samedi 30 avril 2011

Notre ADN est-il naturel ? première partie

Notre génome est-il naturel ?

Ce que le génome humain a d'unique, qui définit notre nature humaine, est éclairé de manière nouvelle par des recherches récentes comparant et analysant les nombreux génomes disponibles. De nouvelles opportunités d'explorer cette question sont accessibles en classe, par un simple accès internet. Voyons comment on peut vérifier soi-même - éprouver dirait G. De Vecchi - que le génome humain s'inscrit dans l'ensemble des génomes avec plus de similitudes que de différences. Puisque l'humanité est définie en partie par nos différences dans le génome, éprouvons combien ces différences sont ténues. Explorons combien notre génome a été envahi d'ADN étranger : "Nous sommes 8% OGM et 1.25% humains" disait de manière provocante Prof. M. Strubin de l'UNIGE. Puisque la pureté de la transmission génétique n'existe pas - donc que la "barrière des espèces" n'est guère étanche - il faut chercher dans la sélection naturelle le mécanisme qui maintient l'homogénéité de l'espèce. Un éclairage peu courant dans le débat sur les OGM.

L'information génétique a de nombreux points communs chez tous les êtres vivants : vérifions !

Pour un biologiste, l'universalité des mécanismes et supports de l'information génétique est une évidence. Ce qui est nouveau, c'est qu'au lieu de l'affirmer, on peut offrir aux élèves la possibilité d'explorer les génomes de nombreuses espèces et leur permettre de se rendre compte par eux-mêmes que l'information génétique a de nombreux points communs chez tous les êtres vivants, par exemple :
En 2011, plus de 2500 protéomes de diverses espèces sont maintenant disponibles et accessibles sur internet. Exemples:
Une réflexion et des pistes pour approfondir ont été traitées dans les Bio-Tremplins :

Notre génome peut-il définir notre ‘humanité' ? Vérifions !

C'est une très belle question : elle n'a pas de réponse simple, elle suscite de belles discussions et peut aider à ancrer dans la réalité des élèves des concepts comme le gène, le génotype, les interactions gènes-environnement, le développement du cerveau, etc.
Il y a tout un éventail de possibilités entre un réductionnisme que même les biologistes ne soutiendraient pas dans sa forme extrême :
  • L'humain est entièrement défini par son génome, on ne sait pas encore tout décrypter, mais tout est écrit dans le génome.
A l'autre bout on a une position inverse - probablement plus populaire chez nos collègues philosophes et littéraires :
  • L'humain est essentiellement différent des animaux. On ne peut réduire l'humain à ses bases biologiques.
La discussion complète de cette question sort du cadre de cette publication, qui adopte cependant la position intermédiaire selon laquelle une part importante de ce qui fait de nous des humains est définie par notre génome, et cette part est suffisamment importante pour discuter de son origine et de sa nature.

Le mythe du "gène de"

Après avoir entendu ou lu que "le propre de l'homme" serait le langage (ou le rire, ou la marche dressée,...), certains élèves pourraient imaginer qu'un seul gène détermine l'humanité. Le plus célèbre représentant de cette pensée est peut-être FOXP2, appelé parfois "gène du langage", notamment parce que certaines familles possèdent une mutation dans le gène FOXP2 qui conduit à des troubles du langage : difficulté à parler, à écrire, à appréhender la grammaire. foxp2 
Fig 2 : Parfois appelé gène du langage : Le gène FOXP2 code une protéine qui est nécessaire au développement neural [img] Source Ledford, Heidi (2008) mlorenzphotography/ Getty. zebra finch

Ce gène est très largement répandu chez les animaux et chez certains pinsons zebra finch Taeniopygia guttata [img wikimedia] (taxonomie @ADW | @Uniprot | génome complet @ mapview), on a pu observer (Teramitsu, I., et al (2010) que l'expression de FOXP2 durant l'apprentissage du chant a des parallèles étonnants avec l'apprentissage du langage chez l'humain. (Webb, D. M., & Zhang, J. (2005). Obtenir ces articles : Get-a-doi Il semble bien que la présence d'un FOXP2 opérationnel soit nécessaire au langage, mais de là à réduire tout le langage à son fonctionnement il y a un pas !
Alignement-foxp2-fragment.jpg  Fig 2 : L'alignement montre bien le degré de similitude très grand de FOXP2 entre de nombreuses espèces [img   Un autre exemple, parfois appelé mutation « quadrupède », rend certaines personnes incapables de marcher debout, elles se déplacent à 4 pattes : le gène VLDLR code une protéine qui est nécessaire au développement neural. Ozcelik, T. et al.(2008): quadrupede, ? Fig 3 : Parfois appelé mutation « quadrupède » : le gène VLDLR code une protéine qui est nécessaire au développement neural [img] Source Ozcelik, T. et al.(2008).

"Impliqué dans" ne veut pas dire que c'est la fonction !

Les limites de cette vision du "gène de" ont été discutées dans une Bio-tremplins précédente : 1 ADN-> 1ARNm -> 1 protéine : faux ou... vrai à 6%... Le fait qu'un gène soit indispensable à certaines fonctions perçues comme caractéristiques de l'humain - souvent de manière très discutable d'ailleurs (ref ici) - ne prouve pas que ce gène produise la fonction. FOXP2 ne crée pas la parole, et son apparition n'est pas ce qui a distingué l'humain des autres primates dans notre passé évolutif.

Le débat Culture - Nature réapparait..

Un autre débat sur la nature de l'homme oppose deux positions extrêmes :
  • L'humain est programmé par son ADN, la culture ne fait que réaliser les possibilités sociales et intellectuelles latentes.
Ou
  • L'humain se construit par son interaction avec la société, il est d'abord culturel.
La lecture régulière des revues Nature et Science me donne à penser que la biologie glisse depuis une position plus déterministe qui avait suivi la découverte du code génétique et les réalisations du génie génétique, vers une position plus nuancée. La connaissance du génome humain n'a pas permis de comprendre aussi bien qu'on l'avait espéré la nature humaine (cf Bio-Tremplins : Le projet génome humain a 10 ans. ). Le terme d'épigénétique (Review Nature Obtenir cet articles : Get-a-doi) très à la mode manifeste l'importance des recherches sur les interactions génome - environnement. (Voir aussi p. ex. Ameisen, Jean-Claude. (2006). Entre gènes et environnement Pour la Science Extraits intranet.pdf) L'anémie falciforme ou l'intolérance au lactose dont Darwin semble avoir souffert sont des exemples très classiques. Dans un pays où l'on ne boit pas de lait Darwin n'aurait pas souffert ! (L'intolérance au lactose à l'âge adulte est due à une diminution de la production de lactase suite à une mutation dans une région non-codante du gène voisin de la lactase, le gène MCM6. (cf. Bio-tremplins du 7 mai 2008 L'évolution , les gènes le lait et les migrations)

Plus rares sont ceux qui cherchent encore le gène qui causerait une maladie particulière. Actuellement, on imagine plutôt un gène qui rend plus vulnérable à certaines conditions de l'environnement, ou même un ensemble de gènes qui rend plus résistant ou plus susceptible à ...

L'humanité est “100 % ADN et 100 % culturelle”

Cette paraphrase du mot d'Albert Jacquard manifeste bien combien il est stérile de voir le débat culture-nature comme une opposition où l'un exclut l'autre.
Ainsi, notre génome détermine effectivement une part importante de notre humanité et c'est le degré d'exclusivité et l'origine de cet ADN que nous allons discuter ici.

A suivre ...

La suite de cet article ->  Notre ADN est-il naturel ? (suite) 

    Les scénarios présentés dans cette page sont développés ici : http://doiop.com/bist

    Accès aux articles scientifiques offert par la faculté des sciences aux enseignants:

    La plateforme Expériment@l vous offre la possibilité d'obtenir ces articles : Get-a-doi

    Expériment@l, des données authentiques, 3 éclairages!

    Sources

    • Ameisen, Jean-Claude. (2006). Entre gènes et environnements Pour La Science N°350 Décembre intranet.pdf
    • Cole-Turner, R. (2011). What Defines Us? Science, 331(6017), 548. doi:10.1126/science.1203070
    • Dunning Hotoppa, Julie C. (2011) Horizontal gene transfer between bacteria and animals Trends in Genetics Volume 27, Issue 4, April 2011, Pages 157-163 doi:10.1016/j.tig.2011.01.005
    • Ledford, Heidi (2008). Mutations may make humans walk on all fours| Nature News 2 June 2008 | doi:10.1038/news.2008.868
    • Le Guyader, H. (2008). La biodiversité: un concept flou ou une réalité scientifique? Le Courrier de líenvironnement de líINRA, 7-26. texte complet.pdf
    • Marks, J. (2003). 98% Chimpanzee and 35% Daffodil, The Human Genome in Evolutionary and Cultural Context. In A. H. Goodman, D. Heath & M. S. Lindee (Eds.), Anthropology and Science beyond the Two-Culture Divide (pp. 132-151). Berkeley: University of California Press.
    • Ozcelik, T. et al. (2008) Proc. Natl Acad. Sci. USA 105, 4232–4236 (2008). Mutations may make humans walk on all fours Simon E Fisher & Gary F. Marcus. (2009). The eloquent ape: genes, brains and the evolution of language. Nature Reviews Genetics 7, 9-20 (January 2006). doi:10.1038/nrg1747
    • Ponting, C. P. (2001). Plagiarized bacterial genes in the human book of life. Trends in Genetics: TIG, 17(5), 235-237.
    • Teramitsu, I., Poopatanapong, A., Torrisi, S., & White, S. A. (2010). Striatal FoxP2 Is Actively Regulated during Songbird Sensorimotor Learning. PLoS ONE, 5(1), e8548. doi:10.1371/journal.pone.0008548
    • Webb, D. M., & Zhang, J. (2005). FoxP2 in Song-Learning Birds and Vocal-Learning Mammals. Journal of Heredity, 96(3), 212 -216. doi:10.1093/jhered/esi025
    Cette Bio-Tremplins est basée sur une présentation aux 31èmes JIES Journées de Chamonix 2011 réalisée avec Marie-Claude Blatter, de l'Institut Suisse de Bioinformatique.

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