mercredi 19 août 2009

Le "naturel" et le "chimique"... pas sans danger !

Quand une herbe médicinale interagit avec un médicament vital

Le millepertuis (Hypericum perforatum) est largement utilisé en tisanes pour son effet en cas de "dépressions, humeur morose, anxiété, états de tension et difficultés d'endormissement ou troubles du sommeil " (Source ch.oddb.org).
répartition Hypericum perforatum L. s.str.
Selon Swiss Web Flora, Hypericum perforatum L. s.str. est présente partout en suisse.

Elle est vendue sur internet par exemple ici [img] avec l'indication:
Conseils d'utilisation : 3 x 30 gouttes par jour pendant 3 à 4 mois. Evitez l'exposition au soleil. Consultez votre pharmacien ou votre médecin pour toute interaction avec des médicament.

Un médicament "pour le coeur"

De nombreuses personnes prennent l'anticoagulant acénocoumarol. Connu par exemple sous le nom de Sintrom (Source ch.oddb.org) il est donnés aux personnes souffrant de problèmes cardiaques ou à risque de thrombose. Le maintien dans le sang de la dose précise en est critique : trop et on risque des hémorragies, trop peu et l'effet protecteur contre les thromboses disparait.

L'interaction dramatique entre 2 produits bénéfiques ?

Mais prendre les deux ensemble, c'est s'exposer à une interaction dramatique ou les enzymes de dégradation (Cytochrome p450, ou CYP3A4 par exemple) sont activées par les molécules de la tisane et diminuent ainsi la dose du médicament effectivement présent dans le sang : on risque d'être en-dessous de la dose thérapeutique.
"Ceci peut conduire à une diminution des concentrations plasmatiques et à un affaiblissement de l'action thérapeutique de toute une série de médicaments prescrits en même temps ainsi que - surtout en cas de substances à faible spectre thérapeutique - à des conséquences potentiellement graves. Le taux plasmatique et/ou l'action de remèdes interactifs - en particulier ceux à faible spectre thérapeutique - devraient de ce fait être soigneusement contrôlés au début et à la fin du traitement ainsi que lors du changement de dose de la préparation au millepertuis avec adaptation de leur dosage. Inversement, il peut se produire, lors de l'arrêt soudain de la prise de médicaments au millepertuis, une augmentation de la concentration plasmatique des remèdes pris dans le cadre d'un traitement adjuvant, phénomène accompagné d'éventuels effets toxiques."Source ch.oddb.org

Hypericum perforatumC'est naturel, ça peut pas faire de mal, non ?

Pourtant cette plante naturelle, aux usages paraissant anodins et bienfaisants peut causer, selon un review Zhou et al. (2004), une diminution de la concentration sanguine de plusieurs médicaments : amitriptyline, cyclosporine, digoxin, fexofenadine, indinavir, methadone, midazolam, nevirapine, phenprocoumon, simvastatin, tacrolimus, theophylline et warfarin. Selon ces chercheurs, elle a causé le rejet de greffes en interagissant avec la cyclosporine, des hémorragies graves et des grossesses non désirées en inactivant la pilule contraceptive.
La recherche scientifique apporte ici des réponses précieuses basées sur des données rigoureuses.

Une mise en garde officielle

En suisse l'OICM (Office Intercantonal de Contrôle des Médicaments devenu SwissMedic) a diffusé en 2000 et – suite à des recours des droguistes – révisé en octobre 2002 une mise en garde à ce propos :
"Suite aux annonces d’interactions possibles entre des spécialités contenant des extraits d’Hypericum pour la voie orale et de nombreux autres principes actifs, en particulier certains immunosuppresseurs (ciclosporine), des anticoagulants oraux (phenprocoumone), des contraceptifs oraux (éthinylestradiol et désogestrel), la digoxine et des inhibiteurs des protéases influant sur le métabolisme du CYP3A4 (p.ex. l’indinavir). "
Il s'ensuit que ces produits ne peuvent plus être vendus en droguerie mais seulement en pharmacie et des règles sur l'information au patient et l'emballage : entre autres
"Le patient devra être informé des risques d’interaction par une mise en garde bien visible («boxed-warning») sur le cartonnage et dans l’information destinée aux patients. "

Un autre son de cloche en médecine alternative...

D'autres minimisent ces dangers : par exemple le spécialiste des plantes sauvages comestibles et médicinales, François Couplan s'élevait dans "Le journal du dimanche" à la radio suisse romande le 28 juin 2008 contre cette mise en garde en suggérant qu'elle serait téléguidée par l'industrie pharmaceutique et le lobby des médecins et pharmaciens, et que ce médicament n'aurait pas plus d'effets secondaires que les autres.

Mettre en perspective, apprendre à se faire une opinion étayée ?

C'est peut-être un exemple qu'on peut discuter en classe dans le débat qui oppose le "naturel" au "chimique"... On pourrait par exemple distinguer les points de vue de
  • l'industrie pharmaceutique,
  • la recherche scientifique
  • les médecines alternatives.
Les liens proposés peuvent faciliter l'accès à des ressources authentiques, qui paraitront aux élèves moins "scolaires".

Peut-on tenter d'intéresser les élèves à la botanique par des exemples comme celui-ci ?

Sources

Mise à jour 20 VIII 09 : corrigé quelques erreurs amélioré la mise en page et ajouté une image du sintrom.
Mise à jour le 23 XI 16 Corrigé les liens morts

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