mardi 24 février 2009

Séquençage : le génome pour 5'000$ en 2009 et en 3 minutes bientôt ?

La troisième génération de séquenceurs

Dans une news de Nature Check Hayden, Erika. (2008) rapporte qu'à une conférence Advances in Genome Biology and Technology en Floride le 5 février, on a pu voir la troisième génération de séquenceurs et qu'ils promettent le génome humain à $5,000 encore en 2009.

La 3ème génération ? j'ai dû manquer la 2ème ?

La 2ème appelée aussi next-generation a été décrite dans un bio-tremplin précédent et a été utilisé pour séquencer un génome humain entier, diploïde. Notamment la technique du pyrosequençage 454.

Certains parient sur la vitesse.

A cette conférence, Complete Genomics ont montré un génome qu'ils ont séquencé en 8 jours avec 9 machines : Ils annoncent avoir séquencé 254 gigabases (254 milliards de paires de bases) et couvert 92% du génome d'un homme anonyme. En effet les séquenceurs les plus rapides séquencent des fragments très courts (quelques dizaines) par rapport à la classique méthode Sanger et ses dérivés (plusieurs centaines). Il faut donc séquencer plusieurs fois chaque base : on parle de profondeur de séquençage : ils ont lu chaque base 91 fois. Selon la compagnie, ils ont un taux d'erreur de mon d'un tiers de pourcent.
Ils commenceront à vendre leurs services et promettent le génome humain à 5'000$ cette année encore.
Certaines régions sont très difficiles à séquencer car elles sont répétitives ce qui explique qu'on n'ait pas la totalité du génome. C'est aussi une difficulté avec les autres techniques et on considère souvent que ces séquences sont peu importantes et le projet génome humain a té déclaré achevé alors qu'on n'avait pas encore absolument tout séquencé.

D'autres parient plutôt sur la longueur et la précision.

sequencage
Figure 2 : Source : Check Hayden, Erika. (2008) Nature news


D'autres compagnies parient sur la longueur du fragment séquencé comme Pacific Biosciences avec une technique qui lit au fur et à mesure que la polymérase avance sur une seule molécule d'ADN - mais actuellement à la vitesse de 3 bases par seconde (les autres atteignent 30'000 bases / seconde) - et sur des longueurs beaucoup plus grandes (en moyenne 586 paires de bases, et jusqu'à 2,805). Ils déclarent une précision de 99.9999% avec une profondeur de lecture de 38 sur un génome complet de Escherichia coli. Ils promettent un génome humain en 3 minutes pour 2013.

single-molecule sequencing
Figure 3 : Chaque fois que la polymérase fixe une base, un flash de lumière colorée est émis depuis un puits minuscule et détecté. Une caméra permet de suivre la séquence en cours de formation. Figure complète ici Source : Eid, John., et al. (2009)

Mais où s'arrêteront-ils ?

Ils ne s'arrêteront sans doute pas. Et les conséquences de la disponibilité aisée et bon marché de séquençage en masse sont déjà en train de changer la recherche, bien sûr, mais aussi la médecine, et a des conséquences en droit et en économie. Nous en verrons dans les bio-tremplins. Voyons un exemple très récent en écologie.

L'écologie par les technologies de l'information ?

la guêpe parasite la chenilleOn a découvert récemment rapporte Zelkowitz, Rachel.(2009) qu'une guêpe braconide parasite qui pond ses oeufs dans des chenilles utilise pour paralyser ses proies une toxine qui vient d'un virus (Polydnaviruse) qui a infecté ces guêpes il y a quelques millions d'années et y est resté. L'ADN du virus est intégré au génôme de la guêpe et produit des virus qui sont injectés avec les oeufs de la guêpe dans la chenille et neutralisent ses défenses immunitaires.
Les OGM des millions d'années avant l'heure en somme.

Le virus est incapable de se multiplier autrement que dans les ovaires de la guêpe, et la guêpe a besoin du virus pour se reproduire. Les auteurs parlent d'une forme de symbiose obligatoire entre le virus et la guêpe.

Une nouvelle biologie vient élargir notre discipline

Ce qui mérite d'être souligné ici c'est que l'étude écologique de cette espèce passe par une exploration du génome : c'est en séquençant le génome du virus et une partie de celui de la guêpe, puis en les comparant avec des outils bioinformatiques de recherche de séquences similaires ( Comme BLAST) d'alignement et de comparaison de séquence désormais omniprésents qu'on a élucidé le mystère (Bézier, Annie, et al. 2009) Ces outils sont désormais largement utilisés dans tous les domaines de la biologie, même ceux où on ne les attendrait pas, la biologie de terrain, la botanique ou l'écologie. Ils y passent 50-70% de leur temps selon mes sondages...
On assiste donc au développement d'un nouvelle forme de biologie parfois appelée in silico qui complète et élargit la biologie in vitro et in vivo. Et les technologies de traitement de l'information (BIST) prennent une place grandissante dans l'activité d'un biologiste à travers tous les domaines. Faut-il intégrer dans ces chapitres de la biologie les nouvelles façons de les pratiquer, faut-il y former les élèves ?

Sources

samedi 14 février 2009

La semaine du cerveau I

Bientôt la semaine du cerveau !

On sent bien que l'imagerie cérébrale, notamment l'IRMf ne peut plus être ignorée parce qu'elle apporte de nouvelles données en masse et suscite de nouvelles questions (cf p. ex le dossier Bio-Tremplins de mars 08: Ils l'ont fait! Voir les pensées dans le cerveau ? et L'agressivité des ados visualisée dans le cerveau ?).

On sent aussi qu'on peut maintenant aborder des questions comme les émotions qui étaient un peu tabou en biologie. 3 exemples pour donner envie... et commencer une petite série de Bio-Tremplins autour des neurosciences
  • On a récemment pu explorer (Lu, Andrea. (2008) ce qui se passe chez ceux qui ont du mal à passer le deuil et découvrir l'implication des centres du plaisir activés à l'évocation du défunt.
  • On a aussi identifié une région qui s'active lors d'écarts au comportements grégaires (Zelkowitz, Rachel. (2009).gregarité Quand disait aux sujets que leurs notes de beauté différaient de celles du groupe, cela activait la zone rostrale cingulate et le nucleus accumbens, (identifiées comme participant à cet apprentissage de la conformité) et les zones de la récompense l'étaient moins.
  • On a récemment découvert Miller,Greg. (2009) des variations de flux sanguin qui anticipent l'activité neuronale plutôt que de la suivre et donc qu'il faut être prudent dans l'interprétation. Mais qu'il faille comprendre comment une image a été réalisée pour en saisir le sens, et ne pas prendre pour argent comptant tout ce qu'on voit, ça on le savait ...
Sources

irmf de u nige


L'université de Genève dans le coup

L'UniGe a le privilège de diriger deux des grand projets de recherche FNS en suisse : en plus du pôle Frontiers in Genetics dirigé par Denis Duboule , nous avons le pôle en Sciences Affectives de l'Université de Genève, dirigé par Klaus Scherer.

Un autre signe de l'importance des neurosciences : l'UniGe vient de s'équiper d'un IRMf de très haute qualité (cf Swissinfo) Ce sera le BBL, pour «Brain & Behaviour Laboratory», ou «Laboratoire du cerveau et du comportement» codirigé par Klaus Scherer et Patrik Vuilleumier. A l'occasion de la journée d'inauguration de ce labo , le Dr Boris Cyrulnik donnera une conférence intitulée
"La honte, aspects neurobiologiques et anthropologiques".

Cette conférence, ouverte au public, aura lieu le jeudi 12 mars à 18h30 à Uni-Dufour, Auditoire U-600.

Comme chaque année l'Université de Genève organise du lundi 16 au 21 mars 2009

la Semaine internationale du cerveau


Une série de conférences jalonne cette semaine
  • lundi 16 mars L’ère du Surhomme: comment doper le cerveau?
  • mardi 17 mars Homo sapiens: être et ne pas être un singe
  • mercredi 18 mars Lire dans les pensées
  • jeudi 19 mars Décider: entre raison et émotion
  • vendredi 20 mars Les nouvelles technologies thérapeutiques
Toutes ces conférences ont lieu à 19h Uni Dufour Auditoire Piaget (U600, sous-sol)

Pour les classes

il y a notamment une semaine du cerveau pour les écoles où les classes peuvent venir voir un laboratoire ou participer a une recherche

Atelier de recherche (durée 1h30)

Les élèves abordent de manière réaliste les différentes étapes de la recherche. Ils tentent de résoudre un problème scientifique en élaborant une expérience et en analysant des données expérimentales avec l'aide d'un chercheur. Une visite de laboratoire est aussi prévue durant l'atelier. Le travail effectué est spécialement conçu pour les élèves des collèges mais utilise de véritables données scientifiques.

Visite de laboratoire (durée 45 min)

Comme les années précédentes, différents laboratoires accueillent les classes pour présenter leurs recherches et les illustrer à travers des démonstrations.

Pour toutes questions complémentaires, veuillez vous adressez à Mona Spiridon, tél: 022 379 5378, email: mona.spiridon@unige.ch

dimanche 1 février 2009

Les Ichtyosaures mangeaient des tortues ?

Ichthyosaures mangeurs de tortues

Ichthyosaurs lived while dinosaurs stalked<newline/> the Earth.Les Ichthyosaures vivaient à l'époque des dinosaures.© SPL / C. Butler

Les ichtyosaures mangeaient des tortues ?

Dans une news Helen Pearson rapporte qu'on connait mieux le régime alimentaire de certains ichtyosaures, ces reptiles qui ressemblaient à des dauphins et dont on a retrouvé des fossiles entre 230 et 90 millons d'années. Ils ont fasciné parce qu'ils révèlent des indices du passage de la vie terrestre à la vie aquatique : leur forme en fuseau est un exemple classique de convergence et leur squelette notamment crânien et leurs nageoires formées à partir des pattes révèlent leur origine reptilienne.

fossiles de belemnitesJusqu'à récemment ils étaient vus comme se nourrissant de mollusques (des bélemnites semblables à des calmars dont les fossiles de rostre en forme d'obus sont bien conservés, cf figure Source Wikipedia) et on a souvnet associé la disparition des Ichtyosaures au déclin des bélemnites

Or on leur découvre un régime bien plus varié : en dissolvant très lentement le contenu stomacal d'un Ichtyosaure de 110 mios d'année Kear et al (2003) ont découvert de nombreux poissons, bébé tortues, et même un petit oiseau. On voit ainsi qu'on peut connaître même le régime alimentaire d'un fossile, des millions d'années après !

Il est stimulant d'imaginer comment ces deux nouvelles peuvent susciter des questions et rendre plus vivant l'étude de ces animaux éteints.

Une tortue à dents et à carapace incomplète ?

Comment la tortue a-t-elle acquis sa coquille ?

Dans une news de nature , Gilbert,Natasha. (2008) rapporte que de nouveaux fossiles trouvés en chine comblent une lacune dans le lignage des fossiles menant aux tortues et éclairent l'origine de leur carapace, mais posent de nouvelles questions.


Turtle fossil.Fig 1 : Odontochelys semitestacea fossile, vu de dessus. Institute of Vertebrate Palaeontology and Palaeanthropology, Beijing
Ce fossile d'Odontochelys semitestacea a été trouvé en chine et est daté à 220 mio d'années. Trouvé dans des sédiments du Nanpanjiang il est interprété comme un animal marin. Auparavant, sur la base de fossiles trouvés en Allemagne et datés d'environ 14 millions plus récents, assez similaires aux actuels on avait plutôt envisagé que les tortues étaient apparues sur terre ferme.


Artists impression of Odontochelys semitestacea

Fig 2 : Une vue d'artiste de Odontochelys semitestacea. source : M. DONNELLY


Mais Odontochelys semitestacea a une demi carapace formée d'un plastron seulement (comme son nom d'espèce le suggère) et est muni de dents (comme son nom de genre le suggère).
a, Skeleton in ventral view. b, Body in ventral view. c, d, Skull in ventral and slightly lateral views

Fig 3 Odontochelys semitestacea Plastron et crâne : on voit bien les dents (source Li, C., et al. 2008)


Pour les auteurs le plastron serait une protection contre les attaques de prédateurs par-dessous. L'absence de carapace dorsale à lancé la communauté des spécialistes dans un débat passionnant que nous leur laisserons : la carapace dorsale s'est-elle perdue -dans une adaptation au milieu marin- ou n'est-elle pas encore apparue chez Odontochelys semitestacea qui serait une forme ancestrale. La similitude entre cette carapace et celle qu'on voit chez l'embryon des tortues actuelles est un argument dans ce sens pour Olivier Rieppel, un des auteurs.
an aquatic turtle (Apalone spinifera)

Fig 4 : Tortues actuelles terrestre et marine Apalone spinifera.


La bouche munie de dents plutôt que d'un bec corné est aussi très intéressante ! La forme du crâne évoque même chez un non-spécialiste celle d'un lézard plutôt que celle d'une tortue actuelle (fig à droite source ici).



tortue de kemp



Skeleton in dorsal view. b, Skull in dorsal view. c, Skull in ventral view. d, Body in dorsal view. Teeth on the upper jaw and palatal elements were scratched out during excavation.

Fig 5 Odontochelys semitestacea squelette de dos et crâne : on voit bien les dents (source Li, C., et al. 2008)

Et en français ?

Comme souvent ce qui est publié dans Nature ou Science est repris dans la littérature vulgarisée : Par exemple Science et Vie en parle dans son dernier numéro II 09 intranet.pdf

References