vendredi 29 mai 2009

les souris détectent la maladie à l'odeur...

Un docteur dans le nez des souris ?

The vivid world of odours
Fig 1 : L'odorat chez les humain est anatomiquement plus simple [img] source : prix Nobel 2004

On connait les récepteurs olfactifs, et on sait qu'ils sont distincts et anatomiquement séparés de ceux des phéromones (dans l'Organe Voméro Nasal VNO) chez la plupart des mammifères comme la souris. Chez l'homme les récepteurs sont distincts, mais situés dans le même épithélium nasal (Bio-Tremplins 13 I 08 ). Un chercheur de l'Université de Genève, Ivan Rodriguez, a récemment identifié chez les souris de laboratoire une autre forme de récepteurs appelés formyl peptide receptors (FPR) qui détectent les animaux malades. Picture of rodent

Fig 2 : Si vous êtes malade, cette souris le détectera peut-être. (source)Credit: Photos.com

On connait les récepteurs olfactifs, et on sait qu'ils sont distincts de ceux des phéromones. Un chercheur de l'Université de Genève, Ivan Rodriguez, a identifié chez les souris une autre forme de récepteurs appelés formyl peptide receptors (FPR) qui détectent les animaux malades. Dans une nouvelle ScienceNOW du 22 avril 2009 Claire Thomas rapport que ces récepteurs FPR détectent des substances émises par des pathogènes et sont utilisés par le système immunitaire pour repérer les microbes qui nous attaquent. La présence de ces récepteurs sur des cellules olfactives a donné l'idée à l'équipe de Rodriguez qu'il pourrait y avoir là un mécanisme de détection des agents pathogènes, ou de l'inflammation mais chez d'autres individus : une sorte d'alerte à la maladie. Ils ont exposé des neurones olfactifs de la souris à diverses bactéries pathogènes et à l'urine de souris malades. Et en effet les neurones ont produit des influx pour certaines substances : ils le publient dans Nature (Riviere, S., et al., 2009)

On avait déjà repéré des détecteurs à la peur chez la souris...



Fig 3 : Les ganglions de Grueneberg chez la souris : un autre système de détection olfactif spécialisé [img] Credit: science / AAAS

Des chercheurs Lausannois avaient identifié l'an passé parmi les récepteurs olfactifs des écepteurs à la peur chez la souris (ScienceNOW, 21 August 2008) Voir aussi Bio-Tremplins
de janvier 08 sur les phéromones.

Le virtuel qui remplace l'expérimentation ?

L'expérience des Lausannois est bien illustrée avec une vidéo ici (An) Elle est très belle, mais ... virtuelle.
Faut-il se préparer à ne traiter l'éthologie que par des vidéos comme celle-ci ? Avec les limitation dans les écoles sur l'expérimentation animale on peut craindre de voir cet usage-là du "virtuel" être imposé.
Est-ce bien là la manière la plus féconde de développer la démarche expérimentale...
Konrad Lorenz, Niko Tinbergen, Desmond Morris et d'autres auraient-ils fait leurs découvertes sans élever des oies, des goélands,... ?
Que dire d'un enfant qui observe son hamster dans sa cage grignoter un bout de pomme ? Est-ce de l'expérimentation animale ? N'est-ce pas une attitude à encourager ?

Des détecteurs de maladie ?

D'autre part on avait souvent observé que bien des animaux tendent à éviter les individus malades, et maintenant on commence à comprendre comment. Les chercheurs genevois ont exploré à partir du génome de la souris pour des protéines réceptrices exprimées dans le nez de la souris, et ont trouvé 5 nouvelles protéines : des récepteurs de la famille des FPR. Ensuite des techniques classiques de biologie moléculaire ont permis de mettre en évidence leur activité


Fig 3 : L'activité des récepteurs FPR (fluorescence verte) est principalement dans l'organe voméronasal (VNO). Figure complète avec légende Credit: Stéphane Rivière, Nature

Les neurones exprimant les nouveaux FPR, sont situés dans l'organe Voméronasal (VNO, où les phéromones sont aussi détectées) et connectés directement à l'amygdale (celle du système nerveux, pas celles au fond de la gorge) qui contrôle les réactions émotionnelles.

Pour trouver une aiguille (séquence d'ADN) dans une botte de foin
(le génome) : l'ordinateur à la rescousse !

Il est intéressant de noter qu'ils ont d'abord cherché des séquences qui présentaient des similitude avec les récepteurs connus, donc in silico c'est à dire dans les bases de données génomiques avec des outils informatiques de recherche de séquences similaires, puis ont
recouru à des techniques de biologie moléculaires pour tester l'expression dans les tissus du nez de la souris de ces récepteurs supposés.
Ainsi la Bioinformatique (ou BIST) prend une place de plus en plus importante, mais ne s'oppose pas à la moléculaire, les biologistes font appel à une combinaison de méthodes in vitro et in silico !

L'informatique qui ouvre des horizons

En effet, ici l'informatique ouvre des horizons aux chercheurs et les rend accessibles à nos élèves puisqu'en classe on peut trouver la séquence authentique par exemple de Fpr-rs1 dans les bases de protéines : UniProt O88535
On trouve aussi que les primers utilisés étaient pour cette protéine TTT ATC TGT TGG TTT CCT TTC CA et ACC ACT AAA CTG CAT CTC TTT GAG
Ainsi les élèves peuvent aller explorer - sans doute ont-ils encore besoin d'être guidés - les informations originales et de première main, tenter de trouver des séquences chez l'homme etc (cf ici)...
Une nouvelle forme d'expérimentation, finalement pas si virtuelle que ça !

Cela permettra-t-il un jour de détecter les maladies à l'odeur ?

Selon Rodriguez, ces récepteurs ont été trouvés chez les gerbilles et les rats, et dans notre système immunitaire, mais il y a peu de chances qu'on trouve ces FPR dans le
nez humain.
Il semble donc peu probable que cela explique comment les docteurs de famille diagnostiquaient autrefois certaines maladies en reniflant le malade, comme certains articles de la presse à grand public l'ont suggéré.

Mais Claire Thomas suggère qu'à partir de ces recherches - non virtuelles - on produira peut-être un jour des détecteurs inspirés de ces FPR, aidant au diagnostic en révélant ces molécules associées aux maladies.

Comment développer la curiosité et l'observation des chercheurs qui feront ces découvertes-là ?

Liens :

Update 14 VII 09 : complété avec les implications pour l'enseignement.

C'est l'intention qui compte

C'est l'intention qui compte, pas le geste ...

Des expériences récentes montrent que c'est l'intention de bouger plus que le mouvement effectif du corps qui détermine la conscience d'avoir bougé. Stimuler légèrement certaines zones du cerveau produit une envie de bouger et même la sensation d'avoir bougé si on stimule assez fort, alors qu'une stimulation d'autres zones fait bouger le bras ou les lèvres alors que le patient affirme n'avoir pas bougé du tout.
Picture of brain
Fig 1 : Chez des patients en préparation à la chirurgie pour une tumeur du cerveau, stimuler le cortex pariétal (jaune et rouge) produit l'intention de mouvement, alors qu'une stimulation du cortex prémoteur (jaune) produit des mouvements non conscients. [img] Credit: Angela Sirigu
Quand on agite la main par exemple, c'est l'activation de la zone d'intention du déplacement qui détermine le sentiment d'avoir bougé, et non l'activation de celles qui produisent le mouvement effectif.

Au-delà de l'aire motrice et l'homonculus, l'aire prémotrice ?

Tous les manuels de biologie illustrent le cortex moteur d'où partent les influx qui commandent le mouvement corporel, juste à coté du cortex sensoriel ou somesthésique. De manière très frappante, on a souvent représenté la carte motrice et sensorielle par un petit bonhomme "Homonculus" où chaque partie du corps est représentée proportionnellement à la surface corticale dévolue à cette partie.
Fig 2 : Gauche : les aires motrices (rouge) et sensorielles (vert) primaires. [img] Source A droite : L'" Homonculus" sensoriel où chaque partie du corps est représentée proportionnellement à la surface corticale dévolue à cette partie.[img] Source UtorontoLe cortex prémoteur est moins connu : l'excellent ouvrage on-line (Purves 2001) montre qu'il est juste à coté du cortex moteur et décrit ici comment il est impliqué dans la sélection de séquences particulières de mouvements parmi le répertoire des possibles. "intimately involved in selecting a specific movement or sequence of movements from the repertoire of possible movements"
The primary motor cortex and the premotor area in the human cerebral cortex as seen in lateral (A) and medial (B) views. The primary motor cortex is located in the precentral gyrus; the premotor area is more rostral.
Fig 3 : Le cortex moteur et prémoteur bleu clair et vert [img] Source : Purves (2001).

En français ?

  • La Recherche, mars 2009 a fait un article " ce que le cerveau dit au muscle" intranet.jpg
  • La Recherche, juin 2009 La conscience de l'action intranet.jpg

Comment explorer ce que le sujet veut, comment son cerveau commande le mouvement à son insu ?

Depuis quelques années, la dualité corps-esprit (que le psychologique soit immatériel et séparé du corps biologique) est mise à mal par de nombreuses expériences en neurosciences, et le libre arbitre est remis en question, mais les bases neurologiques de l'intention restaient assez mystérieuses. Dans le cas du mouvement on n'avait pas encore clairement identifié la localisation cérébrale des intentions.
Telis, Gisela. (2009) rapporte dans ScienceNow une étude réalisée chez des patients en préparation à la chirurgie pour une tumeur du cerveau. On doit en effet procéder à une sorte de repérage des zones cérébrales en stimulant avec des électrodes pour identifier les zones lésées ou à opérer. Les patients sont donc sous anesthésie locale mais conscients. Angela Sirigu du Centre de Neuroscience Cognitive à Bron, en France (Michel Desmurget, et al. 2009) en a profité pour explorer ce que les patients décrivaient lors des stimulations de certaines zones précises, et apporte une première série de réponses assez troublantes à cette question.

Mais si, ... mais non je n'ai pas bougé !

Avec des stimulations légères (2 ou 5 mA) du cortex pariétal, (cf fig 1jaune et rouge) les patients disaient vouloir bouger leurs bras, jambes ou lèvres, mais ne les bougeaient pas : "J'ai senti une envie de bouger mes lèvres". Avec des stimulations plus fortes (5 ou 8 mA) ils affirmaient avoir bougé "j'ai bougé la bouche, qu'est ce que j'ai dit ?" Par contre lorsqu'on stimulait leur cortex prémoteur (cf fig 1 bleu), on pouvait observer des mouvements mais le patient niait que ses membres aient bougé. D'après Sirigu, c'est donc l'intention qui détermine la conscience du mouvement. Les intentions et les effets attendus produisent la sensation consciente d'avoir bougé, dit-elle.

Et les douleurs fantômes ?

Les amputés se plaignent souvent de douleurs fantômes : des sensations douloureuses perçues comme provenant de parties spécifiques du membre amputé. Par exemple ils se plaignent de douleurs au pouce alors qu'ils sont amputés au coude. Cf Phantom Limbs and Phantom Pain (Purves 2001) On a observé une réorganisation des cartes sensorielles où l'on voit les neurones répondre à des stimulations de parties du corps normalement non concernées. Une stimulation du visage produit par exemple une douleur dans la main amputée.

Drawings of phantom arms and legs, based on patients' reports.
Fig 4 : Les douleurs fantômes que les patients décrivent [img] Source : Purves (2001).
Certaines expériences avaient montré qu'une simple simulation en réalité virtuelle ou par un jeu de miroir permettant de voir le membre manquant se mouvoir en réaction à des mouvements volontaires de l'autre bras ont produit des améliorations thérapeutiques remarquables et ... pas très faciles à expliquer. cf source Peut-être que les travaux de Sirigu éclairent d'un nouvel angle ces expériences : si la conscience du mouvement s'exprime bien en temes d'intention, plus que d'aires motrices ou prémotrices, de nouvelles expériences pourraient explorer les liens entre ce cortex pariétal, ces douleurs fantômes et leur diminution.

La pince qui est un prolongement du bras

l'outil comme une extension de la main
Fig 5 : L'outil finit par être incorporé au schéma corporel comme une extension du corps : comme si les mâchoires de la pince était deux doigts de la main [img] Source ScienceNow Balter, Michael. (2008).
 


 On a récemment pu mettre en évidence, Balter, Michael. (2008) le rapporte dans une news de Science, que tout se passe comme si l'outil bien intégré était devenu un prolongement du bras. Les chercheurs de l'équipe de Giacomo Rizzolatti de l'University de Parme ont observé lorsqu'un macaque utilise pendant longtemps une pince, les séquences d'activation du mouvement sont les memes dans des aires cérébrale F1 et F5 avec une pince à action directe ou à action inverse (lorsqu'on serre les poignées, la pince se déserre avec les pinces inverses): "the pattern of neuronal activity is somehow transferred from the hand to the tool ". Comme si le cerveau commandait directement les mâchoires de la pince " as if the tool were the hand of the monkey and its tips were the monkey's fingers." Les auteurs évoquent les neurones-miroirs dont la région F5 est riche. Rizzzolati développe d'ailleurs l'idée que ce seraient les intentions des autres qui seraient interprétées dans ces neurones-miroirs. (cf Bio-tremplins Neurones-miroirs) voir aussi : The neural basis of tool use review | intranet.pdf et Paper on mirror neurons Giacomo Rizzolatti et al

C'est l'intention qui compte, mais alors nous ne sommes pas maîtres de nos gestes ?

Plusieurs recherches suggèrent donc que ce soit la volonté d'agir qui compte plus que la réelle action. Du moins en ce qui concerne notre conscience. Cela heurte notre bon sens... remet en question notre responsabilité. -Bon sang, je sais bien ce que j'ai fait, non ? On sait que l'introspection ne permet pas vraiment de découvrir les mécanismes mentaux. Et le biologiste en était resté, souvent, à cette position prudente, faute de données qui soient acceptables pour un expérimentaliste. Mais cela change. Que la volonté puisse être explorée par les neurosciences est tout à fait fascinant. Oui, mais est-ce de la biologie ?

L'intentionnalité : un des ressorts fondamentaux de la personnalité ?

Il semble que le sentiment de contrôle de nos actions soit un des ressorts centraux du fonctionnement psychologique humain. "The desire to combat uncertainty and maintain control has long been considered a primary and fundamental motivating force in human life and one of the most important variables governing psychologicalwell-being and physical health " Whitson, J. A., & Galinsky, A. D. (2008). L'intentionnalité est peut-être aussi la racine de bien des conceptions qui font obstacle à la compréhension en évolution ou en physiologie : quand les élèves abordent l'évolution de la girafe en termes de finalité "parce que ça lui est utile de manger les feuilles du haut" , ou l'influx nerveux en termes de volonté du potentiel d'action de se déplacer vers la synapse "parce que c'est là qu'il veut / doit aller ". On voit que des questions traitées plutôt par les philosophes ou les psychologues commencent à avoir des nouvelles réponses issues des neurosciences, et que nous nous trouvons entrain d'aborder des questions qui paraissaient hors du champ de la biologie jusqu'alors. Parce que de nouveaux outils d'exploration du cerveau comme ceux de Sirigu ou l'IRMf étudient le fonctionnement du cerveau en action, sommes-nous sommes contraints de redessiner les limites de notre discipline ? Faut-il éjecter les neurosciences de la biologie enseignée ou élargir notre vision de ce qu'est la biologie ?

Sources

Révisé le 5 juin . complété notablement sur les douleurs fantômes et l'outil extension du bras.

Encore un symbole suisse démystifié

Le génome de la vache n'a plus de secrets ?

Après Swissair et UBS, un autre symbole Suisse perd de son mystère : la vache. Son génome a été complètement séquencé par 300 scientifiques de 25 pays dont l'équipe des Pr. Antonarakis et Zdobnov et l'Institut Suisse de BioInformatique à l’UNIGE. Lucky cow. This Hereford female was picked to have her genome sequenced.
Fig 1 : la vache dont le génome a été séquencé : une Hereford, nommée L1 Dominette.Source [img]


Fig 1 : Le génome de la vache est accessible à chacun et en classe depuis MapViewer (Source droite: Science

On peut, par exemple, aisément voir depuis MapViewer si la vache a aussi un gène pour l'insuline. Elle en a effectivement un sur le chromosome 29 (solution). Sur UniProt on trouve la protéine insuline sous le nom P01317 (INS_BOVIN) Il est intéressante et stimulant de faire découvrir aux élèves que la vache a aussi l'insuline, les cytochromes, l'EPO, l'hémoglobine, la CFTR de la mucoviscidose etc . Et qu'elles sons similaires. (Cf formation BIST)

Selon les chercheurs qui publient leurs travaux 24 avril dans la revue Science, (News Couzin-Frankel,Jennifer. 2009) ce génome constitue une source majeure d’informations, tant pour l’étude de l’évolution des mammifères que pour la biologie des bovins. En parallèle, une étude complémentaire est publiée sur les bases génétiques du lait des mammifères.

contenu en gènes de différentes espècesUn génome vachement bien

Le génome de la vache est composé d’au moins 22'000 gènes – au sens classique – codant pour l’information nécessaire à la synthèse des protéines, ainsi que de 500 gènes de microARN, qui eux régulent la production de la plupart de ces protéines. Oui, on commence à parler de gènes pour ces séquences d'ARN régulateurs qui ne deviendront pourtant jamais des protéines. (Une définition actuelle du gène selon M.-C. Blatter). La grande majorité des gènes de la première catégorie sont capables de coder pour plusieurs protéines différentes grâce à un mécanisme dénommé épissage alternatif. (Cf Bio-Tremplins ici) «Le séquençage du génome de la vache a révélé que ce mécanisme de diversification a moins changé au cours de l’évolution qu’on ne le pensait précédemment», déclare Alexandre Reymond, responsable de cette étude.
Fig 3 à droite : la vache a presque le même nombre de gènes que nous et bien moins que la vigne, le riz ou la paramécie qui en contient presque le double... vexant, non ? Du moins si l'on considère que le nombre des gènes est une mesure de la valeur de l'organisme.... Cliquer pour agrandir cette image. (Source ISB-SIB)


Amos Bairoch (2009) déclare que ce chiffre de 22'000 est probablement surévalué. C'est qu'il n'est pas aisé de reconnaitre si une séquence d'ADN code pour un gène ou non. Il y a bien des algorithmes qui estiment très rapidement où sont les gènes possibles ou probables et il y a la recherche de séquences pour lesquelles une protéine a été trouvée expérimentalement. Swiss-Prot devenu UniProt qu'Amos Bairoch a fondé et dirige est une base qui recense ces informations très précises, dignes de la "qualité Suisse"...

Quelles particularités

On a observé que le génome bovin se différenciait par 147 gènes liés aux processus d’immunité, de lactation, de digestion et de métabolisme. Ces changements pourraient expliquer notamment l’extraordinaire capacité des bovins à transformer l’herbe et le foin peu nourrissants en une viande et un lait de haute valeur nutritive, capacité exploitée depuis les premiers temps de l’agriculture par les êtres humains.

Article en français :

Les gènes expliqueront-ils comment une vache peut produire 91kg de lait par jour ?

une vache qui a produit 91 kg de lait
Fig 4 : Cette vache a passé dans un quotidien parce qu'elle a produit 91kg de lait en un seul jour. (Article intranet.jpg).

Avec cette masse de données sur l'essence même de ce qui constitue la biologie d'un bovin, on pourra peut-être mieux comprendre comment une bonne vache peut produire 91 kg de lait en un jour et comment beaucoup de vaches font plus 40kg/jour en moyenne sur l'année. On a en effet trouvé des changements de gènes liées à la prolactine qui est l'hormone de la lactation. On va peut-être pouvoir explorer comment cette vache a été modifiée dans ses gènes (notez que je n'ai pas dit OGM) par l'action de milliers d'années de sélection et croisements par les éleveurs ...

Fig 4 : Une mère gnou et son nouveau-né. Elle ne produit sûrement pas 40kg de lait par jour !

C'est que la domestication l'a mené manifestement très loin de l'état naturel où les mammifères produisent du lait seulement lorsqu'elles ont des petits et dans des quantités bien moindres ! D'accord, les baleines bleues produisent 600l. de lait par jour, mais c'est un autre format...

La coévolution de la vache et de la tolérance au lait ...

On a récemment mis en évidence que la tolérance au lactose jusqu'à l'age adulte résulte du gène à ARN très récent dans l'évolution de l'homme Si nous produisons la lactase même adultes c'est sans doute parce que cela a permis à nos ancêtres de mieux passer les périodes de disette en se nourrissant du lait des vaches. Ceux qui ne le toléraient pas ont eu une progéniture plus restreinte et nous sommes donc plus rares à être leurs descendants. Cf Bio-Tremplins: L'évolution , les gènes le lait et les migrations Voir aussi les travaux de chercheurs du CNRS Co-évolution du génome des vaches et des buveurs de lait

Le système immunitaire expliquera-t-il comment la vache arrive à mieux extraire des nutriments de l'herbe ?

L'étude du génome révèle que la vache a de nombreuses protéines de défense immunitaires dans celles qui lui sont spécifiques. Pour les chercheurs, on peut y voir plusieurs explications : une protection contre les bactéries dont son estomac complexe est rempli (jusqu'à 10^11par ml Hobson, P. N. (1988)) , ou contre les maladies qui se transmettraient plus facilement à cause de la promiscuité dans dans les troupeaux. Par ailleurs on est en train de passer d'une vision du système immunitaire dont la fonction serait principalement de protéger des bactéries et autres agents pathogènes, vers une vision ou ce système nous permet de gérer avec finesse un cheptel (!) de bactéries qui est utile. (Cf Bio-Tremplins ici)
la digestion complexe des ruminants
Fig 5 : Schéma du système digestif d'une vache (source)

Dans cette perspective, l'étude des séquences dont on dispose désormais pourra peut-être - c'est une hypothèse que je trouve intéressante - éclairer le rôle du système immunitaire dans la gestion de cet incroyable écosystème qu'est la panse (rumen) des ruminants. On sait que des bactéries y travaillent pour réaliser la digestion de la cellulose : une exclusivité des ruminants. Les bactéries rendent la salade très calorique pour la vache. Les chevaux ou les éléphants ne ruminent pas (ce qui explique que le crottin est fibreux et la beuse homogène, les fibres étant digérées).

Les trois quarts des gènes communs avec les mammifères

La comparaison du génome de la vache avec les autres mammifères disponibles révèle (cf fig 6) que les 3/4 de ses gènes sont communs avec les autres mammifères, qu'elle en a presque 17'000 en commun avec nous et qu'elle n'en a que 147 qui lui sont propres (cf fig 6B). Protein orthology comparison among genomes of cattle, dog, human, mouse, and rat
Fig 6 : Une comparaison des gènes pour révéler le degré d'orthologie entre divers mammifères (Bos taurus, Canis familiaris, Homo sapiens, Mus musculus, Rattus norvegicus, placentaires), l'opossum (Monodelphis domestica, marsupiaux), et l'ornithorynque (Ornithorhynchus anatinus, monotrèmes) Cette comparaison des gènes révèle que la vache a une grande majorité de ses gènes en commun avec les autres mammifères [img]source

Les protéines - ou gènes - homologues sont similaires et ont une origine commune. Les orthologues ont des fonctions différentes mais liées, au sein d'organismes différents. (Voir définitions Homologue-Paralogue-Orthologue)

La vache plus similaire de nous mais la souris plus proche...

Alors même qu'on a bien établi par ailleurs que notre lignage se sépare de celui menant la souris (cf fig 5D) nettement plus tard que pour la vache, la souris diffère par plus de gènes. Amos Bairoch explique que le cas est classique : la souris a un temps de génération beaucoup plus court et donc la vitesse de l'évolution rapporté au nombre d'années est plus rapide (plutôt qu'au nombre de générations).

Les différentes races de vaches

Un article dans le même numéro de Science, The Bovine HapMap Consortium. (2009) analyse les différences entre la vache Hereford séquencée et 6 autres races bovines. Parmi d'autres résultats passionnants je relève : les chercheurs ont pu mettre en évidence les effets de la domestication et un probable effet d'étranglement qui suggère que les populations actuelles sont issues d'un nombre limité lors de la domestication. Effective population size in the past estimated from linkage disequilibrium data. Inset graph shows effective population size for the European humans over the same period; from (13). Breeds as in Fig. 1.,,
Fig 7 : Estimation de la population des différentes races de vaches estimé par déséquilibre de linkage Source
The Bovine HapMap Consortium. (2009)
Selon une présentation de A. Bairoch (2009) deux sous-espèces ont été domestiquées Bos primigenius taurus (la vache) et Bos primigenius indicus (le zebu). Il y a 800 races différentes, 1.3 milliard de vaches et elles produisent 18% des gaz a effet de serre. L'espoir de comprendre ce qui produit tant de méthane et comment y remédier est relancé. La comparaison des différentes races devient plus facile avec le génome complet de référence. On espère aussi réussir à améliorer encore la production de lait et réduire celle de méthane. La tribune sous-titrait "Plus de lait moins de pets "Brouet Anne-Muriel (2009) intranet-pdf.

Les combats de Reines du val d'Hérens expliqués ?

Est-ce que ces séquences permettront d'expliquer pourquoi les combats ritualisés qui sont généralement le fait des mâles (2 bouquetins à droite) chez les ongulés (Cerf-intranet) se produisent entre les femelles chez les vaches d'Hérens. Y a-t-il une modification génétique qui révèle comment ce comportement s'exprime chez la femelle plutôt que chez le mâle ? Ce qu'on a vu chez la souris permet de l'envisager (Bio-Tremplins) un seul gène modifié (lié aux phéromones) TRPC2 fait que les souris femelles ont un comportement de mâle.
Fig 8. Les combats de reines sont des évènements importants en Valais

Si le séquençage de ce génome permet d'aider à limiter la pollution, à avoir du meilleur lait pour mettre dans mon thé, et à comprendre mieux le Valais, c'est vachment bien, non ? (Ok c'est facile, mais je n'allais pas laisser passer une occasion de le placer...) : ))

Sources

dimanche 3 mai 2009

Faire vraiment des sciences expérimentales en classe. Avec Gérard de Vecchi

Lundi 18 mai la didactique de la biologie de l'IUFE organise un mini-colloque :

Faire vraiment des sciences expérimentales en classe

Avec Gérard De Vecchi

Auteur notamment de : De Vecchi, G. (2006). Enseigner l'expérimental en classe : pour une véritable éducation scientifique Paris: Hachette éducation. Site Web

Qui sera intéressé :

  • Les enseignants en formation (EEF, notamment en sciences expérimentales)
  • Les futurs Formateurs de Terrain (FT) soit les enseignants accueillant des stagiaires.
  • Des enseignants qui veulent repenser leur enseignement.
  • Des didacticiens et chercheurs en éducation.
  • Des chercheurs en sciences intéressés aux questions d'éducation scientifique.
  • Des gens simplement ouverts aux questions éducatives

A) Conférence - débat le matin à Uni Mail Salle MS 150

  • 8h15 Introduction (F.Lombard - R.Kopp)
  • 8h30 Conférence par Gérard De Vecchi «Faire vraiment des sciences expérimentales en classe»
  • 10h30 Pause
  • 11h Débat avec l'assemblée : Gérard De Vecchi (Discutants F.Lombard - R.Kopp)
  • 11h45 Conclusion F.Lombard - R.Kopp

B) Présentation publique des projets "DidaBiolo" des Enseignants En Formation (EEF) biologie l'après-midi à Uni Mail Salle M 3393

Description du projet : DidaBioloProjets09

Horaire : 7 projets à 20min + 10 min. discussion N.B: la présentation tient lieu d'examen pour ces EEF.

* 13h30 : Projet Henchoz Fournier Cudre-Mauroux
* 14h00 : Projet Dufour Emery Martinelli
* 14h30 : Projet De_Vevey Chakparonian
* 15h00 : Projet Malterre

* 16h00 : Projet Alberi Le_Tanh
* 16h30 : Projet Hamdam Saggio
* 17h00 : Projet In_Albon

Organisation : francois.lombard@unige.ch

Colloque réalisé avec le Soutien de l'EDSE dans le cadre de l'IUFE
Tous les détails à l'adresse http://doiop.com/MiniColloqueDidaBio09
Une affichette est ici

dimanche 26 avril 2009

Comprendre l'alerte à la grippe porcine

Quelques infos sur la grippe porcine

Vous le savez surement, au Mexique plus de 100 personnes sont décédées d'une forme de grippe porcine et plus de 1300 seraient atteintes. Les médias en ont beaucoup parlé cf p. ex. ici.
Il s'agit d'une souche A/H1N1 qui infecte normalement les porcs.
Occasionnellement de telles souches infectent l'homme. Il semble qu'elle puisse se transmettre d'humain à humain car certaines des personnes atteintes n'ont pas eu de contact avec des porcs. Cette transmission fait craindre une épidémie.
Le CDC répertorie les cas aux USA qui semblent liés à cette épidémie.
La souche est sensible à l'Oseltamvir vendu sous le nom de Tamiflu (Mode d'action: animation @ Roche) dont les autorités mexicaines disposent de bonnes réserves. (Tamiflu et neuraminidase @ prolune)
Selon le MMWR une immunité contre la grippe saisonnière ne protège probablement pas de cette souche.
La plupart de ces infos ont été trouvées à partir de ScienceInsider : des informations très à jour de la revue Science

Hemagglutinine et neuraminidase ?

On le sait ces 2 protéines définissent les souches et déterminent la dénomination HxNy.
Dans un article sur les leçons à tirer de l'épidémie de 1918 Belshe, Robert B. (2005) illustre la réorganisation possible pour la grippe aviaire du génome du virus en un schéma commenté
Picture of hemagglutinin

Figure 1 : Le virus de la grippe avec les hemagglutinines (dont le fameux H5 ou H1) et les neuraminidases (N1) L'hemagglutinine à la surface du virus de la grippe fusionne avec les membranes et lui permet d'entrer dans nos cellule. La neuraminidase permet la libération des virus achevés. Credit: Nature Structural & Molecular Biology, advance online publication (22 February 2009)

Entre panique et indifférence... comment réagir ?

Certains ont fait un peu facilement le rapprochement avec une épidémie en 1976 aux USA où une campagne de vaccination massive avait été déployée à la hâte et avait eu des effets secondaires importants.
La question de la pertinence des vaccins va sûrement être soulevée. Les médias adorent faire peur et faire mousser des positions polémiques - fondées ou non - fait vendre...
Aussi pour que chacun puisse se faire une opinion, une analyse de cette crise sur le site du CDC est une approche qui mérite aussi d'être lue, Sencer DJ, Millar JD. (2006) Reflections on the 1976 swine flu vaccination program.

Déployer trop vite une campagne de vaccination, c'est s'exposer au reproche d'une surréaction, aux effets secondaires, aux perturbations de la vie sociale et économique et aux coûts. Mais la déployer trop tard peut coûter beaucoup de vies.
Je crois que je n'aimerais pas être responsable des autorités sanitaires...

Que dit l'OMS de cette grippe porcine ?

L'OMS prône une surveillance mondiale
The current WHO phase of pandemic alert is 4.
Fig 2: Pour l'OMS on en est à la phase 4 (Transmission humain-humain confirmée et foyers d'infections locaux) sur les 8 phases de l'évolution d'une pandémie.(Source)

L'OMS a édité une brochure de questions et réponses - Swine influenza questions and answers [pdf 79kb]

On y lit par exemple qu'il n'est pas dangereux de manger du porc correctement cuit et que le virus est détruit à des températures de cuisson de 70°C "Is it safe to eat pork and pork products? Yes. Swine influenza has not been shown to be transmissible to people through eating properly andled and prepared pork (pig meat) or other products derived from pigs. The swine influenza virus is killed by cooking temperatures of 160°F/70°C, corresponding to the general guidance for the preparation of pork and other meat. "
On craint surtout une recombinaison du virus de la grippe porcine avec d'autres souches humaines.

A Mexico ils ont pris des mesures énergiques. Pour le moment l'OMS recommande seulement aux autres pays une surveillance renforcée

Prédire l'évolution par le web ?

Savoir où en est la grippe est difficile et certains ont approché la question sous un angle inhabituel : en analysant les mots-clé que les gens tapent sur un moteur de recherche (Google), pour détecter des pics de requêtes comme "grippe" ou sur les symptômes comme "fièvre", ils ont pu prédire par région l'apparition de l'épidémie saisonnière 10 jours avant les méthodes habituelles basées sur les rapports des médecins.
  • Butler, Declan. (2008). Web data predict flu.Nature News 19 November 2008 456, 287-288 (2008) | doi:10.1038/456287a
  • Auteur inconnu, "Google détecte la grippe avant les médecins" Science et Vie I 09 | Intranet.
Cependant, comme cela révèle les préoccupation des internautes et non les réels cas d'infection, il est douteux que ce qui marche lors de la banale grippe saisonnière soit applicable à une situation de panique si elle se produisait.

Des espoirs de vaccin à large spectre sur le long terme ?

Le vaccin contre la grippe se heurte au problème qu'on trouve souvent de nouvelles variantes du virus avec des protéines de surface différentes, ce qui oblige les autorités sanitaires à tenter de prévoir quelle variante va se développer l’hiver à venir et à fabriquer de nouveaux vaccins chaque année. Depuis peu on sait (Russell, Colin A. & al., 2008: Une analyse de 13'000 virus par séquençage de masse et analyse bioinformatique) que les souches de la grippe saisonnière proviennent d'Asie de l'Est et du Sud-est puis tournent autour de la terre d'Est en Ouest. Cela permet de préparer le vaccin a temps pour la saison grippale en Europe et aux USA.

Le virus : un malin qui mute ses protéines de surface pour faire plus de tort ?

Par facilité de langage on dit facilement du virus qu'il "mute ses protéines de surface fréquemment", ce qui renforce la conception que le virus aurait une intention ou que les mutations découleraient du simple fait qu'elles présentent un avantage pour lui. Cette conception est un obstacle pour comprendre l'évolution. Si on l'emploie, on ne doit guère s'étonner si le chapitre de l'évolution est ensuite difficile à traiter !
Je pense qu'on parle surtout des gènes des protéines de surface parce que les mutations qui se produisent ailleurs ne donnent pas souvent des virus "mieux adaptés" qui échappent au système immunitaire des personnes immunisées, et on ne voit donc presque jamais ces innombrables virus qui ont muté sans succès (pour eux).

Une immunisation très durable même si on attrape la grippe chaque année ?

flu victimsFig. 4 : La Grippe de 1918 avait fait des millions de morts. Source : U.S. Naval Historical Center

On a récemment montré (Ledford, Heidi. 2008) que chez 94% des gens -agés de 91 à 101 ans- qui ont survécu à la terrible grippe de 1918 on trouve encore des anticorps qui le neutralisent et même qui sont capables de sauver des souris infectées par ce virus-là. On savait les cellules B mémoires durables, mais qu'elles produisent des anticorps en quantité après pas loin d'un siècle en a surpris plus d'un.

Des anticorps contre LES grippes ?

On a tout récemment (Sui et al. 2009) réussi à produire des anticorps qui atteignent un large éventail de la protéine H5. Leurs anticorps se fixent sur presque toutes les variantes de la protéine Hemagglutinine. Intrigués, les chercheurs ont essayé de voir pourquoi et ont trouvé qu’elle se fixe sur la partie de la protéine intégrée à la membrane qui varie moins.

ac sur h5 profond
Fig 2 L’hémagglutinine verticalement en bleu et vert au centre avec l’anticorps (orange et rouge en de part et d’autre sur fond grisé fixé dessus)
On peut voir la structure (3FKU) en 3-d sous tous ses angles ici

Selon les auteurs on peut espérer produire ainsi des anticorps pour faire un sérum antigrippal efficace immédiatement. Et à terme cela pourrait constituer un espoir pour réussir à produire un vaccin antigrippal durable.

L'évolution permet des prédictions pessimistes

Mais si la rareté des mutations observées sur cette partie de la protéine n'est que le résultat d'une sélection comme on l'a vu plus haut, on risque bien de voir ces mutations-là se révéler dès qu'on commence à appliquer ces anticorps ou ce vaccin...
Si un changement de cette partie profonde ne donne aucun avantage aux virus dans un environnement où ces anticorps nouveaux ne sont pas présents, on peut craindre que l'arrivée des anticorps révèle des mutations qu'on n'avait pas vu.
Et on dira que le virus "s'est mis à muter la partie profonde de l’hémagglutinine pour se défendre contre les attaques de la médecine " ?

J'espère que je me trompe ...

Références :

lundi 20 avril 2009

L' amour, poésie ou molécules ?

Being HumanLove: Neuroscience reveals all
Fig 1 : L'amour est poétique ?Source : G. BECKER
Alors que le printemps explose dans nos contrées, que les oiseaux affichent leurs parades nuptiales, que dans la cour des écoles les élèves s'affichent tendrement enlacés... la question des bases biologiques de l'amour récemment découvertes vaut bien le détour...
Fig 1 : Combat ritualisés chez des foulques mâles, Calopteryx mâle défendant son territoire (une clairière), parade nuptiale chez les tritons alpestre (notez le mouvement de la queue du mâle à gauche), cygnes dans le soleil couchant : image romantique franchement anthropomorphique. (Photos F.Lombard)

Les neurosciences apportent de nouvelles données sur les liens entre l'ocytocine, les gènes et l'activation de certaines zones du cerveau !

Dans un Essay dans Nature, Young, Larry J., (2009) - spécialiste de la question - évoque ce qu'on sait sur les mécanismes de l'amour chez les humains. Que les recherches puissent expliquer l'amour par l'action de certaines molécules et l'activité de certains neurones, n'est pas forcément romantique, mais peut aider à comprendre l'un des moteurs de l'activité humaine, la sexualité. Il pourrait en résulter selon Young des substances destinées à augmenter ou réduire l'amour entre humains.

Le désir et le coup de foudre

Il faut d'abord distinguer l'attirance sexuelle de l'attachement durable dont les mécanisme sont différents semble-il .


Fig 2: Le circuit du plaisir active la libération de dopamine. Source : Dubuc, Bruno.(2008)

L'attirance sexuelle est liée à l'activité des centres du plaisir cf Le cerveau à tous les niveaux et notamment aux voies dopaminergiques (=les neurones qui utilisent la dopamine comme neurotransmetteur) du circuit de la récompense. "Le plaisir est le moyen mis au point par l’évolution pour nous inciter à manger, à trouver un partenaire sexuel, à se protéger du froid, etc. " Dubuc, Bruno.(2008). On peut actuellement assez bien décrire les mécanismes neuronaux qui s'activent lors du "coup de foudre" (cf par exemple Peyrières, C., (2005) dans Science et Vie junior 192 septembre 2005 qui est bien illustré et accessible pour les ados) et comment la dopamine augmente dans les phases initiales de l'amour.... et baisse lors de la rupture. Extraits intranet : Amour Naissant, Accro , Largué

Figure 3: Les aires activées par la vue de l'être aimé (source Bartels & Zeki 2000)

L'attachement maternel et de couple : mêmes bases neurochimiques ?

Par contre on savait depuis pas mal de temps que l'attachement de couple et parental est lié chez plusieurs mammifères à l'ocytocine pour les femelles et à la vasopressine chez les mâles. Selon Olivier Postel-Vinay (2004) le lien entre l'attachement et l'ocytocine chez la femelle et avec la vasopressine chez le mâle est bien établi. Et chez l'homme sans doute aussi.

"Deux neurotransmetteurs, l'ocytocine et la vasopressine, jouent un rôle déterminant dans le réglage de ces conduites. Le lien maternel, le lien paternel et le lien filial dépendent non moins directement de ces deux peptides et des aires du cerveau dans lesquelles ils s'expriment. Or, ces mécanismes se retrouvent à des degrés divers chez d'autres mammifères. Ils sont même impliqués chez l'homme, comme en témoignent des études par imagerie cérébrale." (Postel-Vinay, Olivier. 2004)

L'ocytocine au féminin

Young montre comment l'ocytocine libérée lors de l'accouchement détermine l'attachement maternel au nouveau-né : une injection d'ocytocine a une brebis produit un attachement rapide à un agneau étranger. L'ocytocine libérée lors de l'accouplement chez certains campagnols des plaines du Middle West (Microtus ochrogaster) stimule l'attachement durable. Si on infuse le cerveau d'une femelle de cette espèce avec de l'ocytocine, elle s'attache au mâle le plus proche et cela active le circuit de la récompense à dopamine. La neuro-imagerie (cf figure 3 et 4 ci-contre ) confirme un très grande similitude de ces mécanismes chez l'humain : Bartels A, Zeki S., (2000) montrent combien l'attachement parental et en couple activent des aires similaires.

La vasopressine au masculin

Selon Young, chez les mâles, on observe des circuits très similaires mais impliquant la vasopressine (par ailleurs une hormone antidiurétique) : cette hormone active la cour, l'agression envers d'autres mâles, et les instincts paternels tels que s'occuper des petits dans le nid. Et l'attachement dans le couple. Par exemple, en activant l'expression d'un seul gène des chercheurs menés par Young (Lim, M. et al. (2004)) ont rendu fidèle les mâles d'une autre espèce de campagnols, Microtus pennsylvanicus, qui sont normalement volages "We show that a change in the expression of a single gene [...]can profoundly alter social behaviour, providing a potential molecular mechanism for the rapid evolution of complex social behaviour."

Une perspective évolutionniste du couple

Selon Young, le découplage de la sexualité et de la reproduction chez la femme aurait permis le recyclage du mécanisme d'attachement parental comme attachement dans le couple. En effet la stimulation des zones érogènes comme les mamelons et le col de l'utérus produisent de l'ocytocine dans le cerveau et pourraient renforcer le lien de couple. Cela donne du poids à une hypothèse avancée y a longtemps par Desmond Morris, selon laquelle le développement de la poitrine féminine au-delà du nécessaire pour la lactation contribuerait à pérenniser la présence du mâle nécessaire à élever les petits humains, qui restent très longtemps dépendants.
"La femelle du chimpanzé possède une poitrine plate en temps normal qui ne gonfle que dans les moments où elle allaite. Et la plupart des animaux fonctionnent de la même manière. La femme est le seul primate dont la poitrine demeure proéminente pendant près de cinquante ans. Les seins provoquent un stimulus érotique très puissant et c'est une erreur de vouloir les cantonner dans un rôle purement alimentaire. " source

Les apports de la Bio-informatique en classe.

Chez les campagnols, une région régulatrice (avpr1) du gène pour le récepteur à la Vasopressine prédit la probabilité d'un mâle à s'attacher à une femelle. Chez l'humain on a cherché et trouvé un gène homologue : AVPR1A : les hommes porteurs d'une variante de ce gène sont 2 fois plus enclins a rester célibataires, et si ils sont mariés, 2 fois plus enclins à déclarer une crise récente dans leur mariage. Leurs épouses déclarent aussi plus d'insatisfactions dans la relation. Or le polymorphisme de ce gène (laquelle des variantes l'individu possède) détermine la quantité de récepteurs à la vasopressine dans l'encéphale.
Or nous avons accès en classe à une information très riche et de qualité grâce à SwissProt:










Figure 4 : les aires désactivées par la vue de l'être aimé (source Bartels & Zeki 2000)

L'amour désactive le jugement ?

L'IRMf a permis à Bartels A, Zeki S., (2000) de l'UniZH de mettre en évidence les zones activées et désactivées par la vue de l'être aimé : ils mettent en évidence la similitude des (in)activations causées par la vue de l'enfant par une mère et du partenaire amoureux plutôt qu'un ami.(cf figure 3 et 4) Entre autres ils interprètent la désactivation des aires du cortex préfrontal median (Cf. figure 4 a) impliquées dans le jugement critique.

"Autrement dit, du moins selon A. Bartels et S. Zeki, les jugements portés par la mère sur son enfant, par l'amoureux sur son amoureuse, jugements qui étonnent parfois leur entourage, seraient influencés par ces désactivations cérébrales." Postel-Vinay, Olivier (2004).
Ne dit-on pas "l'amour rend aveugle " ?

L'ocytocine et la confiance

L'ocytocine augmente le sentiment de familiarité des visages : des volontaires traités à l'ocytocine par inhalation ont répondu qu'ils voudraient s'approcher de 46% des visages montrés contre 36% pour le groupe témoin. Plusieurs expériences confirment que l'ocytocine peut aussi accroitre la confiance accordée : Baumgartner, T. et al. (2008) de l'UniZH ont montré que l'ocytocine augmente la confiance et même qu'elle peut restaurer la confiance qui a été trahie. Des essais cliniques sont en cours en Australie pour établir si l'ocytocine peut aider des thérapies de couple. Swissinfo en parle en des termes assez généraux : Commentaire général (An) et les journaux gratuits en font un thème à sensation (Un médic' contre les scènes de ménage ? 20-minutes 9 XII08 | Intranet.jpg)

Enjeux de société

Young prédit que des Philtres d'amour nouveaux seront bientôt sur le marché. Il semble qu'on trouve déjà de tels produits comme Enhanced Liquid Trust. Il ne serait pour Young pas plus utile qu'un placebo mais l'accroissement de la confiance en soi peut faire des miracles... I parait cependant possible qu'un jour proche on puisse glisser dans votre boisson un dosage adéquat de molécules qui vous rende amoureux immédiatement... Est-ce la promesse d'un bonheur ou d'un problème ? D'autre part Young suggère qu'on explore les effets des antidépresseurs et du Viagra sur le circuit de l'ocytocine... Enfin la possibilité de tester quelle variante d'un gène particulier possède un partenaire potentiel pour savoir s'il est volage ou déterminer sa propension à s'impliquer est troublante... Et de modifier le degré d'expression d'un gène pourrait modifier profondément la manière dont on choisit son partanaire.
Va-t-on bientôt voir des annonces dansa ce genre :
JH 43, bonne situation, sérieux (AVPR1A allèle stable), sportif, cherche JF mince, non-fumeuse, aimante, ....

Finalement: l'amour, poésie ou gènes et molécules, pourquoi opposer ?

Au fond pourquoi faut-il opposer une compréhension des mécanismes et la poésie ou la beauté ? Lever un voile sur le mystère est-ce forcément s'éloigner de la beauté ? L'ignorance est-elle plus belle que la compréhension ? Denis Duboule de l'UniGe sous-titrait un article dans Science Endless Forms Most Beautiful" (Duboule, D., 2005) D'abord, on pourrait argumenter que plus on connait, plus on se rend compte de ce qu'on ne sait pas... ( hoc unum sci me nihil scire Socrate trad. en latin) aussi le mystère s'accroit-il avec la connaissance ! D'un autre côté nombreux sont ceux qui voient une beauté en plus dans chaque étape vers la compréhension des mécanismes complexes qui vous permettent d'aimer...
"Au cours de notre voyage, nous avons pris conscience de l’immensité de ce qu’il nous reste à découvrir tout en apprenant à nous émerveiller de ce que nous savons et de ce que nous ne savons pas. "(UNESCO, 2001).

Pour en savoir plus...

Sources :

samedi 18 avril 2009

Désaffectation des sciences et 450e

La désaffectation des sciences ?

Si l'on parle souvent de cette désaffectation, il semble que ce n'est pas vraiment l'image de la science elle-même qui soit en jeu. En effet la recherche a montré que cette image reste positive. Par exemple une étude sur les jeunes et la science a été réalisée par sondage auprès d'un échantillon représentatif de jeunes Français de quinze à vingt-cinq ans. Elle à montré que seulement 8% des jeunes français de 11 à 17 pensaient en 2002 que l'utilisation des recherches scientifiques "apporte plus de mal que de bien", et ce chiffre est inchangé depuis 1992 (Boy, 2002)
Cependant ceux qui estiment "qu'elles apportent plus de bien que de mal" ne sont en 2002 plus que 30% contre 40% en 1992.
Mais 89% des jeunes sont en accord avec l'affirmation que "Les chercheurs travaillent pour le bien de l'humanité" (Postel Vinay, 2002)
Une autre étude récente dans Science montre que les liens de la recherche scientifique avec les médias ne sont pas si mauvais qu'on le dit souvent (Peters et al., 2008).

Un desinvestissement face aux sciences à l'école ?

"Sommes-nous face à une crise idéologique des jeunes à l'égard de la science ou s'agit-il d'un désintérêt, voire d'une aversion pour les sciences scolaires ? " se demande Venturini (2007)
Pour lui on n'a en fait pas une crise, mais simplement une attitude plus critique des jeunes face aux sciences.

Par contre l'intérêt pour les sciences à l'école baisse avec la progression depuis l'école primaire vers le secondaire I et II .
Là, le constat est plus alarmant : "Ainsi, l'attitude envers les sciences à l'école n'est pas très bonne, spécialement la physique, pour laquelle la valeur des savoirs est purement instrumentale. L'attitude envers les sciences se détériore au fur et à mesure que l'élève avance dans son cursus scolaire, particulièrement après son entrée dans l'enseignement secondaire, en raison de l'abstraction croissante des contenus. L'enseignement des sciences est alors jugé peu attrayant, difficile, souvent théorique, trop fragmenté et décontextualisé."

"L'insatisfaction vis-à-vis de l'enseignement scientifique trouve certainement une partie de ses origines dans la différence entre les sciences attendues par les élèves et celles qui sont enseignées en classe. Les premières sont liées à leur perception des sciences dans la société, utiles, prestigieuses, fascinantes alors que les secondes apparaissent généralement théoriques et décontextualisées, difficiles et ennuyeuses"(Osborne et al. 2003).

Comment conserver la fascination pour le vivant des petits ?

Si les petits sont fascinés par une science "des petits oiseaux et des petites fleurs", ils perdent cette fascination au secondaire alors qu'on tente d'approfondir, de développer une rigueur, un formalisme qui fait la puissance de l'approche scientifique.
Evidement cela ne signifie pas qu'il faille poursuivre dans le secondaire une science uniquement descriptive, sans formalisation, faite d'émerveillement de surface uniquement.

Comment concilier l'intérêt des élèves et la rigueur ? ... la saveur des savoirs ?

J.P. Astolfi vient de publier La saveur des savoirs, où il réconcilie les recherches récentes en éducation et un apprentissage rigoureux de connaissances.
Il montre comment la force d'une discipline comme la biologie est sa capacité à révéler le monde au-delà du sens commun.
"On connaît la formule célèbre de Bernard de Chartres (XII" siècle), dit Sylvestre, rapportée par son disciple jean de Salisbury: « Nous sommes des nains juchés sur des épaules de géants. Si nous voyons plus de choses et plus lointaines qu'eux, ce n'est pas à cause de la perspicacité de notre vue ni de notre grandeur, c'est parce que nous sommes élevés par eux, soulevés et portés en haut par leur grandeur gigantesque ». Qui donc sont ces géants? je propose de filer cette métaphore médiévale, pour l'appliquer aux disciplines de la façon suivante. La maîtrise d'une discipline nous permet de nous hisser sur le dos d'un géant et de renouveler ainsi notre compréhension et notre interprétation du monde. Sans les ressources des disciplines, nous raisonnons au ras du sol, donc à trop courte vue, en nous cantonnant aux outils du sens commun et aux ressources de la logique."
Il montre ainsi comment donner aux élèves la maîtrise d'un outil puissant pour mieux comprendre le monde qui les entoure est bien un effort, mais procure la satisfaction de la Saveur des savoirs...
Je me délecte ... L'ouvrage vaut la lecture, même partielle ou en feuilletant le texte enrichi de résumés et de "points-clé" !

Cette semaine la science vient à la rencontre des jeunes et les appelle !

Dans le cadre du 450ème de la fondation par Jean Calvin du Collège qui allait devenir l'université, deux manifestations vont un peu dans le sens de ces réflexions (voir plus bas pour les détails) :

-Le concours "la Science Appelle les Jeunes" présente les travaux primés à UniMail, 24 et 25 avril. Un vent rafraichissant d'enthousiasme y souffle en général. La Science Applle les Jeunes est aussi une opportunité pour les collégiens d'y présenter leurs Travaux de Maturité, de les poursuivre et de les valoriser. (cf plus bas)
-La science vient à la rencontre des jeunes avec un stand dans des centre commerciaux consacré aux différentes facettes du savoir avec l’EuroPhysicsFun, une manifestation qui regroupe des installations scientifiques venues de 14 pays européens.

Sources

  • Astolfi, J. P. (2008). La saveur des savoirs. Disciplines et plaisir d'apprendre. Paris: ESF.
  • Boy, D. (2002), . Les raisons de la désaffection des jeunes pour les études scientifiques. Intervention dans la table ronde " L'image de la science chez les jeunes ". Paper presented at Les études scientifiques en question, Villeneuve d'Asq.(28 février au 1er mars 2002.)
  • Osborne, J., Simon, S. & Collins, S. (2003) Attitude toward science: a review of literature and its implications. International Journal of science Education, 25 (9), 1049-1079.
  • Peters, H. P., Brossard, D., de Cheveigne, S., Dunwoody, S., Kallfass, M., Miller, S., et al. (2008). SCIENCE COMMUNICATION: Interactions with the Mass Media. Science, 321(5886), 204-205.
  • Venturini, P. (2007). L’envie d’apprendre les sciences : motivation, attitudes, rapport aux savoirs. Paris: Fabert.



Nous avons le plaisir de vous présenter les prochains événements de la commémoration du 450
e anniversaire de l'UNIGE.

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Café du 450e
Maladies neurodégénératives, quels enjeux ?
jeudi 23 avril, de 18h30 à 20h, Uni Dufour

Un rendez-vous thématique avec le prof. Martial Van der Linden (Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, UNIGE), le prof. Margitta Seeck (Faculté de médecine, UNIGE, et Hôpitaux universitaires de Genève) et le Dr Florian von Raison (Merck Serono)
http://www.unige.ch/450/animations/cafes/maladie.html
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Samedi de l'UNIGE
Emotions, freins ou moteurs ?
Samedi 25 avril, de 14h à 17h, CMU

Table ronde
Jalousie, émotions: freins ou moteurs dans la carrière ?
de 11h30 à 13h, CMU

Les émotions sont parties intégrantes de notre quotidien. Quand elles nous envahissent sur notre lieu de travail ou à l’école, sont-elles alors des freins ou des moteurs à notre réussite?
http://www.unige.ch/450/animations/samedis/emotions.html
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43
e Concours National
Les jeunes inventent la science
vendredi 24 et samedi 25 avril, Uni Mail

Exposition des travaux, présentation des projets et remise des prix
http://www.unige.ch/450/animations/sciencesappelle.html
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Le savoir au centre
du 27 avril au 9 mai, Chavannes Centre

Un stand consacré aux différentes facettes du savoir
http://www.unige.ch/450/animations/centrescommerciaux.html
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Retrouvez l'intégralité du programme sur:
http://www.unige.ch/450


samedi 11 avril 2009

Neurones miroir, CDZ et apprentissage par imitation.

Les neurones-miroir ?

Depuis une dizaine d'années on connait avec les travaux de Rizzolatti (Gallese, V., et al.1996) l'existence chez le macaque de neurones qui s'activent aussi bien quand le singe bouge que quand il voit quelqu'un bouger de manière similaire (cf Fig 1). On les a nommés neurones-miroir. On a pu aussi montrer par neuro-imagerie des résultats similaires chez l'Humain. Cette expression de neurones-miroir, très évocatrice a suscité un intérêt considérable : on y a - peut-être un peu vite - vu une base neuronale à l'imitation du sourire par exemple chez les nouveaux-nés, et la base de l'empathie par l'imitation des mimiques et des sentiments, et de l'amusante mimique des parents qui ouvrent la bouche en nourrissant les bébés à la cuillier. L'activité de ces neurones révèlerait une reconnaissance par une sorte de simulation chez l'observateur des gestes de l'acteur et même de ses intentions.




Figure 1.  A cytoarchitectonic map of the monkey cortex and an example of a mirror neuron.
Fig 1 : En haut : L'activation d'un neurone miroir (dans l'aire F5) est similaire quand le singe saisit un objet et quand il voit quelqu'un saisir l'objet. (Source Rizzolatti, et al. 2009).(Abbreviations: AI, inferior arcuate sulcus; AIP, anterior intraparietal area; AS, superior arcuate sulcus; C, central sulcus; FEF, frontal eye field; IO, inferior occipital sulcus; IP, inferior precentral sulcus; L, lateral sulcus; LIP, lateral intraparietal area; Lu, lunate sulcus; MIP, medial intraparietal area; P, principal sulcus; STS, superior temporal sulcus; VIP, ventral intraparietal area. © Rizzolatti G and Fabbri-Destro M (2008) Curr Opin Neurobiol 18: 179–184. Source : Rizzolati et al. (2009))

Ne pas confondre avec l'hypothèse du neurone-grand-mère

Il ne faut pas confondre les neurones-miroir et l'hypothèse ironiquement décrite par l'expression du "neurone de la grand-mère" où il y aurait un neurone par item mémorisé. Et il y aurait le nuerrone qui représente la grand-mère et un autre pour le grand-père, etc. L'hypothèse dominante est plutôt connexionniste : que ce sont des circuits neuronaux qui codent la mémoire. Sans la remettre en question fondamentalement il me semble, un article récent (Quiroga, R. Quian, et al. 2005) conteste un peu cette hypothèse : on a trouvé -chez l'homme - des neurones qui s'activent quand on voit un personnage connu (Clinton, les Beatles, les Simpson's ou Jennifer Aniston ) même représentés très différemment, mais ne s'activent pas ou très peu pour d'autres personnes sous les mêmes angles ou d'autres objets connus.

gf
Fig 3 : Un neurone de l'hippocampe qui réagit spécifiquement à des images de Jennifer Aniston (N° 4, 5, et 28-32 ) sous différents angles mais pas aux autres images (source) .

Il ne semble pas que cela remette fondamentalement en question le modèle connexionniste, mais c'est bigrement fascinant !

Plutôt des convergence–divergence zones' (CDZs) que des miroirs pour Damasio

Damasio (2008) proposait il y a une vingtaine d'années un modèle qui expliquerait ces données : plutôt que des aires-miroir il y aurait des 'convergence–divergence zones' (CDZs). Ces aires neuronales reçoivent des informations de plusieurs sources (convergence) et envoient des informations vers ces sources (divergence) . On sait en effet que les influx nerveux vont aussi vers les organes sensoriels, et pas seulement vers les centres depuis les sens.
Des zone CDZ rassembleraient des informations de diverses origines dont le motif particulier de stimulation simultanée identifierait une personne, une instance particulière de mémoire comme la photo de son propre mariage etc. Et cela reposerairt sur la réactivation des aires correspondantes
Ainsi, pour Damasio et Meyer, le bruit d'une cacahouète réactiverait dans les mêmes proportions les mêmes voies que celles activées lorsque le singe ouvrait l'arachide lui-même. Et les neurones de la CDZ ne seraient pas tant des miroirs que des marionnettistes qui commandent par ces ficelles que seraient les neurones divergents.

Behind the looking-glass
Fig 2 : Source D. PARKINS in Damasio, A., et al. (2008).

Cette vision plus active de ces neurones rend plus facile à comprendre comment on passe de l'observation à l'action et vice versa, alors que la métaphore du miroir est bien statique.
Les métaphores peuvent être évocatrices mais aussi contraindre ce qu'on arrive à imaginer.

Le mécanisme-miroir solidement étayé selon Rizzolati

Rizzolatti étaye son propos dans un article très complet que je vais juste effleurer (Rizzolatti, et al. 2009 intranet.pdf) de nombreuses expériences récentes. Il identifie(Cf figure 4) les aires homologues chez l'homme des aires miroirs chez le macaque.
En s'appuyant sur des expériences d'IRMf où la réponse de ces zones miroir est plus forte quand l'intention de l'acteur est explicite, il montre que ces aires réagissent à l'intention de mouvement perçue plus qu'au mouvement lui-même. Les données sont suffisantes dit-il pour fournir un nouveau cadre explicatif de nombreuses pathologies et pour proposer des thérapies. Par exemple il montre des données qui suggèrent que l'autisme est lié à un déficit de ces mécanismes, ou que la réhabilitation motrice après un accident vasculaire cérébral serait mieux expliquée si l'on prend en compte l'effet de ces neurones-miroirs.

Figure 3.  The parietofrontal mirror system in humans.
Figure 4 : l'aire 44 serait l'homologue de la F5 chez le macaque. (source Rizzolatti, et al. (2009) ) Abbreviations: C, central sulcus; FEF, frontal eye field; IF, inferior frontal sulcus; IP, inferior precentral sulcus; PMd, dorsal premotor cortex; PMv, ventral premotor cortex; PrePMd, pre-dorsal premotor cortex; SF, superior frontal sulcus; SP, upper part of the superior precentral sulcus. Permission obtained from Elsevier Ltd © Rizzolatti G and Fabbri-Destro M (2008) Curr Opin Neurobiol 18: 179–184.


Selon Rizzolati les points-clé sont :

* Le mécanisme miroir est un système neural qui unifie la perception et l'exécution des actions
* Le mécanisme miroir est organisé en deux principaux réseaux corticaux, le premier est formé du lobe pariétal et du cortex prémoteur, le second, réside dans l'insula et le cortex antérieur cingulaire.
* Le rôle du mécanisme miroir est de fournir une compréhension directe des actions et emotions des autres sans médiation cognitive de haut niveau.[...]
* Un développement limité du mécanisme miroir semble déterminer certains des aspects centraux de l'autisme.
* Des protocoles de traitement basé sur l'action et l'observation pourraient être des stratégies de réhabilitation pour traiter les déficits moteurs après un accident vasculaire cérébral.

Le débat n'est pas clos. Est-ce grave ?

Sans pouvoir trancher entre Damasio et Rizzolati dans ce débat de spécialistes, il nous reste un fascinant mécanisme (miroir ou CDZ c'est égal... dans un premier temps). Nous pouvons probablement déjà mieux comprendre certains comportements avec une hypothèse qui les englobe les deux et vivre avec cette incertitude est le prix a payer pour une discipline qui est si dynamique notamment avec ce grand mouvement de développement des neurosciences ... !
Et passer d'une collection d'aires et de zones du système nerveux qu'il fallait apprendre par coeur à ces mécanismes d'imitation probables contribue à donner un sens aux apprentissages.

L'imitation comme modèle pédagogique ?

Ainsi le prof de gym qui fait une démonstration d'un mouvement est sans doute bien secondé par ce mécanisme neuronal remarquable pour aider à apprendre, par l'imitation.
Malheureusement ce mécanisme miroir n'aide pas forcément lorsqu'on démontre un théorème, ou lorsqu'on explique la méthode Sanger de séquençage...

Tous les enseignants ont-ils bien conscience de cette différence ?

Sources