jeudi 23 octobre 2008

Le cinéma de l'embryon au top ten ?

L'embryologie dans le top ten des downloads de films ?
Alors que la question des bons usages d'Internet en classe commence à se poser, des chercheurs à l'EMBL ont produit une vidéo qui risque d'être au top du hit-parade dans les classes d'embryologie : une vidéo où l'on distingue bien chaque cellule de l'embryon et ses mouvements jusqu'à la neurulation. Une telle précision sur une si longue durée a été rendue possible par la mise au point d'une nouvelle forme de microscopie tridimensionnelle la DSLM.
Figure 1 : Quelques petites images extraites de la splendide vidéo d'un embryon de vertébré à divers stades.
Et ces images authentiques sont librement accessibles à tous !


L'imagerie cellulaire ... encore un domaine en expansion
En effet , dans une news de Science, Vogel (2008) rapporte les travaux de Keller et al. (2008) qui ont mis au point une nouvelle forme de microscopie : la DSLM (digital scanned laser light sheet fluorescence microscopy).
Une sorte de scanner excite les cellules marquées (ici leur chromatine) en balayant un laser horizontalement, puis de haut en bas par tranches successives pour parcourir l'échantillon (ici un embryon). On mesure la fluorescence à angle droit et un système informatique très puissant reconstitue l'image en 3-D . Cela permet d'assurer sur des échantillons de quelques millimètres un suivi de chaque noyau durant 24 heures du développement de l'embryon : une précision et une durée encore jamais atteinte.
Fig 2 : le principe de la DSLM en un schéma : pour exciter la fluorescence on illumine avec un laser (bleu) l'échantillon et on balaie par ligne horizontale puis verticalement par plan et on mesure la fluorescence émise par les noyaux (vert). Source : Keller et al (2008) Le principe de fonctionnement de la DSLM est sous forme de vidéo ici

Une application en embryologie
Ils ont ainsi suivi de minute en minute les étapes du développement d'un embryon de vertébré (le poisson Danio rerio : en anglais : Zebrafish dans l'article) nous offrant la possibilité de faire découvrir aux élèves les mouvements des cellules
Ils ont pu ainsi trancher entre deux hypothèses sur l'origine de la rupture de symétrie qui identifie l'axe du corps.
Et Internet nous permet encore une fois d'accéder à des données authentiques, issues tout droit de la recherche, accessibles en classe ou même par les élèves à la maison !
Une vidéo pour découvrir l'embryologie ?
Parmi les séquences proposées, la plus remarquable est -à mon avis - celle-ci (extraits intranet ici)
: une vidéo des premières divisions de l'embryon (depuis 64 cellules) jusqu'à la neurulation où l'on peut suivre chaque cellule. (! c'est un fichier de 41Mb !).

Quel usage en faire ?
La première idée est probablement que le maître la présente à la classe et la commente.
Mais d'autres questions didactiques se posent, comme de décider si on la présente aux élèves avant ou après les images statiques. Ou encore si on la fait regarder aux élèves après une introduction du sujet, pour aider à intégrer la dynamique ou plutôt comme découverte de la dynamique du développement, que les images statiques viendront solidifier.
Dans d'autres approches éducatives, pour ceux qui veulent que les élèves apprennent à observer les phénomènes biologiques et à en extraire eux-mêmes les connaissances, elle pourrait être le support d'une activité des élèves où ils devraient repérer dans la vidéo les images statiques de leur ouvrage voire ordonner une série d'images.
Il y a bien sûr encore d'autres possibilités que chacun saura inventer.
Clairement ce que les élèves apprennent n'est pas identique dans chacun de ces cas et c'est un débat passionnnant.
Comme souvent dans cette période où Internet entre lentement en classe, la question n'est pas tant si cette ressource est bonne ou non, mais plutôt si tel ou tel usage est adapté à cette classe, à ce programme, à ce style d'enseignement, à ce qu'on veut que les élèves sachent vraiment, ...

Que dit la recherche sur la question de l'apport à l'apprentissage des animations ?
Des recherches, notamment à TECFA, un labo de l'UniGe, (Bétrancourt, M. & Chassot, A., 2008) ont abordé ce genre de questions, et incitent à limiter la surcharge cognitive que représente la découverte simultanée de nombreux concepts comme les mouvements cellulaires, les grandes étapes de l'embryologie, la différenciation cellulaire, etc
Pour Mireille Bétrancourt, Prof à TECFA,
"Il vaut mieux présenter d'abord les états statiques, et surtout les différents éléments qui interviennent, avant de commenter la dynamique. D'autre part, il faut bien indiquer quels sont les éléments dynamiques intéressants à regarder, car sinon les élèves vont avoir tendance à se focaliser sur les éléments les plus saillants perceptivement, [ =ce qui frappe, qui est le plus visible] qui ne sont pas forcément les plus intéressants. Enfin, il faut aussi réaliser que les élèves ne déduiront pas la "logique" du mécanisme à partir du simple visionnement de la séquence temporelle, que pour ça, il faut imaginer des activités qui incitent les élèves à réfléchir sur les mécanisme le fonctionnement."

L'essentiel est invisible pour les yeux ... on ne voit bien qu'avec un regard instruit.
Ainsi, malgré le souhait fondamental en sciences expérimentales de commencer par l'observation, de tout baser sur les faits, il vaut peut-être mieux pour des débutants les aider à se former d'abord un regard de biologiste. Et ce regard n'est pas inné... savoir regarder s'apprend et suppose pas mal de connaissances. Ensuite, ce regard actif, étayé, construit peut comprendre les concepts et enfin aborder la dynamique dans une vraie découverte.

Et apprécier encore mieux cette belle découverte scientifique... ce que St. Exupéry n'aurait peut-être pas renié. Qu'il me pardonne cette paraphrase osée.



Pour des ressources en classe, voir aussi
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