vendredi 22 juin 2018

Les plantes règnent sur la terre, … elles font "seulement" 80% de la biomasse !

Résumé

La (bio)masse totale des êtres vivants sur terre a été estimée récemment à 550 milliards de tonnes de Carbone ( GT C) dont la majorité se trouve dans des plantes; les animaux ne font que 2 GT C. Les humains sont à peine 0.06 GT C mais leur impact sur la biomasse a pu être estimé par la diminution de moitié des végétaux depuis 10'000 ans et par la domination impressionnante de la masse des mammifères d'élevage (20 fois plus que les sauvages ) et des oiseaux d'élevage (poules etc) qui représentent autant de GT C que tous les autres oiseaux réunis. La seconde place des bactéries à 70 GT C sera une surprise pour beaucoup d'élèves (et franchement pour moi aussi...)
Ces données permettent de chiffrer des enseignements classiques des pyramides trophiques, mais remettent en question et complexifient. Quelques réflexions sur la tension entre "vérité" scientifique et nécessaire clarté des objectifs termineront cette publication.

Les plantes règnent sur la terre; elles représentent "seulement" 80% de la biomasse

Une étude récente, rapportée par Pennisi, E. (2018) dans une news de Nature ici, estime la biomasse (mesurée en Gigatonnes de Carbone pour pouvoir comparer des organismes plus ou moins gorgés d'eau etc : GT C)  de tous les êtres vivants sur notre globe. Sur un total de 550 GT C, ils calculent que les plantes font ~80% (environ 450 GT C) suivies par les  bactéries (70 GT C) et  les champignons (12 GT C). Les animaux ne font que 2 GT C dont la moitié sont des arthropodes. Les humains sont à peine 0.06 GT C (environ autant que le krill ou les termites !) mais leur impact sur la biomasse est énorme : par exemple les humains avec le bétail et les autre animaux d'élevage pèsent 20 fois plus que les mammifères sauvages, les oiseaux d'élevage dépassent tous les oiseaux "naturels" (dans le sens non modifiés par l'élevage). Les humains ont aussi eu un effet sur la biomasse végétale en la réduisant de moitié au cours des derniers 10'000 ans.


Fig 1:
biomasse (en Gigatonnes de Carbone :GT C) des êtres vivants sur notre globe selon les règnes (kingdom) [img]. Source : Pennisi, E. (2018), d'après Bar-On, Y. M., Phillips, R., & Milo, R. (2018) ici.

Bar-On, Y. M., Phillips, R., & Milo, R. (2018)  donnent aussi des estimations pour le nombre d'individus de différents taxa dans la  SI Appendix, Table S1(Les membres Expériment@l-Tremplins peuvent obtenir ces articles).

On y trouve par exemple qu'ils estiment avoir un bon degré de certitude pour les plantes"The uncertainty associated with our estimate of the biomass of plants is relatively small (≈1.2-fold)" , mais sont bien moins sûrs d'eux pour les bactéries "uncertainty associated with our estimate of the biomass of bacteria is much larger (≈9-fold)." SI Appendix, Table S1. p. 6 "

La biomasse sur terre émergée :  bien plus que dans les mers!

La biomasse établie (en compilant des publications) est répartie ainsi : 470GT C pour les terres émergées, 70 GT C pour les profondeurs des océans et du sol ( > 8m)  et seulement 6 GT C pour la biomasse marine (cf fig. 2) . La répartition des différentes catégories entre ces 3 domaines montre que les plantes sont surtout à la surface terrestre et les archées en profondeur.  (cf fig. 2)

Fig2 : Distribution de la biomasse  de différentes  êtres vivants en fonction des environnements et modes trophiques (diagramme de  Voronoi)  [img]. Source : Bar-On, Y. M., Phillips, R., & Milo, R. (2018)


Revoir nos documents d'enseignement ?

Classiquement on propose aux élèves des pyramides des biomasses basées sur un modèle de rendement théorique de 10% à chaque niveau trophique, ce qui impliquerait que les producteurs feraient pratiquement 90% (ok les matheux me feront un procès, ou s'amuseront à calculer le chiffre exact,…) mais la réalité est plus diverse bien sûr. 




Picture
Fig. 3: Pyramide des biomasses théorique  [img]. Source : http://owsenergyflow.weebly.com/biomass.html


Certains ouvrages donnent des pyramides des exemples chiffrés (cf fig. 3) , mais ces valeurs changent fortement d'un exemple à l'autre (bien sûr !) et sont parfois écartées parce que trop complexes...

Fig.4 : Pyramide des biomasses chiffrée . Source : Campbell (2017)


Fig.5 : Pyramide des énergies chiffrée. Source : Macfayden 1963 in Duvigneaud, P. (1980) 

Ces variations peuvent troubler les élèves qui préfèrent souvent des affirmations simplement vraies à apprendre.
Chevallard (1991) montre dans ses recherches sur la Transposition Didactique que cette transformation des savoirs de recherche en savoirs en classe n'est pas un appauvrissement regrettable, mais inévitable et nécessaire. (Adaptation à la biologie ici ) Les contraintes en classe font que  certains savoirs y vivent et d'autres y dépérissent. Et les chiffres bien clairs comme ce 10% sont plus faciles à mettre en oeuvre dans des exercices, plus aisés à évaluer et ont une certaine reconnaissance sociale qui rassure (les parents ont vu ça "de leur temps").
Il n'est donc pas surprenant que ces pyramides simplifiées et une mémorisation de "10x moins à chaque passage de niveau" perdurent et vivent en classe.
Avec parfois le résultat que les élèves répondent qu'il y a dix fois moins de poissons que de plancton et 10 x moins de mercure à chaque niveau trophique…  

Faut-il dire la "vérité" scientifique ou les aider à réussir l'examen ?

Une question se pose chaque fois que les progrès de la science remettent en question nos savoirs enseignés : faut-il ignorer ces modifications pour que l'ensemble du cours reste cohérent, que ce soit plus facile à apprendre pour les élèves - ou faut-il les aider à comprendre toute (ou au moins progressivement à une partie de) la complexité d'un monde qui parait changer au fur et à mesure que la science le décrit et le modélise plus précisément.
Unversement, si on change des affirmations bien ancrées dans les pratiques et la tradition, on risque que certains élèves tournent le dos à ces savoirs instables " vous avez dit des bêtises à mon père, je ne vois pas pourquoi je vous écouterais !"
Inversementsi on ne change pas on risque - et ce risque s'accroit avec l'arrivée des tablettes et smartphones en classe - qu'un élève dise "M'dame/ M'sieur, regardez, là dans Nature, ils disent que c'est 80% de végétaux ! Comment ça peut faire 10x moins à chaque niveau trophique ? "
On ne voudrait pas rabrouer ou écarter cet élève - il adopte une posture de scepticisme très scientifique, mais clairement il complique le travail de l'enseignant-e  !
La tension entre a) le besoin de "vérité" scolaire -  celle qui assure la bonne note - et b) une "vérité" scientifique forcément temporaire et complexe, nuancée et déterminée par des méthodes est une tension que les biologistes doivent affronter.
Ce paradoxe se résout peut-être lorsque les élèves sont au clair sur la différence entre
  • a) La nécessaire clarification des objectifs : les savoirs et notamment modèles à institutionnaliser (simplifiés) : ceux que les élèves doivent savoir utiliser, qui assurent  une bonne note et qui sont définis et (pour l'année scolaire) absolus dans le cadre de la classe.
  • b) L'état actuel des connaissances, complexes forcément susceptibles de changer, qui souvent font l'objet de débats, ont un degré de validité et de certitude partiel mais bien défini pour les chercheurs. 

Une question pour l'avenir des élèves.

La réduction de biomasse depuis l'apparition de l'homme est précisée dans l'Appendix.

"For plants, however, some estimates are available. The biomass of plants is dominated by trees. Estimates put the global biomass of trees before human civilization at around twice its current value (294). As plants are the dominant fraction of global biomass, this means that humans have reduced the total biomass of the biosphere to about half of its pre-human value." p. 59

Cela nuance pas mal l'affirmation un peu définitive de la news "Humans have also had an impact on plant biomass, which has been cut in half in the past 10,000 years" Pennisi, E. (2018). Encore une fois l'inévitable et nécessaire simplification ?

Jonassen (2003), dit que le péché intellectuel le plus grave qu'un enseignant puisse commettre est de simplifier les idées enseignées aux élèves afin de faciliter leur transmission... Mais qui les prépare à affronter un monde qui est complexe ?

"The greatest intellectual sin that we educators commit is to oversimplify most ideas that we teach in order to make them more easily transmissible to learners. In addition to removing ideas from their natural contexts for teaching, we also strip ideas of their contextual cues and information and distill the idea to their "simplest" form so that students will more readily learn them. But what are they learning? That knowledge is divorced from reality, and that the world is a reliable and simple place.  But the world is not a reliable and simple place, and ideas rely on the contexts they occur in for meaning " Jonassen, D. H. (2003) p.8
Une question ... complexe (même pour nous !)
Cette réduction de biomasse pourrait-elles impliquer que ces végétaux pèseraient (pardon les physiciens: auraient une fraction de la masse équivalente à) 90% sans les humains ? Signifie-t-elle que les animaux ont aussi diminué de moitié ?
Une belle question ouverte pour faire débattre et discuter les méthodes et les conclusions.

On pourrait aussi se demander ou est passé tout le carbone de ces plantes disparues…


Sources :

lundi 18 juin 2018

Invitation à la Rencontre entre le prof. Trinh Xuan Thuan et les élèves du CO mardi 19 juin


Invitation à la Rencontre entre le prof. Trinh Xuan Thuan et les élèves du CO


A l'occasion de la venue du Professeur Trinh Xuan Thuan à Genève, le Conseil de la Fondation Yves et Inez Oltramare serait heureux de vous inviter à assister à la rencontre organisée dans l'après-midi par les médiateurs scientifiques d'Animascience/MJSR en concertation avec l'Université de Genève, ainsi qu'à l'apéritif qui s'en suivra, offert par la Fondation.

La rencontre aura lieu le mardi 19 juin, de 14h30 à 16h00 à Uni Dufour dans l'auditoire U600.

En souhaitant que vous puissiez répondre positivement à cette invitation et dans l'attente de votre réponse, je vous prie de croire, Madame, Monsieur, à l'expression de mes salutations les meilleures.

Bien à vous, 

Gaël Ottoni, médiateur scientifique et co-organisateur de la rencontre

__________________________________________________
Gaël Ottoni PhD Student in Planetary Sciences

Observatoire Astronomique de l'Université de Genève 51 chemin des Maillettes - Sauverny CH 1290 Versoix

Office: +41 22 379 24 72

mardi 5 juin 2018

Images de science, modèles et compréhension du monde, Communication scientifique : conférence ECSITE

ECSITE 2018 Genève : une foison de conférences et débats

De très beaux évènements organisés par nos musées, le CERN, l'UNIGE et le Campus Biotech ont lieu ces prochains jours, notamment à l'occasion d'une très grande conférence  sur la communication scientifique, ECSITE (plus important réseau européen de musées d'histoire naturelle et centres de science).
La conférence réunira des milliers de spécialistes, elle est payante, mais le musée proposera une plate-forme digitale dans laquelle seront regroupées des interviews de personnalités présentes à Genève pendant ces journées, mais aussi des vidéos des principaux événements et expositions:

MUSEUM ECSITE 2018 

 
Bien que l'enseignement - plus approfondi et dans la durée - diffère souvent de la communication scientifique dans les musées et les lieux de science comme les Scopes de l'université de Genève aux moyens bien plus importants. Ce que savent les élèves provient beaucoup et peut-être plus des apprentissages informels. Il y a beaucoup à apprendre de part et d'autres  ces échanges. Cf par exemple  Fenichel, M., & Schweingruber, H. A. (2010). Librement accessible ici  

Concernant les enseignants on peut relever des débats sur des questions de société («Space for life» avec l'astrophysicien Michel Mayor, «faith and facts» ou encore «Public engagement with evolution» avec les Conservatoire et Jardin botaniques de la Ville). Voir plus bas et sur le programme de la conférence



Plusieurs évènements ouverts à tous 

D'autre part dans la série Images de Sciences,  ouverte à tous, le thème des modèles, au coeur du PER pour les sciences est abordé sous un angle intéressant : les modèles dans les musées.

Images de science :  Modèles et compréhension du monde ?  mercredi 13 juin à 20h


par Jean-Daniel Nicolet
Ou comment une simple curiosité bien menée conduit à inventer une démarche scientifique !


Beauté animale
de la taxidermie à la sculpture
Petite exposition temporaire en complément d' "Images de science" organisée pour la conférence européenne Ecsite
du 6 juin au 26 août dans le salon du Musée d'Histoire des Sciences



vernissage mardi 5 juin à 19h
Le taxidermiste, artisan essentiel des muséums d'histoire naturelle, s'attache à réparer et prolonger la vie.  Lorsqu'il pratique la sculpture, détaché de l'animal physique, il devient totalement maître de sa création.
Venez découvrir les beautés de trois sculpteurs ayant exercé aux Muséums de Genève et de Paris : François Chapelain-Midy, Yvan Larsen et Thierri Jaccoud

Ouvert à tous

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Ouvert à tous et gratuit




Genève, capitale européenne de la communication scientifique

A l'invitation du Muséum d'histoire naturelle de Genève et de ses partenaires, le CERN, l'UNIGE et le Campus Biotech, la Ville de Genève s'apprête à accueillir la conférence annuelle du plus grand réseau européen de muséums d'histoire naturelle et centres de sciences. Plus de 1000 participant-e-s sont attendu-es !

Genève Ville de science sera propulsée durant cinq jours sur la scène internationale dans le domaine de la culture scientifique, une première pour la Suisse.  Ecsite est le plus important réseau européen de musées d'histoire naturelle et centres de science. Il compte à ce jour près de 340 membres institutionnels, issus de plus de 50 pays.

Le programme de cette édition genevoise compte une centaine d'événements, des conférences thématiques se déroulant pour la plupart au CICG (Centre International des Conférences), un game lab et maker space, des expositions et soirées événementielles, dont une Nocturne au Muséum le 8 juin.

«Creative collisions», le grand thème d'Ecsite 2018, donnera lieu à de stimulantes rencontres. Les interventions du physicien du LHC / CERN et artiste James Beacham, ou encore des sœurs Giulia et Jill Enders auteures du best-seller «Le charme discret de l'intestin» sont en ce sens très attendues.

Les grands enjeux contemporains de la médiation et communication scientifiques seront au rendez-vous, avec en particulier:
- des expériences digitales (escape games, serious games, hackaton, ou virtual reality avec le CERN, l'UNIGE, ou le Technorama…),
- des questions de société («Space for life» avec l'astrophysicien Michel Mayor, «faith and facts» ou encore «Public engagement with evolution» avec les Conservatoire et Jardin botaniques de la Ville),
- des problématiques muséales («experience design» ou «recontextualising collections» avec le Muséum de Genève…).

Genève est proportionnellement à la taille de son territoire, une des villes à forte densité en centres scientifiques d'excellence. Depuis des siècles, Genève nourrit une passion pour la pratique des sciences et la transmission des savoirs. Ville et région de science et de culture, elle est actuellement reconnue par la communauté scientifique comme un centre de réputation mondiale dans des domaines aussi variés que l'astronomie, la physique, la biologie, la biotechnologie ou la médecine. Et les genevoises et genevois témoignent régulièrement leur attachement aux événements culturels scientifiques, telle que la Nuit de la Science dont la 12e édition se déroule du 7 au 8 juillet 2018.

Le Muséum accompagne la venue d'Ecsite à Genève d'une offre culturelle accrue:
- «Faites comme chez nous», l'espace interactif destiné à découvrir le travail des scientifiques du musée, rouvre le 9 juin avec un nouveau «serious game» consacré aux puces de canard,
- «La nuit est belle», une exposition pour sensibiliser le public à la pollution lumineuse et l'inciter à redécouvrir la nuit est proposée du 26 mai au 6 janvier, au 2e étage du Muséum,
- «Ambre», le projet d'extension et de rénovation partielle du bâtiment est visible dans le hall d'entrée du musée,
- «Beauté animale – de la taxidermie à la sculpture», permet d'admirer les œuvres de trois taxidermistes-sculpteurs, François Chapelain-Midy, Yvan Larsen et Thierri Jaccoud au Musée d'histoire des sciences, dès le 5 juin.

A l'heure où les connaissances scientifiques sont mises à rude épreuve par un scepticisme global, voire même le retour de certains obscurantismes, la culture scientifique représente plus que jamais un enjeu cardinal pour relever les défis planétaires, notamment environnementaux, de nos sociétés contemporaines. La science et la transmission des connaissances doivent aussi faire face aujourd'hui à une ère de «post-vérité» qui produit des ignorances dangereuses qui peuvent modifier nos représentations collectives et conditionner nos choix culturels, économiques et sociaux.

En partageant leurs expériences et en imaginant de nouvelles formes de transmission des connaissances, les participant-e-s à la prochaine conférence Ecsite à Genève apporteront de riches éclairages.

Retrouvez aussi le Muséum sur: MUSEUM ECSITE 2018
Facebook, Instagram et Twitter: @museum.geneve
Youtube: Muséum Genève
www.museum-geneve.ch

Et Ecsite sur :
-        Page officielle de la Conférence Ecsite à Genève: https://www.ecsite.eu/annual-conference
-        Programme de la conférence: http://www.ecsite.eu/annual-conference/programme
-        Twitter: #Ecsite2018 and follow @Ecsite  


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Sources  :
  • Fenichel, M., & Schweingruber, H. A. (2010). Surrounded by science: Learning science in informal environments. Washington DC: National Academy Press. Librement accessible ici


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François Lombard, chargé de projet Expériment@l Faculté des Sciences UniGE