dimanche 9 mai 2010

Le projet génome humain a 10 ans. (suite...)

Le projet génome humain a 10 ans : suite

Has the revolution arrived?See online collection.
Il y a déjà 10ans depuis la première annonce du séquençage du génome humain. Une première Bio-tremplins (du 15 avril 2010) avait déjà abordé le sujet, pour revenir sur ce thème en élargissant un peu.

Un génome plus complexe que prévu

On avait pensé que le génome révèlerait les fondations d'une compréhension de la biologie humaine. C'est en partie vrai, mais on découvre que c'est un peu plus compliqué .... Un des articles Check Hayden, Erika. (2010) Human genome at ten: Life is complicated extraits-intranet.pdf met en évidence combien la vision d'un génome constitué de gènes principalement, avec un gène pour une fonction s'avère simpliste. De plus de 100'000 gènes on est descendu à environ 21'00. Seul 1.1% de notre ADN est constitué d'exons (qui devient de l'ARNm), 24% dans les introns,(excisé -> non-présent dans l'ARNm achevé) et 75% entre les gènes. (Venter, J. C., et al. 2001) . La régulation par des protéines régulatrices qui se fixent sur l'ADN (le modèle du célèbre Opéron Lac) est complétée par de nombreux autres mécanismes. Il semble qu'une très grande partie de l'ADN non codant est transcrit en ARN, ( 74% à 93% dans une étude), et est impliqué dans la régulation des gènes avec l'ARN interférant entre autres (Cf Bio-tremplins 30 janvier 2008) L'article très intéressant extraits-intranet.pdf discute si cette complexité est intrinsèque à notre fonctionnement ou si elle est liée à la vision -réductionniste dirais-je - avec laquelle on aborde les problèmes qui marquerait ses limites... On sent en tous cas qu'un virage s'amorce dans la biologie.

Bessette — now ,24 picturedUne vision simpliste ... des espoirs déçus

Dans le cas des thérapies géniques cette vision "un gène-une protéine-une fonction" (cf. Bio-Tremplins du 9 octobre 2009) a suscité des espoirs immenses et des déceptions à la même échelle. La Mucoviscidose (Couzin-Frankel, J. 2009)ici Extraits intranet.pdf est peut-être le cas le plus célèbre : quand le gène CFTR (cystic fibrosis) a été découvert en 1989, une thérapie semblait imminente. 20 ans plus tard elle a encore du chemin à faire...
Fig 1 : Danny Bessette atteint de la mucoviscidose avait 4 ans quand il est apparu sur la couverture de Science et 20 ans plus tard il tient le magazine... [img] source Pearson, Helen. (2009)

Si la thérapie génique ne s'est pas réalisée, les malades ont quand même gagné presque 10 ans d'espérance de vie. Grâce a une meilleure compréhension de la génétique bien sûr. Mais peut-être qu'une focalisation trop grande sur les thérapies géniques à été une erreur dit Couzin-Frankel.

Des espoirs récents

Publié par tpe-bebebullesCependant des thérapies géniques ont connu des succès récents : un très bon article dans la recherche le développe (Klinger, Cécile. 2010). Renaissance des thérapies géniques.) Plusieurs cas récents de thérapies géniques réussies ont pu se réaliser grâce à une vision qui aborde la complexité de la maladie et ... " bat en brèche la conception simpliste [...] selon laquelle lorsqu'une maladie est causée par un gène il suffit pour la soigner d'apporter le gène normal - en faisant souvent fi de la complexité du corps humain. Alain Fischer et Marina Cavazzana Calvo démontrent précisément l'inverse: connaître les caractéristiques physiopathologiques de la maladie est essentiel pour éviter certaines chausse-trappes, et discerner les pistes d'action possibles." Klinger, C. (2010) extraits intranet.pdf "Pour mieux comprendre en quoi consiste cette progression, un bref retour en arrière s'impose. Il y a presque dix ans, le 28 avril 2000, Alain Fischer, Marina Cavazzana-Calvo et Salima Hacein Bey Abina, de l'hôpital Necker, publient des résultats enthousiasmants : la reconstitution, en dix mois, d'un système immunitaire fonctionnel chez deux nourrissons souffrant d'un déficit immunitaire sévère, appelé DICS-X1. Âgés de 8 et 11 mois à l'époque du traitement, ils étaient condamnés à vivre dans une bulle stérile sous peine d'être emportés par la première infection venue. C'est le premier succès clinique de la thérapie génique, après quinze ans de balbutiements. " "On s'en souvient: après l'annonce, en 2000, du succès de l'essai de l'équipe d'Alain Fischer, la nouvelle, en 2002, qu'une leucémie s'était déclarée chez certains des jeunes patients avait fait l'effet d'une douche froide, d'autant qu'un des enfants était ensuite décédé. À l'époque, d'aucuns parlaient d'échec. Avec du recul, ce verdict semble exagéré. En effet, 17 des 20 enfants traités (10 à Necker et 10 en Angleterre par l'équipe d'Adrian Trasher) ont aujourd'hui un système immunitaire fonctionnel. Et, avec un seul décès, le taux de mortalité de cette approche est de 5 %. Alors qu'il est de 30 % pour l'unique autre thérapie possible, la greffe de moelle osseuse. Mais il faut se rappeler qu'en 2002 la déception était à la hauteur de l'enthousiasme qui avait accueilli l'annonce de la réussite de l'essai. " En somme, il me semble que la vision selon laquelle on cherche "le gène de ..." pour toutes les maladies et caractéristiques (intelligence, parole, orientation sexuelle, etc.) a sans doute été féconde, mais il faut probablement maintenant la dépasser et affronter la complexité des génomes.

Ou allons-nous avec ces génomes?

collins

L'un des acteurs principaux de cette aventure : Francis Collins emploie des mots assez forts : Has the revolution arrived? et porte sur cette décennie un regard enthousiaste et en tire 5 leçons.

"Pour ce qui est de l'avenir, il ne s'agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible." Antoine de Saint-Exupéry

Collins se réfère à l'auteur du Petit Prince pour extraire 5 leçons majeures de cette décennie de ce qu'il n'hésite pas à appeler l'ère génomique. En voici quelques unes :

Un accès libre et ouvert aux données permet le progrès

De très dure négociations notamment contre Venter et son modèle économique du "Breveter d'abord et discuter après" ont fini par instaurer une éthique très radicale exigeant le dépôt immédiat des séquences dans des banques de données libres et accessibles à tous. Cet accès libre a eu un effet profondément positif sur le progrès. Et -je me permets de l'ajouter - sur l'éducation, puisque chaque école a donc accès à des données authentiques et de première fraîcheur. Strasser, B. J. (2006) a mis en évidence combien c'est un changement important de la manière de fonctionner des biologistes et comment l'obligation de déposer les données dans ces banques de données pour publier a permis d'imposer cette mesure généreuse. Si je suis bien informé c'est un cas unique : en chimie des banques équivalentes existent mais sont très chères et donc inaccessibles au monde éducatif. Collins souligne que cette ouverture a permis aux meilleurs cerveaux de la planète de commencer immédiatement à travailler sur ces masses de données.

Des choix politiques

Des décisions politiques auront - selon Collins - un effet crucial pour récolter les bienfaits du génome : à propos de la protection de la vie privée, la formation du personnel médical et du public à propos de la médecine génomique personnalisée (celle qui prend en compte le génome de l'individu pour adapter les médicaments et les dosages aux particularités du génome individuel). Aussi un remboursement adéquat de mesures préventives validées.

Girl and chimpUn changement de paradigme

Au-delà de cet enthousiasme touchant, il faut reconnaitre que la révolution génomique transforme la biologie : on séquence très largement et les découvertes se passent de plus en plus dans le traitement des données : on cherche les gènes qui permettent de digérer les Sushi sans vraiment savoir dans quelles bactéries ils sont, on a pu retracer l'origine de personnes de divers groupes ethniques par leurs gènes (Bio-Tremplins du 11 sept 2008), on explore l'origine du langage en séquençant les différences du gène FOXP2 ici (Smith, Kerri. 2009),
Fig 3 :L'analyse des différence de séquence du FOXP2 expliquera-t-elle le langage ? .mlorenzphotography/ Getty [img]Source Smith, Kerri (2009)
on a établi qu'un os fossile était peut-être une nouvelle espèce en séquençant l'ADN d'un du doigt retrouvé ici(Dalton, R . 2010), on a établi les relation écologiques entre une guêpe parasite, un virus et son hôte en séquençant leur ADN ici ...
A l'heure ou j'envoie ce message Science vient de publier 3 génomes "complets" (draft) de Néandertaliens... Green, R. E., et al. (2010) (The Neandertal Genome)

observer est aussi une compétence importante pour un-e biologisteVa-t-on vers une biologie où l'on séquence d'abord, et on commence à réfléchir après ?

Peut-être bien, mais savoir regarder dans un microscope ou des jumelles continuera d'être aussi une compétence importante pour un biologiste. Comme de pipeter. Mais surtout de réfléchir à ce que signifient dans notre société ces changements et comment nous voulons les accompagner, les délimiter, les intégrer. Pour être un citoyen responsable. Fig 4 :Même s'il doit comprendre la génomique, un-e biologiste doit savoir observer la nature [img] Photo F. Lombard

Sources

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