vendredi 4 avril 2014

Pourquoi le zèbre a des rayures : de nouveaux résultats, de nouvelles explications. La science avance…


La question "pourquoi les  zèbres sont rayés ?" est posée depuis la petite enfance à des adultes qui sont souvent empruntés.
    http://decitre.di-static.com/media/catalog/product/cache/1/image/9df78eab33525d08d6e5fb8d27136e95/9/7/8/2/3/5/4/1/9782354170271FS.gif     

De nouvelles expériences et corrélations rapportés par Lee, J. (2014) dans ScienceNow ici  apportent une réponse assez solide à cette question : ce serait pour mieux échapper aux insectes piqueurs comme les taons et vecteurs de maladies la mouche Tsé-Tsé.

Why the Zebra Has Its Stripes
Fig 1: Les rayures du zèbre étaient difficiles à expliquer   [img] source Morell, Virginia, (2014). ScienceShot

Depuis plus de 150 ans on cherche…

On a évoqué différentes hypothèses: un camouflage dans la savane arborée, un effet de brouillage visuel, rendant plus difficile pour un prédateur  de sélectionner un animal (Egri, Á., et al. 2012). (Les membres Expériment@l peuvent obtenir ces articles). Le net regorge d'explications : par exemple :
Des expériences préalables avaient mis en évidence que les pelages foncés attirent plus les Tabanidés (Taons, etc.) parce qu'ils polarisent la lumière d'une manière qui évoque les plans d'eau que ces insectes apprécient. Cf figure 2.  Tous ceux qui ont été en safari ont appris qu'il faut s'habiller de clair...
Fig. 2.
Fig 2: la polarisation de la lumière par le noir est un facteur dans la perception des insectes dont on a pensé qu'elle pourrait influencer les pelages des zèbres ces images montrent que c'est peu convaincant  [img] source (Egri, Á., et al. 2012). 

Cela ne semblait pas bien expliquer les données d'observation : les zèbres ne sont pas blancs !

En testant différents modèles colorés différemment des chercheurs Suédois ont cherché à établir ce qui attire les Tabanidés. Ces expériences - un peu dans la veine des expériences de Niko Tinbergen (cf. un exemple en  figure 3) pour déterminer le stimulus-signal chez le goéland argenté - pourraient apporter un peu de renouveau dans les exemples classiques présentés en classe. Et offrir une alternative pour ceux gênés par les critiques (Ten Cate, C. (2009) ici ) sur la transposition didactique qu'il effectue en diffusant ses travaux
tinbergen et le goéland
Fig 3 : Les expérience classiques de Niko Tinbergen sur la coloration du bec préfigurent le paradigme expérimental  employé  [img]
 

Les taons moins attirés par les rayures : vérification!

Les chercheurs suédois ont essayé des carrés de différents couleurs puis installé des modèles de cheval de différentes teintes (cf. fig. 4) dans une ferme à chevaux en Hongrie (Egri, Á., et al. 2012). ici (les membres Expériment@l peuvent obtenir ces articles
Ils ont piégé les insectes se posant sur les surfaces pour ensuite les compter.


Fig 4 : Des modèles d'équidés peints de différents motifs dans une ferme à chevaux de Hongrie ont permis de tester l'attractivité envers les insectes comme les Taons  [img] source :Gabor Horvath


L'équipe de  Åkesson a trouvé que les rayures sont effectivement - pour les taons - moins attractives même que le blanc (cf fig. 5). Ils publient dans The Journal of Experimental Biology. (Egri, Á., et al. 2012). ici.

Fig. 3.
Fig 5 :Différents motifs et rayures attirent plus ou moins les insectes  [img] source :Egri, Á., et al. (2012). Traduction voir ici 

Ainsi ils établissent bien que les rayures sont moins attractives pour les mouches Tabanidées.  Mais cela n'établit pas encore que c'est ce qui se passe effectivement dans l'environnement naturel du zèbre.

La répartition des mouches et des zèbres rayés correspond

Or une étude juste parue, Caro, T., et al. (2014) ici, a cherché a corréler les cartes de répartition correspondant aux différentes hypothèses et a trouvé une remarquable correspondance avec celle des taons (Tabanides)   et mouches Tsé-Tsé (Glossina sp.). On sait que ces insectes sont vecteurs de très nombreuses maladies et leur piqûre peut être très douloureuse. Après avoir essayé tous les autres modèles envisageables, les chercheurs argumentent que ces mouches pourraient être le facteur principal qui a sélectionné au cours de l'évolution la robe rayée du zèbre.

Map of the Old World showing distribution of 7 species of            equids. (b) Distribution of tsetse flies (Glossina) and            location of 7 consecutive months of tabanid activity (see            methods).
Fig 6 :la répartition des mouches (Tabanus ~taons et Glossinia ~Tsétsé)   [img] source :Caro, T., et al. (2014).

Bio-Tremplins vous encourage à aller lire l'article d'origine (C'est en cela que cette publication est un Tremplin : elle offre un apéritif qui vous donne envie de lire plus…)
Les membres Expériment@l peuvent obtenir ces articles les autres peuvent avoir l'abstract ce qui est souvent déjà pas mal ! 

Comment une discussion nuancée des résultats devient une affirmation "scientifiquement prouvée"

Alors que même les nouvelles  ScienceShot dans Science titrent en suggérant une certitude "Why the Zebra Has Its Stripes", les chercheurs disent avec prudence que cette hypothèse est "une solution à cette énigme - que Darwin et Wallace avaient envisagée - est à portée de main".
Despite over a century of interest, the function of zebra stripes has never been examined systematically. Here we match variation in striping of equid species and subspecies to geographic range overlap of environmental variables in multifactor models controlling for phylogeny to simultaneously test the five major explanations for this infamous colouration. For subspecies, there are significant associations between our proxy for tabanid biting fly annoyance and most striping measures (facial and neck stripe number, flank and rump striping, leg stripe intensity and shadow striping), and between belly stripe number and tsetse fly distribution, several of which are replicated at the species level. Conversely, there is no consistent support for camouflage, predator avoidance, heat management or social interaction hypotheses. Susceptibility to ectoparasite attack is discussed in relation to short coat hair, disease transmission and blood loss. A solution to the riddle of zebra stripes, discussed by Wallace and Darwin, is at hand. Caro, T., et al. (2014) abstract.
En effet ce modèle offre une bonne corrélation et toutes les autres hypothèses qu'on a pu essayer n'expliquent pas aussi bien les données. Comment cette prudence sera traduite en vérités simples par le processus de transposition didactique et de vulgarisation est prévisible : la manière dont les résultats ont été établis se perdra, la discussion du degré de certitude et de la portée sera  évacuée, pour ne retenir qu'une conclusion simple affirmative, et présentée de manière à frapper les esprits.
Une rapide vérification montre que c'est déjà le cas à l'heure ou j'écris ces lignes.
Inévitable ? Peut-être, courant certainement : voir par exemple l'analyse très détaillée de cette transformation dans un autre cas, celui des campagnols, de la vasopressine et du "gène de la fidélité masculine"  L' amour, poésie ou molécules ?(Bio-Tremplins du 20 avril 2009)

Une responsabilité pour les enseignants …

Comment limiter les dégâts… atténuer cette dégradation de ce qui définit la connaissance scientifique (Les affirmations y sont basées sur les données et leur solidité discutées en rapport avec la manière ont elles sont produites et la force qu'elles donnent pour justifier les conclusions) ?


C'est l'enjeu de la transposition didactique (Brousseau, G.,1998) que doivent affronter tous les enseignants de science, les responsables de plan d'études etc. C'est une lourde responsabilité surtout Là où la liberté académique de l'enseignant secondaire est importante comme à Genève par exemple.

Sources :

  • Caro, T., Izzo, A., Reiner, R. C., Walker, H., & Stankowich, T. (2014). The function of zebra stripes. Nature Communications, 5. doi:10.1038/ncomms4535 | Intranet.pdf
  • Brousseau, G. (1998). Théorie des situations didactiques. Grenoble: La pensée sauvage.
  • Egri, Á., Blahó, M., Kriska, G., Farkas, R., Gyurkovszky, M., Åkesson, S., & Horváth, G. (2012). Polarotactic tabanids find striped patterns with brightness and/or polarization modulation least attractive: an advantage of zebra stripes. The Journal of Experimental Biology, 215(5), 736‑745. doi
  • Lee, Jane J. (2014). Mystery of Zebra's Stripes Finally Solved? . Text. Consulté 4 avril 2014, à l'adresse http://news.sciencemag.org/2012/02/mystery-zebras-stripes-finally-solved
  • Morell, Virginia, (2014). ScienceShot: Why the Zebra Has Its Stripes. . Text. Consulté 4 avril 2014, à l'adresse http://news.sciencemag.org/evolution/2014/04/scienceshot-why-zebra-has-its-stripes
  • Herzberg, Nathaniel, (2015) Les zèbres ne sont pas des planqués Le temps février 2015  intranet.pdf
  • Ten Cate, C. (2009). Niko Tinbergen and the red patch on the herring gull's beak. Animal Behaviour, 77(4), 785‑794. doi:10.1016/j.anbehav.2008.12.021
  • Vogel, G., & Angemann, H. (1970). Atlas de Biologie (M. Ricard, Trans.). Paris: Stock.

Mise a jour février 2016 : réparé liens d'image et ajouté lien Herzog

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire