dimanche 12 octobre 2008

Hospitalité et pique-assiettes: les fleurs manipulent les pollinisateurs.

Hospitalité et pique-assiettes : la solution chimique....

On sait que les fleurs attirent souvent les insectes ou les oiseaux pollinisateurs avec des couleurs et des motifs contrastés, des odeurs attirantes et offrent du nectar.
Les plantes étant si nombreuses et l'importance de la pollinisation dans leur reproduction si critique, on pourrait imaginer que l'évolution soit plutôt contrôlée par les insectes et les autres pollinisateurs.
Une recherche récente (Kessler, D. et al. 2008), rapportée par Raguso (2008) dans les News de Science, révèle que certaines plantes en tous cas ont des stratégies pour reprendre la main et contrôler la distribution de leur nectar en vue d'optimiser la pollinisation.

Générosité contrôlée
En effet les plantes se reproduisent mieux si leur pollen est distribué largement, et si les ressources offertes sont parcimonieusement distribuées aux animaux les plus susceptibles de diffuser le pollen efficacement.

Par une combinaison de substances chimiques - chez Nicotiana attenuata en tous cas - la plante favorise les pollinisateurs qui prennent un peu de nectar seulement, et vont trouver le reste de leur pitance chez de nombreuses fleurs, distribuant ainsi le pollen entre plusieurs fleurs.
Figure 1 Une pollinisation optimisée par la chimie. N. attenuata attire les colibris (Archilochus alexandri) avec du nectar et des parfums, mais les repousse avec des toxines : nicotine. Cela favorise une diffusion optimale du pollen. [img]CREDIT: D. KESSLER

La séduction optimale : parfum envoûtant et toxique répulsif.
La plante équilibre l'attraction (couleurs , parfums, nectar) et la répulsion (nicotine toxique) d'une manière qui pourrait évoquer les jeux la séduction...
Une fleur qui produit à la fois du benzyl acetone (une des odeurs les plus attractives) et de la nicotine (un insecticide naturel agissant sur le système nerveux des insectes, et qui est aussi dissuasif pour les oiseaux) pourrait évoquer la femme fatale de certains fantasmes, mais n'est guère facile a comprendre scientifiquement.
Pour explorer ce paradoxe, Kessler, D. et al. (2008) ont réduit au silence les gènes de la biosynthèse de la nicotine et du benzyl acetone qui est une des odeurs les plus efficaces de ces plantes. Ils ont aussi procédé à des analyses de paternité et des expériences de terrain.
Résultats : Ceux qui produisent à la fois nicotine et benzyl acetone ont plus de descendants et produisent des capsules plus grandes.

Un équilibre antagoniste
Ils interprètent cela par l'équilibre entre 2 effets antagonistes : d'un côté la fleur offre ses atours, qui attirent les pollinisateurs mais aussi des animaux tels que des coléoptères, des bourdons, des chenilles qui perforent la fleur et prennent beaucoup de nectar sans distribuer le pollen. De plus, sans restriction, certains insectes ou colibris prendraient beaucoup de nectar, seraient vite rassasiés et ne visiteraient que peu de fleurs.
D'un autre côté, la fleur produit de la nicotine qui limite les voleurs de nectar et oblige les pollinisateurs à ne prendre que peu à la fois, donc à aller vers de nombreuses autre fleurs.
Personnellement je n'ai pas compris cet argument car il me semble que recevoir une fois beaucoup de toxine ou plusieurs fois un peu ne doit pas être si différent ? Ce sont pourtant les résultats obtenus ! Quelqu'un peut éclairer ma lanterne ? Le blog permet de répondre.

D'autres ruses des plantes ...
Presque un tiers des orchidées n'ont pas de nectar, et si on leur ajoute de l'eau sucrée, les pollinisateurs restent plus longtemps et on observe plus d'endogamie et de pertes de pollen. Les Cycas augmentent la température des cones mâles, obligeant ainsi les insectes qui se nourrissent de pollen à les quitter et à aller vers de cones femelles, pollinisant ainsi ces plantes.

Au fond la vie sexuelle des plantes est aussi faite des complexités de la séduction et bien plus complexe qu'on ne l'imagine...
Pour celles et ceux que ce sujet titille, d'innombrables autres exemples de la complexité de la vie sexuelle des plantes sont présentés dans un ouvrage de Roger Grounds : The private life of plants. A côté de ce que les plantes pratiquent, il dit que les humains les plus pervers semblent bien sages !

Sources

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