effets de la lumière ?
William Hoch, en 2001 avait proposé que ces pigments agiraient comme une protections solaire - une fois que la chlorophylle est éliminée et n'absorbe plus les rayons du soleil - ce qui conserve les feuilles sur l'arbre plus longtemps et permet d'en extraire plus de nutriments. En effet les feuilles restent plus longtemps sur l'arbre si elles sont protégées. Hoch a produit des arbustes mutants (Cornus sericea, Vaccinium elliottii , et Viburnum sargentii) qui ne produisent pas d'anthocyanes. Ces arbres ont perdu leurs feuilles encore vertes lorsqu'elles ont été exposées au stress du froid et de la lumière, et les arbres ont stocké beaucoup moins d'azote pour l'hiver.
En effet la lumière produit dans les cellules des radicaux libres qui sont potentiellement destructeurs. Les plantes sont capables de "tourner à vide " pour dissiper l'excès d'énergie captée.
Je pense que le froid aggrave la situation car il ralentit les réactions chimiques et donc l'absorption d'énergie en amont.
L'étude de Emily Habinckdans la Réserve de Charlotte renforce cette hypothèse du rôle protecteur des anthocyanes : sur un sol pauvre, il est avantageux de produire des anthocyanes pour sauvegarder les feuilles le plus longtemps possible. L'étape suivante est d'analyser les images satellites pour voir si une corrélation peut être montrée entre les colorations des arbres et la nature du sol.

Limites

Cette hypothèse n'explique pas de manière très convaincante pourquoi certaines espèces sont presque toujours rouges et d'autres quasi-jamais. Probablement que c'est une partie de la réponse seulement. D'ailleurs L'article de Hoch et al (2003) suggère que certains arbres (Betula papyrifera)parviennent fort bien à récupérer autant d'azote sans produire d'anthocyanes

On n'a donc pas LA Réponse unique et définitive. (ça n'arrive que dans les romans : 42)

Peut-être que c'est frustrant, sûrement que c'est un reflet honnête de la science où les connaissances se construisent peu à peu dans un champ d'incertitudes qui recule toujours en s'élargissant.
Le savant n'étudie pas la nature parce que cela est utile; il l'étudie parce qu'il y prend plaisir et y prend plaisir parce qu'elle est belle. Si la nature n'était pas belle, elle ne vaudrait pas la peine d'être connue (et) la vie ne vaudrait pas la peine d'être vécue. Je ne parle pas ici, bien entendu, de cette beauté qui frappe les sens, de la beauté des apparences; non que je n'en fasse fi, loin de là, mais elle n'a rien à faire de la science; je veux parler de cette beauté plus intime qui vient de l'ordre harmonieux des parties, et qu'une intelligence pure peut saisir.
Simon Singh, (2007), Le roman du Big Bang, Ed J.-C. Lattes p.30

Compléments

On le sait, au moment où les feuilles doivent être abandonnées elles ne tombent pas simplement parce qu'elles sont mortes,l'abscission est un processus actif (on le voit bien lorsqu'une branche est coupée en été : les feuilles meurent, mais restent bien fixées) : la plante produit une zone spéciale protectrice, avec du liège et une zone séparatrice (où la paroi des cellules est dégradée). Cette zone d'abscission à la base du pétiole qui permet de se séparer activement des feuilles. Cette abscission est inhibée chez les feuilles jeunes par des cytokinines et activée par l'hormone Éthylène.

Fig 2 : Le pétiole dans la zone d'abscission
Source : McGraw-Hill Online Learning Center Test
L’éthylène - un gaz- stimule aussi le mûrissement de nombreux fruits et explique comment on fait mûrir les bananes en entrepôt avec ce gaz ... que nos grand-mères savaient mettre à profit : une pomme mûre dans un cornet avec des fruits verts accélère leur maturation .Cela explique pourquoi dans un navire bananier, si quelques bananes mûrissent on jette par dessus-bord toute la cargaison du secteur concerné : sinon elles mûrissent toutes d'un coup et pourrissent vite ! .
Pourquoi un fruit mûr accélérerait à ce point les autres à mûrir est une belle question : ce feed-back positif pourrait assurer une meilleure dissémination en attirant de plus nombreux animaux. Et les fruits qui mûriraient après les autres risqueraient d'être ignorés par les animaux disséminateurs en train de se goinfrer sur d'autres arbres pleins de fruits plus loin !
mais c'est juste une hypothèse !
Qui en sait plus ?

Sources

samedi 13 octobre 2007

Moustique-tigres, climat et maladies tropicales...

BzzzzZZZZzzz paf !

Un moustique qui nous vient d'Asie !
C'était un moustique vraiment entêtant celui-là. Et s'il n'est pas trop écrasé, regardez-le bien... ce pourrait être un de ces nouveaux moustiques tigrés (Aedes albopictus ) qui sont arrivés chez nous depuis peu (première observation en France : 1999 en Basse-Normandie). D'après une news@Nature de A. Feresin (2007) cette espèce d'origine asiatique à la conquête du monde occidental est bien moins farouche que notre classique (Culex pipiens) : il pique agressivement le jour et on les trouve bien plus dans les abords des maisons (abris, avant-toits, etc). On le reconnaît assez bien à l'oeil nu, même partiellement écrasé par une main vengeresse, à ses rayures blanches d'où son nom latin.
Aedes albopictus
On en trouve de fort belles images ici avec Tree of Life

De quoi se cachent-ils ?

Une observation personnelle est que si ces tigrés s'aventure plus près des maisons, aucun moustique ne s'aventure en pleine lumière : on les repère la nuit bien sûr, en forêt, et sous un abri. Sans doute pour se protéger des prédateurs, mais peut-être aussi des effets desséchants du soleil... Qui en sait plus sur ce point ?

Répartition

Sa répartition - trouvée avec Fauna europea qui donne aussi toute la taxonomie (famille des culicidés me suffira) - produit la carte que voici ici Source : Fauna europea
Là, il n'est pas répertorié en suisse. Mais sa présence en Suisse est confirmée par une fiche de l'EID atlantique. Et j'avais pourtant bien l'impression que ceux qui tournoyaient vers mon abri a vélo cet été avaient l'air bien tigrés... mais le moustique muni de bandes sur l'abdomen et que j'ai écrasé juste là en composant cette Bio-Tremplins était -je le crois- un... Culex pipiens banal... Dommage, ou tant mieux !
Complément 28 novmebre : on a clairement identifié la présence de Aedes a. au nord des Alpes un article du temps à ce propos

Une espèce invasive ?
Sur son statut d'espèce invasive : l'uni de Metz maintient une Liste par espèce des INVASIONS BIOLOGIQUES. On y trouve pour Aedes Albopictus une remarquable fiche qui dit notamment : "Les moustiques voyagent classiquement sous forme d'¦ufs (parfois de larves) dans les pneus usagés ayant contenu ou contenant encore des eaux de pluie résiduelles. Ces pneus font l'objet d'échanges commerciaux à de très larges échelles. Le moustique peut également être introduit lors de l'importation de plantes transportées avec de l'eau (Lucky bamboo - Dracaena sp.) ou tout simplement dans des véhicules lorsque les adultes sont agressifs et abondants dans une région. C'est de cette manière que l'espèce a très probablement colonisé la Côte d'Azur au départ d'Italie. L'espèce a une faible capacité de vol actif."
Source Nature news
Selon le rapport issu d'un colloque (Geographic Spread of Aedes albopictus in Europe and the Concern among Public Health Authorities) Knudsen (1995) son installation durable est limitée à des régions où l'isotherme en janvier est à 0°C et en juillet à 20°C. Une pluviométrie annuelle de 50cm lui suffit. Cela définit l'Italie, l'Espagne, le Portugal, la France, etc. mais aussi certaines régions "favorables" (dit-il avec humour) de Suisse.

Une invasion liée au climat
?
A priori si les aires de distribution sont définies par des températures, on serait incité à prédire avec le réchauffement climatique, une extension des vecteurs et des maladies tropicales vers le nord et donc plus loin en Europe. Evidemment ce n'est pas une certitude ("Ce qui n'est pas entouré d'incertitudes ne peut pas être la vérité" dit Richard Feynmann) et certains modèles montrent que c'est plus complexe qu'un simple déplacement des aires de répartition au fur et à mesure que la température augmente. (Reiter, P., 2001) Cela ne signifie pourtant pas qu'on puisse écarter toute crainte de voir ces maladies envahir nos régions, juste que leur progression pourrait dépendre aussi de pas mal d'autres facteurs comme l'action de l'homme sur l'environnement.

Un exemple d'invasions de maladie tropicale en Europe ?
L'article d'Emiliano Feresin dans les news@nature part en juillet de deux petits villages d'Italie (Castiglione di Cervia et di Ravenna (sur la carte ici)) dans la région de Ravenne où on a eu plusieurs cas de Chikungunya, qu'on a d'abord pris pour de la grippe. On pense qu'un touriste rentré d'Inde a rapporté le virus Chikungunya, qui a été transmis par les moustiques Tigrés abondants dans cette région. Ce qui inquiète Hervé Zeller, virologiste à l'Institute Pasteur de Lyon n'est pas l'importation par un touriste du virus ( ça s'est déjà vu quelques fois) mais la transmission locale par les moustiques, observée pour la première fois et donc potentiellement le risque d'une épidémie. C'est que ce moustique est (Benedict et al., 2007) actuellement l'espèce de moustique "la plus invasive au monde. Elle est d'importance médicale à cause de son comportement agressif de piqûres diurnes envers l'homme et sa capacité à véhiculer de nombreux virus comme celui de la Dengue, de LaCrosse, du Nil."

Chikungunya ?Chikungunya signifie en Makonde, une langue Bantoue "qui est tordu " à cause des douleurs articulaires qui accompagnent les accès de fièvre de la maladie et donnent aux malades une posture courbée. Elle est causée par un arbovirus (détails au European Centre of Disease Prevention and Control (ECDC) ) Une épidémie a sévi en 2005 dans les îles de l'océan indien, puis en Inde et en 2004-2006 à la Réunion.

Les bienfaits du froid !On peut se réjouir pour au moins une raison du froid qui nous arrive avec l'hiver qui s'approche : il maintient à l'écart pas mal d'espèces pathogènes...
Liens

mercredi 10 octobre 2007

le Nobel des Souris K.O.

Le prix Nobel de Physiologie et médecine a été attribué pour 2007 à Mario Capecchi de l'Université d'Utah à Salt Lake City, Oliver Smithies de l'Université de North Carolina, Chapel Hill, et Martin Evans de l'Université de Cardiff, U.K. Ils ont développé dans les années 1980 les techniques permettant de produire des souris Knockout auxquelles un gène spécifique manque. Cette technique est très largement utilisée, pour comprendre le rôle de ces gènes, fournir un modèle biologique de certaines maladies pour tester les thérapies potentielles.

Comment produire une souris Knockout ?
Au coeur de cette méthode on a la recombinaison homologue : le fait que si on insère un ADN très similaire à celui d'un gène, la cellule peut l'insérer à la place de l'original. Si l'ADN introduit est modifié de manière à rendre le gène inactif, on peut changer spécifiquement des gènes à volonté.

Dans son principe cet ensemble de techniques est assez simple :

Introduire le gène

Le gène à insérer est isolé, on l'encadre de séquences homologues au gène a supprimer, on y associe un gène "marqueur" de résistance à un antibiotique, dans un plasmide bactérien.

Par électroporation, on l'introduit alors dans une cellule où il peut par recombinaison homologue, parfois, remplacer le gène d'origine. On sélectionne alors les cellules où cela s'est effectivement produit à l'aide d'un antibiotique qui élimine toutes les cellules qui n'ont pas incorporé la construction génique nouvelle.

Ces opération se font souvent avec des cellules souches embryonnaires, à cause de leur totipotence.

Produire un organisme où ce gène est exprimé

Elles sont introduites dans un blastocyste (très jeune embryon) où elles sont intégrées à l'organisme en formation. L'embryon est implanté dans une souris porteuse. Il en résulte des organismes mosaiques constitués de zones issue de ces cellules modifiées et des cellules de l'embryon receveur.

Produire un lignage homozygote

On sélectionne parmi ces organismes des individus qui ont leurs cellules germinales modifiées et on les croise avec des souris habituelles.
On re-croise la descendance en sélectionnant celles qui ont reçu le gène modifié ( Knockout), jusqu'à obtenir des individus qui sont Homozygotes pour ce gène modifié.


Principe de production des souris Knockout. (Source)

Le mécanisme détaillé est fort bien présenté dans ce document on-line de Gilles Furelaud dont je me suis largement inspiré ainsi que d'un article du Temps du 9 octobre ou le Pr Antonarakis de l'Uni Genève commente cette technique est tout à fait intéressant (cf plus bas)

Et si le gène est nécessaire au développement ?
On a récemment pu mettre au point des méthodes de knockout conditionnel permettant d'inactiver un gène seulement à un moment ou dans un tissu donné.

A quoi ça sert ?

On a de cette manière produit des souris auxquelles un gène était inactivé pour comprendre l'effet de ce gène ou pour explore comment soigner une maladie (des souris avec le même gène CFTR inactivé qui cause la mucoviscidose ont pu être produites). Ces techniques sont utilisées pour d'innombrables recherches Les travaux du Pr. Duboule de l'uni Genève - très connu pour ses recherches sur les gènes architectes notamment les Hox - ont beaucoup fait appel à ce type de méthodes.
Il y a un exemple dans la page de Fureland montrant comment on peut utiliser cette technique pour voir où s'exprime le gène (Hox B8 en bleu) dans ce cas.

Exemples frappants et visuels de souris Knockout

Souris Fluorescentes
Souris transgénique pour la GFP (green fluorescent protein) : rend les souris fluorescentes lors d'une exposition aux rayons ultraviolets.

Souris Nude mice
Souris qui n'ont pas de cheveux (les follicules sont là mais défectueux) plus grave encore : pas de lymphocytes T (les lymphocytes précurseurs sont ok, mais le thymus est défectueux et la différenciatino en T ne se fait pas) . Le système immunitaire humoral est intact mais elles sont très susceptibles au cancer. Vous pourriez vous commander ces souris ici. d'où ces infos ont été tirées. Merci à P. Brawand de ces précisison

Les souris au gène de la myostatine Knockouté (on peut dire ça ?) que nous avons vu il y a peu dans ce blog.

Il y a des lignages de souris Knockoutées pour milliers de gènes différents.

Et les RNAi ?
Comme les RNAi ont le potentiel de désactiver un gène localement, je me demande si les RNAi vont remplacer certains usages. Complément d'info de M. Strubin : "Pas certain... Les siRNA permettent de "down-réguler" l'expression d'un gène donné. Mais souvent l'effet n'est que partiel; diminution de 5 à 10x."


Liens :

vendredi 5 octobre 2007

Comment mettre le "doi :" sur un article

Sans-doute vous êtes-vous demandé ce qu'était ce drôle de code doi: du genre

DOI: 10.1126/science.1142490

C'est un Digital Object Identifier : une sorte d'adresse pour identifier des articles ou d'autres documents à travers les réseaux.
C'est-à dire qu'avec cet identificateur-là, on peut retrouver un article dans une revue comme Nature, Science ou PLoS.

Comment on retrouve l'article ?


Il y a un site pour ça : http://www.doi.org/

Il suffit de mettre le "doi" dans l'engrenage -pardon dans le champ de texte - de ce site et cliquer le bouton submit pour que vous soyez redirigés vers l'article dans la revue d'origine.
Et là , en général vous avez accès à l'abstract au moins. Franchement c'est souvent déjà pas mal.
Les futés auront remarqué qu'on peut aussi mettre le doi: dans l'adresse : http://www.doi.org/le_doi
Exemple :

DOI: 10.1126/science.1142490 vous amène ici à un article sur qui révèle le génome quasi - entier de la bactérie Wolbachia se retrouve dans des génomes d'eucaryotes ( insectes et vers).

On savait que ces bactéries infectent de nombreux insectes, mais que leur ADN ait passé dans les chromosomes et soit donc transmis par les gamètes est une surprise !

On se demande même si ce cas ne serait pas finalement très fréquent, car on a l'habitude d'écarter les séquences bactériennes qu'on trouve, parce qu'on pensait qu'elles résultent de contaminations !

Du coup l'idée que les génomes étaient "purs" avant les OGM en prend un coup (de plus) !

Tiré de ScienceNow : petite news très synthétique sur Wolbachia et les insectes.

Il y aurait beaucoup à dire sur cette bactérie Wolbachia , mais ce sera une autre fois...

samedi 29 septembre 2007

Bio-reviews : des oiseaux qui "voient" le nord magnétique ?

La fauvette migrerait en "voyant" le nord ?

On sait que les passereaux migrateurs nocturnes exploitent le champ magnétique pour se diriger. (Parmis d'autres indices étoiles, odeurs, etc selon les espèces et leur vol nocturne ou diurne)
On a longtemps cherché l'organe sensoriel magnétique...
On savait que certains neurones étaient fortement actifs lorsque ces oiseaux s'orientent dans le champ magnétique : des neurones de la rétine exprimant le cryptochrome (pas cyto, mais crypto) et d'autres dans le Wulst visuel (considéré comme le «cortex visuel» nocturne des oiseaux) notamment une région appelée "Cluster N". Cette activation simultanée est naturellement un indice important d'un lien mais pas une preuve.

Figure 1 : Les neurones à Cryptochrome (rouge) de la rétine sont bien reliés aux Wulst visuel (violet) par le thalamus (noyaux géniculés) (jaune). Source Heyers et al.

On sait que les voies optiques passent par le thalamus (noyaux géniculés), également chez les oiseaux, et continuent vers le cortex visuel. (...et que le thalamus fait bien plus que ça, nous en reparlerons dans une autre bio-review).

Dominik Heyers et al. (2007) à l'university d'Oldenburg, Allemagne, ont mis en évidence qu'un lien neuronal fonctionnel existe entre ces neurones rétiniens à cryptochrome et ceux du Cluster N, renforçant ainsi l'hypothèse que ces oiseaux utilisent leur système visuel pour percevoir la direction de référence du champ geomagnétique et qu'ils le "verraient" comme une sensation visuelle. Peut-être comme une zone sombre lorsqu'ils regardent le nord magnétique.
Un peu comme les pilotes de chasse voient sur leur pare-brise superposées au paysage des infos importantes, les oiseaux semblent avoir inventé la réalité augmentée bien avant nos ingénieurs

La fauvette des jardins Sylvia borin perçoit sans doute le champ magnétique avec ses yeux. Source : nature News
Travailant avec des Sylvia borin (la Fauvette des jardins comme chacun le sait), ils ont injecté des substances qui révèlent les circuits neuronaux actifs (BDA,ZENK, CtB) et ont pu déterminer qu'un circuit réellement fonctionnel relie ces zones en un tout fonctionnel.
Cryptochromes ?
Ce sont des flavoprotéines. Selon Ahmad (2007), les cryptochromes sont présents chez de nombreux organismes où ils sont impliqués dans des mécanismes de croissance, de développement, et d'horloge biologique.
Ces cryptochromes sont beaucoup plus exprimés (Mouritsen et. al 2004) chez les migrateurs dans la rétine, dans certains neurones précis.
Ils sont sensibles au bleu-vert, mais pas au rouge. Or on a observé que la sensibilité au champ magnétique était modifiée selon la lumière, et affaiblie en présence de lumière rouge seulement.

Source : ModBase

On pense que ces cryptochromes CRY excités par une faible lumière bleue ou verte seraient sensibles par l'état électronique de paires de radicaux. Ces paires peuvent exister dans des états singlet ou triplet, et les proportions de ces états est influencée par l'orientation des molécules (de CRY) dans l'oeil par rapport au champ magnétique (celui de la terre, notamment).
La je suis pas sûr d'avoir tout compris dans les détails. Si un physicien veut bien m'aider c'est avec plaisir.
En attendant on voit bien que ces électrons excités peuvent produire le même genre de modifications des orbitales et des configurations que la lumière sur le rétinal dans les cones et bâtonnets. Pour un biologiste ça peut probablement suffire.
Comme ces pigments sont disposés dans la rétine tout le (demi-)tour de l'oeil, ils sont excités différemment selon la position de l'oeil dans le plan des lignes de champ magnétique et l'oiseau pourrait percevoir la direction du nord magnétique.
Remarquez :
Je ne vois pas encore comment puisqu'on parle de migrateurs nocturnes, la nuit ces cryptochromes pourraient être activés, mais je pense qu'il faut savoir s'arrêter et je vais suspendre ma recherche là...

Sources et liens

Et la littérature Francophone ?
Liens a propos de Sylvia borin

Liens a propos des cryptochromes

mercredi 12 septembre 2007

Comment faire un Craig Venter : le premier génome diploide !


Comment faire un Craig Venter : le premier génome diploide !

Après le génome humain, voici le génome d'UN HUMAIN : et c'est encore ce trublion de Craig Venter qui soulève de nombreux enjeux en mettant son génome complet à disposition de tous.
Le titre de cette petite review est inspiré de la revue Science How to build a Craig Venter @science-now (intranet.pdf)

Mais on a le génome humain depuis longtemps, non ?

On le sait le génome humain -générique et composite - est disponible depuis 2002 et nous pouvons y accéder facilement à tous les gènes depuis MapViewer notamment


Mais il est haploide et composé de chromosomes de différentes personnes d'ethnies et de sexe différents. Il veut être représentatif de l'espèce. Pas d'un individu. Pour une bon résumé : Qu'est-ce que le projet Génome humain ? n.b. il est de 2003.

Encore Craig Venter !

Craig Venter avait déjà défrayé la chronique avec son projet privé de séquençage du génome humain Celera Genomics, puis avec le séquençage de masse (l'ADN environnemental ou Métagénomique Cf BioReview ).

Voilà qu'il remet ça avec la publication dans PLoS Biology (S. Levy et al., 2007) de son génome complet diploide. Chacun de nous peut explorer les tréfonds des ~3 milliard de bases ( Séquence interactive Zoomable @ PLoSBiology) qui définissent cet aventurier de la recherche en génomique très controversé.

Dans la presse francophone ?

Plusieurs articles ont paru dans la presse généraliste et aideront à susciter des questions, par exemple :

Que peut-on lire dans son génome ?

Une news dans Nature du 4 septembre (intranet) par Heidi Ledford indique que l'examen de cet ADN permet de dire que Craig a probablement la cire des oreilles plutôt liquide, et qu'il est susceptible à la maladie d'Alzheimer et à un accident cardiovasculaire.
Voyons ce qu'on pourrait faire chercher aux élèves sur ces points

Effectivement un SNP (une variante, en somme) sur le gène ABCC11 détermine la nature du cerumen ;
L'analyse comparée avec le génome de référence du NCBI (celui auquel on accède par mapviewer) révèle plus de 4 millions de variantes.
Pour ceux qui veulent des détails :
  • " Comparison of this genome and the National Center for Biotechnology Information human reference assembly revealed more than 4.1 million DNA variants, encompassing 12.3 Mb. These variants (of which 1,288,319 were novel) included 3,213,401 single nucleotide polymorphisms (SNPs), 53,823 block substitutions (2-206 bp), 292,102 heterozygous insertion/deletion events (indels)(1-571 bp), 559,473 homozygous indels (1-82,711 bp), 90 inversions, as well as numerous segmental duplications and copy number variation regions. Non-SNP DNA variation accounts for 22% of all events identified in the donor, however they involve 74% of all variant bases. This suggests an important role for non-SNP genetic alterations in defining the diploid genome structure. Moreover, 44% of genes were heterozygous for one or more variants.")
Le génome humain -> le génome d'UN humain !

L'analyse comparant les 2 chromosomes paternels et maternels du chercheur a révélé qu'il est hétérozygote pour 44% de ses gènes. Et que la différence entre les 2 jeux de chromosomes est de 0.5% ( on avait souvent mentionné 0.1% de variabilité inter-individuelle)

On passe ainsi d'une vision statistique -moyennée sur plusieurs personnes, ignorant la diploidie - du génome à une vision individuelle.

Séquençage de masse

Il y a un prix de 10 millions de $ (Archon X Prize in Genomics ) pour celui qui arrive à mettre au point une méthode permettant de séquencer 100 génomes complets en 10 jours et on espère y arriver pour moins de 1000$d'ici quelques années . Venter est dans cette course !

Et personne ne doute qu'on va y arriver, la question est quand !

Sur le plan des techniques la méthode Sanger (où on bloque la synthèse avec des ddNTP et on lit les longueurs de fragments) est la base des machines ABM qui ont permis de produire les dizaines de génomes complet qui sont à notre disposition (par exemple dans Mapviewer on accède au génome complet de 76 organismes du chien au riz en passant par l'abeille et des moisissures ou un trypanosome ) Plus de nombreux micro-organismes !

Pyrosequençage


Fig : un instanté de l'animation sur le pyroséquençage

Depuis quelques temps une nouvelle méthode fait parler d'elle le Pyrosequençage (c'est l'addition d'ATP à chaque nouveau nucléotide qui produit des flash lumineux par réaction avec la luciférine : belle animation du Pyrosequençage , Texte Principles of Pyrosequencing ) La compagnie 454 Life Sciences le commercialise.
Evidemment ABM réagit en améliorant sa technique !

Laquelle de ces méthodes va gagner n'est pas la question : ce qui est sûr c'est que cette concurrence accélère la disponibilité des génomes !

L'avènement de la génomique individuelle

On voit bien se dessiner une tendance vers un usage des séquences très élargi : puisqu'un séquençage facile et bon marché est proche, de nombreux aspects de notre biologie et même de la société vont être bousculés !

Imaginons-en quelques-uns...

On va pouvoir identifier les variantes de chacun pour un gène avant de lui appliquer un traitement : de diagnostic -> prescription (puis ajustement selon réaction du patient) on passera à diagnostic -> lecture du terrain génomique -> prescription individualisée. (Une selection de liens pharmacogénomique)


Une biologiste qui travaille avec les caryotypes dans les tests pré-nataux me dit qu'on voit arriver à grand pas des techniques de diagnostic basé sur le séquencage.

l'ADN : d'une molécule a une séquence d'information...

On voit se dessiner une tendance où on séquence tout à l'entrée, puis on traite de manière évoluée dans l'ordinateur les données. C'est dire que notre biologie prend une coloration "traitement de l'information" accrue là aussi !

Les physiciens feront un parallèle avec l'électronique où actuellement un convertisseur A/D digitalise le signal à l'entrée puis tout le traitement est informatique et à la sortie on a un convertisseur D/A qui pilote les écouteurs de votre iPod, les moteurs des aiguilles de votre montre ou les vannes et le brûleur du chauffage.

Au niveau juridique et légal, il faut prévoir des sacré problèmes : on peut imaginer que les assurances, les employeurs vont tenter d'obtenir nos séquences.
J'avais été choqué que mon assureur vie exige de savoir si j'avais fait un test SIDA. (je crois qu'il n'a pas le droit, mais si je réponds faux il peut retenir une partie de prestations..)

On se demande comment une demande d'assurance de C. Venter serait traitée depuis qu'on peut savoir qu'il a une susceptibilité aux maladies cardiovasculaires...

Ou ce qu'un employeur ferait si il postulait en concurrence avec un autre candidat dont on ne connait pas le génome ou qui en aurait moins.

Le génome n'est rien sans l'environnement

Venter minimise cela en insistant sur le rôle de l'environnement sur les gènes "I take it very seriously, but most diseases are going to be some huge compilation of human factors and environmental factors."
Evidemment les gènes ne sont pas tout. Ni même tout le reste entre les gènes: régulation, RNAi etc.
Tout de même c'est plus facile à dire quand on est millionnaire, célèbre et qu'on une position bien établie.

Certainement de belles question à débattre bientôt dans nos démocraties.
Comment y préparer nos élèves à affronter ces questions ...est une question que nous ne pouvons guère éluder ?

Indécent ?

The sequenced: (from left) James Watson, Craig Venter, George Church.

Source : B. DUNYUAN/NEWSCOM/ M. NAGLE/GETTY IMAGES/R. LINCOLN/HARVARD

Sur un plan plus émotionnel, Wittkowski - après avoir examiné la séquence interactive Zoomable @ PLoSBiology - dit combien c'est assez troublant de guigner dans les gènes d'un autre être humain, comme si on lisait son dossier médical. C'est vrai qu'on pénètre un peu de son intimité... même si on est loin de comprendre tout ce qu'on voit.
Est-ce que vraiment cette longue séquence d'ATCG peut définir un humain ?

L'annonce en mai à un congrès de génomique à Cold Spring Harbor que 3 chercheurs James Watson, Craig Venter, George Church étaient en train de séquencer leur génome individuel avait fait beaucoup de bruit ! (news @ nature) Cela heurte les valeurs de retenue et nombreuses ont été les voix à parler de star-system et d'élitisme avec désapprobation.

James Watson ( oui celui qui a co-découvert la structure de l'ADN ) avait alors annoncé avoir séquencé son génome avec les techniques plus rapides de pyroséquençage et la firme 454 : il l'a gardé sur un DVD !

On est bien peu de choses !

Tout de même, imaginer que l'essence d'un être humain réside sur un DVD ... qu'on pourrait lire ce DVD et tout savoir de son génome et même théoriquement produire un autre Watson est très troublant. (Check , E. 2007b)

Pourra-t-on un jour prendre ce dvd, éditer un peu les gènes ici et là, puis appuyer "Print to ovule ?"

Sources