vendredi 29 mai 2009

Encore un symbole suisse démystifié

Le génome de la vache n'a plus de secrets ?

Après Swissair et UBS, un autre symbole Suisse perd de son mystère : la vache. Son génome a été complètement séquencé par 300 scientifiques de 25 pays dont l'équipe des Pr. Antonarakis et Zdobnov et l'Institut Suisse de BioInformatique à l’UNIGE. Lucky cow. This Hereford female was picked to have her genome sequenced.
Fig 1 : la vache dont le génome a été séquencé : une Hereford, nommée L1 Dominette.Source [img]


Fig 1 : Le génome de la vache est accessible à chacun et en classe depuis MapViewer (Source droite: Science

On peut, par exemple, aisément voir depuis MapViewer si la vache a aussi un gène pour l'insuline. Elle en a effectivement un sur le chromosome 29 (solution). Sur UniProt on trouve la protéine insuline sous le nom P01317 (INS_BOVIN) Il est intéressante et stimulant de faire découvrir aux élèves que la vache a aussi l'insuline, les cytochromes, l'EPO, l'hémoglobine, la CFTR de la mucoviscidose etc . Et qu'elles sons similaires. (Cf formation BIST)

Selon les chercheurs qui publient leurs travaux 24 avril dans la revue Science, (News Couzin-Frankel,Jennifer. 2009) ce génome constitue une source majeure d’informations, tant pour l’étude de l’évolution des mammifères que pour la biologie des bovins. En parallèle, une étude complémentaire est publiée sur les bases génétiques du lait des mammifères.

contenu en gènes de différentes espècesUn génome vachement bien

Le génome de la vache est composé d’au moins 22'000 gènes – au sens classique – codant pour l’information nécessaire à la synthèse des protéines, ainsi que de 500 gènes de microARN, qui eux régulent la production de la plupart de ces protéines. Oui, on commence à parler de gènes pour ces séquences d'ARN régulateurs qui ne deviendront pourtant jamais des protéines. (Une définition actuelle du gène selon M.-C. Blatter). La grande majorité des gènes de la première catégorie sont capables de coder pour plusieurs protéines différentes grâce à un mécanisme dénommé épissage alternatif. (Cf Bio-Tremplins ici) «Le séquençage du génome de la vache a révélé que ce mécanisme de diversification a moins changé au cours de l’évolution qu’on ne le pensait précédemment», déclare Alexandre Reymond, responsable de cette étude.
Fig 3 à droite : la vache a presque le même nombre de gènes que nous et bien moins que la vigne, le riz ou la paramécie qui en contient presque le double... vexant, non ? Du moins si l'on considère que le nombre des gènes est une mesure de la valeur de l'organisme.... Cliquer pour agrandir cette image. (Source ISB-SIB)


Amos Bairoch (2009) déclare que ce chiffre de 22'000 est probablement surévalué. C'est qu'il n'est pas aisé de reconnaitre si une séquence d'ADN code pour un gène ou non. Il y a bien des algorithmes qui estiment très rapidement où sont les gènes possibles ou probables et il y a la recherche de séquences pour lesquelles une protéine a été trouvée expérimentalement. Swiss-Prot devenu UniProt qu'Amos Bairoch a fondé et dirige est une base qui recense ces informations très précises, dignes de la "qualité Suisse"...

Quelles particularités

On a observé que le génome bovin se différenciait par 147 gènes liés aux processus d’immunité, de lactation, de digestion et de métabolisme. Ces changements pourraient expliquer notamment l’extraordinaire capacité des bovins à transformer l’herbe et le foin peu nourrissants en une viande et un lait de haute valeur nutritive, capacité exploitée depuis les premiers temps de l’agriculture par les êtres humains.

Article en français :

Les gènes expliqueront-ils comment une vache peut produire 91kg de lait par jour ?

une vache qui a produit 91 kg de lait
Fig 4 : Cette vache a passé dans un quotidien parce qu'elle a produit 91kg de lait en un seul jour. (Article intranet.jpg).

Avec cette masse de données sur l'essence même de ce qui constitue la biologie d'un bovin, on pourra peut-être mieux comprendre comment une bonne vache peut produire 91 kg de lait en un jour et comment beaucoup de vaches font plus 40kg/jour en moyenne sur l'année. On a en effet trouvé des changements de gènes liées à la prolactine qui est l'hormone de la lactation. On va peut-être pouvoir explorer comment cette vache a été modifiée dans ses gènes (notez que je n'ai pas dit OGM) par l'action de milliers d'années de sélection et croisements par les éleveurs ...

Fig 4 : Une mère gnou et son nouveau-né. Elle ne produit sûrement pas 40kg de lait par jour !

C'est que la domestication l'a mené manifestement très loin de l'état naturel où les mammifères produisent du lait seulement lorsqu'elles ont des petits et dans des quantités bien moindres ! D'accord, les baleines bleues produisent 600l. de lait par jour, mais c'est un autre format...

La coévolution de la vache et de la tolérance au lait ...

On a récemment mis en évidence que la tolérance au lactose jusqu'à l'age adulte résulte du gène à ARN très récent dans l'évolution de l'homme Si nous produisons la lactase même adultes c'est sans doute parce que cela a permis à nos ancêtres de mieux passer les périodes de disette en se nourrissant du lait des vaches. Ceux qui ne le toléraient pas ont eu une progéniture plus restreinte et nous sommes donc plus rares à être leurs descendants. Cf Bio-Tremplins: L'évolution , les gènes le lait et les migrations Voir aussi les travaux de chercheurs du CNRS Co-évolution du génome des vaches et des buveurs de lait

Le système immunitaire expliquera-t-il comment la vache arrive à mieux extraire des nutriments de l'herbe ?

L'étude du génome révèle que la vache a de nombreuses protéines de défense immunitaires dans celles qui lui sont spécifiques. Pour les chercheurs, on peut y voir plusieurs explications : une protection contre les bactéries dont son estomac complexe est rempli (jusqu'à 10^11par ml Hobson, P. N. (1988)) , ou contre les maladies qui se transmettraient plus facilement à cause de la promiscuité dans dans les troupeaux. Par ailleurs on est en train de passer d'une vision du système immunitaire dont la fonction serait principalement de protéger des bactéries et autres agents pathogènes, vers une vision ou ce système nous permet de gérer avec finesse un cheptel (!) de bactéries qui est utile. (Cf Bio-Tremplins ici)
la digestion complexe des ruminants
Fig 5 : Schéma du système digestif d'une vache (source)

Dans cette perspective, l'étude des séquences dont on dispose désormais pourra peut-être - c'est une hypothèse que je trouve intéressante - éclairer le rôle du système immunitaire dans la gestion de cet incroyable écosystème qu'est la panse (rumen) des ruminants. On sait que des bactéries y travaillent pour réaliser la digestion de la cellulose : une exclusivité des ruminants. Les bactéries rendent la salade très calorique pour la vache. Les chevaux ou les éléphants ne ruminent pas (ce qui explique que le crottin est fibreux et la beuse homogène, les fibres étant digérées).

Les trois quarts des gènes communs avec les mammifères

La comparaison du génome de la vache avec les autres mammifères disponibles révèle (cf fig 6) que les 3/4 de ses gènes sont communs avec les autres mammifères, qu'elle en a presque 17'000 en commun avec nous et qu'elle n'en a que 147 qui lui sont propres (cf fig 6B). Protein orthology comparison among genomes of cattle, dog, human, mouse, and rat
Fig 6 : Une comparaison des gènes pour révéler le degré d'orthologie entre divers mammifères (Bos taurus, Canis familiaris, Homo sapiens, Mus musculus, Rattus norvegicus, placentaires), l'opossum (Monodelphis domestica, marsupiaux), et l'ornithorynque (Ornithorhynchus anatinus, monotrèmes) Cette comparaison des gènes révèle que la vache a une grande majorité de ses gènes en commun avec les autres mammifères [img]source

Les protéines - ou gènes - homologues sont similaires et ont une origine commune. Les orthologues ont des fonctions différentes mais liées, au sein d'organismes différents. (Voir définitions Homologue-Paralogue-Orthologue)

La vache plus similaire de nous mais la souris plus proche...

Alors même qu'on a bien établi par ailleurs que notre lignage se sépare de celui menant la souris (cf fig 5D) nettement plus tard que pour la vache, la souris diffère par plus de gènes. Amos Bairoch explique que le cas est classique : la souris a un temps de génération beaucoup plus court et donc la vitesse de l'évolution rapporté au nombre d'années est plus rapide (plutôt qu'au nombre de générations).

Les différentes races de vaches

Un article dans le même numéro de Science, The Bovine HapMap Consortium. (2009) analyse les différences entre la vache Hereford séquencée et 6 autres races bovines. Parmi d'autres résultats passionnants je relève : les chercheurs ont pu mettre en évidence les effets de la domestication et un probable effet d'étranglement qui suggère que les populations actuelles sont issues d'un nombre limité lors de la domestication. Effective population size in the past estimated from linkage disequilibrium data. Inset graph shows effective population size for the European humans over the same period; from (13). Breeds as in Fig. 1.,,
Fig 7 : Estimation de la population des différentes races de vaches estimé par déséquilibre de linkage Source
The Bovine HapMap Consortium. (2009)
Selon une présentation de A. Bairoch (2009) deux sous-espèces ont été domestiquées Bos primigenius taurus (la vache) et Bos primigenius indicus (le zebu). Il y a 800 races différentes, 1.3 milliard de vaches et elles produisent 18% des gaz a effet de serre. L'espoir de comprendre ce qui produit tant de méthane et comment y remédier est relancé. La comparaison des différentes races devient plus facile avec le génome complet de référence. On espère aussi réussir à améliorer encore la production de lait et réduire celle de méthane. La tribune sous-titrait "Plus de lait moins de pets "Brouet Anne-Muriel (2009) intranet-pdf.

Les combats de Reines du val d'Hérens expliqués ?

Est-ce que ces séquences permettront d'expliquer pourquoi les combats ritualisés qui sont généralement le fait des mâles (2 bouquetins à droite) chez les ongulés (Cerf-intranet) se produisent entre les femelles chez les vaches d'Hérens. Y a-t-il une modification génétique qui révèle comment ce comportement s'exprime chez la femelle plutôt que chez le mâle ? Ce qu'on a vu chez la souris permet de l'envisager (Bio-Tremplins) un seul gène modifié (lié aux phéromones) TRPC2 fait que les souris femelles ont un comportement de mâle.
Fig 8. Les combats de reines sont des évènements importants en Valais

Si le séquençage de ce génome permet d'aider à limiter la pollution, à avoir du meilleur lait pour mettre dans mon thé, et à comprendre mieux le Valais, c'est vachment bien, non ? (Ok c'est facile, mais je n'allais pas laisser passer une occasion de le placer...) : ))

Sources

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire