mercredi 12 septembre 2007

Comment faire un Craig Venter : le premier génome diploide !


Comment faire un Craig Venter : le premier génome diploide !

Après le génome humain, voici le génome d'UN HUMAIN : et c'est encore ce trublion de Craig Venter qui soulève de nombreux enjeux en mettant son génome complet à disposition de tous.
Le titre de cette petite review est inspiré de la revue Science How to build a Craig Venter @science-now (intranet.pdf)

Mais on a le génome humain depuis longtemps, non ?

On le sait le génome humain -générique et composite - est disponible depuis 2002 et nous pouvons y accéder facilement à tous les gènes depuis MapViewer notamment


Mais il est haploide et composé de chromosomes de différentes personnes d'ethnies et de sexe différents. Il veut être représentatif de l'espèce. Pas d'un individu. Pour une bon résumé : Qu'est-ce que le projet Génome humain ? n.b. il est de 2003.

Encore Craig Venter !

Craig Venter avait déjà défrayé la chronique avec son projet privé de séquençage du génome humain Celera Genomics, puis avec le séquençage de masse (l'ADN environnemental ou Métagénomique Cf BioReview ).

Voilà qu'il remet ça avec la publication dans PLoS Biology (S. Levy et al., 2007) de son génome complet diploide. Chacun de nous peut explorer les tréfonds des ~3 milliard de bases ( Séquence interactive Zoomable @ PLoSBiology) qui définissent cet aventurier de la recherche en génomique très controversé.

Dans la presse francophone ?

Plusieurs articles ont paru dans la presse généraliste et aideront à susciter des questions, par exemple :

Que peut-on lire dans son génome ?

Une news dans Nature du 4 septembre (intranet) par Heidi Ledford indique que l'examen de cet ADN permet de dire que Craig a probablement la cire des oreilles plutôt liquide, et qu'il est susceptible à la maladie d'Alzheimer et à un accident cardiovasculaire.
Voyons ce qu'on pourrait faire chercher aux élèves sur ces points

Effectivement un SNP (une variante, en somme) sur le gène ABCC11 détermine la nature du cerumen ;
L'analyse comparée avec le génome de référence du NCBI (celui auquel on accède par mapviewer) révèle plus de 4 millions de variantes.
Pour ceux qui veulent des détails :
  • " Comparison of this genome and the National Center for Biotechnology Information human reference assembly revealed more than 4.1 million DNA variants, encompassing 12.3 Mb. These variants (of which 1,288,319 were novel) included 3,213,401 single nucleotide polymorphisms (SNPs), 53,823 block substitutions (2-206 bp), 292,102 heterozygous insertion/deletion events (indels)(1-571 bp), 559,473 homozygous indels (1-82,711 bp), 90 inversions, as well as numerous segmental duplications and copy number variation regions. Non-SNP DNA variation accounts for 22% of all events identified in the donor, however they involve 74% of all variant bases. This suggests an important role for non-SNP genetic alterations in defining the diploid genome structure. Moreover, 44% of genes were heterozygous for one or more variants.")
Le génome humain -> le génome d'UN humain !

L'analyse comparant les 2 chromosomes paternels et maternels du chercheur a révélé qu'il est hétérozygote pour 44% de ses gènes. Et que la différence entre les 2 jeux de chromosomes est de 0.5% ( on avait souvent mentionné 0.1% de variabilité inter-individuelle)

On passe ainsi d'une vision statistique -moyennée sur plusieurs personnes, ignorant la diploidie - du génome à une vision individuelle.

Séquençage de masse

Il y a un prix de 10 millions de $ (Archon X Prize in Genomics ) pour celui qui arrive à mettre au point une méthode permettant de séquencer 100 génomes complets en 10 jours et on espère y arriver pour moins de 1000$d'ici quelques années . Venter est dans cette course !

Et personne ne doute qu'on va y arriver, la question est quand !

Sur le plan des techniques la méthode Sanger (où on bloque la synthèse avec des ddNTP et on lit les longueurs de fragments) est la base des machines ABM qui ont permis de produire les dizaines de génomes complet qui sont à notre disposition (par exemple dans Mapviewer on accède au génome complet de 76 organismes du chien au riz en passant par l'abeille et des moisissures ou un trypanosome ) Plus de nombreux micro-organismes !

Pyrosequençage


Fig : un instanté de l'animation sur le pyroséquençage

Depuis quelques temps une nouvelle méthode fait parler d'elle le Pyrosequençage (c'est l'addition d'ATP à chaque nouveau nucléotide qui produit des flash lumineux par réaction avec la luciférine : belle animation du Pyrosequençage , Texte Principles of Pyrosequencing ) La compagnie 454 Life Sciences le commercialise.
Evidemment ABM réagit en améliorant sa technique !

Laquelle de ces méthodes va gagner n'est pas la question : ce qui est sûr c'est que cette concurrence accélère la disponibilité des génomes !

L'avènement de la génomique individuelle

On voit bien se dessiner une tendance vers un usage des séquences très élargi : puisqu'un séquençage facile et bon marché est proche, de nombreux aspects de notre biologie et même de la société vont être bousculés !

Imaginons-en quelques-uns...

On va pouvoir identifier les variantes de chacun pour un gène avant de lui appliquer un traitement : de diagnostic -> prescription (puis ajustement selon réaction du patient) on passera à diagnostic -> lecture du terrain génomique -> prescription individualisée. (Une selection de liens pharmacogénomique)


Une biologiste qui travaille avec les caryotypes dans les tests pré-nataux me dit qu'on voit arriver à grand pas des techniques de diagnostic basé sur le séquencage.

l'ADN : d'une molécule a une séquence d'information...

On voit se dessiner une tendance où on séquence tout à l'entrée, puis on traite de manière évoluée dans l'ordinateur les données. C'est dire que notre biologie prend une coloration "traitement de l'information" accrue là aussi !

Les physiciens feront un parallèle avec l'électronique où actuellement un convertisseur A/D digitalise le signal à l'entrée puis tout le traitement est informatique et à la sortie on a un convertisseur D/A qui pilote les écouteurs de votre iPod, les moteurs des aiguilles de votre montre ou les vannes et le brûleur du chauffage.

Au niveau juridique et légal, il faut prévoir des sacré problèmes : on peut imaginer que les assurances, les employeurs vont tenter d'obtenir nos séquences.
J'avais été choqué que mon assureur vie exige de savoir si j'avais fait un test SIDA. (je crois qu'il n'a pas le droit, mais si je réponds faux il peut retenir une partie de prestations..)

On se demande comment une demande d'assurance de C. Venter serait traitée depuis qu'on peut savoir qu'il a une susceptibilité aux maladies cardiovasculaires...

Ou ce qu'un employeur ferait si il postulait en concurrence avec un autre candidat dont on ne connait pas le génome ou qui en aurait moins.

Le génome n'est rien sans l'environnement

Venter minimise cela en insistant sur le rôle de l'environnement sur les gènes "I take it very seriously, but most diseases are going to be some huge compilation of human factors and environmental factors."
Evidemment les gènes ne sont pas tout. Ni même tout le reste entre les gènes: régulation, RNAi etc.
Tout de même c'est plus facile à dire quand on est millionnaire, célèbre et qu'on une position bien établie.

Certainement de belles question à débattre bientôt dans nos démocraties.
Comment y préparer nos élèves à affronter ces questions ...est une question que nous ne pouvons guère éluder ?

Indécent ?

The sequenced: (from left) James Watson, Craig Venter, George Church.

Source : B. DUNYUAN/NEWSCOM/ M. NAGLE/GETTY IMAGES/R. LINCOLN/HARVARD

Sur un plan plus émotionnel, Wittkowski - après avoir examiné la séquence interactive Zoomable @ PLoSBiology - dit combien c'est assez troublant de guigner dans les gènes d'un autre être humain, comme si on lisait son dossier médical. C'est vrai qu'on pénètre un peu de son intimité... même si on est loin de comprendre tout ce qu'on voit.
Est-ce que vraiment cette longue séquence d'ATCG peut définir un humain ?

L'annonce en mai à un congrès de génomique à Cold Spring Harbor que 3 chercheurs James Watson, Craig Venter, George Church étaient en train de séquencer leur génome individuel avait fait beaucoup de bruit ! (news @ nature) Cela heurte les valeurs de retenue et nombreuses ont été les voix à parler de star-system et d'élitisme avec désapprobation.

James Watson ( oui celui qui a co-découvert la structure de l'ADN ) avait alors annoncé avoir séquencé son génome avec les techniques plus rapides de pyroséquençage et la firme 454 : il l'a gardé sur un DVD !

On est bien peu de choses !

Tout de même, imaginer que l'essence d'un être humain réside sur un DVD ... qu'on pourrait lire ce DVD et tout savoir de son génome et même théoriquement produire un autre Watson est très troublant. (Check , E. 2007b)

Pourra-t-on un jour prendre ce dvd, éditer un peu les gènes ici et là, puis appuyer "Print to ovule ?"

Sources

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