Durant la semaine du cerveau, lors d'une visite au laboratoire de Pr. Vuilleumier, Yann Cojan a permis aux élèves de manipuler des images d'IRMf et une discussion s'en est suivi. Parlant de la plasticité du cerveau, il a mentionné un cas étonnant d'un homme vivant à Marseille qui lors d'un contrôle presque de routine s'est avéré avoir une énorme cavité remplie de liquide céphalorachidien : le crâne paraissait quasi-vide il ne lui restait presque plus qu'une bande tapissant l'intérieur du crâne. Et cet homme vivait une vie normale !
Retrouver l'article d'origine ?
Nous avons la chance qu'en biosciences tous les articles soient indexés sur PubMed et donc aisés à trouver et accessibles au moins jusqu'à l'abstract et souvent jusqu'au texte complet. Une première recherche avec Google a repéré quelques articles généraux (p. ex. dans Le figaro) qui m'ont donné le nom de l'auteur (Feuillet et la publication : The Lancet en anglais donc) J'ai alors un peu fouillé Pubmed et avec "Feuillet" et "Brain" et trouvé l'article (Feuillet et al 2007) avec des images saisissantes (ici) (fig1). Pour comparer j'ai été chercher dans un site qui permet de voir toutes les tranches d'un encéphale par IRMa The whole brain atlas et j'ai cherché à y trouver les plans de coupe présentant les images équivalentes pour un sujet normal. Vous jugerezFig 1 : Un cerveau très réduit chez un individu menant une vie sociale normale (img Source Feuillet, L. , et al. 2007 ) Pour comparaison à droite : cerveau normal d'après Whole Brain atlas adapté. LV : ventricules latéraux remplis de liquide céphalo-rachidien(img)
Hydrocéphalie
Il s'agit d'un cas d'hydrocéphalie : une accumulation du liquide cépahlorachidien (LCR) dans les ventricules cérébraux, les espaces creux dans l'encéphale. Ces espaces normalement petits et presque difficiles à observer sont devenus immenses chez cette personne. Agé de 44 ans il n'avait plus consulté depuis l'age de 20ans pour son hydrocéphalie et lentement le LCR a du repousser à la marge les structures cérébrales. Sans doute que la très lente augmentation des ventricules a permis une adaptation progressive des fonctions dans les zones qui restaient fonctionnelles (la plasticité). Ce qui est incroyable aux yeux des spécialistes comme du béotien est que cet homme menait une vie sociale normale : un emploi, une famille, etc. L'auteur le dit avec la réserve prudente des scientifiques "Massive ventricular enlargement, in a patient with normal social functioning ". D'accord, il n'avait pas un QI particulièrement élevé (environ 75 d'après les tests faits à l'hôpital) mais on sait - et cet exemple le prouve particulièrement bien – le QI n'est pas la mesure définitive et complète des capacités mentales... Etait-il plus heureux comme Daniel Keyes dans Des fleurs pour algernon le suggère ? Est-il un employé plus fiable que d'autres ? La discrétion veut qu'on n'aille pas l'embêter avec ce genre de questions. En tous cas on lui a posé un drain qui devrait réduire la pression du LCR et améliorer son état.D'autres cas de plasticité cérébrale pour répondre aux questions des élèves "qu'est-ce qui se passe si...?"
Les images qu'on obtient en cherchant sur le web sous hydrocéphalie m'ont paru inopportunes ici, à la limite d'un voyeurisme malsain des "monstres" comme on disait autrefois : le film Elephant man (David Lynch 1980) pose bien ce problème et montre bien le risque de la dérive en "cas intéressant pour congrès de spécialistes" ou en phénomène de foire. Un site à l'unige aborde la question sous un angle plus scientifique : NEUROCLUB "fondé en 1999 par le Prof. Jozsef Zoltan Kiss et deux étudiants, Raffaele Renella et Marc-Olivier Sauvain pour stimuler et aider les étudiants curieux et motivés dans leur découverte des Neurosciences " On y trouve une page avec d'autres cas de plasticité remarquables et - il me semble sans tomber dans le voyeurisme - permet de répondre -un peu - aux questions des élèves :
- Le cas d'une personne qui a vécu des années avec un crayon dans le crâne,
Le cas célèbre de ce contremaitre du nom de Phineas Gage qui a eu en 1848 son crâne traversé par une barre à mines et qui a récupéré presque complètement, mais dont le caractère s'est fortement altéré pour devenir peu responsable et imprévisible. Damasio a bien étudié ce cas dans "L'Erreur de Descartes", (1995) par ailleurs excellent et très lisible. Damasio y met en évidence le rôle de du cortex préfrontal comme un centre de régulation des émotions et de décision raisonnables.
Finalement ces cas mettent en évidence la plasticité – chez certains au moins – considérable de notre cerveau. Sans doute que la visibilité de ces cas cache de (très?) nombreux cas où la situation a évolué beaucoup moins bien et cela incite à être prudent avant de généraliser ces facultés de récupération. En effet, dans la vie de tous les jours, on croise des gens qui semblent très souples dans la tête et d'autres plus psychorigides. : ))
References :
- Feuillet, L., Dufour, H. & Pelletier, J., et al.Brain of a white-collar worker. Lancet 370, 262 (2007). (Abstract) |doi:10.1016/S0140-6736(07)61127-1
- Antonio Damasio, L'Erreur de Descartes, Ed. Odile Jacob, 1995.
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